Textes du magistère - A Turibius, éveque d'Astorga en Galice
La lettre que vous m'avez envoyée si tard, à mon grand étonnement, et les actes de votre dernier concile m'ont fait enfin connaître la cause du scandale qui a troublé votre Église, ainsi que la nouvelle hérésie qui s'est élevée contre la foi. Ces choses que je ne pouvais comprendre avant me sont à cette heure parfaitement connues. J'y vois qu'Eutychès, que son nom de prêtre rendait recommandable, est privé de l'intelligence de la religion et qu'il a montré une assez grande ignorance pour qu'on puisse lui appliquer ces paroles du prophète: " Il n'a pas voulu avoir l'intelligence pour faire le bien; il a ruminé l'iniquité sur sa couche " (Ps 35,4). N'est-ce pas le comble de l'injustice, que de se complaire dans l'impiété au mépris des conseils des sages et des docteurs? Ils se rendent coupables de ce péché ceux qui, ne pouvant franchir les obstacles qui les empêchent de parvenir à la connaissance de la vérité, ne s'empressent pas de recourir aux écrits des prophètes, aux épîtres des apôtres et aux autorités de l'évangile, mais ne consultent qu'eux-mêmes. Ils enseignent l'erreur, parce qu'ils ne se sont pas faits disciples de la vérité. En effet, quelle étude peut-il avoir faite des pages sacrées de l'ancien et du nouveau Testament, celui qui ne comprend pas même les premières lignes du Symbole? Ce vieillard ne sait point encore par coeur ces vérités que les chants des hommes régénérés font retentir par tout l'univers.
Eutychès ignorant donc ce qu'il devait savoir du Verbe de Dieu et refusant de s'éclairer par l'étude des saintes Écritures, aurait du moins pu rester dans la communion de l'Église et répéter avec les fidèles, s'il les avait écoutés attentivement, ces paroles qu'ils prononcent chaque jour: " Je crois en Dieu tout-puissant et en Jésus Christ son Fils unique, notre Seigneur qui est né du saint Esprit et de la vierge Marie ". Ces trois propositions détruisent toutes les erreurs des hérétiques. En croyant en Dieu tout-puissant et au Père éternel, on croit aussi au Fils coéternel, en tout semblable au Père, car Dieu, Il est né tout-puissant et coéternel de Dieu tout-puissant et éternel: égal à Dieu en éternité, en puissance, en gloire, et composé de la même essence, Il est né du saint Esprit et de la vierge Marie, Fils unique éternel de ce Père éternel. Cette existence temporelle ne porta aucun préjudice à son Existence divine et éternelle, et Il la consacra tout entière à réhabiliter l'homme qui était déchu, à vaincre la mort et à terrasser le démon qui avait l'empire de la mort. Nous ne pourrions, nous, dompter l'auteur de la mort et du péché, si le Fils de Dieu n'avait revêtu notre nature et ne Se l'était appropriée, de sorte que le péché ne pût la souiller et que la mort ne pût la retenir. En effet, Il a été conçu par le saint Esprit dans le sein de la vierge Marie, qui, vierge, Le mit au monde, comme, vierge, elle L'avait conçu. Si Eutychès, qui ne pouvait puiser la foi à cette source pure de la religion chrétienne, parce que dans son propre aveuglement il s'était dérobé aux splendeurs éclatantes de la vérité, avait eu recours à la doctrine de l'évangile et avait dit avec Matthieu: " Généalogie de Jésus Christ, fils de David, fils d'Abraham " (Mt 1,1); s'il avait cherché la lumière dans les prédications de l'Apôtre et lu cette phrase de l'Épître aux Romains: " Paul, serviteur de Jésus Christ, appelé à être apôtre, mis à part pour annoncer l'évangile de Dieu, qui avait été promis auparavant de la part de Dieu par ses prophètes dans les saintes Écritures, et qui concerne son Fils né de la postérité de David, selon la chair " (Rm 1,1&endash;3); s'il avait parcouru avec soin les pages prophétiques de l'Écriture et trouvé cette promesse de Dieu à Abraham: " Toutes les nations de la terre seront bénies en ta postérité " (Gn 22,18); si, pour ne conserver aucun doute sur ce Nouveau-né, il avait cherché ces paroles de l'Apôtre: " Or les promesses ont été faites à Abraham et à sa postérité " (Ga 3,16); " Il n'est pas dit: et aux postérités, comme s'il s'agissait de plusieurs, mais en tant qu'il s'agit d'une seule: et à ta postérité, c'est-à-dire, à Christ " (Ibid.); si enfin il avait étudié dans son coeur cette prophétie d'Isaïe: " Voici, la jeune fille deviendra enceinte, elle enfantera un fils, et elle lui donnera le nom d'Emmanuel " (Is 7,14), c'est-à-dire Dieu avec nous, et qu'il se fût appliqué à lire ces paroles du même prophète: " Car un enfant nous est né, un fils nous est donné, et la domination reposera sur son Épaule; on L'appellera Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix " (Is 9,6): alors, s'il avait lu et étudié toutes ces choses, il n'enseignerait point cette erreur que le Verbe S'est fait chair de cette sorte, qu'Il a pris l'apparence d'un homme dans le sein de la Vierge, mais que son Corps n'est point un vrai corps de la même nature que celui de sa mère. Peut-être aussi a-t-il cru que notre Seigneur Jésus Christ n'avait point un corps semblable aux nôtres, parce que l'ange dit à la bienheureuse Marie toujours vierge: " Le Saint-Esprit viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. C'est pourquoi le saint Enfant qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu " (Lc 1,35), et que, formée dans le sein de la Vierge par l'oeuvre de la Divinité, la Chair de Celui qui fut conçu ne fut pas de la même nature que celle de sa mère. Ce n'est point ainsi qu'il faut comprendre cette admirable conception: on ne doit pas croire que la singularité de sa création priva ce Corps des conditions de la nature humaine. Le saint Esprit féconda la Vierge, mais la matière du Corps fut formée par le corps de celle-ci; " La sagesse a bâti sa maison " (Pr 9,1); " Et le Verbe S'est fait chair, et Il a habité parmi nous " (Jn 1,14), dans cette chair qu'Il tira de l'homme et que le saint Esprit anima.
Les propriétés des deux natures restant ainsi intactes et se réunissant en une seule personne, la majesté, la perfection et l'éternité de la Nature divine s'unirent à la faiblesse, à l'imperfection et à la mortalité de la nature humaine. Pour acquitter la dette de notre condition, pour racheter l'homme, la nature inviolable se lia à la nature qui souffre, afin que le Médiateur de Dieu et des hommes, Jésus Christ Homme, pût mourir, tandis qu'Il restait éternel comme Dieu. Homme parfait, Il est donc né Dieu véritable, parfait dans sa Nature, parfait dans la nôtre, c'est-à-dire qu'll la revêtit pour régénérer notre nature telle qu'elle était quand Dieu la créa dans le principe; et comme Il ne S'était point soumis aux infirmités humaines, Il vécut parmi nous sans participer à nos fautes. Il prit la forme de l'esclave, sans la souillure du péché; Il glorifia sa Nature humaine sans porter atteinte à sa Nature divine, car cette volonté qu'Il eut de Se rendre visible, Lui qui était invisible, et de Se faire mortel, Lui le Créateur et le souverain Maître de toutes choses, fut l'effet de sa Miséricorde et non point un abaissement de sa Toute-Puissance; ainsi Lui, qui dans sa Nature de Dieu créa l'homme, Se fit homme Lui-même dans sa Nature d'esclave. Comme le démon se glorifiait d'avoir trompé l'homme par sa ruse, de l'avoir privé des Bienfaits de la Divinité, dépouillé de son immortalité et soumis à la mort; comme il se glorifiait, dis-je, d'avoir trouvé dans son malheur une consolation soeur de son péché et d'avoir ainsi changé à l'aide de la propre sentence de Dieu, par la raison de sa Justice, la condition de l'homme qu'Il avait rendue si glorieuse, le Seigneur, Dieu immuable, dont la bienveillance ne saurait être enchaînée, sut, dans sa Sagesse impénétrable, mettre le comble à ses Bontés pour nous par ce mystère sacré, et empêcher que l'homme, tombé dans le péché par la ruse du démon, ne pérît à l'encontre des décrets de la Divinité.
Ainsi, le Fils de Dieu entre dans ce monde corrompu; Il descend du ciel avec toute la Gloire de son Père, et Il naît par un nouvel ordre de choses, par une nouvelle manière de naître. Par un nouvel ordre de choses; car invisible dans sa Divinité, Il devient visible dans notre nature; infini, Il veut être fini; plus ancien que les temps, Il Se soumet au temps; Maître de l'univers, Il couvre d'un voile l'immensité de sa Toute-Puissance et prend la forme d'un esclave; Dieu impassible, Il daigne devenir un homme sujet à la souffrance; Dieu immortel, Il Se soumet aux lois de la mort. Il vient au monde par une nouvelle manière de naître, car c'est une vierge pure, non souillée par la concupiscence, qui donne le jour à son Corps. Il prend ce Corps impeccable dans le sein de la Vierge, et ce Corps, né d'une vierge, n'en est pas moins de la même nature que le nôtre. Vrai Dieu, c'est un homme véritable; il n'existe aucun mensonge dans cette alliance, l'humilité de l'homme et la Puissance de Dieu sont réunies. Sa Divinité n'est point altérée par son Oeuvre de miséricorde, et elle laisse son humanité intacte. Chaque nature agit avec la participation de l'autre; mais le Verbe opère comme le Verbe, et la chair comme la chair. L'une brille par des miracles, l'autre succombe sous les injures. Le Verbe partage toujours la Gloire de Dieu son Père, et la chair les faiblesses de notre nature. Jésus, comme on doit le répéter, est seul à la fois le vrai Fils de Dieu et le vrai Fils de l'homme. Dieu, car " au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu " (Jn 1,1); homme, car " le Verbe S'est fait chair, et Il a habité parmi nous " (Jn 1,14). Dieu, car " toutes choses ont été faites par Lui, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans Lui " (Jn 1,3); homme, car Il est né d'une femme et soumis à la loi. La naissance de sa Chair prouve sa Nature humaine, et sa conception dans le sein d'une vierge, sa Nature divine. Son humble berceau montre qu'Il n'était qu'un petit enfant, et les chants des anges révèlent sa Grandeur toute puissante. Il est, comme les hommes, enveloppé dans des langes, Lui dont l'impie Hérode conspire la mort; mais Il est le souverain Maître de tous les mortels, Lui devant qui les mages viennent se prosterner avec joie. Quand Il vint recevoir le baptême de Jean, son précurseur, on put s'assurer de la réalité de sa Nature divine, par ces mots que Dieu le Père fit retentir du haut des cieux: " Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui J'ai mis toute mon affection " (Mt 3,17). Homme, Il est tenté par le démon; Dieu, Il est servi par les anges. Enfin, Il donne une preuve évidente de son Humanité en étant soumis à la faim, à la soif, à la fatigue et au sommeil, et une non moins frappante de sa Divinité, lorsqu'Il rassasie cinq mille hommes avec cinq pains, qu'Il donne l'eau vive à la Samaritaine et la désaltère de telle sorte qu'elle n'ait jamais soif, qu'Il marche sur la mer sans Se mouiller les pieds et qu'Il apaise les fureurs de la tempête. Pour m'arrêter à ces derniers exemples, ce n'est pas la même nature qui pleure sur la mort de son ami Lazare, le fait sortir du sépulcre et le ressuscite quatre jours après; qui Se laisse attacher à la croix et change le jour en ténèbres et bouleverse les éléments; qui, fixée par des clous, ouvre les portes du ciel au bon larron. Ce n'est pas la même nature qui dit: " Moi et mon Père ne sommes qu'un "; et ensuite: " Mon Père est plus grand que Moi ". Quoiqu'il n'y ait qu'une seule et même Personne en notre Seigneur Jésus Christ, cependant on ne doit point en conclure que ses Souffrances et sa Gloire soient communes à ses deux Natures; car Il est inférieur à son Père comme homme, et comme Dieu Il est son égal.
Aussi, on comprend que les deux natures soient réunies en une seule personne, et on lit que le Fils de l'homme est descendu du ciel, lorsque le Fils de Dieu eut pris dans le sein de la Vierge cette chair dans laquelle Il naquit. On dit aussi que le Fils de Dieu a été crucifié et enseveli et ce n'est point dans sa Nature de Fils unique de Dieu, consubstantiel et coéternel à son Père qu'Il a été soumis à ces souffrances, mais bien dans sa Nature d'homme. C'est pourquoi nous confessons tous dans le Symbole le Fils unique de Dieu, qui a été crucifié et enseveli suivant ces paroles de l'Apôtre, " car, s'ils l'eussent connue, ils n'auraient jamais crucifié le Seigneur de gloire " (1 Co 2,8). Lorsque le Seigneur notre Sauveur interrogeait ses disciples sur ce qu'ils pensaient de Lui, Il leur dit: " Qui croyez-vous que soit Celui qu'ils appellent le Fils de l'homme? ", les disciples Lui rapportèrent les opinions des étrangers et Il leur dit: " Et vous, qui dites-vous que Je suis? ", Moi qui suis en vérité Fils de l'homme et que vous voyez sous la forme d'un esclave, d'un homme véritable, dites-Moi qui Je suis? Alors le bienheureux Pierre, inspiré par le Très-Haut, rendit ce témoignage qui devait servir à toutes les nations: " Tu es, répondit-il, le Christ, le Fils du Dieu vivant ". (Mt 16,16) C'est avec raison que le titre de bienheureux lui est donné par le Seigneur et qu'il tire la solidité de sa vertu et de son nom de la pierre même; car éclairé par la révélation du Père tout-puissant, il avait confessé que le Fils de Dieu était le Christ, parce qu'il n'aurait rien servi à notre salut de recevoir parmi nous l'un sans l'autre, et il était aussi malheureux pour nous de croire que notre Seigneur Jésus Christ était seulement Dieu sans être homme, qu'homme seulement sans être Dieu. Après sa Résurrection, qui fut celle de sa véritable Nature humaine dans laquelle Il avait été crucifié et enseveli, pourquoi notre Seigneur resta-t-Il quarante jours sur la terre, si ce n'est pour débarrasser notre foi des ténèbres de l'incertitude? En effet, Il S'entretenait avec ses disciples, Il habitait et mangeait avec eux, Il permettait à leur avide curiosité de Le palper de leurs propres mains, eux qui étaient tourmentés par le doute; Il Se présentait tout à coup au milieu d'eux, les portes étant fermées; par son Souffle, Il leur donnait l'Esprit, et en leur faisant don du feu de l'intelligence, Il leur découvrait le sens mystérieux des saintes Écritures. Il leur montrait aussi la blessure de son Côté, les marques des clous et toutes les traces de sa Passion récente, et leur disait: " Voyez mes Mains et mes Pieds, c'est bien Moi; touchez-Moi et voyez: un esprit n'a ni chair ni os, comme vous voyez que J'ai. " (Lc 24,39) Il nous faisait connaître ainsi que les propriétés des deux natures restent indivisibles en Lui, que le Verbe n'est pas la chair, et que nous devons confesser l'union du Verbe et de la chair dans le Fils unique de Dieu. On doit croire qu'Il est trop éloigné de nos croyances, cet Eutychès, qui n'a pas reconnu notre nature dans le Fils unique de Dieu ni à l'humilité de la mort, ni à la Gloire de la résurrection. Il n'a pas non plus redouté cette sentence du bienheureux apôtre et évangéliste Jean: " Tout esprit qui confesse Jésus Christ venu en chair est de Dieu; et tout esprit qui ne confesse pas Jésus n'est pas de Dieu, c'est celui de l'Antichrist. (1 Jn 4,2&endash;3) N'est-ce pas diviser Jésus que de nier sa Nature humaine et d'anéantir par d'odieux mensonges ce mystère de la foi qui nous a sauvés? Puisqu'il est dans l'erreur sur la nature du Corps de Jésus Christ, il doit être nécessairement aussi dans l'erreur sur sa Passion; car s'il ne pense point que la croix de notre Seigneur soit un mensonge et qu'il ne doute point de la vérité du supplice qu'Il a souffert pour le salut du monde, il doit reconnaître la vérité de la Chair de Celui dont il croit la mort. Il ne peut non plus douter qu'Il ne soit un homme semblable à nous, s'il admet qu'Il a souffert; car en niant la vérité de la chair, il nie la passion du Corps de Jésus. Si la foi chrétienne est dans son coeur, s'il ne ferme point l'oreille aux enseignements de l'évangile, qu'il voie quelle nature fut attachée avec des clous au bois de la croix, et qu'il comprenne d'où coulèrent, après que le soldat eut percé le Côté du Sauveur d'un coup de lance, l'eau et le sang qui ont arrosé l'Église du Christ par le baptême et l'Eucharistie. Qu'il écoute le bienheureux apôtre Pierre enseignant que l'esprit est sanctifié par l'aspersion du Sang de Jésus Christ; qu'il lise avec attention ces paroles du même apôtre: " Šsachant que ce n'est pas par des choses périssables, par de l'argent ou de l'or, que vous avez été rachetés de la vaine manière de vivre que vous aviez héritée de vos pères, mais par le Sang précieux de Christ, comme d'un agneau sans défaut et sans tache ". (1 Pi 1,18&endash;19) Qu'il ne résiste point non plus au témoignage du bienheureux apôtre Jean qui dit: " Le Sang de Jésus son Fils nous purifie de tout péché " (1 Jn 1,7); et plus loin: " Šet la victoire qui triomphe du monde, c'est notre foi. Qui est celui qui a triomphé du monde, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu? C'est Lui, Jésus Christ, qui est venu avec de l'eau et du sang; non avec l'eau seulement, mais avec l'eau et avec le sang; et c'est l'Esprit qui rend témoignage, parce que l'Esprit est la vérité. Car il y en a trois qui rendent témoignage: l'Esprit, l'eau et le sang, et les trois sont d'accord ". (1 Jn 5,4&endash;8) L'esprit de sainteté, le sang de la rédemption et l'eau du baptême, qui tous trois sont d'accord pour attester la même chose, et ils restent toujours unis, ils ne diffèrent point d'une syllabe de ce qu'ils prouvent; car l'Église catholique vit et prospère dans cette croyance que dans notre Seigneur Jésus Christ l'humanité est unie à la vraie Divinité et la Divinité à la véritable humanité.
Aussi, quand Eutychès vous répondit dans son interrogatoire: " Je confesse qu'il y avait deux natures en notre Seigneur Jésus Christ avant son Incarnation, mais qu'il n'en restait qu'une seule après "; je m'étonne qu'une profession de foi aussi perverse et aussi absurde n'ait point fait crier anathème à tous les juges; qu'une telle folie, qu'un tel blasphème ait passé sous silence, comme si nos plus chères croyances n'étaient point attaquées. C'est une impiété aussi grande de dire qu'il y avait avant l'incarnation deux natures distinctes dans le Verbe, Fils unique de Dieu, que d'affirmer qu'Il n'en avait qu'une seule après qu'Il Se fut fait chair. De crainte qu'Eutychès ne croie que sa proposition est vraie et qu'elle ne peut être condamnée, parce que vous ne vous êtes point efforcés de la réfuter, je vous engage, très cher frère, à employer votre pieuse sollicitude, si cette affaire se termine comme elle le doit par la pénitence du coupable, à éclairer cet homme ignorant sur l'impiété des paroles qu'il a prononcées. Comme la suite des actes me l'a fait connaître, il avait presque commencé à revenir de son erreur, lorsque, menacé par votre sentence, il protesta qu'il dirait ce qu'il ne disait point auparavant et qu'il adoptait une doctrine qui n'était pas la sienne. Mais comme il refusa de prononcer l'anathème contre son dogme impie, vous avez compris avec raison qu'il persistait dans son crime et qu'il était convenable de formuler la sentence de sa condamnation. S'il élève contre ce jugement les plaintes d'un coeur fidèle et contrit; s'il reconnaît, quoique tard, que l'autorité de son évêque l'a frappé avec justice, et si, pour accomplir entièrement l'acte de sa réconciliation avec l'Église du Christ, il condamne toutes ses erreurs de vive voix et par écrit, alors vous ne serez point répréhensible d'user de miséricorde à l'égard de ce pécheur converti, car notre Seigneur est le véritable et bon Pasteur, qui est mort pour ses brebis et qui, étant venu pour sauver et non pour perdre les âmes des hommes, veut que nous imitions sa douce Piété, et que si notre justice sait punir les pécheurs, du moins nous leur accordions leur pardon s'ils prouvent leur repentir. Mais enfin, pour défendre la vraie foi d'une manière efficace, il faut toujours condamner les hérésies dans la personne de ceux qui les professent. Pour suivre cette cause avec piété et fidélité, je vous envoie nos frères Julien, évêque, et René, prêtre du titre de saint Clément, et mon fils, le diacre Hilaire. Je leur ai adjoint notre notaire Dulcitius, dont la foi m'a été souvent prouvée. Nous espérons qu'avec l'aide de la Grâce de Dieu, celui qui est tombé dans l'erreur sera sauvé après avoir condamné son erreur.
Que Dieu vous garde, très cher frère.
Fait aux ides de juin, sous le consulat des très illustres Astère et Protogène, en l'an 456.
Les 28 canons et deux autres sous forme d'interrogation, des 630 saints pères, réunis à Chalcédoine sous le consulat de Marcien, empereur éternel, et de celui qui sera désigné consul, le 8ème jour des calendes de novembre.
1. Qu'il faut garder inaltérables les canons des conciles.
Les canons décrétés jusqu'ici dans chaque concile par les saints pères nous voulons qu'ils gardent force de loi.
2. Qu'il ne faut pas faire des ordinations contre de l'argent.
Si un évêque fait une ordination à prix d'argent et met à l'encan la grâce sans prix, et ordonne pour de l'argent un évêque ou un chorévêque ou un prêtre ou un diacre ou quelqu'un de ceux inscrits au catalogue des clercs, ou nomme a prix d'argent un économe ou un avoué ou un tuteur d'église ou en général quelqu'un de la curie, poussé par un bas sentiment de lucre, celui qui entreprend une telle chose, s'expose, si le fait est prouve, à perdre son propre grade; celui qui a été ordonné de cette manière ne tirera aucun profit de l'ordination ou de la promotion, mais perdra la dignité ou la place acquise ainsi a prix d'argent. Si de plus quelqu'un s'est entremis pour ce commerce honteux et prohibé, il devra, s'il est clerc, déchoir de son grade, et s'il est laïc, être frappé d'anathème.
3. Qu'un clerc ou un moine ne doivent pas s'occuper d'affaires étrangères à leur vocation.
Il est venu à la connaissance du saint concile que quelques membres du clergé, par un honteux esprit de lucre, louent des biens étrangers et deviennent entrepreneurs d'affaires temporelles, et que, négligeant le service de Dieu, ils fréquentent les maisons des gens du monde et se chargent par avarice de la gestion de leurs propriétés. Aussi le saint et grand concile a-t-il décidé que désormais aucun évêque ou clerc ou moine ne doit affirmer des propriétés ou se faire administrateur de biens séculiers, sauf si l'on était appelé par la loi sans pouvoir s'y soustraire à se charger de la tutelle de mineurs, ou bien si l'évêque de la ville chargeait pour l'amour du seigneur quelqu'un du soin des affaires des orphelins ou des veuves sans défense ou des personnes qui ont plus particulièrement besoin du secours de l'église. Si à l'avenir quelqu'un enfreint cette ordonnance, il doit être frappé des peines ecclésiastiques.
4. Que les moines ne doivent rien entreprendre contre l'avis de leur évêque ni fonder un monastère, ni se charger d'affaires temporelles.
Ceux qui mènent la vraie et authentique vie monacale doivent être honorés comme il convient. Mais comme certains pour lesquels la vie monastique n'est qu'un prétexte, mettent le trouble dans les affaires de l'église et de l'état, en circulant sans se préoccuper de rien dans les villes et cherchant même d'ériger des monastères pour leurs personnes; il a été décidé, que nul ne pourrait en quelque endroit que ce fût, bâtir ou ériger un monastère ou un oratoire sans l'assentiment de l'évêque de la ville. En outre, que les moines de la ville et de la campagne soient soumis à l'évêque, qu'ils aiment la paix, ne s'appliquent qu'au jeûne et à la prière et gardent la stabilité dans les lieux où ils ont fait profession, qu'ils ne se mêlent pas importunément des affaires de l'église et du monde, ni ne s'en occupent en quittant leurs monastères, à moins qu'ils n'aient obtenu l'autorisation de l'évêque de la ville pour une affaire urgente. Qu'en outre nul esclave ne soit reçu dans un couvent pour y devenir moine sans la permission de son maître. Quiconque transgressera notre présente ordonnance nous décidons qu'il soit excommunié, afin que le Nom du Seigneur ne soit pas blasphémé. L'évêque de la ville doit cependant veiller, comme il convient, à l'entretien des monastères.
5. Qu'un clerc ne doit pas passer d'un diocèse à un autre.
Au sujet des évêques ou des clercs qui passent d'une ville à l'autre, on doit leur appliquer les canons qui ont été décrétés à leur égard par les saints pères.
6. Qu'aucun clerc ne doit être ordonné sans titre.
Nul ne doit être ordonné sans un titre, ni prêtre ni diacre ni aucun clerc en général, s'il ne lui est assigné spécialement une Église de ville ou de bourg ou un martyrium ou un couvent. Au sujet de ceux qui ont été ordonnés sans un titre le saint concile a décidé que leur ordination sera sans effet et que pour la honte de celui qui l'a conférée, ils ne pourront exercer nulle part leurs fonctions.
7. Que des clercs ou des moines ne doivent pas prendre du service civil.
Ceux qui sont entrés dans la cléricature ou qui se sont faits moines, ne doivent plus prendre du service dans l'armée ou accepter une charge civile; sinon ceux qui ont osé le faire et ne s'en repentent pas de manière à revenir à ce qu'ils avaient auparavant choisi pour l'amour de Dieu doivent être anathématisés.
8. Que les hospices, les sanctuaires de martyrs et les monastères doivent être sous l'autorité de l'évêque.
Les clercs desservant les hospices des pauvres, les couvents et les chapelles des martyrs, doivent rester sous la juridiction des évêques de chaque ville et ne pas perdre toute mesure en se rebellant contre leur évêque. Ceux qui oseront contrevenir à cette ordonnance d'une manière quelconque et ne se soumettront pas à leur évêque, s'ils sont clercs, ils seront soumis aux peines canoniques, et s'ils sont moines ou laïcs, ils seront privés de communion.
9. Que les clercs ne doivent pas recourir à un tribunal civil, mais avoir leur évêque pour juge.
Si un clerc a quelque chose contre un autre clerc, il ne doit pas laisser son évêque pour recourir à des tribunaux civils; qu'il soumette d'abord l'affaire au tribunal de son évêque, ou, de l'avis de l'évêque, à ceux que les deux parties agréeront; si quelqu'un agit contre cette prescription, qu'il soit frappé des peines canoniques. Si un clerc a quelque chose contre son évêque ou contre un évêque étranger, il doit porter le différend devant le synode de la province. Enfin, si un évêque ou un clerc a quelque chose contre le métropolitain de la province, il doit porter l'affaire devant le primat du diocèse ou bien devant le siège de la ville impériale de Constantinople, et s'y faire rendre justice.
10. Qu'un clerc ne doit pas appartenir au clergé de deux diocèses.
Il n'est pas permis à un clerc d'être inscrit parmi le clergé de deux villes à la fois, de celle pour laquelle il a été ordonné au début, et de celle où il a cherché refuge, par sentiment de vanité, parce qu'elle était plus considérable: ceux qui ont fait cela doivent être ramenés à l'église, pour laquelle ils ont été dès le début ordonnés et n'exercer que là leurs fonctions. Mais si quelqu'un a déjà été transféré d'une Église dans une autre, il ne doit plus s'occuper en rien des affaires de la première Église: chapelles de martyrs, hospices de pauvres, hôtelleries de pèlerins, qui dépendent de celle-ci. Quiconque après la publication de l'ordonnance de ce grand et oecuménique concile osera faire quelque chose de ce qui y est défendu, devra selon la décision du saint concile perdre son grade.
11. Qu'il faut munir de lettres de paix ceux qui ont besoin d'aide et ne donner de lettres de recommandation qu'à des personnes de qualité.
Tous les pauvres et ceux qui ont besoin de secours doivent après enquête être munis pour voyager de lettres brèves ou lettres ecclésiastiques de paix seulement et non de lettres de recommandation; parce que les lettres de recommandation ne s'accordent qu'à des personnes de bonne réputation.
12. Qu'un évêque ne doit pas faire élever son siège au rang de métropole par lettre impériale et qu'une province ne saurait être divisée en deux.
Nous avons appris que quelques-uns, agissant en opposition avec les principes de l'église, s'adressent aux pouvoirs publics et font diviser en deux par des pragmatiques impériales une province ecclésiastique, si bien qu'à partir de ce moment-là il y a deux métropolitains dans une seule province. Le saint concile décrète qu'à l'avenir nul évêque n'ose agir ainsi; s'il le fait, ce sera à ses risques. Quant aux villes qui ont déjà obtenu par lettres impériales le titre de métropole, elles doivent, de même que l'évêque qui les gouverne, se contenter d'un titre honorifique, et les droits proprement dits doivent rester à la véritable métropole.
13. Que les clercs partis de leur diocèse sans lettres de recommandation de l'évêque ne sauraient célébrer.
Les clercs étrangers et les lecteurs ne doivent aucunement exercer leurs fonctions dans une vie autre que la leur, sans être munis de lettres de recommandation de leur propre évêque.
14. Que les clercs inférieurs ne doivent pas s'allier par mariage à des hérétiques.
Comme dans quelques provinces on a permis aux lecteurs et aux chantres de se marier, le saint concile a décrété qu'aucun d'eux ne doit épouser une femme hérétique; ceux qui ont eu des enfants après avoir contracté de pareilles mariages, s'ils ont déjà fait baptiser leurs enfants chez les hérétiques, doivent les présenter à la communion de l'église catholique; si ces enfants ne sont pas encore baptisés, ils ne doivent pas les faire baptiser chez les hérétiques, ni les donner en mariage à un hérétique, à un juif ou à un païen, à moins que la personne qui doit se marier à la partie orthodoxe ne promette d'embrasser la foi orthodoxe. Si quelqu'un va contre cette ordonnance du saint concile, il sera frappé des peines canoniques.
15. Des diaconesses.
On ne doit pas ordonner des diaconesses avant l'âge de quarante ans, et cela après une probation sévère. Si après avoir reçu l'ordination et exercé son ministère quelque temps, elle vient à se marier, faisant ainsi injure à la Grâce de Dieu, elle doit être anathématisée, ainsi que celui auquel elle s'est unie.
16. Que les vierges consacrées à Dieu ne peuvent contracter mariage.
Une vierge qui s'est consacrée à Dieu le Seigneur, de même qu'un moine, ne doivent plus se marier; s'ils le font, ils doivent être excommuniés. Toutefois nous statuons que l'évêque du lieu aura plein pouvoir pour adoucir cette peine.
17. Que l'administration de trente années assure la possession, et au sujet des villes récemment fondées.
Les paroisses de campagne ou de village appartenant à une Église doivent rester sans changement aux évêques qui les possèdent, surtout s'ils les ont administrées sans conteste depuis trente ans. Si pendant ces trente ans il a éclaté ou s'il éclate un différend, ceux qui se croient lésés peuvent porter l'affaire devant le synode de la province. Si en pareil cas l'évêque pense que son propre métropolitain l'a desservi, qu'il porte l'affaire devant l'exarque du diocèse ou bien devant le siège de Constantinople comme il a été dit plus haut. Si par ordre de l'empereur une ville a été ou sera fondée, le rang hiérarchique des églises devra se conformer à l'ordre civil et public des cités.
18. Qu'un clerc ne peut prendre part à une conjuration ou à une société secrète.
Le crime de société secrète étant déjà défendu par la loi civile, doit être à plus forte raison prohibé dans l'église de Dieu; si donc il est prouvé que des clercs ou des moines se sont conjurés ou bien ont formé une société secrète ou bien ont ourdi des machinations contre des évêques ou contre leurs collègues dans la cléricature, ils doivent déchoir de leur grade.
19. Que dans chaque province des synodes se feront deux fois par an.
Il est venu à nos oreilles que dans les provinces les synodes des évêques prescrits par les canons n'étaient pas tenus et que pour ce motif bien des réformes ecclésiastiques nécessaires étaient négligées. Aussi le saint concile a-t-il décidé que, conformément aux canons des saints pères, les évêques de chaque province se réuniront deux fois par an, là où le métropolitain le trouverait bon, et y résoudront les cas qui se présenteraient. Les évêques qui ne s'y rendront pas, quoique se trouvant dans leurs villes en bonne santé et libres de toute affaire urgente et nécessaire, seront fraternellement réprimandés.
20. Qu'un clerc ne doit pas être transféré d'un diocèse à l'autre.
Les clercs qui sont attachés à une Église, ainsi que nous l'avons déjà ordonné, ne doivent pas se mettre au service de l'église d'une autre ville, mais se s'attacher à celle, pour le service de laquelle ils ont été trouvés dignes dès le début; à l'exception toutefois de ceux qui ayant été privés de leur pays d'origine, furent forcés de passer à une autre Église. Si après ce canon un évêque reçoit dans son clergé un clerc appartenant à un autre évêque, évêque recevant et clerc reçu seront privés de communion, jusqu'à ce que le transfuge revienne à sa propre Église.
21. Que des clercs sans réputation ne sauraient se porter accusateurs contre des évêques.
Clercs et laïcs qui portent des accusations contre des évêques ou des clercs, ne doivent point être admis comme accusateurs simplement et sans enquête, avant que leur bonne réputation n'ait été auparavant prouvée.
22. Que les clercs ne peuvent après la mort de leur évêque s'emparer de ses biens personnels.
Il n'est pas permis aux clercs de s'emparer après la mort de leur évêque des biens qui lui appartenaient, ainsi que cela fut déjà défendu par les anciens canons. Ceux qui feront cela courent risque de perdre leurs propres dignités.
23. Qu'il faut chasser de Constantinople les clercs et les moines étrangers, qui troublent l'ordre.
Il est venu à la connaissance du saint concile que quelques clercs et moines, sans mission de leur évêque, parfois même excommuniés par lui, se rendant à Constantinople y font un long séjour, occasionnant des troubles et semant le désordre dans l'église et bouleversant même les maisons des particuliers. Pour ces motifs, le saint concile a résolu que le syndic de la très sainte Église de Constantinople avertirait d'abord ces gens-là d'avoir à quitter la capitale; et s'ils persistaient dans leur effronterie, le même syndic devra les expulser de la ville et les renvoyer dans leur pays.
24. Que les monastères ne doivent pas devenir des maisons privées.
Les monastères une fois consacrés du consentement de l'évêque, doivent rester à jamais monastères, et les biens qui leur appartiennent doivent leur être conservés; ces couvents ne peuvent plus devenir des habitations laïques. Quiconque permettrait qu'ils le deviennent, devra subir les peines canoniques.
25. Qu'une Église ne doit pas être privée d'évêque au-delà de trois mois.
Ayant appris que plusieurs métropolitains négligent leur troupeau et diffèrent l'élection des évêques, le saint concile a décidé que l'élection des évêques doit être faite dans les trois mois, à moins qu'il n'y eût une nécessité absolue de différer plus longtemps; si le métropolitain n'agit pas ainsi, il sera soumis aux peines ecclésiastiques. Les revenus de l'Église privée de pasteur doivent être conservés intégralement par l'économe de cette Église.
26. Que tout évêque doit administrer les biens de son Église par l'intermédiaire d'un économe.
Ayant appris que dans quelques églises les évêques administraient sans aucun économe les biens d'Église, le concile a statué que toute Église qui a un évêque, doit aussi avoir un économe pris dans le clergé de cette Église, qui administrera les biens de l'Église de l'avis de son évêque. Ainsi l'administration de l'Église ne sera pas sans contrôle, les biens ecclésiastiques ne seront pas dissipés et la dignité du sacerdoce sera à l'abri des accusations. Si l'évêque ne le fait pas, il subira les peines canoniques.
27. Qu'il ne faut pas forcer une femme à se marier.
Les ravisseurs de femmes, même sous prétexte de mariage, et ceux qui coopèrent avec eux ou les aident, le saint concile a décidé que, s'ils sont clercs, ils perdront leur dignité, s'ils sont moines ou laïcs, ils seront anathématisés.
28. Voeu pour la primauté du siège de Constantinople.
Suivant en tout les décrets des saints pères et reconnaissant le canon lu récemment des cent cinquante évêques aimés de Dieu, réunis dans la ville impériale de Constantinople, la nouvelle Rome, sous Théodose le grand, de pieuse mémoire, nous approuvons et prenons la même décision au sujet de la préséance de la très sainte Église de Constantinople, la nouvelle Rome. Les pères en effet ont accordé avec raison au siège de l'ancienne Rome la préséance, parce que cette ville était la ville impériale, mûs par ce même motif les cent cinquante évêques aimés de Dieu ont accordé la même préséance au très saint siège de la nouvelle Rome, pensant que la ville honorée de la présence de l'empereur et du sénat et jouissant des mêmes privilèges civils que Rome, l'ancienne ville impériale, devait aussi avoir le même rang supérieur qu'elle dans les affaires d'église, tout en étant la seconde après elle; en sorte que les métropolitains des diocèses du Pont, de l'Asie (proconsulaire) et de la Thrace, et eux seuls, ainsi que les évêques des parties de ces diocèses occupés par les barbares, seront sacrés par le saint siège de l'église de Constantinople; bien entendu, les métropolitains des diocèses mentionnés sacreront régulièrement avec les évêques de leur provinces les nouveaux évêques de chaque province, selon les prescriptions des canons, tandis que, comme il vient d'être dit, les métropolitains de ces diocèses doivent être sacrés par l'évêque de Constantinople, après élection concordante faite en la manière accoutumée et notifiée au siège de celui-ci.
29. Qu'un évêque forcé à se démettre de son siège ne doit pas être mis au rang des prêtres.
Les magnifiques et très glorieux seigneurs dirent: Au sujet des évêques qui ont été sacrés par le très pieux évêque Photius, puis écartés par le très pieux évêque Eustathe et réduits au rang de simple prêtre, nonobstant la consécration épiscopale, quel est l'avis du saint concile? Paschasinus et Lucentius, les très pieux évêques, et le prêtre Boniface, légats du siège apostolique de Rome, dirent:
Réduire un évêque au rang d'un simple prêtre est un sacrilège. Si une raison légitime l'éloigne de l'exercice des fonctions épiscopales, il ne doit pas non plus occuper le rang d'un prêtre; si au contraire il a été éloigné de sa charge sans s'être rendu coupable, il doit être réintégré dans sa dignité épiscopale.
Anatole, le très pieux archevêque de Constantinople, dit:
Ceux qui de la dignité épiscopale ont été réduits au rang de simple prêtre, s'ils ont été condamnés pour des motifs suffisants, doivent aussi être indignes de l'honneur du sacerdoce; s'ils ont été réduits sans motif suffisant à un degré inférieur, la justice demande que, leur innocence une fois démontrée, ils recouvrent la dignité et l'exercice des fonctions de l'épiscopat.
30. Que les évêques de l'Egypte ne sont pas coupables du fait qu'ils n'ont pas souscrit à la lettre de Léon, le saint évêque de Rome.
Les magnifiques et très glorieux seigneurs et le très ample sénat dirent: Comme les évêques d'Égypte ont différé jusqu'à présent de signer la lettre du très saint archevêque Léon, non par opposition à la foi catholique, mais parce qu'ils disent que dans le diocèse d'Égypte il est d'usage de ne pas faire pareille chose sans l'assentiment et les instructions de l'archevêque, et qu'ils demandent un délai jusqu'à l'élection du futur archevêque de la grande ville d'Alexandrie; il nous a paru raisonnable et humain qu'on leur accorde de rester à Constantinople dans leur dignité d'évêque, jusqu'à l'élection de l'archevêque de la grande ville d'Alexandrie.
Paschasinus, le très pieux évêque et légat du siège apostolique, dit: Si votre autorité le veut, et vous demandez qu'on leur accorde une faveur pleine d'humanité, qu'ils donnent des gages qu'ils ne sortiront point de cette ville, jusqu'au jour où la ville d'Alexandrie aura un évêque. Les magnifiques et très glorieux seigneurs et le très ample sénat dirent: La motion du très saint évêque Paschasinus sera confirmée; donc, les très pieux évêques des égyptiens, gardant leur dignité d'évêque, ou bien donneront des gages, si cela est possible, ou bien promettront par serment, d'attendre ici l'élection du futur archevêque de la grande ville d'Alexandrie.
Textes du magistère - A Turibius, éveque d'Astorga en Galice