1965 Perfectae Caritatis
PAUL, EVEQUE
SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU
EN UNION AVEC LES PERES DU SAINT CONCILE
POUR QUE LE SOUVENIR S'EN MAINTIENNE A JAMAIS
1 Dans la Constitution LUMEN GENTIUM, le Concile a précédemment montré que la recherche de la charité parfaite par les conseils évangéliques a sa source dans la doctrine et l'exemple du divin Maître et apparaît comme un signe éclatant du Royaume de Dieu. Maintenant, il se propose de traiter de la vie et de la discipline des instituts dont les membres font profession de chasteté, de pauvreté et d'obéissance, et de pourvoir à leurs besoins, selon les exigences de l'époque actuelle.
Dès les origines de l'Eglise, il y eut des hommes et des femmes qui voulurent, par la pratique des conseils évangéliques, suivre plus librement le Christ et l'imiter plus fidèlement et qui, chacun à sa manière, menèrent une vie consacrée à Dieu. Beaucoup parmi eux, sous l'impulsion de l'Esprit-Saint, vécurent dans la solitude, ou bien fondèrent des familles religieuses que l'Eglise accueillit volontiers et approuve de son autorité. A partir de là se développe providentiellement une admirable variété de sociétés religieuses qui contribuèrent beaucoup à ce que l'Eglise non seulement fût apte à toute bonne oeuvre 2Tm 3,17 et prête à emplir toute activité de son ministère en vue de l'édification du Corps du Christ Ep 4,12, mais encore apparût embellie des dons variés de ses enfants comme une épouse parée pour son époux Ap 21,2, et que par elle fussent manifestées les ressources multiples de la sagesse de Dieu Ep 3,10.
Dans une telle variété de dons, tous ceux que Dieu appelle à la pratique des conseils évangéliques et qui en font profession se vouent au Seigneur de façon spéciale en suivant le Christ chaste et pauvre Mt 8,20 Lc 9,58, qui par son obéissance jusqu'à la mort de la croix Ph 2,8 a racheté les hommes et les a sanctifiés. Poussés dans cette voie par la charité que l'Esprit-Saint répand dans leurs coeurs Rm 5,5, ils vivent toujours davantage pour le Christ et pour son Corps qui est l'Eglise Col 1,24. C'est pourquoi, plus fervente est leur union au Christ par cette donation d'eux-mêmes qui embrasse toute leur existence, plus riche est la vie de l'Eglise et plus féconde son apostolat.
Mais pour que l'Eglise, dans les circonstances présentes, profite davantage de l'excellence de la vie consacrée par la profession des conseils évangéliques et de son rôle nécessaire, le Concile a statué ce qui suit et qui concerne seulement les principes généraux de la rénovation adaptée de la vie et de la discipline des instituts religieux, et, compte tenu de leur caractère propre, des sociétés de vie commune sans voeux et des instituts séculiers. Les normes particulières de la mise en oeuvre et de l'application de ces principes généraux devront être établies après le Concile par l'autorité compétente.
2 La rénovation adaptée de la vie religieuse comprend à la fois le retour continu aux sources de toute vie chrétienne ainsi qu'à l'inspiration originelle des instituts et, d'autre part, la correspondance de ceux-ci aux conditions nouvelles d'existence. Une telle rénovation doit s'accomplir, sous l'impulsion de l'Esprit-Saint et la direction de l'Eglise, selon les principes suivants :
a) La norme ultime de la vie religieuse étant de suivre le Christ selon l'enseignement de l'Evangile, cela doit être tenu par tous les instituts comme leur règle suprême.
b) Le bien même de l'Eglise demande que les instituts aient leur caractère et leur fonction propres. C'est pourquoi on mettra en pleine lumière et on maintiendra fidèlement l'esprit des fondateurs et leurs intentions spécifiques de mêmes que les saines traditions, l'ensemble constituant le patrimoine de chaque institut.
c) Tout institut doit communier à la vie de l'Eglise et, tenant compte de son caractère propre, faire siennes et favoriser de tout son pouvoir ses initiatives et des intentions; ainsi dans le domaine biblique, dogmatique, pastoral, oecuménique, missionnaire et social.
d) Les instituts doivent promouvoir chez leurs membres une suffisante information de la condition humaine à leur époque et des besoins de l'Eglise, de sorte que discernant avec sagesse, à la lumière de la foi, les traits particuliers du monde d'aujourd'hui et brûlant du zèle apostolique, ils soient à même de porter aux hommes un secours plus efficace
e) Comme la vie religieuse est ordonnée avant tout à ce que ses adeptes suivent le Christ et s'unissent à Dieu par la profession des conseils évangéliques, il faut bien voir que les meilleurs adaptations aux exigences de notre temps ne produiront leur effet qu'animées par une rénovation spirituelle. A celle-ci on doit toujours attribuer le rôle principal même dans le développement des activités extérieures.
3 L'organisation de la vie, de la prière et de l'activité doit être convenablement adaptée aux conditions physiques et psychiques actuelles des religieux et aussi, dans la mesure où le requiert le caractère de chaque institut, aux besoins de l'apostolat, aux exigences de la culture, aux circonstances sociales et économiques; cela en tout lieu, mais particulièrement dans les pays de mission.
D'après les mêmes critères, on soumettra aussi à l'examen le système de gouvernement des instituts.
Il faut donc réviser convenablement les constitutions, les "directoires", les coutumiers, les livres de prières, de cérémonies et autres recueils du même genre, supprimant ce qui est désuet et se conformant aux documents du Concile.
4 Une rénovation efficace et une juste adaptation ne peuvent s'obtenir qu'avec le concours de tous les membres de l'institut.
Mais fixer les normes et légiférer dans ce but, ou admettre une expérience suffisante et prudente, relève uniquement de l'autorité compétente, notamment des chapitres généraux, avec l'approbation si c'est nécessaire du St Siège ou de l'ordinaire du lieu, aux termes du droit. De leur côté, les supérieurs devront, s'il s'agit de questions intéressant tout l'institut, en consulter les membres de manière opportune et entendre leur avis.
Pour ce qui concerne la rénovation adaptée des monastères de moniales, on pourra recueillir également les voeux et les avis des assemblées des fédérations ou d'autres réunions légitimement convoquées.
Cependant, l'on se souviendra que l'espoir d'une rénovation doit être mis dans une observance plus consciencieuse de la règle et des constitutions, plutôt que dans la multiplicité des lois.
5 Les membres de tout institut se rappelleront principalement que par la profession des conseils évangéliques ils ont répondu à une vocation divine de sorte que, non seulement morts au péché Rm 6,11 mais encore renonçant au monde, ils ne vivent que pour Dieu seul. Ils ont en effet dédié entièrement leur vie à son service; et ceci constitue précisément une consécration particulière qui s'enracine intimement dans la consécration de baptême et l'exprime avec plus de plénitude.
Comme cette donation d'eux-mêmes a été acceptée par l'Eglise, qu'ils se sachent également liés à son service.
Ce service de Dieu doit exiger et favoriser en eux l'exercice des vertus, surtout de l'humilité et de l'obéissance, de la force et de la chasteté, qui les rendent participants de l'anéantissement du Christ Ph 2,7-8 et en même temps de sa vie dans l'Esprit Rm 8,1-13.
Que les religieux donc, fidèles à leur profession, abandonnant tout pour le Christ Mc 10,28 le suivent lui comme l'unique nécessaire Lc 10,42 Mt 19,21, écoutant ses paroles Lc 10,39, occupés de ce qui le concerne 1Co 7,32.
C'est pourquoi, il faut que les membres de tout institut, ne cherchant avant tout que Dieu seul, unissent la contemplation par laquelle ils adhèrent à lui de coeur et d'esprit, et l'amour apostolique qui s'efforce de s'associer à l'oeuvre de la Rédemption et d'étendre le Royaume de Dieu.
6 Que ceux qui professent les conseils évangéliques cherchent Dieu et l'aiment avant tout, lui qui nous a aimés le premier 1Jn 4,10 et qu'en toutes circonstances ils s'appliquent à se tenir dans la vie cachée en Dieu avec le Christ Col 3,3, d'où s'épanche et se fait pressante la dilection du prochain pour le salut du monde et d'édification de l'Eglise. Par cette charité aussi est vivifiée et commandée la pratique elle-même des conseils évangéliques.
En conséquence, les religieux cultiveront avec un soin constant l'esprit d'oraison et l'oraison elle-même, puisant aux vraies sources de la spiritualité chrétienne. Tout d'abord, que chaque jour la Ste Ecriture soit en leurs mains pour retirer de sa lecture et de sa méditation "l'éminente science de Jésus Christ" Ph 3,8. Ils célébreront la sainte liturgie, surtout le mystère de la très Sainte Eucharistie, priant selon l'esprit de l'Eglise du coeur et des lèvres, et ils alimenteront leur vie spirituelle à cette source inépuisable.
Restaurés ainsi à la table de la loi divine et du saint autel, qu'ils aiment fraternellement les membres du Christ, qu'ils aient pour les pasteurs révérence et dilection dans un esprit filial, qu'ils vivent et pensent toujours plus avec l'Eglise et se consacrent totalement à sa mission.
7 Les instituts intégralement ordonnés à la contemplation, en sorte que leurs membres vaquent uniquement aux choses de Dieu dans la solitude et le silence, dans la prière assidue et une joyeuse pénitence, conservent toujours, si urgente que soit la nécessité d'un apostolat actif, une place de choix dans le Corps mystique du Christ dont "les membres n'ont pas tous la même fonction" Rm 12,4. Ils offrent en effet à Dieu un sacrifice éminent de louange; ils illustrent le peuple de Dieu par des fruits abondants de sainteté, ils l'entraînent par leur exemple et procurent son accroissement par une secrète fécondité apostolique. Ils sont ainsi l'honneur de l'Eglise et une source de grâces célestes.
Cependant, leur genre de vie doit être revu d'après les principes et les critères susdits de rénovation adaptée, mais en conservant inviolablement leur séparation du monde et les exercices propres à la vie contemplative.
8 Très nombreux sont dans l'Eglise les instituts cléricaux ou laïcs voués aux diverses oeuvres d'apostolat. Ils sont pourvus de dons différents selon la grâce qui leur a été donnée: le service en servant, l'enseignement en enseignant, l'exhortation en exhortant, le don sans calcul, la miséricorde rayonnante de joie Rm 12,5-8. "Il y a diversité de dons spirituels, mais c'est le même esprit" 1Co 12,4.
Dans ces instituts, à la nature même de la vie religieuse appartient l'action apostolique et bienfaisante, comme un saint ministère et une oeuvre spécifique de charité à eux confiés par l'Eglise pour être exercée en son nom. C'est pourquoi toute la vie religieuse de leurs membres doit être pénétrée d'esprit apostolique et toute l'action apostolique doit être animée par l'esprit religieux. Si donc les sujets veulent répondre avant tout à leur vocation de suivre le Christ et servir le Christ lui-même dans ses membres, il faut que leur activité apostolique dérive de leur union intime avec lui. De là résulte un accroissement de la charité elle-même envers Dieu et le prochain.
Ces instituts doivent donc adapter judicieusement leurs observances et usages aux nécessités de l'apostolat qui leur incombe. Mais comme la vie religieuse consacrée revêt des formes multiples, il faut que sa rénovation adaptée tienne compte d'une telle diversité et que, dans les différents instituts, la vie des religieux au service du Christ soit soutenue par les moyens qui leur sont propres et leur conviennent.
9 Que l'on observe fidèlement et que l'on fasse toujours mieux ressortir dans son véritable esprit, tant en Orient qu'en Occident, la vénérable institution monastique qui, tout au long des siècles, a si bien mérité de l'Eglise et de la société. Le principal office des moines est l'humble et noble service de la divine Majesté dans l'enceinte du monastère, soit qu'ils se consacrent entièrement dans une vie cachée au culte divin, soit que légitimement ils prennent en charge quelque oeuvre d'apostolat ou de charité chrétienne. Sauvegardant donc leur caractère propre, qu'ils renouvellent leurs antiques traditions de bienfaisance et les adaptent aux besoins actuels des â mes de sorte que les monastères soient comme des centres vivants de l'édification du peuple chrétien.
De même, les sociétés religieuses qui, de par leur règle ou leur institution, associent intimement la vie apostolique à l'office choral et aux observances monastiques, harmoniseront leur genre de vie avec les exigences de l'apostolat qui leur convient de façon à conserver fidèlement leur forme de vie pour le plus grand bien de l'Eglise.
10 La vie religieuse laïque, qu'il s'agisse des hommes ou des femmes constitue en soi un état complet de la profession des conseils évangéliques. Cette vie, si utile à la charge pastorale de l'Eglise dans l'éducation de la jeunesse, le soin des malades et d'autres formes d'apostolat, le Concile la tient en grande considération, confirme ses sujets dans leur vocation et les exhorte à adapter leur vie aux exigences du monde actuel.
Le Concile déclare que dans les instituts de Frères rien n'empêche que, de par une disposition du chapitre général, étant fermement maintenu le caractère laïc de ces instituts, quelques membres reçoivent les ordres sacrés pour subvenir aux besoins du ministère sacerdotal dans leurs maisons.
11 Les instituts séculiers, bien qu'ils ne soient pas des instituts religieux, comportent cependant une profession véritable et complète des conseils évangéliques dans le monde, reconnue comme telle par l'Eglise. Cette profession confère une consécration à des hommes et à des femmes, à des laïques et à des clercs vivant dans le monde. Par conséquent, il faut qu'ils tendent avant tout à se donner entièrement à Dieu dans la charité parfaite et que leurs instituts gardent le caractère séculier qui leur est propre et spécifique afin de pouvoir exercer partout et efficacement l'apostolat dans le monde et comme du sein du monde, apostolat pour lequel ils ont été créés.
Qu'ils sachent bien cependant qu'ils ne pourront accomplir cette tâche que si les membres reçoivent une solide formation dans les choses divines et humaines afin d'être vraiment dans le monde un levain pour la vigueur et l'accroissement du Corps du Christ. Que les supérieurs veillent donc sérieusement à ce qu'une formation, surtout spirituelle, leur soit donnée et se poursuive ultérieurement.
12 La chasteté "pour le royaume des cieux" Mt 19,12, dont les religieux font profession, doit être regardée comme un grand don de la grâce. Elle libère singulièrement le coeur de l'homme 1Co 7,32-35 pour qu'il brûle de l'amour de Dieu et de tous les hommes; c'est pourquoi elle est un signe particulier des biens célestes, ainsi qu'un moyen très efficace pour les religieux de se consacrer sans réserve au service divin et aux oeuvres de l'apostolat. Ils évoquent ainsi aux yeux de tous les fidèles cette admirable union établie par Dieu et qui doit être pleinement manifestée dans le siècle futur, par laquelle l'Eglise a le Christ comme unique époux.
Que les religieux donc, soucieux de la fidélité à leur profession, croient aux paroles du Seigneur et, confiants dans le secours de Dieu, qu'ils ne présument pas de leurs forces et pratiquent la mortification et la garde des sens. Qu'ils ne négligent pas non plus les moyens naturels propices à la santé de l'âme et du corps. De cette façon, ils ne se laisseront pas émouvoir par les fausses théories qui présentent la continence parfaite comme impossible ou nuisible à l'épanouissement humain; et, comme par un instinct spirituel, ils repousseront tout ce qui peut mettre en péril la chasteté. Tous se souviendront, surtout les supérieurs, que cette vertu se garde plus facilement lorsqu'il y a entre les sujets une véritable charité fraternelle dans la vie commune.
Etant donné que l'observance de la continence parfaite intéresse intimement des inclinations particulièrement profondes de la nature humaine, les candidats à la profession de la chasteté ne doivent s'y décider ou y être admis qu'après une probation vraiment suffisante et s'ils ont la maturité psychologique et affective nécessaires. On ne se contentera pas de les prévenir des dangers qui menacent cette vertu, mais on les formera de manière qu'ils assument le célibat consacré à Dieu mais en l'intégrant au développement de leur personnalité.
13 La pauvreté volontaire en vue de suivre le Christ, ce dont elle est un signe particulièrement mis en valeur de nos jours, doit être pratiquée soigneusement par les religieux et même, au besoin, s'exprimer sous des formes nouvelles. Par elle, on devient participant de la pauvreté du Christ qui s'est fait indigent à cause de nous, alors qu'il était riche, afin de nous enrichir par son dépouillement 2Co 8,9 Mt 8,20.
Pour ce qui est de la pauvreté religieuse, il ne suffit pas seulement de déprendre des supérieurs dans l'usage des biens, mais il faut que les religieux soient pauvres effectivement et en esprit, ayant leur trésor dans le ciel Mt 6,20.
Que chacun d'eux, dans sa tâche, se sente astreint à la loi commune du travail et, tout en se procurant ainsi le nécessaire pour leur entretien et leurs oeuvres, qu'ils rejettent tout souci excessif et se confient à la providence du Père des cieux Mt 6,25.
Les congrégations religieuses peuvent permettre par leurs constitutions que les sujets renoncent à leurs biens patrimoniaux présents ou à venir.
Les instituts eux-mêmes s'efforceront, compte tenu de la diversité des lieux, de fournir en quelque sorte un témoignage collectif de pauvreté; volontiers ils prendront de leurs biens pour subvenir aux autres besoins de l'Eglise et soutenir les indigents que tous les religieux doivent aimer dans le coeur du Christ Mt 19,21 Mt 25,34-46 Jc 2,15-16 1Jn 3,17. Les provinces et les maisons des instituts doivent partager les unes avec les autres leurs biens matériels, les plus aisées secourant les plus démunies.
Bien que les instituts, sauf dispositions contraires des règles et constitutions, aient le droit de posséder tout ce qui est nécessaire à la vie matérielle et aux oeuvres, ils doivent néanmoins éviter tout luxe, tout gain immodéré ou cumul de biens.
14 Par la profession d'obéissance, les religieux font l'offrande totale de leur propre volonté, comme un sacrifice d'eux- mêmes à Dieu, et par là ils s'unissent plus fermement et plus sûrement à sa volonté de salut. A l'exemple du Christ qui est venu pour faire la volonté du Père Jn 4,34 Jn 5,30 He 10,7 Ps 39,9 et, "prenant la forme d'esclave" Ph 2,7 a appris en souffrant l'obéissance He 5,8, les religieux, sous la motion de l'Esprit-Saint se soumettent dans la foi à leurs supérieurs, représentants de Dieu, et sont guidé par eux au service de tous leurs frères dans la Christ comme le Christ lui-même qui, à cause de sa soumission au Père, s'est fait serviteur de ses frères et a donné sa vie pour la rédemption de la multitude Mt 20,28 Jn 10,14-18. Ils sont liés ainsi plus étroitement au service de l'Eglise et tendent à parvenir à la mesure de l'âge de la plénitude du Christ Ep 4,13.
Que les religieux donc se soumettent avec révérence et humilité à leurs supérieurs, selon la règle et les constitutions, en esprit de foi et d'amour envers la volonté de Dieu, apportant les forces de leur intelligence et de leur volonté, tous les dons de la grâce et de la nature à l'accomplissement des ordres et à l'exécution des tâches qui leur sont confiées, dans la certitude qu'ils travaillent à l'édification du Corps du Christ selon le dessein de Dieu. Ainsi l'obéissance religieuse, loin de diminuer la dignité de la personne humaine, la conduit à la maturité en faisant grandir la liberté des enfants de Dieu.
Quant aux supérieurs, responsables des âmes confiées à leur soin He 13,17, dociles à la volonté de Dieu dans l'accomplissement de leur charge, ils exerceront l'autorité dans un esprit de service pour leurs frères, de manière à exprimer l'amour que le Seigneur a pour eux. Qu'ils gouvernent comme des enfants de Dieu ceux qui leur sont soumis, avec le respect dû à la personne humaine et stimulant leur soumission volontaire. Ils leur laisseront, notamment quant au sacrement de pénitence et à la direction spirituelle, une juste liberté. Ils amèneront les religieux à la collaboration par une obéissance responsable et active tant dans l'accomplissement de leur tâche que dans les initiatives à prendre. Ils les écouteront donc volontiers, susciteront leur effort commun pour le bien de l'institut et de l'Eglise, usant toutefois de leur autorité quand il faut décider et commander ce qui doit être fait.
Les chapitres et les conseils rempliront fidèlement la fonction qui leur est dévolue dans le gouvernement; que ces organes, chacun à sa manière, expriment la participation et l'intérêt de tous les membres au bien de toute la communauté.
15 La vie à mener en commun doit persévérer dans la prière et la communion d'un même esprit, nourrie de la doctrine évangélique de la sainte liturgie et surtout de l'Eucharistie Ac 2,42, à l'exemple de la primitive Eglise dans laquelle la multitude des fidèles n'avait qu'un coeur et qu'une âme Ac 4,32. Membres du Christ, les religieux se préviendront d'égards mutuels, dans une vie de fraternité Rm 12,10, portant les fardeaux les uns des autres Ga 6,2. Dès là, en effet, que la charité de Dieu est répandue dans les coeurs par l'Esprit-Saint Rm 5,5, la communauté, telle une vraie famille réunie au nom du Seigneur, jouit de sa présence Mt 18,20. La charité est la plénitude de la loi Rm 13,10 et le lien de la perfection Col 3,14, et par elle nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie 1Jn 3,14. En outre, l'unité des frères manifeste que le Christ est venu Jn 13,35 Jn 17,21, et il en découle une puissante énergie apostolique.
Afin que soit plus intime entre les membres le lien de la fraternité, on associera étroitement à la vie et aux oeuvres de la communauté ceux que l'on appelle "convers", "coadjuteurs" ou autres noms. A moins que les circonstances n'invitent vraiment à procéder d'une autre manière, il faut tendre à ce que dans les instituts féminins on en arrive à une seule catégorie de soeurs. En ce cas, l'on maintiendra seulement entre les personnes la diversité exigée par les soeurs différentes auxquelles les religieuses sont destinées, soit par une vocation spéciale de Dieu, soit par des aptitudes particulières.
Quant aux instituts ou monastères d'hommes qui ne sont pas purement laïques, ils peuvent, selon leur caractère propre, et comme le détermineront les constitutions, accepter des clercs et des laïques, au même titre, avec les mêmes droits et les mêmes obligations, sauf ce qui découle des ordres sacrés.
16 La clôture papale pour les moniales de vie uniquement contemplative sera fermement maintenue, mais on l'adaptera aux circonstances de temps et de lieux, supprimant les usages périmés, après avoir entendu les voeux des monastères eux-mêmes.
Quant aux autres moniales qui s'adonnent par institution à des oeuvres extérieures d'apostolat, elles seront exemptées de la clôture papale pour qu'elles puissent mieux accomplir les tâches apostoliques qui leur sont confiées; elles garderont cependant une clôture fixée par leurs constitutions.
17 L'habit religieux, signe de la consécration à Dieu, doit être simple et modeste, à la fois pauvre et décent, adapté aux exigences de la santé et accommodé aux circonstances de temps et de lieux ainsi qu'aux besoins de l'apostolat. On modifiera l'habit soit masculin soit féminin qui ne correspond pas à ces normes.
18 La rénovation adaptée des instituts dépend surtout de la formation de leurs membres. C'est pourquoi il ne faut pas affecter immédiatement aux oeuvres apostoliques dès leur sortie du noviciat les sujets non clers et les religieuses, mais on poursuivra dans des maisons bien équipées à cet effet, leur formation spirituelle, apostolique, doctrinale et technique, en prévoyant même l'obtention de diplômes appropriés.
Mais pour que l'adaptation de la vie religieuse aux besoins de notre temps ne soit pas purement extérieure et pour que ceux qui s'adonnent par état à un apostolat externe ne soient pas inférieurs à leur tâche, il faut leur donner, selon leur capacité intellectuelle et leur caractère personnel, une connaissance suffisante des modes de vie ainsi que des manières de voir et de penser de la vie sociale actuelle. Par une fusion harmonieuse de ces éléments, la formation doit se faire de telle sorte qu'elle aboutisse chez le religieux à l'unité de la vie.
Tout au long de leur existence, les sujets devront chercher à parfaire soigneusement cette culture spirituelle, doctrinale et technique et, dans la mesure du possible, les supérieurs leur en procureront l'occasion, les moyens et le temps nécessaires.
De même, les supérieurs ont le devoir de veiller au choix le meilleur et à la préparation sérieuse des directeurs, des maîtres spirituels et des professeurs.
19 En ce qui concerne la création de nouveaux instituts, on doit en évaluer sérieusement la nécessité, ou du moins la grande utilité et les possibilités de développement; on évitera ainsi de soir surgir imprudemment des sociétés inutiles ou dépourvues de la vigueur indispensable. Il y a une raison particulière dans les nouvelles chrétientés de promouvoir et développer les formes de vie religieuse qui correspondent au caractère et aux moeurs des habitants, aux conditions de vie et aux coutumes locales.
20 Les instituts doivent conserver fidèlement et poursuivre leurs oeuvres spécifiques, et attentifs à l'utilité de l'Eglise universelle et des diocèses, ils les adapteront aux nécessités des temps et des lieux par l'emploi de moyens opportuns ou même nouveaux et en abandonnant les oeuvres qui ne correspondent plus aujourd'hui à leur esprit et à leur nature véritable.
Il faut absolument conserver dans les instituts religieux l'esprit missionnaire et, compte tenu du caractère de chacun d'eux, l'adapter aux conditions actuelles pour que l'Evangile soit prêché plus efficacement parmi tous les peuples.
21 Aux instituts et monastères qui, de l'avis des ordinaires des lieux et au jugement du Saint-Siège, ne donnent pas l'espoir fondé d'une nouvelle prospérité, il sera défendu de recevoir à l'avenir des novices et, si c'est possible, on les unira à un autre institut ou monastère plus florissant dont le but et l'esprit se rapprochent des leurs.
22 Selon l'opportunité et avec l'approbation du Saint-Siège, les instituts et les monastères autonomes établiront entre eux des fédérations, s'ils appartiennent en quelque sorte à la même famille religieuse; ou des unions, s'ils ont presque les mêmes constitutions, les mêmes usages et le même esprit, surtout s'ils son trop faibles; ou encore des associations, s'ils s'occupent d'oeuvres extérieures identiques ou similaires.
23 On favorisera les conférences ou conseils de supérieurs majeurs érigés par le St Siège et qui sont de grande utilité pour atteindre plus parfaitement le but de chaque institut, pour susciter une plus efficace collaboration au bien de l'Eglise, pour répartir plus équitablement les ouvriers de l'Evangile dans un territoire déterminé et pour traiter les affaires communes aux religieux. On instaurera une coordination et une collaboration convenables avec les conférences épiscopales en ce qui regarder l'exercice de l'apostolat.
De telles conférences peuvent être établies également pour les instituts séculiers.
24 Les prêtres et éducateurs chrétiens doivent faire de sérieux efforts pour donner, à proportion des besoins de l'Eglise, un nouvel accroissement de vocations religieuses choisies avec soin et discernement. Même dans la prédication ordinaire, on traitera plus souvent des conseils évangéliques et du choix de l'état religieux. Dans l'éducation chrétienne de leurs enfants, les parents doivent s'efforcer de cultiver et de protéger en leurs coeurs la vocation religieuse.
Il est permis aux instituts de se faire connaître pour favoriser les vocations et de chercher des candidats, pourvu qu'ils le fassent avec la prudence requise et en observant les normes établies par le St- Siège et l'ordinaire du lieu.
Cependant, les religieux se rappelleront que l'exemple de leur propre vie constitue la meilleure recommandation de leurs instituts et l'invitation la plus efficace à embrasser la vie religieuse.
25 Les instituts, pour lesquels sont établies ces normes de rénovation adaptée, auront vivement à coeur de répondre à leur divine vocation et à leur mission dans l'Eglise à l'époque actuelle. Le Concile tient en grande estime leur genre de vie chaste, pauvre et obéissante, dont le Christ lui-même est le modèle, et il met un fermez espoir dans la fécondité de leurs oeuvres, obscures ou connues de tous. Que tous les religieux donc, par l'intégrité de la foi, la charité envers Dieu et le prochain, l'amour de la Croix et l'espérance de la gloire future, répandent la bonne nouvelle du Christ dans l'univers entier, pour que leur témoignage soit visible à tous et que notre Père qui est aux cieux soit glorifié Mt 5,16. Ainsi, par l'intercession de la très douce Vierge Marie, Mère de Dieu "dont la vie est pour tous une règle de conduite (1)", ils connaîtront de continuels accroissement et porteront des fruits de salut plus abondants.
(1) S. AMBROSIUS, De Virginitate, 1. II, c.II, n.15.
Tout l'ensemble et chacun des points qui ont été édictés dans ce décret ont plu aux Pères du Concile. Et nous, en vertu du pouvoir apostolique que Nous tenons du Christ, en union avec les vénérables Pères, Nous les approuvons, arrêtons et décrétons dans le St Esprit, et Nous ordonnons que ce qui a été ainsi établi en Concile soit promulgué pour la gloire de Dieu.
Rome, à Saint-Pierre, le 28 Octobre 1965.
Moi, PAUL, évêque de l'Eglise catholique.
(suivent les signatures des Pères)
1965 Perfectae Caritatis