Homéliaire patristique 197
197 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 17,5-10)
Les Apôtres dirent au Seigneur: "Augmente en nous la foi?" Le Seigneur répondit: "La foi, si vous en aviez gros comme une graine de moutarde, vous diriez au grand arbre que voici: 'Déracine-toi et va te planter dans la mer'; il vous obéirait."
Homélie
Prier pour que grandisse notre foi
Homélie de saint Augustin (+ 430)
Sermon 115, 1; PL 38, 655.
La lecture du saint évangile fortifie notre prière et notre foi, et nous dispose à nous appuyer non sur nous-mêmes mais sur le Seigneur. Y a-t-il un moyen plus efficace de nous encourager à la prière que la parabole du juge inique qui nous a été racontée par le Seigneur? Le juge inique, évidemment, ne craignait pas Dieu ni ne respectait les hommes. Il n'éprouvait aucune bienveillance pour la veuve qui recourait à lui et cependant, vaincu par l'ennui, il finit par l'écouter. Si donc il exauça cette femme qui l'importunait par ses prières, comment ne serions-nous pas exaucés par celui qui nous encourage à lui présenter nos prières? C'est pourquoi le Seigneur nous a proposé cette comparaison tirée des contraires pour nous faire comprendre qu'il faut toujours prier sans se décourager (Lc 18,1). Puis il a ajouté: Mais le Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre! (Lc 18,8).
Si la foi disparaît, la prière s'éteint. Qui pourrait, en effet, prier pour demander ce qu'il ne croit pas? Voici donc ce que l'Apôtre dit en exhortant à prier: Tous ceux qui invoqueront le nom du Seigneur seront sauvés. Puis, pour montrer que la foi est la source de la prière et que le ruisseau ne peut couler si la source est à sec, il ajoute: Or, comment invoquer le Seigneur sans avoir d'abord cru en lui (Rm 10,13-14)? Croyons donc pour pouvoir prier et prions pour que la foi, qui est au principe de notre prière, ne nous fasse pas défaut. La foi répand la prière, et la prière, en se répandant, obtient à son tour l'affermissement de la foi.
D'ailleurs, pour que la foi ne faiblisse pas dans les tentations, le Seigneur a dit: Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation (Mt 26,41). Telles sont ses paroles: Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation. Qu'est-ce qu'entrer en tentation? Simplement, sortir de la foi. Car la tentation est d'autant plus forte que la foi est plus faible, et la tentation est d'autant plus faible que la foi est plus forte. Oui, vraiment, mes bien-aimés, c'est pour que la foi ne s'affaiblisse pas et ne se perde pas que le Seigneur a dit: Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation. Afin que vous le compreniez mieux, il a dit au même endroit dans l'évangile: Satan vous a réclamés pour vous passer au crible comme le froment. Mais j'ai prié pour toi, Pierre, afin que ta foi ne sombre pas (Lc 22,31-32). Et celui que guette le danger ne ferait pas sienne la prière de son protecteur?
Mais lorsque le Seigneur dit: Le Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre?, il a en vue la foi parfaite, celle qu'on peut à peine trouver sur la terre. Voyez: l'église de Dieu est remplie. Qui y viendrait s'il n'avait aucune foi? Mais si cette foi était parfaite, qui ne transporterait pas les montagnes? Regardez les Apôtres eux-mêmes: s'ils n'avaient pas eu une grande foi, ils n'auraient pas renoncé à tout ce qu'ils avaient, ils n'auraient pas foulé aux pieds les espoirs terrestres pour suivre le Christ. Et pourtant, leur foi n'était pas parfaite, car ils n'auraient pas dit au Seigneur: Augmente en nous la foi (Lc 17,5).
Prière
Dans ton amour inépuisable, Dieu éternel et tout-puissant, tu combles ceux qui t'implorent, bien au-delà de leurs mérites et de leurs désirs; répands sur nous ta miséricorde en délivrant notre conscience de ce qui l'inquiète et en donnant plus que nous n'osons demander. Par Jésus Christ.
ou bien
Fais de nous des hommes qui vivent de la foi, Seigneur Dieu. Développe ce que tu as semé en nous le jour de notre baptême, pour que nous mettions toutes nos forces à te servir, sans attendre de récompense. Notre joie n'est-elle pas d'être des serviteurs de Jésus Christ? Lui qui règne.
198 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 17,11-19)
Jésus, marchant vers Jérusalem, traversait la Samarie et la Galilée. Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s'arrêtèrent à distance et lui crièrent: "Jésus, maître, prends pitié de nous." En les voyant, Jésus leur dit: "Allez vous montrer aux prêtres."
Homélie
La foi qui purifie
Homélie de saint Bruno de Segni (+ 1123)
Commentaire sur l'évangile de Luc, 2, 40, PL 165, 426-428
Jésus, marchant vers Jérusalem, traversait la Samarie. Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre (Lc 17,11-12). Que représentent les dix lépreux sinon l'ensemble des pécheurs? <> Lorsque vint le Christ notre Seigneur, tous les hommes souffraient de la lèpre de l'âme, même s'ils n'étaient pas tous atteints de celle du corps. Or la lèpre de l'âme est bien pire que celle du corps. Mais voyons la suite. Ils s'arrêtèrent à distance et lui crièrent: Jésus, maître, prends pitié de nous (Lc 17,13). Ces hommes se tenaient à distance car ils n'osaient pas, étant donné leur état, s'avancer plus près de lui. Il en va de même pour nous: tant que nous demeurons dans nos péchés, nous nous tenons à l'écart. Donc, pour recouvrer la santé et guérir de la lèpre de nos péchés, supplions d'une voix forte et disons: Jésus, maître, prends pitié de nous. Cette supplication ne doit toutefois pas venir de notre bouche, mais de notre coeur, car le coeur parle d'une voix plus forte. La prière du coeur pénètre dans les cieux et s'élève très haut, jusqu'au trône de Dieu.
En les voyant, Jésus leur dit: Allez vous montrer aux prêtres (Lc 17,14). En vérité, lorsque Dieu regarde, il prend pitié. Il voit donc les lépreux, et aussitôt, saisi de pitié, il leur prescrit d'aller trouver les prêtres, non pour que les prêtres les purifient, mais pour qu'ils les déclarent purs. <>
En cours de route, ils furent purifiés (Lc 17,15). Il faut que les pécheurs entendent cette parole et fassent l'effort de la comprendre. Il est facile au Seigneur de remettre les péchés. Souvent, en effet, le pécheur est pardonné avant de venir trouver le prêtre. En réalité, il est guéri à l'instant même où il se repent. Quel que soit, en effet, le moment où il se convertit, il passe de la mort à la vie. <> Qu'il se rappelle cependant de quelle conversion il s'agit. Qu'il écoute ce que dit le Seigneur: Revenez à moi de tout votre coeur, dans le jeûne, les larmes et le deuil! Déchirez vos coeurs et non pas vos vêtements (Jl 2,12) Toute conversion doit donc s'opérer dans le coeur, au-dedans. Car Dieu ne repousse pas un coeur brisé et broyé (Ps 50,19).
L'un d'eux, voyant qu'il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix. Il se jeta la face contre terre aux pieds de Jésus, en lui rendant grâce. Or, c'était un Samaritain (Lc 17,15-16). En réalité, cet homme représente tous ceux qui ont été purifiés dans l'eau du baptême ou guéris par le sacrement de pénitence. Ils ne suivent plus le démon, mais imitent le Christ, ils marchent à sa suite en le glorifiant et en lui rendant grâce, et ils n'abandonnent pas son service. <>
Jésus lui dit: Relève-toi et va: ta foi t'a sauvé (Lc 17,19). Grande est donc la puissance de la foi, car sans elle, selon la parole de l'Apôtre, il est impossible d'être agréable à Dieu (He 11,6). Abraham eut foi en Dieu, et, de ce fait, Dieu estima qu'il était juste (Rm 4,3). C'est donc la foi qui sauve, la foi qui justifie, la foi qui guérit l'homme dans son âme et dans son corps.
Prière
Nous t'en prions, Seigneur, que ta grâce nous devance et qu'elle nous accompagne toujours, pour nous rendre attentifs à faire le bien sans relâche. Par Jésus Christ.
ou bien
Nous te rendons gloire, Seigneur Dieu. Tu nous as purifiés de la lèpre du péché et tu nous as donné le salut par la foi en ton Fils. Prends pitié de ceux qui souffrent de la lèpre dans leur chair, et donne à tous les hommes que tu as sauvés de vivre sans cesse dans l'action de grâce. Par Jésus Christ.
199 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 18,1-8)
Jésus dit une parabole pour montrer à ses disciples qu'il faut toujours prier sans se décourager: "Il y avait dans une ville un juge qui ne respectait pas Dieu et se moquait des hommes. Dans cette même ville, il y avait une veuve qui venait lui demander: 'Rends-moi justice contre mon adversaire.'"
Homélie
Prier
Homélie de saint Grégoire de Nysse (+ 395)
Homélies sur la prière du Seigneur, 1, PG 44, 1120 1124-1125
Le Verbe de Dieu nous livre ses enseignements sur la prière lorsqu'il apprend aux disciples qui en sont dignes et qui cherchent avec ferveur à s'en instruire, avec quelles paroles il convient de prier pour se faire entendre de Dieu. <> Au contraire, celui qui ne s'unit pas à Dieu par la prière, se détachera de lui. Ce discours devra donc nous faire comprendre en premier lieu qu'il faut toujours prier sans se décourager (Lc 18,1). Car la prière a pour effet d'unir l'homme à Dieu, et celui qui est en communion avec Dieu est loin de l'Adversaire.
La prière sauvegarde la tempérance, maîtrise la colère, abat l'orgueil, extirpe la rancune. <> La prière est le sceau de la virginité et la fidélité du mariage. Elle est le bou clier des voyageurs, la garde de ceux qui dorment, la confiance de ceux qui veillent, la prospérité des agriculteurs, la sécurité des navigateurs. <>
Vraiment, quand bien même nous passerions toute notre vie à converser avec Dieu dans la prière et l'action de grâce, nous resterions, je crois, aussi indignes de cet échange avec notre bienfaiteur que si nous n'avions même pas conçu le désir de lui manifester notre reconnaissance.
Le temps se divise en trois moments: le passé, le présent et l'avenir. En chacun d'eux nous saisissons la bienveillance divine. Penses-tu au présent? Tu es en vie grâce au Seigneur. Si tu envisages l'avenir, l'espoir de réaliser tes désirs repose sur le Seigneur. Quant au passé, tu n'aurais pas existé si le Seigneur ne t'avait pas créé.
Il t'a accordé sa faveur en te faisant naître, et depuis ta naissance il te l'accorde encore. Comme l'Apôtre le dit: Tu as en lui la vie et le mouvement (cf. Ac 17,28). Tu fondes sur cette même faveur ton espoir des réalités à venir. Toi, tu n'es maître que du présent.
Même si tu ne cesses de rendre grâce à Dieu durant toute ta vie, cela égalera à peine la grâce qu'il te fait au moment présent, et tu ne trouveras jamais le moyen de payer ta dette de reconnaissance pour le passé et pour l'avenir. Que nous sommes loin, d'ailleurs, de lui rendre grâce selon la mesure de nos capacités! C'est au point que nous n'employons même pas les possibilités qui nous sont offertes de manifester notre gratitude. Nous négligeons, en effet, de réserver, je ne dis pas toute la journée, mais même une infime partie de celle-ci, à la méditation des réalités divines. <>
Qui a rétabli dans la grâce originelle l'image divine que le péché avait ternie en moi? Qui me fait monter vers le bonheur que je possédais avant d'être exilé du paradis, privé de l'arbre de vie et englouti dans l'abîme de cette existence charnelle? Il n'y a personne qui comprenne (Rm 3,11), dit l'Écriture. Car, en vérité, si nous y étions vraiment attentifs, durant toute notre vie nous ne cesserions de rendre grâce à Dieu.
Prière
Dieu éternel et tout-puissant, fais-nous toujours vouloir ce que tu veux et servir ta gloire d'un coeur sans partage. Par Jésus Christ.
Fais venir ton Règne, Seigneur Dieu. Quand le monde nous paraît s'éloigner de toi et la foi s'étioler, fortifie notre espérance et ranime notre ardeur à te prier. N'as-tu pas promis de faire justice à tes élus qui crient vers toi jour et nuit? Par Jésus Christ.
200 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 18,9-14)
Jésus dit une parabole pour certains hommes qui étaient convaincus d'être justes et qui méprisaient tous les autres: "Deux hommes montèrent au Temple pour prier. L'un était pharisien et l'autre, publicain."
Homélie
Aux humbles Dieu accorde sa grâce
Homélie de Grégoire Palamas (+ 1359)
Homélie 2; PG 151, 17-20.28-29.
Cet être spirituel qui est le premier auteur du mal et qui s'ingénie à le répandre, se montre très habile à détruire par le désespoir et l'infidélité les fondements de la vertu dans l'instant même où ils ont été posés dans une âme. Ensuite, lorsque se dressent les murs de ce j'appellerai la maison de la vertu, il se sert aussi très astucieusement du découragement et de la négligence pour leur donner l'assaut. Même quand le toit des bonnes oeuvres vient d'être construit, il l'abat encore avec l'arrogance et la présomption.
Restez fermes pourtant, ne vous effrayez pas, car l'homme zélé pour le bien est plus habile que lui. Et la vertu possède, pour résister au mal, une force plus grande que la sienne. Elle bénéficie, en effet, de l'assistance et du secours envoyés d'en haut par Celui qui peut tout. Dans sa bonté, il rend forts tous ceux qui aiment la vertu.
De la sorte, celle-ci restera inébranlable face aux multiples et funestes machinations ourdies par l'Adversaire. Elle pourra en outre relever et rétablir ceux qui sont tombés dans l'abîme des maux, et les conduire facilement à Dieu par le repentir et l'humilité.
La parabole nous le fait comprendre suffisamment. Le publicain, bien qu'il soit publicain et passe sa vie dans ce que j'appellerai l'abîme du péché, s'unit par une simple prière à ceux qui mènent une vie conforme à la vertu. Grâce à cette courte prière il se sent léger, il s'élève, il triomphe de tout mal, il est agrégé au choeur des justes et justifié par le Juge impartial. Le pharisien, lui, est condamné sur ce qu'il dit, bien qu'il soit pharisien et se considère comme quelqu'un d'important. Car il n'est pas vraiment juste, et de sa bouche sortent beaucoup de paroles d'orgueil qui, toutes, provoquent la colère de Dieu.
Pourquoi l'humilité élève-t-elle l'homme à la hauteur de la sainteté, tandis que la présomption le précipite dans le gouffre du péché? Voici. Celui qui se prend pour quelqu'un d'important devant Dieu est à juste titre abandonné par Dieu, puisqu'il pense ne pas avoir besoin de son secours. L'autre reconnaît son néant et, de ce fait, se tourne vers la miséricorde divine. Il trouve à juste raison la compassion, l'assistance et la grâce de Dieu. L'Écriture dit en effet: le Seigneur résiste aux orgueilleux, mais il accorde aux humbles sa grâce (cf. Pr 3,34 grec; Je 4,6; 1P 5,5). <>
Selon la parole du Seigneur, quand ce dernier rentra chez lui, c'est lui qui était devenu juste et non pas l'autre. Qui s'élève sera abaissé; qui s'abaisse sera élevé (Lc 18,14). Du fait que le diable est l'orgueil même, et l'arrogance son vice propre, ce mal conquiert puis entraîne avec lui toute vertu humaine à laquelle il se mêle. Pareillement, s'abaisser devant Dieu est la vertu des bons anges: elle triomphe également de tous les vices humains dont sont affligés les pécheurs. Car l'humilité est le char qui nous emmène vers Dieu, sur ces nuées qui doivent emporter jusqu'à lui ceux qui lui seront unis dans les siècles sans fin, selon la prophétie de l'Apôtre: Nous serons emportés, dit-il, sur les nuées du ciel à la rencontre du Seigneur. Ainsi, nous serons pour toujours avec le Seigneur (1Th 4,17). Car l'humilité est semblable à une nuée: elle prend corps dans le repentir, elle fait jaill ir des yeux un torrent de larmes, elle rend dignes les indignes, elle conduit et unit à Dieu ceux qui, en raison de leur volonté droite, sont justifiés par la grâce.
Prière
Dieu éternel et tout-puissant, augmente en nous la foi, l'espérance et la charité; et pour que nous puissions obtenir ce que tu promets, fais-nous aimer ce que tu commandes. Par Jésus Christ.
ou bien
Seigneur notre Dieu, toi qui rends justes ceux qui se reconnaissent pécheurs, prends pitié de nous. Fais-nous fuir relèvement et donne-nous la force d'imiter celui qui s'est abaissé jusqu'à la mort, Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur. Lui qui règne.
201 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 19,1-10)
Jésus traversait la ville de Jéricho. Or il y avait un homme du nom de Zachée; il était le chef des collecteurs d'impôts, et c'était quelqu'un de riche. Il cherchait à voir qui était Jésus, mais il n'y arrivait pas à cause de la foule, car il était de petite taille.
Homélie
Dieu, notre seul bien
Homélie de Philoxène de Mabboug (+ 523)
Homélie 4, 79-80, version remaniée de SC 44, 96-97
Tous ceux qui ont été appelés par le Seigneur ont obéi aussitôt à sa voix dès lors que l'amour des choses terrestres n'alourdissait pas leur âme. Car les liens du monde asservissent le coeur et ses pensées, et celui qui en est entravé entend difficilement résonner la voix de Dieu. Mais il n'en alla pas ainsi des Apôtres, ni des justes, ni des Patriarches qui vécurent avant eux: ils obéirent comme des vivants et prirent la route, légers, parce qu'aucune lourde chaîne ne les attachait au monde. Rien ne peut lier ni entraver l'âme qui aperçoit Dieu: elle est ouverte et prête, si bien que la lumière de la loi divine, chaque fois qu'elle s'approche de cette âme, la trouve disposée à la recevoir.
Notre Seigneur a aussi appelé Zachée du sycomore sur lequel il était monté, et aussitôt Zachée s'empressa de descendre et le reçut dans sa maison, car, avant même d'être appelé, il avait l'espoir de le voir et de devenir son disciple. L'admirable est que, sans que le Seigneur lui eût parlé et sans l'avoir vu avec les yeux du corps, Zachée ait cru en lui, simplement sur la parole des autres, car la foi qui était en lui avait été préservée dans sa vie et sa santé naturelles. Le fait qu'il ait cru en notre Seigneur au moment même où il apprit son arrivée, a rendu sa foi manifeste. Et la simplicité de sa foi est apparue lorsqu'il promit de donner la moitié de ses biens aux pauvres et de rendre au quadruple ce qu'il avait pris d'une manière malhonnête.
En effet, si la simplicité qui convient à la foi n'avait pas rempli à ce moment l'âme de Zachée, il n'aurait pas fait cette promesse à Jésus, et il n'aurait pas dépensé et distribué en peu de temps ce qu'il avait amassé en tant d'années de travail. La simplicité a répandu de tous côtés ce que l'astuce avait amassé, la pureté de l'âme a dispersé ce que la tromperie avait acquis, la foi a renoncé à ce que l'injustice avait obtenu et possédé, et elle a proclamé que cela ne lui appartenait pas.
Car Dieu est le seul bien de la foi et celle-ci refuse de posséder d'autres biens avec lui. La foi ne fait aucun cas des biens, quels qu'ils soient, en dehors de Dieu, son seul bien durable. Nous avons reçu en nous la foi pour parvenir à Dieu, ne posséder que lui et regarder comme un désavantage tout ce qui n'est pas lui.
Prière
Dieu de puissance et de miséricorde, c'est ta grâce qui donne à tes fidèles de pouvoir dignement te servir; accorde-nous de progresser sans que rien nous arrête vers les biens que tu promets. Par Jésus Christ.
ou bien
Descends chez nous, Seigneur Jésus, car le péché nous tient, et nous avons besoin de ta présence pour nous libérer. Viens chercher ce qui est en train de se perdre et sauve-le à jamais. Par Jésus Christ.
202 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 20,27-38)
Des sadducéens - ceux qui prétendent qu'il n'y a pas de résurrection - vinrent trouver Jésus, et ils l'interrogèrent: "Maître, Moïse nous a donné cette loi: Si un homme a un frère marié mais qui meurt sans enfant, qu'il épouse la veuve pour donner une descendance à son frère."
Homélie
Le Dieu des vivants
Traité de saint Irénée (+ 200)
Contre les hérésies, 4, 5, 2-4; d'après la traduction d'A. rousseau, Paris, Cerf, 1984, 416-417.
Quand notre Seigneur et Maître répondit aux sadducéens qui niaient la résurrection et, à cause de cela, méprisaient Dieu et ridiculisaient la Loi, il a tout à la fois prouvé la résurrection et fait connaître Dieu: Au sujet de la résurrection des morts, n'avez-vous pas lu ce que Dieu vous a dit: Moi, je suis le Dieu d Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob (Mt 22,31-32)? Et il ajoute: Il n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants (Mt 22,32; Lc 20,38). Par là il a fait connaître clairement que celui qui, du sein du buisson, parla à Moïse et déclara être le Dieu des pères, c'est lui le Dieu des vivants. Or qui donc serait le Dieu des vivants, sinon le vrai Dieu, au-dessus duquel il n'y a pas d'autre Dieu? C'est lui qu'avait annoncé le prophète Daniel. A Cyrus, le roi des Perses, qui lui demandait: Pourquoi n'adores-tu pas Bel?, celui-ci répondait: Parce que je ne vénère pas des idoles faites de main d'homme, mais le Dieu vivant qui a créé le ciel et la terre et qui a pouvoir sur toute chair (Da 14,5). Il disait encore: J'adorerai le Seigneur, mon Dieu, parce que c'est lui le Dieu vivant (Da 14,25).
Ainsi le Dieu qu'adoraient les prophètes, le Dieu vivant, c'est lui le Dieu des vivants, ainsi que son Verbe, qui a parlé à Moïse, qui a aussi confondu les sadducéens et accordé la résurrection; à partir de la Loi, il a démontré à ces aveugles deux choses: la résurrection et Dieu. Car s'il n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants, et si lui-même est appelé le Dieu des pères qui se sont endormis, sans aucun doute ils sont vivants pour Dieu et n'ont pas péri, puisqu'ils sont fils de la résurrection (Lc 20,36).
Or la résurrection, c'est notre Seigneur en personne, ainsi qu'il le dit lui-même: Je suis la résurrection et la vie (Jn 11,25). Et les pères sont ses fils, car il a été dit par le prophète: Au lieu de pères qu'ils étaient, ils sont devenus tes fils (d'après ps 44,17). Le Christ lui-même est donc bien, avec le Père, le Dieu des vivants qui a parlé à Moïse et qui s'est manifesté aux pères.
C'est précisément ce qu'il enseignait, lorsqu'il disait aux Juifs: Abraham votre père a tressailli d'allégresse dans l'espoir de voir mon Jour. Il l'a vu, et il a été dans la joie (Jn 8,56). Qu'est-ce à dire? Abraham eut foi en Dieu, et de ce fait, Dieu estima qu'il était juste (Rm 4,3; Ga 3,6; cf. Gn 15,6). Il crut, en premier lieu, que c'était lui l'Auteur du ciel et de la terre, le seul Dieu (cf. Gn 14,22); ensuite, qu'il rendrait sa postérité pareille aux étoiles du ciel (cf. Gn 15,5). C'est le mot même de Paul: Vous brillez comme des astres dans l'univers (Ph 2,15).
C'est donc à juste titre que, laissant là toute sa parenté terrestre, il suivait le Verbe de Dieu, se faisant étranger avec le Verbe afin de devenir concitoyen du Verbe (cf. Gn 12,1-5). C'est ajuste titre aussi que les Apôtres, ces descendants d'Abraham, laissant là leur barque et leur père, suivaient le Verbe (cf. Mt 4,22). C'est ajuste titre enfin que nous, qui avons la même foi qu'Abraham, prenant notre croix comme Isaac prit le bois (cf. Gn 22,6), nous suivons ce même Verbe. Car, en Abraham, l'homme avait appris par avance et s'était accoutumé à suivre le Verbe de Dieu.
Prière
Dieu qui es bon et tout-puissant, éloigne de nous tout ce qui nous arrête, afin que sans aucune entrave, ni d'esprit ni de corps, nous soyons libres pour accomplir ta volonté. Par Jésus Christ.
ou bien
Seigneur, Dieu des vivants, par le Christ vainqueur de la mort tu nous appelles à une vie sans déclin. Fais de nous tes fils et les héritiers de la résurrection, pour que nous puissions, avec les anges, contempler ta gloire à jamais. Par Jésus Christ.
203 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 21,5-19)
Certains disciples de Jésus parlaient du Temple, admirant la beauté des pierres et les dons des fidèles. Jésus leur dit: "Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n'en restera pas pierre sur pierre: tout sera détruit."
Homélie
Tenir jusqu'au bout
Lettre de Nil d'Ancyre (+ vers 430)
Lettres, livre 3, 35; PG 79, 401-404.
Quand survient l'épreuve, la force de la supporter en conformité avec la volonté de Dieu est d'un grand secours. Le Seigneur dit en effet: C'est par votre persévérance que vous sauverez vos vies (Lc 21,10). Il ne dit pas: "par votre jeûne", ni "par votre solitude et votre silence", ni "par le chant des psaumes" - tout cela est certainement utile au salut de nos âmes - mais il dit: par votre persévérance.
Cela vaut pour toutes les épreuves et difficultés qui se présenteront: que ce soit l'insulte, le mépris, la honte infligée par tel homme obscur ou important; que ce soit l'infirmité corporelle, les attaques furieuses de Satan et les épreuves de toutes sortes causées par les hommes ou les esprits mauvais.
C'est par votre persévérance que vous sauverez vos vies. Non par votre seule persévérance, mais aussi par une parfaite action de grâce, par votre prière et par votre humilité. De sorte que vous fassiez monter des louanges et des hymnes vers Dieu, le Sauveur du monde, le bienfaiteur qui dispose toutes choses et les dirige toutes, bonnes ou mauvaises, pour votre bien.
Et l'Apôtre écrit: Nous courons avec endurance l'épreuve de la foi qui nous est proposée (He 12,1). Qu'y a-t-il, en effet, de plus puissant que la vertu? De plus solide et de plus fort que la patience? J'entends la patience conforme à la volonté de Dieu, la reine des vertus, le fondement des actes méritoires, le port que les vagues ne peuvent atteindre.
La patience donne, en effet, la paix au milieu des guerres, la tranquillité sur une mer houleuse, la sécurité parmi les complots et les dangers. Elle rend celui qui la met en pratique plus résistant que l'acier. Ni les armes, ni les arcs que l'on brandit, ni l'agitation des camps, ni l'approche des machines de guerre, ni les volées de flèches et de lances, ni l'armée même des démons, ni les sombres troupes des puissances hostiles, ni le diable en personne, prêt à combattre avec toute son armée et ses stratagèmes, ne pourra infliger aucun mal à celui qui a acquis cette vertu par la grâce du Christ.
Prière
Accorde-nous, Seigneur, de trouver notre joie dans notre fidélité: car c'est un bonheur durable et profond de servir constamment le créateur de tout bien. Par Jésus Christ.
ou bien
Dieu qui es l'origine et la fin du monde, fais vivre tes disciples dans l'espérance de ta venue. Que les épreuves qui surviennent n'ébranlent pas leur confiance, et que les persécutions subies à cause du Nom de Jésus leur soient une occasion de rendre témoignage à ton Fils. Lui qui règne.
204 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 23,35-43)
On venait de crucifier Jésus, et le peuple restait là à regarder. Les chefs ricanaient en disant: "Il en a sauvé d'autres! qu'il se sauve lui-même, s'il est le Messie de Dieu, l'Élu!"
Homélie
Sur la croix, il est roi
Homélie de saint Jean Chrysostome (+ 407)
Homélie sur la croix et le larron, 1,3-4, PG 49, 403-404.
Seigneur, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne (Lc 23,42). Le larron n'a pas osé faire cette prière avant d'avoir déposé par son aveu le fardeau de ses péchés. Tu vois, chrétien, quelle est la puissance de la confession! Il a avoué ses péchés et le paradis s'est ouvert. Il a avoué ses péchés et il a eu assez d'assurance pour demander le Royaume après ses brigandages.
Songes-tu à tous les bienfaits que la croix nous procure? Tu veux connaître le Royaume? Dis-moi: Que vois-tu donc ici qui y ressemble? Tu as sous les yeux les clous et une croix, mais cette croix même, disait Jésus, est bien le signe du Royaume. Et moi, en le voyant sur la croix, je le proclame roi. Ne revient-il pas à un roi de mourir pour ses sujets? Lui-même l'a dit: Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis (Jn 10,11). C'est également vrai pour un bon roi: lui aussi donne sa vie pour ses sujets. Je le proclamerai donc roi à cause du don qu'il a fait de sa vie. Seigneur, souviens-toi de moi quand tu seras dans ton Royaume.
Comprends-tu maintenant comment la croix est le signe du Royaume? Si tu le veux, voici encore une autre preuve. Le Christ n'a pas laissé sa croix sur la terre, mais il l'a soulevée et emportée avec lui dans le ciel. Nous le savons parce qu'il l'aura près de lui quand il reviendra dans la gloire. Tout cela pour t'apprendre combien est vénérable la croix qu'il a appelée sa gloire. <>
Lorsque le Fils de l'homme viendra, le soleil s'obscurcira et la lune perdra son éclat (Mt 24,29). Il régnera alors une clarté si vive que même les étoiles les plus brillantes seront éclipsées. Les étoiles tomberont du ciel. Alors paraîtra dans le ciel le signe du Fils de l'homme (Mt 24,29-30).
Tu vois quelle est la puissance du signe de la croix! <> Quand un roi entre dans une ville, les soldats prennent les étendards, les hissent sur leurs épaules et marchent devant lui pour annoncer son arrivée. C'est ainsi que des légions d'anges et d'archanges précéderont le Christ, lorsqu'il descendra du ciel. Ils porteront sur leurs épaules ce signe annonciateur de la venue de notre Roi.
Prière
Dieu éternel, tu as voulu fonder toutes choses en ton Fils bien-aimé, le Roi de l'univers; fais que toute la création, libérée de la servitude, reconnaisse ta puissance et te glorifie sans fin. Par Jésus Christ.
205 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 2,22-40)
Quand arriva le jour fixé par la loi de Moïse pour la purification, les parents de Jésus le portèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur.
Homélie
Rencontrer le Christ
au choix
Homélie d'Origène (+ 253)
Homélies sur l'évangile de Luc, 15, 3-4, SC 87, 234-236
Considérez comment tout a été disposé à l'avance pour que Syméon mérite de tenir le Fils de Dieu dans ses bras. D'abord, il avait été averti par l'Esprit Saint qu'il ne verrait pas la mort avant d'avoir vu le Christ du Seigneur. Ensuite, ce n'est pas par hasard ni sans raison qu'il est entré dans le Temple, mais il est venu au Temple poussé par l'Esprit (Lc 2,26-27). En effet, tous ceux qui se laissent conduire par l'Esprit sont fils de Dieu (Rm 8,14).
Toi aussi, si tu veux tenir Jésus et le serrer dans tes mains, <> fais tous tes efforts pour te laisser guider par l'Esprit et pour venir au temple de Dieu. Voici que tu te tiens maintenant dans le temple du Seigneur Jésus, c'est-à-dire dans son Église, temple construit de pierres vivantes (1P 2,5). Or tu te tiens dans le temple du Seigneur quand ta vie et ta conduite méritent vraiment d'être appelées d'Église.
Si tu es venu au Temple, poussé par l'Esprit, tu trouveras l'enfant Jésus, tu relèveras dans tes bras, et tu diras: Maintenant, ô Maître, tu peux laisser ton serviteur s'en aller dans la paix selon ta parole (Lc 2,29). Remarque en même temps que la paix est associée à la mort et au départ, car lorsque Syméon a dit: "Je veux m'en aller", il n'a pas manqué d'ajouter: dans la paix.
Or, le bienheureux Abraham a reçu aussi la même promesse: Toi, tu t'en iras en paix vers tes pères après avoir vécu une heureuse vieillesse (Gn 15,15).
Qui meurt dans la paix? Celui-là seul à qui appartient la paix de Dieu qui dépasse tout ce qu'on peut imaginer, et garde le coeur (Ph 4,7) de celui qui la possède. Qui part de ce monde dans la paix? Celui-là seul qui comprend que Dieu est dans le Christ se réconciliant le monde (2Co 5,19). C'est celui qui n'entretient aucune inimitié ni opposition à l'égard de Dieu, celui qui a atteint la plénitude de la paix et de la concorde par ses bonnes oeuvres, et à qui il est ainsi permis d'aller retrouver les saints patriarches qu'Abraham aussi a rejoints.
Mais pourquoi parler des patriarches? Il s'agit plutôt d'aller rejoindre Jésus lui-même, le prince et le Seigneur des patriarches, qui a fait dire à saint Paul: Je voudrais bien partir pour être avec le Christ, car c'est bien cela le meilleur (Ph 1,23). Il possède Jésus, celui qui ose dire: Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi (Ga 2,20).
Alors que, debout dans le Temple, nous tenons le Fils de Dieu et l'embrassons, prions donc le Seigneur tout-puissant et l'enfant Jésus lui-même pour mériter d'être délivrés et de partir vers des réalités meilleures, nous qui aspirons à lui parler en le tenant dans nos bras. A lui appartiennent la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen (1P 4,11).
ou bien
Syméon, dernier et premier des justes
Discours de Timothée de Jérusalem (+ après 400)
Discours sur Syméon, PG 86/1, 240-241.
Les justes vivent pour toujours; leur récompense est dans le Seigneur et le Très-Haut prend soin d'eux (Sg 5,15). <> Le temps me manque pour pouvoir rappeler les vertus de tous les saints. Je traiterai donc du dernier des justes de l'Ancien Testament. Et qui est-il? Syméon, dont l'évangile de Luc nous rapporte le nom. Il est à la fois le premier et le dernier. Le dernier à avoir vécu sous le régime de la Loi, le premier sous celui de la grâce. Juif soumis aux observances, il était chrétien par son action de grâce. Sa formation en avait fait un légiste, sa connaissance de Dieu en fit son messager.
Syméon, dont l'histoire nous a été lue récemment, avait été retiré de l'impiété pharisaïque, comme une rosé cueillie parmi les épines. Pour avoir été favorisé du don de la grâce, il avait acquis la réputation d'être le premier. Syméon était parvenu à un si haut degré de justice que, pendant sa vie corporelle, Dieu lui fit cette révélation: "Il n'achèverait pas cette vie temporelle avant d'avoir serré dans ses bras de chair la Vie éternelle, Jésus Christ notre Seigneur."
Le juste Syméon, qui dès avant l'Incarnation aspirait à voir le Seigneur, l'a donc vu dans son Incarnation, il l'a reconnu et l'a pris dans ses bras. Et il a supplié le Maître de l'univers, devenu enfant en la condition de serviteur, d'être délivré de la prison de son corps, en disant à haute voix ces paroles que tu as entendues récemment: Maintenant, ô Maître, tu peux laisser ton serviteur s'en aller dans la paix, selon ta parole, car mes yeux ont vu ton salut (Lc 2,29-30).
Je l'ai vu, laisse-moi m'en aller, ne me garde pas ici; permets-moi de m'en aller dans la paix, ne me laisse pas dans la tristesse. Je l'ai vu, permets-moi de partir. J'ai vu ta gloire, les anges danser, les archanges te glorifier, la création exulter. J'ai vu le passage unique reliant le ciel à la terre. Maintenant, permets-moi de m'en aller, ne me garde pas ici.
Ne me laisse pas voir l'insolence de mes compagnons juifs envers toi, la couronne d'épines que l'on tresse, l'esclave qui te gifle, la lance qui s'approche de toi. Ne me laisse pas voir le soleil s'obscurcir, la lune décroître, les éléments s'altérer. Ne me laisse pas te voir brisé sur la croix. Ne me laisse pas voir les rochers se fendre, le voile du Temple se déchirer. Car les éléments mêmes ne seront pas capables de supporter ce défi et ils prendront part aux souffrances du Seigneur.
Maintenant, ô Maître, tu peux laisser ton serviteur s'en aller dans la paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu ton salut que tu as préparé à la face de tous les peuples (Lc 2,29-31).
ou bien
Allumez vos lampes à la lumière du Christ
Homélie du bienheureux Guerric d'Igny (+ 1157)
Sermon pour la fête de la purification de la bienheureuse Vierge Marie, 2.3 5, PL 185, 64-65.
Tenant aujourd'hui en main un cierge allumé, qui donc ne se rappellerait le vénérable vieillard qui reçut aujourd'hui dans ses bras le Verbe demeurant dans la chair comme la lumière sur la cire? Il a déclaré que Jésus était la lumière venue pour éclairer les nations païennes (Lc 2,32).
Syméon, c'est certain, était aussi une lampe allumée et brillante qui rendait témoignage à la lumière. Rempli de l'Esprit et poussé par l'Esprit, il était venu au Temple pour accueillir ton amour, ô mon Dieu, au milieu de ton Temple (cf. ps 47,10), pour proclamer que Jésus est cet amour et la lumière de ton peuple. <>
Voici donc, mes frères, entre les mains de Syméon, le cierge allumé. Vous aussi, allumez à ce luminaire vos cierges, je veux dire ces lampes que le Seigneur vous ordonne de tenir dans vos mains (cf. Lc 12,35). Approchez-vous de lui et soyez illuminés, de manière à être vous-mêmes plus que des porteurs de lampe, des lumières qui brillent au-dedans et au-dehors pour vous et pour votre prochain.
Qu'il y ait donc une lampe dans votre coeur, une dans votre main, une dans votre bouche! Que la lampe dans votre coeur brille pour vous-même, que la lampe dans votre main et dans votre bouche brille pour votre prochain! La lampe dans votre coeur est la dévotion inspirée par la foi; la lampe dans votre main, l'exemple des bonnes oeuvres; la lampe dans votre bouche, la parole qui édifie. Car nous ne devons pas nous contenter d'être des lumières aux yeux des hommes grâce à nos actes et nos paroles, mais il nous faut encore briller devant les anges par notre prière et devant Dieu par notre intention. Notre lampe devant les anges, c'est la pure piété qui nous fait chanter avec recueillement ou prier avec ferveur en leur présence. Notre lampe devant Dieu, c'est la résolution sincère de plaire uniquement à celui devant qui nous avons trouvé grâce. <>
Afin donc d'allumer toutes ces lampes pour vous, laissez-vous illuminer, mes frères, en vous approchant de la source de la lumière, je veux dire Jésus qui brille entre les mains de Syméon. Il veut, assurément, éclairer votre foi, faire resplendir vos oeuvres, vous inspirer les mots à dire aux hommes, remplir de ferveur votre prière et purifier votre intention. <>
En vérité, quand la lampe de cette vie s'éteindra, vous qui aviez tant de lampes allumées au-dedans, vous verrez la lumière de la vie qui ne s'éteindra pas se lever et monter, le soir, comme la splendeur de midi. Et tandis que vous croirez que tout est fini pour vous, vous vous lèverez, comme l'étoile du matin, et votre obscurité sera comme la lumière de midi (Is 58,10). Le soleil, il est vrai, ne sera plus là pour vous éclairer durant le jour, ni la lune éclatante pour vous envoyer sa lumière, mais le Seigneur sera votre lumière éternelle. Car le luminaire de la nouvelle Jérusalem, c'est l'Agneau. A lui louange et gloire pour les siècles des siècles. Amen.
Prière
Dieu éternel et tout-puissant, nous t'adressons cette humble prière: puisque ton Fils unique, ayant revêtu notre chair, fut en ce jour présenté dans le Temple, fais que nous puissions aussi, avec une âme purifiée, nous présenter devant toi. Par Jésus Christ.
Homéliaire patristique 197