1967 Sacerdotalis caelibatus 49

III. Le célibat et les valeurs humaines

Le célibat et l'amour

50 L'Eglise le sait bien et Nous l'avons dit plus haut (cf. n. 10):
le choix du célibat ecclésiastique, qui entraîne une suite de renoncements austères affectant l'homme au plus profond de lui-même, comporte aussi des difficultés et des problèmes sérieux, auxquels on est aujourd'hui particulièrement sensible. On pourrait croire que le célibat ne s'accorde pas avec la reconnaissance des valeurs humaines, telle que l'Eglise l'a solennellement proclamée lors du récent Concile. Mais une considération plus attentive révèle qu'en sacrifiant pour l'amour du Christ l'amour humain tel qu'il se vit dans la famille, le prêtre rend à cet amour humain un hommage insigne. C'est en effet une chose admise par tout le monde que l'homme a toujours choisi pour les offrir à Dieu son Créateur des dons dignes de qui les présente et de qui les reçoit.

Grâce et nature

51 D'autre part l'Eglise ne peut ni ne doit ignorer que c'est la grâce qui préside au choix du célibat - pourvu qu'on le fasse en toute prudence humaine et chrétienne, de manière responsable. Or la grâce ne détruit pas la nature et ne lui fait pas violence, mais elle l'élève et lui donne des capacités et des énergies surnaturelles. Dieu, qui a créé l'homme et l'a racheté, sait ce qu'il peut lui demander et lui donne tout ce qu'il faut pour accomplir ce que lui demande son Créateur et Rédempteur. Saint Augustin, avec sa large et douloureuse expérience de ce qu'est la nature de l'homme s'écriait: " Seigneur, donne-nous ce que Toi-même Tu commandes et commande ce que Tu veux ".(34)

Le poids réel des difficultés

Notes:

(34) Confess. X, 29, 40: PL 32, 796.


52 Une connaissance loyale des difficultés réelles du célibat est extrêmement utile, voire indispensable, au prêtre, pour qu'il ait pleine conscience des conditions que le célibat suppose pour être authentique et bénéfique. Mais avec autant de loyauté on se gardera d'attribuer à ces difFicultés une importance et un poids supérieurs à ceux qu'elles ont en fait dans leur contexte humain

Le célibat n'est pas contre nature

53 D'après les acquisitions désormais assurées de la science, on n'a pas le droit de redire encore (cf. n. 10) que le célibat est contre-nature du fait qu'il s'oppose à des exigences physiques, psychologiques et affectives légitimes, auxquelles il faudrait nécessairement donner satisfaction pour permettre la complète maturité de la personne humaine. L'homme, créé à l'image et à la ressemblance de Dieu (Gn 1,26-27) , n'est pas composé seulement de chair et l'instinct sexuel n'est pas tout en lui. L'homme est aussi et avant tout intelligence, volonté, liberté: ces facultés le rendent supérieur à l'univers et obligent à le regarder comme tel; elles lui donnent de pouvoir maîtriser ses tendances physiques, psychologiques et affectives.

Le motif profond du célibat

54 Le motif véritable et profond du célibat consacré est - Nous l'avons déjà dit - le choix d'une relation personnelle plus intime et plus complète au mystère du Christ et de l'Eglise, pour le bien de l'humanité tout entière: dans ce choix les valeurs humaines les plus hautes, dont Nous venons de parler, peuvent assurément trouver leur plus haute expression.

Le célibat, élévation de l'homme

55 Le choix du célibat ne comporte pas l'ignorance et le mépris de l'instinct sexuel et de l'affectivité; ce qui nuirait à l'équilibre physique et psychologique. Le célibat exige au contraire une compréhension claire, une maîtrise de soi attentive et une sage sublimation des forces psychologiques à un plan supérieur. De cette façon il élève l'homme tout entier et contribue effectivement à sa perfection.

Le célibat et la maturation de la personnalité

56 Sans doute, le désir, naturel et légitime chez l'homme, d'aimer une femme et de fonder un foyer est-il dépassé par le célibat, mais il n'est pas dit que le mariage et la famille soient l'unique chemin menant à la maturation intégrale de la personne humaine. Au coeur du prêtre l'amour n'est pas éteint. Puisée à la source la plus pure (cf. 1Jn 4,8-16) , exercée à l'imitation de Dieu et du Christ, la charité n'est pas moins exigeante et concrète que tout amour authentique (cf. Jn 3,16-18) . Elle élargit à l'infini les horizons du prêtre, elle approfondit et dilate son sens des responsabilités - indice de maturité de la personne - et elle forme en lui, comme expression d'une paternité plus haute et plus large, une plénitude et une délicatesse de sentiments (35) qui sont pour lui une richesse surabondante.

Le célibat consacré et le mariage

Notes:

(35) Cf. Tess Tess 2, 11; 1Co 4,15 2Co 6,13


57 Tous les membres du Peuple de Dieu doivent rendre témoignage au mystère du Christ et de son Règne, mais ce témoignage ne prend pas en tous une seule et même forme. Laissant à ses fils laïcs et mariés la charge du témoignage nécessaire d'une vie conjugale et familiale authentiquement et pleinement chrétienne, l'Eglise confie à ses prêtres le témoignage d'une vie totalement donnée aux réalités du Règne de Dieu dans ce qu'elles ont de plus nouveau et de plus séduisant.
Si le prêtre n'a pas l'expérience personnelle et directe de la vie de mariage, il ne manquera certainement pas d'une connaissance peut-être plus profonde encore du coeur humain, en raison de sa formation, de son ministère et de la grâce de son état. Cette pénétration lui fera atteindre à leur source les problèmes de cet ordre et le qualifiera sérieusement comme conseiller et soutien des époux et des familles chrétiennes (cf.
1Co 2,15) . La présence, près des foyers chrétiens, du prêtre qui vit pleinement son célibat soulignera la dimension spirituelle de tout amour digne de ce nom, et son sacrifice personnel méritera aux fidèles vivant dans les liens sacrés du mariage la grâce d'une union véritable.

La solitude du prêtre qui garde le célibat

58 Il est indéniable que le prêtre, par son célibat, est un homme seul, mais sa solitude n'est pas un vide, car elle est remplie de Dieu et de la richesse surabondante de son Règne. En outre, il s'est préparé à cette solitude, qui doit être une plénitude intérieure et extérieure de charité; il l'a choisie en connaissance de cause, non par désir orgueilleux de se singulariser, non pour se soustraire aux responsabilités communes, non pour devenir étranger à ses frères ni par mépris du monde. Séparé du monde, le prêtre n'est pas séparé du peuple de Dieu, car il est établi pour le bien de tous (He 5,1) , voué entièrement à la charité (cf. 1Co 14,4 ss.) et à l'oeuvre pour laquelle le Seigneur l'a choisi.

Le Christ et la solitude du prêtre

59 Parfois, la solitude pèsera douloureusement sur le prêtre, mais il ne regrettera pas pour autant de l'avoir généreusement choisie. Le Christ, lui aussi, aux moments les plus tragiques de sa vie, se trouva seul, abandonné de ceux qu'il avait choisis comme témoins et compagnons de son existence, et qu'il avait aimés jusqu'à la fin (Jn 13,1) . Mais il a affirmé: " Je ne suis pas seul, car le Père est avec moi" (Jn 16,32) . Celui qui a choisi d'appartenir tout entier au Christ trouvera avant tout dans l'intimité avec lui et dans sa grâce la force d'âme nécessaire pour dissiper la tristesse et vaincre les découragements. La protection de la Vierge, Mère de Jésus, l'aide maternelle de l'Eglise, au service de laquelle il s'est donné, ne lui feront pas défaut, non plus que la sollicitude de son père dans le Christ, l'évêque. Il aura aussi, pour l'aider, l'amitié fraternelle de ses confrères dans le sacerdoce et l'encouragement de tout le peuple de Dieu. Et s'il arrive que l'hostilité, la défiance, l'indifférence des hommes rendent parfois très dure sa solitude, il se verra associé de façon évidente au drame que vécut le Christ, en apôtre qui n'est pas au-dessus de Celui qui l'a envoyé (cf. Jn 13,16 Jn 15,18) , en ami admis aux secrets les plus douloureux mais aussi les plus glorieux de l'Ami divin qui l'a choisi, afin qu'une vie apparemment vouée à la mort porte des fruits mystérieux de vie (cf. Jn 15,15-16,20) .


: DEUXIEME PARTIE


I. La formation sacerdotale

Une formation appropriée

60 La réflexion sur la beauté, l'importance et la profonde convenance de la virginité sacrée pour les ministres du Christ et de l'Eglise impose aussi à celui qui y remplit les fonctions de Maître et de Pasteur le devoir d'en assurer et d'en promouvoir l'observance dès l'instant où commence la préparation à l'accueil d'un don aussi précieux.
De fait, les difficultés et les problèmes qui rendent à certains l'observance du célibat malaisée ou même impossible, découlent maintes fois d'une formation sacerdotale qui, par suite des profondes transformations de ces derniers temps, n'est plus tout à fait apte à former une personnalité digne d'un Homme de Dieu (
1Tm 6,11) .

L'application des normes du Concile

61 Le second concile oecuménique du Vatican a déjà donné sur ce point des principes et des normes très sages, qui mettent à profit notamment les progrès de la psychologie et de la pédagogie et qui tiennent compte de l'évolution de la condition des hommes et de la société contemporaine.(37) Nous voulons que des instructions soient publiées au plus tôt, dans lesquelles le thème sera traité avec toute l'ampleur qui s'impose et en faisant appel à la collaboration d'experts, de manière à fournir une aide qualifiée et opportune à ceux qui ont dans l'Eglise la très lourde charge de former les futurs prêtres.

Réponse personnelle à la vocation divine

Notes:

(36) Decr. Presbyter Ordinis,n 3.
(37) Decr. Optatam totius,
OT 3-11 cfr. Perfectae caritatis, n. 12.


62 Le sacerdoce est un ministère institué par le Christ au service de son Corps mystique qui est l'Eglise: c'est donc à l'autorité de celle-ci qu'il appartient d'appeler au sacerdoce ceux qu'elle juge aptes, c'est-à-dire ceux à qui Dieu a accordé, en plus des autres signes de la vocation ecclésiastique, le charisme du célibat sacré (cf. n. 15).
En vertu de ce charisme, corroboré par la loi canonique, l'homme est appelé à donner sa réponse par une décision libre et dans un don total de lui-même, en subordonnant son propre moi au bon plaisir de Dieu qui l'appelle. Concrètement, la vocation divine se manifeste dans un individu déterminé, avant sa propre structure personnelle, à laquelle la grâce n'a pas l'habitude de faire violence. Chez le candidat au sacerdoce, on doit donc développer le sens de l'accueil du don divin et de la disponibilité à l'égard de Dieu, en donnant une importance essentielle aux moyens surnaturels.

Le plan de la nature et le plan de la grâce

63 Mais en même temps il est nécessaire de tenir exactement compte de l'état biologique et psychologique du candidat pour pouvoir le guider et l'orienter vers l'idéal du sacerdoce. Une formation vraiment appropriée doit donc coordonner harmonieusement le plan de la grâce et celui de la nature chez un sujet dont on connaisse clairement les conditions réelles et les capacités effectives. Dès qu'apparaissent les signes d'une vocation, on devra étudier avec le plus grand soin les conditions réelles du sujet, sans se contenter d'un examen rapide et superficiel, en recourant aussi, le cas échéant, à l'assistance et à l'aide d'un médecin ou d'un psychologue compétent. L'on ne devra pas omettre de faire une enquête sérieuse sur les antécédents familiaux du candidat, afin de s'assurer de son aptitude également sous cet aspect très important des facteurs héréditaires.

Les sujets inaptes

64 Les sujets qui ont été reconnus physiquement et psychiquement ou moralement inaptes doivent être aussitôt écartés de la voie du sacerdoce: il s'agit là d'un très grave devoir qui incombe aux éducateurs. Ceux-ci doivent en avoir conscience; ils ne doivent pas s'abandonner à de fallacieux espoirs et à de dangereuses illusions, ni permettre d'aucune façon au candidat de nourrir des illusions semblables, vu les conséquences dommageables qui en résulteraient pour le sujet lui-même et pour l'Eglise. Une vie qui, comme celle du prêtre gardant le célibat, comporte un si total et si intime engagement dans toute sa structure intérieure et extérieure, exclut en effet les sujets insuffisamment équilibrés du point de vue psychophysiologique et moral; et l'on ne peut prétendre que, en ce domaine, la grâce supplée la nature.

Développement de la personnalité

65 Une fois que l'aptitude du sujet a été reconnue et que celui-ci a été admis à parcourir l'itinéraire qui le conduira jusqu'au sacerdoce, l'on devra avoir soin de développer progressivement sa personnalité par l'éducation physique, intellectuelle et morale, de façon à lui faire acquérir le contrôle et la maîtrise personnelle des instincts, des sentiments et des passions.

Nécessité d'une discipline

66 Une preuve du développement de la personnalité est la fermeté de caractère avec laquelle on accepte une discipline personnelle et communautaire, comme celle qui est exigée par la vie sacerdotale. Cette discipline - dont l'absence ou l'insuffisance est regrettable car elle expose à de graves dangers - ne doit pas être seulement supportée comme quelque chose d'imposé de l'extérieur, mais elle doit pour ainsi dire être intériorisée et insérée dans l'ensemble de la vie spirituelle comme un élément indispensable.

L'initiative personnelle

67 L'éducateur mettra tout son savoir-faire à cultiver chez les jeunes la vertu très évangélique de la sincérité (cf. Mt 5,37)
et de la spontanéité; il favorisera donc les bonnes initiatives personnelles pour que le sujet apprenne à se connaître et à se juger, à assumer en connaissance de cause ses propres responsabilités et à acquérir la maîtrise de soi qui est d'une souveraine importance dans l'éducation du futur prêtre.

L'exercice de l'autorité

68 L'exercice de l'autorité, dont on doit maintenir fermement le principe dans tous les cas, s'inspirera d'une sage modération et d'une attitude pastorale; il se pratiquera dans un climat de dialogue et dans un entraînement graduel, ce qui permettra à l'éducateur de comprendre de façon toujours plus pénétrante la psychologie du séminariste et, en faisant appel à la conviction personnelle, donnera à toute l'oeuvre éducative un caractère éminemment convaincant et positif.

Un choix fait en connaissance de cause

69 La formation intégrale du candidat au sacerdoce doit viser à lui permettre de prendre avec une âme pacifiée, un coeur convaincu et libre, les graves engagements qu'il se devra d'assumer en sa propre conscience, devant Dieu et devant l'Eglise.
L'ardeur et la générosité sont d'admirables qualités de la jeunesse; quand elles sont éclairées et bien soutenues, ces vertus lui méritent, avec les bénédictions du Seigneur, l'admiration et la confiance de l'Eglise et de tous les hommes. Aux jeunes on ne cachera aucune des réelles difficultés d'ordre personnel ou social que leur choix leur occasionnera, afin de purifier leur enthousiasme de ce qu'il aurait de superficiel et d'illusoire. Mais, en même temps que les difficultés, il sera juste de mettre en relief avec non moins de vérité et de netteté la grandeur et la noblesse du choix qu'ils s'apprêtent à faire: car s'il provoque dans la personne humaine un certain manque au plan physiologique et psychique, ce choix lui apporte d'un autre côté une plénitude intérieure capable de sublimer son être profond.

Une ascèse pour la maturation de la personnalité

70 Les jeunes doivent acquérir la conviction que le chemin sur lequel ils s'engagent est difficile et qu'ils ne pourront le parcourir sans une ascèse particulière, propre aux aspirants au sacerdoce et plus rigoureuse que celle à laquelle sont tenus tous les autres fidèles. Une ascèse sévère, mais qui ne doit pas écraser le sujet, une ascèse constituée par la pratique réfléchie et assidue des vertus qui font d'un homme un prêtre: un très profond renoncement à soi-même - condition essentielle pour suivre le Christ ( Mt 16,24 Jn 12,25) -, l'humilité et l'obéissance comme expression de vérité intérieure et de liberté ordonnée; la prudence et la justice, la force et la tempérance, vertus indispensables pour le développement d'une vraie et profonde vie religieuse; le sens de responsabilité, de fidélité et de loyauté dans la façon d'assumer ses propres engagements; le maintien d'un équilibre harmonieux entre la contemplation et l'action; le détachement et l'esprit de pauvreté, qui donnent force et vigueur à la liberté évangélique; la chasteté, résultat d'un combat persévérant, s'harmonisera avec toutes les autres vertus naturelles et surnaturelles; les contacts sereins et confiants établis avec le monde au service duquel le candidat se consacrera par amour du Christ et pour l'avènement de son Règne.
De cette manière, l'aspirant au sacerdoce acquerra, avec l'aide de la grâce divine, une forte personnalité, bien équilibrée et douée de maturité, heureuse synthèse des éléments innés et acquis, harmonieuse coordination de toutes les facultés sous la lumière de la foi et de l'union intime avec le Christ, qui l'a choisi afin qu'il soit à Lui et se consacre au ministère du salut du monde.

Périodes d'épreuve

71 Cependant pour arriver à une plus grande certitude dans le jugement à porter sur l'aptitude d'un jeune à l'égard du sacerdoce et pour obtenir avec le cours des années la preuve qu'il a atteint sa maturité humaine et surnaturelle, compte tenu par ailleurs du fait que " lorsqu'on se livre à l'apostolat, il est plus difficile de bien se comporter à cause des périls extérieurs ",(38) il sera utile que pendant certaines périodes d'essai l'engagement dans le célibat soit mis à l'épreuve, avant que ce dernier ne devienne stable et définitif avec le presbytérat.(39)

Le choix du célibat comme don de soi-même

Notes:

(38) S. Thomas d'Aquin, Summa th. IIa-IIae q. 184, a. 8 c.
(39) Decr. Optatam totius,
OT 12


72 Une fois obtenue la certitude morale que la maturité du candidat offre des garanties suffisantes, celui-ci sera en mesure d'assumer le grave et doux engagement de la chasteté sacerdotale, comme don total de soi-même au Seigneur et à son Eglise.
De cette manière, l'obligation du célibat, qui, par la volonté de l'Eglise, est objectivement liée à l'Ordination sacrée, devient une obligation personnelle propre au sujet, assumée sous l'action de la grâce divine, en pleine connaissance de cause et liberté, mais, évidemment, non sans les conseils prudents et sages de directeurs spirituels compétents, qui ne visent pas à imposer mais à rendre plus consciente la grande et libre option. Dans ce moment solennel, qui décidera pour toujours de l'orientation de toute sa vie, le candidat sentira non la pression d'une injonction extérieure mais la joie intime qui découle d'un choix fait par amour du Christ.


II. La vie sacerdotale

Une conquête permanente

73 Le prêtre ne doit pas croire que l'Ordination lui rende tout facile et le mette définitivement à l'abri de toute tentation ou danger. La chasteté n'est jamais acquise une fois pour toutes, mais elle est le résultat d'une laborieuse conquête à poursuivre tous les jours. Le monde de notre temps met en grand relief les valeurs positives de l'amour dans les rapports entre les sexes, mais il a aussi multiplié les difficultés et les risques en ce domaine. Il est donc nécessaire que le prêtre, pour sauvegarder avec tout le soin voulu sa chasteté et pour en affirmer la signification sublime, considère d'un regard lucide et serein sa condition d'homme engagé dans un combat spirituel contre les séductions de la chair en lui-même et dans le monde et qu'il ne cesse de renouveler sa résolution de parfaire toujours plus et toujours mieux son offrande irrévocable, qui exige de lui une fidélité totale, loyale et réaliste.

Les moyens surnaturels

74 Une force et une joie nouvelles attendent le prêtre du Christ qui s'applique à approfondir chaque jour dans la méditation et la prière les motifs de sa donation et la conviction d'avoir choisi la meilleure part. Il implorera avec humilité et persévérance la grâce de la fidélité, qui n'est jamais refusée à qui la demande d'un coeur sincère, sans omettre en même temps de recourir aux moyens naturels et surnaturels dont il dispose. Et en particulier, il ne négligera pas l'observance de ces règles ascétiques dont la valeur est garantie par l'expérience de l'Eglise et qui ne sont pas moins nécessaires dans le monde d'aujourd'hui que dans le passé.(40)

Une intense vie spirituelle

Notes:

(40) Decr. Presbyter Ordinis,
PO 16,18


75 Le prêtre doit s'appliquer avant tout à développer avec tout l'amour que la grâce lui inspire son intimité avec le Christ, s'efforçant d'en explorer l'inépuisable et béatifiant mystère; il doit acquérir un sens toujours plus profond du mystère de l'Eglise, en dehors duquel son état de vie risquerait de lui apparaître déraisonnable et sans fondement.
Une piété sacerdotale, alimentée à la table de la Parole de Dieu et de la sainte Eucharistie, vécue à l'intérieur du cycle annuel de la Liturgie, animée par une dévotion tendre et éclairée envers la Vierge, Mère du Prêtre souverain et éternel, et Reine des Apôtres,(41) le mettra en contact avec les sources d'une authentique vie spirituelle, qui seule donne un fondement solide à l'observance de la virginité.

L'accomplissement du ministère sacerdotal

Notes:

(41) Decr. Presbyter Ordinis,
PO 18


76 Avec l'aide de la grâce et dans la paix du coeur, le prêtre fera front avec grand courage aux multiples obligations de sa vie et de son ministère et il trouvera en elles, pourvu qu'elles soient remplies avec esprit de foi et avec zèle, de nouvelles occasions de manifester sa totale appartenance au Christ et à son Corps Mystique pour sa propre sanctification et celle d'autrui. La charité du Christ qui le presse (2Co 5,14) l'aidera non pas à renoncer aux meilleurs sentiments de son âme, mais à les sublimer et à les approfondir en esprit de consécration - à l'imitation du Christ, le Souverain Prêtre qui participa intimement à la vie des hommes et les aima et souffrit pour eux (He 4,15) et à la ressemblance de l'Apôtre Paul, qui faisait siens les soucis de tous (1Co 9 1Co 22 2Co 11,29) - pour répandre dans le monde la lumière et la puissance de l'Evangile de la grâce de Dieu (Ac 20,24) .

Défense contre les dangers

77 Justement jaloux du don total qu'il a fait au Seigneur, le prêtre doit savoir se défendre de ces inclinations du sentiment qui mettent en jeu une affectivité non suffisamment éclairée et contrôlée par l'esprit et s'abstenir soigneusement de chercher des justifications spirituelles et apostoliques à ce qui ne serait que des entraînements dangereux du coeur.

Ascèse virile

78 La vie sacerdotale exige une intensité spirituelle, authentique et solidement établie, pour vivre de l'Esprit et pour se conformer à l'Esprit (Ga 5,25) , une ascèse intérieure et extérieure vraiment virile de la part de celui qui, appartenant à un titre spécial au Christ, a en lui et pour lui crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises (Ga 5,24) , et n'hésite pas pour cela à affronter de dures et longues épreuves (cf. 1Co 9,26-27) . Le ministre du Christ pourra ainsi mieux manifester au monde les fruits de l'Esprit qui sont " charité, joie, paix, patience, bénignité, douceur, fidélité, modération, tempérance, chasteté " (Ga 5,22-23) .

La fraternité sacerdotale

79 La chasteté sacerdotale est également fortifiée, garantie et protégée par un genre de vie, par un milieu et par une activité qui siéent à un ministre de Dieu: il est donc nécessaire que soit développée au maximum cette " intime fraternité sacramentelle " (42) qui lie tous les prêtres entre eux du fait de leur Ordination sacerdotale. Le Christ notre Seigneur nous a enseigné l'importance du commandement nouveau de la charité et il en a donné un magnifique témoignage, précisément au moment où il institua le sacrement de l'Eucharistie et du sacerdoce catholique et pria le Père céleste pour que l'amour avec lequel le Père l'a aimé depuis toujours fût dans ses ministres et Lui-même en eux (Jn 17,26) .

Communion d'esprit et de vie des prêtres

Notes:

(42) Decr. Presbyter Ordinis, PO 8


80 Que la communion d'esprit entre les prêtres soit donc parfaite et que soient intenses les échanges de prières, de paisible amitié et d'aide mutuelle de tout genre. On ne recommandera jamais suffisamment aux prêtres une certaine vie commune qui s'oriente tout entière vers le ministère proprement spirituel; la pratique de rencontres fréquentes au cours desquelles ont lieu de fraternels échanges d'idées, de conseils et d'expériences entre confrères; l'encouragement à entrer dans des associations qui favorisent la sainteté sacerdotale.

Charité pour les confrères en péril

81 Que les prêtres réfléchissent à l'avertissement donné par le Concile (43) qui leur rappelle leur commune participation au sacerdoce afin qu'ils se sentent vivement responsables à l'égard de leurs confrères en butte à des difficultés mettant sérieusement en danger le don divin qui est en eux. Qu'ils se sentent brûler de charité pour ces confrères qui ont davantage besoin d'amour, de compréhension, de prières, d'une aide discrète mais efficace et qui ont des titres pour compter sur la charité sans limites de ceux qui sont et doivent être plus que quiconque leurs vrais amis.

Renouveler la décision prise

Notes:

(43) Decr. cit., ibid.


82 Nous voudrions finalement, en guise de complément et de souvenir de Notre entretien épistolaire avec vous, vénérables Frères dans l'épiscopat, et avec vous, prêtres et ministres de l'autel, suggérer que chacun d'entre vous prenne la résolution de renouveler chaque année, au jour anniversaire de sa propre Ordination ou bien tous ensemble spirituellement unis le Jeudi Saint, jour de l'institution du sacerdoce, le don total et confiant au Christ notre Seigneur, afin de ranimer ainsi en vous la prise de conscience de votre élection à son divin service, et de réitérer en même temps, avec humilité et courage, la promesse de votre indéfectible fidélité à son unique amour et à votre oblation de chasteté parfaite (cf. Rm 12,1) .

II. Douloureuses désertions

La vraie responsabilité

83 Ici c'est d'un coeur paternel et affectueux, non sans anxiété et beaucoup de peine, que Nous Nous tournons vers ces infortunés frères dans le sacerdoce qui restent toujours Nos frères très aimés et dont l'éloignement fait toujours Notre regret, vers ceux-là qui, tout en conservant dans l'âme la marque du caractère sacré qui leur fut conféré par l'Ordination sacerdotale, ont été ou sont malheureusement infidèles aux obligations contractées au temps de leur consécration.
Leur état lamentable et les conséquences privées et publiques qui en découlent portent certains à se demander si ce n'est pas précisément le célibat qui est responsable en quelque manière de tels drames et des scandales qui en découlent pour le peuple de Dieu. En réalité, la responsabilité retombe non sur le célibat sacré lui-même, mais sur le fait de n'avoir pas su toujours évaluer à temps de manière satisfaisante et prudente les qualités du candidat au sacerdoce ou bien sur la façon dont les ministres sacrés vivent leur totale consécration.

Les motifs de dispense

84 L'Eglise est très sensible au triste sort de ces fils qui lui appartiennent et elle considère comme nécessaire de faire tous les efforts possibles pour prévenir ou pour guérir les maux qui lui viennent de leur défection. Suivant l'exemple de Nos immédiats prédécesseurs de sainte mémoire, Nous avons, Nous aussi, voulu et disposé que dans les causes concernant l'ordination sacerdotale l'enquête fût étendue à des motifs très sérieux non prévus par la législation canonique actuelle (cf. CIC 214) , motifs qui peuvent donner lieu à des doutes fondés et réels sur la pleine liberté et responsabilité du candidat au sacerdoce et sur son aptitude à l'état sacerdotal - de manière à libérer ceux qu'un sérieux procès judiciaire fait apparaître comme n'étant vraiment pas faits pour cet état de vie.

La concession des dispenses

85 Les dispenses qui sont éventuellement concédées, dans une proportion en vérité minime au regard du grand nombre des prêtres bons et dignes, tout en pourvoyant avec justice au bien spirituel des individus, démontrent aussi la sollicitude de l'Eglise pour la sauvegarde du célibat sacré et la fidélité intégrale de tous ses ministres. En l'occurrence l'Eglise ne procède qu'avec tristesse, spécialement dans les cas particulièrement douloureux où le refus de porter dignement le joug suave du Christ est dû à des crises de foi ou à des faiblesses morales et où par conséquent il engage souvent la responsabilité de l'intéressé et suscite le scandale des fidèles.

Appel chaleureux

86 Oh! s'ils savaient ces prêtres quelle peine, quel déshonneur, quelle inquiétude ils causent à la sainte Eglise de Dieu, s'ils réfléchissaient à la solennité et à la beauté des engagements qu'ils ont pris et aux dangers auxquels ils s'exposent en cette vie et pour la vie future, ils seraient plus prudents et plus réfléchis dans leur décision, plus assidus à la prière, plus logiques et courageux dans la prévention des causes de leur chute spirituelle et morale.

Soins maternels de l'Eglise

87 L'Eglise manifeste un intérêt maternel particulier pour les cas des prêtres encore jeunes, qui avaient commencé avec zèle et enthousiasme leur vie de ministère: n'est-il pas facile aujourd'hui, dans la tension de l'engagement sacerdotal, qu'ils éprouvent un moment de découragement, de doute, de passion, de folie? C'est pourquoi l'Eglise veut que l'on tente, spécialement pour ces cas, tous les moyens de persuasion en vue d'aider le frère qui chancelle à retrouver la paix et la confiance, à s'engager dans la voie du repentir et de la reprise; c'est seulement lorsque le cas ne présente aucune autre solution possible que l'infortuné ministre de l'Eglise est exclu de l'exercice du ministère sacerdotal.

Justice et charité de l'Eglise

88 S'il s'avère que le sujet soit irrécupérable pour le sacerdoce mais qu'il présente cependant de sérieuses et bonnes dispositions en vue d'une vie chrétienne de laïc, le Siège Apostolique, après avoir étudié toutes les circonstances et d'accord avec l'Ordinaire du lieu ou avec le Supérieur religieux, laissant encore l'amour l'emporter sur la douleur, concède parfois toutes les dispenses requises, non sans les accompagner de l'imposition d'oeuvres de piété et de réparation, afin que demeure dans ce fils infortuné, mais toujours cher, un signe salutaire de la douleur maternelle de l'Eglise et un rappel plus vif du besoin que nous avons de la divine miséricorde.

Encouragement et avertissement

89 Une telle discipline, sévère et miséricordieuse à la fois, s'inspirant toujours de la justice et de la vérité, d'une prudence et d'une réserve suprêmes, contribuera sans aucun doute à confirmer les bons prêtres dans leur propos de vivre d'une manière irréprochable et sainte, et, pour les aspirants au sacerdoce, elle sera un avertissement qui les aidera, sous la sage direction de leurs éducateurs, à avancer vers l'autel en pleine connaissance de cause, avec un désintéressement absolu, avec le désir généreux de correspondre à la grâce divine et à la volonté du Christ et de son Eglise.

Consolation

90 Enfin, Nous ne voulons pas manquer de remercier le Seigneur avec une joie profonde, en signalant qu'un bon nombre de ceux qui furent malheureusement infidèles pour un temps à leurs engagements, ont pu, en recourant avec une émouvante bonne volonté à tous les moyens adaptés et principalement à une vie de prière intense, d'humilité, d'efforts persévérants soutenus par l'assiduité au sacrement de pénitence, retrouver par la grâce du Souverain Prêtre la voie juste et redevenir, pour la joie de tous, ses ministres exemplaires.



1967 Sacerdotalis caelibatus 49