Homéliaire patristique
MYSTERIA
Collection liturgique sous la direction de
Henri DELHOUGNE, O.S.B.
BREPOLS
Édition approuvée pour la Liturgie des Heures
Abbaye de Clervaux
BREPOLS
1 Pour l'ordre Bénédictin
Dans l'office des Vigiles, une attention particulière a toujours été apportée par les communautés monastiques à l'écoute de l'Evangile et de son explication par les Pères de l'Église. Le Concile Vatican II a lui-même exhorté les moines à méditer les textes des Pères. Les lectures, ici proposées, ont été soigneusement choisies et le tout est conforme au Thesaurus Liturgiae Horarum
Rome, Noël 1990
Victor DAMMERTZ, OSB, Abbé Primat
Congregatio de Cultu Divino et Disciplina Sacramentorum
Prot. CD 895/90 Ordinis Sancti Benedicti
Instante Reverendo Patre Victorio Dammertz, Ordinis Sancti Benedicti Abbate Primate, litteris die 20 decembris 1990 datis, vigore facultatum huic Congregationi a Summo Pontifice IOANNE PAULO II tributorum, textum gallicum Lectionarii Patrum aa Vigilias, pro celebratione Liturgiae Horarum, cui titulus "Les Pères de l'Eglise commentent l'Evangile. Homéliaire pour les dimanches A, B, C et les grandes fêtes", prout in adnexo exstat exemplari, perlibenter probamus seu confirmamus.
In textu imprimendo inseratur ex integro hoc Decretum, quo petita confirmatio ab Apostolica Sede conceditur. Eiusdem insuper textus impressi duo exemplaria ad hanc Congregationem transmittantur.
Contrariis quibuslibet minime obstantibus.
Ex aedibus Congregationis de Cultu Divino et Disciplina Sacramentorum, 9 aprilis 1991.
Eduardus Card. MARTINEZ, Praefectus
+ Ludoyicus KADA, Archiep. tit. Thibicen. a Secretis
p Fr
Pour les Monastères Cisterciens
Cet homéliaire pour le troisième nocturne des dimanches et des fêtes entre dans le cadre du n° 12 des normes générales de la Liturgie des Heures approuvées pour l' OCSO en 1974. Nous le recommandons vivement aux monastères francophones de notre Ordre.
La Trappe, le 15 mai 1991.
F M -Gérard DUBOIS, président de la Commission Francophone Cistercienne
Pour l'ensemble des fidèles francophones
Ce lectionnaire patristique pour les dimanches et les fêtes a été réalisé à l'usage de l'Ordre de saint Benoît. Cependant, dans l'attente du lectionnaire facultatif à venir (cf. Présentation Générale de la Liturgie des Heures, nn. 161-162), les évêques de la Commission Internationale Francophone pour les Traductions et la Liturgie ont donné leur accord, le 26 septembre 1990, pour que ces textes soient éventuellement utilisés ad intérim par l'ensemble des fidèles francophones, à la place de la deuxième lecture de l' Office des lectures du dimanche.
A Paris, le 27 mai 1991
+ François FAVREAU, Évêque de Nanterre, Président de la Commission Internationale Francophone pour les Traductions et la Liturgie
Pour les textes empruntés à l'A.E.L.F., Concordat cum originali P. Jean-Louis ANGUÉ, Secrétaire Général de l'A.E.L.F.
Copyright
© Friends of Henry Ashworth, pour la sélection des textes ;
© Liturgie Monastique des Heures, Clervaux, pour la traduction des homélies, pour les oraisons évangéliques et les notices ;
© A.E.L.F., Paris, 1980, pour les incipit des évangiles et les oraisons romaines ;
© 1991 Brepols, pour l'ensemble de l'ouvrage.
Dépôt légal octobre 1991
ISBN 2-503-50022-6 (Brepols)
ISBN 2-89129-159-X (Anne Sigier)
3 Les Pères de l'Église sont nos pères dans la foi. Les premiers, et d'une manière inégalée, ils ont scruté, médité et expliqué la Sainte Écriture et en particulier les Évangiles. Très souvent ce fut au cours d'une célébration liturgique. Depuis que le Concile Vatican II a ouvert plus largement aux fidèles le trésor de la Bible (Constitution sur la liturgie n° 51), un plus grand nombre de passages de l'Évangile sont proclamés au cours de l'eucharistie. Un effort considérable a été fait, notamment par les auteurs de missels, pour faciliter l'accès à ces textes au moyen d'explications tenant compte de l'exégèse moderne. A côté de celle-ci, il est bon d'entendre aussi la voix des Pères de l'Église, voix moins "scientifique", certes, mais souvent savoureuse et nourrissante pour la vie spirituelle. L'exégèse moderne et celle des Pères sont donc complémentaires: l'une et l'autre sont nécessaires pour pénétrer dans l'Évangile. Afin de 'promouvoir le goût savoureux et vivant de la Sainte Écriture', comme le recommande le Concile (ibid. n° 24), la parole est donnée, dans ce livre, aux Pères de l'Eglise.
L'ouvrage que nous présentons au public est un "homéliaire". Ce terme désigne, dans la tradition liturgique, un recueil de textes patristiques commentant les évangiles proclamés dans la liturgie. L'homéliaire peut être considéré comme le complément du lectionnaire de "l'office romain des lectures", publié en français dans la Liturgie des Heures et dans un volume séparé intitulé Livre des Jours. Car non seulement il permet d'approfondir personnellement les lectures évangéliques entendues à la messe, ce qui peut rendre service à un assez large public. Mais il peut aussi être employé dans la liturgie des Heures, au cours d'un "office des lectures" des dimanches et des fêtes, après la proclamation solennelle de l'Évangile. Ceci a lieu habituellement dans la liturgie monastique, mais c' est aussi prévu, de manière facultative, par la liturgie romaine des Heures pour "ceux qui désirent prolonger, suivant la tradition, la célébration de la vigile du dimanche, des solennités et des fêtes " (Présentation générale de la liturgie des Heures n° 73). C'est la raison pour laquelle l'approbation des autorités compétentes a été sollicitée.
La sélection des textes a été effectuée principalement par Dom Henry Ashworth, O.S.B., (1914-1980), moine de l'abbaye de Quarr, qui avait déjà collaboré activement au lectionnaire patristique de la Liturgia Horarum ou Liturgie (romaine) des Heures. Après la mort de Dom Ashworth, le travail a été poursuivi par une équipe de connaisseurs des Pères de l'Église, placée sous la direction de Dame Edith Barnecut, O.S.B., de l'abbaye de Stanbrook (G.B.), et du Père John E. Rotelle, O.S.A., du Monastère Saint-Thomas, Villanova (U.S.A.). Le travail de Dom Ashworth et de son équipe est considérable: outre les homélies des dimanches et grandes fêtes, il propose des lectures patristiques quotidiennes correspondant à la répartition des lectures bibliques sur deux ans, initialement prévue par Liturgia Horarum.
Nous ne publions ici que les homélies pour les dimanches et les grandes fêtes. Nous reproduisons généralement la sélection des textes réalisée par Dom Ashworth et son équipe, telle qu'elle figure dans Christ our Light, 2 vol., Exordium Books, 1981-1985. Mais nous n'avons pas repris les textes qui se trouvent déjà dans la Liturgie des Heures et le Livre des Jours, auxquels nous renvoyons, ni non plus ceux qui ne peuvent être considérés comme textes patristiques, même au sens large. Nous avons aussi écarté quelques textes qui faisaient double emploi ou étaient de moindre valeur.
La traduction française de l'ensemble du "lectionnaire Ashworth " a été entreprise par l'abbaye Saint-Benoît-du-Lac (Canada), sous la direction de Dom Martin Chamberlain, O.S.B. Celui-ci nous a permis de publier séparément l'homéliaire et nous a aimablement communiqué les traductions déjà effectuées par le Père A.-M. Roguet, O.P. (Paris): il s'agit de l'avent, du temps de Noël, du carême, de la Semaine sainte et du temps pascal. La traduction des homélies du temps ordinaire et du sanctoral a été réalisée, à partir des textes originaux, grecs et latins, par l'Abbé Robert Pirlot, du diocèse de Namur. La révision a été assurée par l'Abbé Pol Michel, de Nancy, ainsi que par Dom Antoine Dumas, O.S.B., de Clervaux, qui a, en outre, rédigé les notices historiques. La saisie sur ordinateur a été effectuée par Dom Paul Ludwig, O.S.B., de Clervaux. Que tous soient vivement remerciés.
Henri Delhougne, O.S.B.
Abbaye de Clervaux
4 Les textes patristiques sélectionnés dans ce recueil commentent les passages des évangiles proclamés au cours de la messe des dimanches des années A, B, C, des solennités et des fêtes du Seigneur ayant priorité sur le dimanche. Pour manifester ce lien, il a paru bon de reproduire au moins le début de chacun de ces évangiles. Le manque de place ne permettait pas de les reproduire intégralement. Généralement, d'ailleurs, ces "incipit" sont déjà très évocateurs du texte intégral.
Après chacune des homélies, on a reproduit l'oraison correspondante du Missel romain ainsi que, pour le temps ordinaire, l'oraison évangélique figurant dans la Liturgie Mo nastique des Heures, ouvrage approuvé par l'autorité compétente.
Dans les homélies, on a imprimé en italiques les citations bibliques. La version biblique reproduite est celle de la traduction officielle de la liturgie, sauf quand le passage cité n'y figure pas ou quand l'auteur de l' homélie utilise une version ancienne assez différente de la traduction française liturgique.
Le sigle <> indique les passages omis dans la traduction. Dans le texte même de l'ouvrage, les seules abréviations employées sont celles des livres de la Bible qui sont usuelles dans les pays de langue française.
En note, les références aux oeuvres des Pères contiennent les abréviations aux principales collections patristiques. Les voici, par ordre alphabétique :
CCM Corpus Christianorum. Continuatio Medievalis, Brepols.
CCL Corpus Christianorum. Séries Latina, Brepols.
CSCO Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium, Peeters.
CSEL Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum, Vienne.
GCS Die griechischen christlichen Schriftsteller, Berlin, diffusion Brepols.
PG Patrologia Graeco-Latina, Migne, diffusion Brepols.
PL Patrologia Latina, Migne, diffusion Brepols.
PLS Patrologiae Latinae Supplementum, éd. A. hamman, diffusion Brepols.
PO Patrologia Orientalis, diffusion Brepols. *
SC Sources Chrétiennes, Cerf.
10 Evangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 24,37-44)
Jésus parlait à ses disciples de sa venue: "L'avènement du Fils de l'homme ressemblera à ce qui s'est passé à l'époque de Noé. A cette époque, avant le déluge, on mangeait, on buvait, on se mariait, jusqu'au jour où Noé entra dans l'arche."
Homélie
Tenez-vous prêts!
Homélie de saint Paschase Radbert (+ vers 860)
Commentaire sur l'évangile de Matthieu, 11, 24, PL 120, 799-800
Veillez, car vous ne savez ni le jour ni l'heure (Mt 25,13). Bien que le Seigneur parle ainsi pour tous, il s'adresse uniquement à ses contemporains, comme dans beaucoup d'autres de ses discours qu'on lit dans l'Écriture. Pourtant, ces paroles concernent tous les hommes parce que, pour chacun d'eux, le dernier jour arrivera ainsi que la fin du monde, quand il devra quitter cette vie. Il est donc nécessaire que chacun en sorte comme s'il devait être jugé ce jour-là. C'est pourquoi tout homme doit veiller à ne pas se laisser égarer, mais à rester vigilant, afin que le jour du Seigneur, quand il viendra, ne le prenne pas au dépourvu. Car celui que le dernier jour de sa vie trouvera sans préparation, serait encore trouvé sans préparation au dernier jour du monde. Je ne pense donc nullement que les Apôtres aient cru que le Seigneur viendrait juger le monde pendant leur vie; et pourtant, qui douterait qu'ils aient été attentifs à ne pas se laisser égarer, à veiller et à observer tous les conseils, donnés à tous, pour qu'ils soient trouvés préparés?
C'est pourquoi il faut toujours tenir compte d'un double avènement du Christ: l'un quand il viendra, et que nous devrons rendre compte de tout ce que nous aurons fait; l'autre, quotidien, quand il visite sans cesse notre conscience, et qu'il vient à nous afin de nous trouver prêts lors de son avènement. A quoi me sert, en effet, de connaître le jour du jugement, lorsque je suis conscient de tant de péchés? De savoir si le Seigneur vient, et s'il ne vient pas d'abord dans mon coeur et ne revient pas dans mon esprit, si le Christ ne vit pas et ne parle pas en moi?
Alors, oui, il m'est bon que le Christ vienne à moi, si avant tout il vit en moi et moi en lui. Alors pour moi, c'est comme si le second avènement s'était déjà produit, puisque la disparition du monde s'est réalisée en moi, parce que je puis dire d'une certaine manière: Le monde est crucifié pour moi et moi pour le monde (Ga 6,14).
Réfléchissez encore à cette parole de Jésus: Beaucoup viendront en mon nom (Mt 24,5). Seul l'Antéchrist s'empare de ce nom, bien que ce soit mensonger; de même il présente son corps, mais sans le Verbe de vérité, et sans en avoir la sagesse. Dans aucun passage de l'Écriture, vous ne trouverez que le Seigneur ait déclaré: "Moi, je suis le Christ". Car il lui suffisait de montrer qu'il l'était, par ses enseignements et ses miracles, parce que l'oeuvre du Père était en lui. L'enseignement de sa parole et sa puissance criaient: "Moi, je suis le Christ", plus fort que si des milliers de voix l'avaient crié.
Je ne sais donc pas si vous pourrez trouver qu'il l'a dit en paroles, mais il l'a montré en accomplissant les oeuvres du Père (Jn 5,36) et en donnant un enseignement imprégné de piété filiale. Les faux messies en étant dépourvus, ils ne pouvaient employer que leurs discours pour soutenir leurs prétentions mensongères.
Prière
Donne à tes fidèles, Dieu tout-puissant, d'aller avec courage sur les chemins de la justice à la rencontre du Seigneur, pour qu'ils soient appelés, lors du jugement, à entrer en possession du Royaume des cieux. Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur et notre Dieu, qui règne avec toi et le Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen.
11 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 3,1-12)
En ces jours-là, paraît Jean le Baptiste, qui proclame dans le désert de Judée: "Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche! "
Homélie
Il est temps!
Homélie de saint Augustin (+ 430)
Sermon 109, 1; PL 38, 636.
Nous venons d'entendre l'évangile où Jésus critique ceux qui savaient reconnaître l'aspect du ciel, mais n'étaient pas capables de découvrir le temps où il était urgent de croire au Roya ume des cieux (cf. Lc 12,54). C'est aux Juifs qu'il disait cela, mais cette parole parvient jusqu'à nous. Or le Seigneur Jésus Christ lui-même a commencé ainsi sa prédication: Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche (Mt 4,17). Jean Baptiste, son précurseur, avait commencé de la même façon: Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche (Mt 3,2). Et maintenant le Seigneur les blâme parce qu'ils ne veulent pas se convertir alors que le Royaume des cieux est proche, ce Royaum e des cieux dont il dit lui-même qu'il ne vient pas de manière visible (Lc 17,20), et aussi qu'il est au milieu de vous (Lc 17,21).
Que chacun ait donc la prudence d'accepter les avertissements de notre Maître, pour ne pas laisser échapper le temps de sa miséricorde, ce temps qui se déroule maintenant, pendant lequel il épargne encore le genre humain. Car, si l'homme est épargné, c'est pour qu'il se convertisse, et que personne ne soit condamné.
C'est à Dieu de savoir quand viendra la fin du monde: quoi qu'il en soit, c'est maintenant le temps de la foi. La fin du monde trouvera-t-elle ici-bas l'un d'entre nous? Je l'ignore, et il est probable que non.
Pour chacun de nous le temps est proche, parce que nous sommes mortels. Nous marchons au milieu des dangers. Si nous étions de verre, nous les redouterions moins. Quoi de plus fragile qu'un récipient de verre? Pourtant on le conserve et il dure des siècles. Car on redoute pour lui une chute, mais non pas la vieillesse ni la fièvre. Nous sommes donc plus fragiles et plus faibles, et cette fragilité nous fait craindre chaque jour tous les accidents qui sont constants dans la vie des hommes. Et s'il n'y a pas d'accidents, il y a le temps qui marche. L'homme évite les heurts, évite-t-il la dernière heure? Il évite ce qui vient de l'extérieur, peut-il chasser ce qui naît au-dedans de lui? Parfois n'importe quelle maladie le domine subitement. Enfin, l'homme aurait-il été épargné toute sa vie, lorsqu'à la fin la vieillesse est venue, il n'y a plus de délai.
Prière
Seigneur tout-puissant et miséricordieux, ne laisse pas le souci de nos tâches présentes entraver notre marche à la rencontre de ton Fils; mais éveille en nous cette intelligence du coeur qui nous prépare à l'accueillir et nous fait entrer dans sa propre vie. Lui qui règne avec toi et le Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen.
12 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 11,2-11)
Jean le Baptiste, dans sa prison, avait appris ce que faisait le Christ. Il lui envoya demander par ses disciples: "Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre?"
Homélie
St. Jean Baptiste, symbole de la Loi ancienne "
Homélie de saint Ambroise (+ 397)
Commentaire sur l'évangile de Luc, 5, 93-95 99-102 109, SC 45, 216
Jean Baptiste appela deux de ses disciples et les envoya demander au Seigneur: Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre? Il n'est pas simple de comprendre ces simples paroles, ou bien elles contredisent ce qu i précède. Comment, en effet, Jean ignore-t-il maintenant celui que plus haut il a reconnu par révélation de Dieu le Père? Comment a-t-il reconnu alors celui qu'il ignorait jusque-là, et ignore-t-il maintenant celui qu'il connaissait naguère? Je ne le connaissais pas, dit-il, mais celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau m'a dit: C'est celui sur lequel tu verras l'Esprit Saint descendre du ciel (Jn 1,33). Et Jean Baptiste crut à cette parole, il reconnut celui qui lui fut montré, il l'a adoré après l'avoir baptisé, et il a prophétisé son avènement. Enfin, dit-il, j'ai vu et je rends ce témoignage: C'est lui le Fils de Dieu (Jn 1,34). <>
Puisque l'intelligence immédiate de ces paroles présente un sens contradictoire, cherchons leur signification spirituelle. Jean, nous l'avons dit précédemment, représente la Loi qui annonçait le Christ. Or il est exact que la Loi, retenue matériellement captive dans les coeurs rebelles comme dans des prisons obscures, enfermée dans des cachots pourvoyeurs de supplices, derrière des barreaux d'inconscience, ne pourrait pousser jusqu'au bout le témoignage en faveur de l'économie divine de notre salut sans la garantie de l'Évangile. <>
Jean envoie donc ses disciples au Christ, pour qu'ils obtiennent un supplément d'information, parce que le Christ est la plénitude de la Loi. <>
Enfin le Seigneur, sachant que sans l'Évangile personne ne peut avoir une foi plénière - car si la foi commence par l'Ancien Testament, c'est dans le Nouveau qu'elle s'accomplit -, n'éclaire pas les questions qu'on lui pose sur lui-même par des paroles, mais par des faits. Allez, dit-il, rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu: les aveugles voient, les sourds entendent, les lépreux sont purifiés, les morts ressuscitent, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres (Lc 7,22).
Pourtant ce ne sont encore là que des exemples mineurs du témoignage apporté par le Christ. Ce qui fonde la plénitude de la foi, c'est la croix du Seigneur, sa mort, son ensevelissement. Et c'est pourquoi, après la réponse que nous avons citée, il dit encore: Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi (Lc 7,23)! En effet, la croix pourrait provoquer la chute des élus eux-mêmes, mais il n'y a pas de témoignage plus grand d'une personne divine, il n'y a rien qui paraisse davantage dépasser les forces humaines que cette offrande d'un seul pour tous: par cela seul, le Seigneur se révèle pleinement. Et enfin c'est ainsi que Jean l'a désigné: Voici l'Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde (Jn 1,29). Ces paroles ne s'adressent pas seulement à ces deux hommes, les disciples de Jean, mais à nous tous, afin que nous croyions au Christ, si les événements confirment cette annonce.
Prière
Tu le vois, Seigneur, ton peuple se prépare à célébrer la naissance de ton Fils; dirige notre joie vers la joie d'un si grand mystère, pour que nous fêtions notre salut avec un coeur vraiment nouveau. Par Jésus Christ.
13 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 1,18-24)
Voici quelle fut l'origine de Jésus Christ. Marie, la mère de Jésus, avait été accordée en mariage à Joseph; or, avant qu'ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l'action de l'Esprit Saint.
Homélie
Dieu fait homme, pour nous sauver
Homélie de saint Bède le Vénérable (+ 735)
Homélies pour la Vigile de Noël, 5, CCL 122, 32-36
L'évangéliste Matthieu, avec peu de mots, mais pleins de vérité, rapporte la naissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ, par laquelle, étant fils éternel de Dieu avant les siècles, il est apparu dans le temps comme un fils d'homme. Il avait rappelé les générations de ses ancêtres, depuis Abraham jusqu'à Joseph, l'époux de Marie. Et certes, il convenait de toute façon que Dieu, puisqu'il voulait devenir homme par amour pour les hommes, ne naquît pas d'une autre que d'une vierge et que, lorsqu'il arriverait qu'une vierge enfantât, elle ne put procréer un autre fils que Dieu lui-même: Voici, dit le prophète, la Vierge portera et enfantera un fils, et on l'appellera Emmanuel, nom qui se traduit: Dieu avec nous (Is 7,14).
Le nom de Sauveur "Dieu-avec-nous", donné par le prophète, signifie les deux natures de son unique personne. En effet, celui qui est Dieu, né du Père avant tous les siècles, c'est lui-même qui est Emmanuel à la fin des temps, c'est-à-dire Dieu avec nous. Il l'est devenu dans le sein de sa mère, parce qu'il a daigné accepter la fragilité de notre nature dans l'unité de sa personne, quand le Verbe s'est fait chair et a habité parmi nous (Jn 1,14). C'est-à-dire qu'il a commencé d'une manière admirable à être ce que nous sommes, sans cesser d'être ce qu'il était, en assumant notre nature, de façon à ne pas perdre ce qu'il était en lui-même. <>
Marie mit donc au monde son fils premier-né (Lc 2,7), c'est-à-dire le fils de sa substance; elle enfanta celui qui, avant toute créature, était Dieu, né de Dieu, et qui, dans l'humanité où il était créé, devançait en mérite toute créature.
Et elle lui donna le nom de Jésus (cf. Lc 2,21). Donc, le nom de Jésus est celui du fils qui, né de la Vierge, signifie selon l'explication de l'ange qu'il sauvera son peuple de ses péchés. Or, celui qui sauve des péchés, c'est évidemment lui aussi qui sauvera des corruptions de l'âme et du corps, qui sont les suites du péché.
Quant au nom du Christ, c'est le titre d'une dignité sacerdotale et royale. Car les prêtres et les rois, sous la loi ancienne, étaient appelés Christs à cause de la chrismation. Cette onction d'huile sainte préfigurait celui qui, en venant dans le monde comme vrai roi et pontife, a été consacré d'une onction de joie, comme aucun de ses semblables (Ps 44,8). A cause de cette onction ou chrismation, le Christ en personne et ceux qui participent à la même onction, c'est-à-dire à la grâce spirituelle, sont appelés "chrétiens".
Du fait qu'il est Sauveur, le Christ peut nous sauver de nos péchés; du fait qu'il est pontife, il peut nous réconcilier avec Dieu le Père; du fait qu'il est roi, qu'il daigne nous donner le royaume éternel de son Père, Jésus Christ notre Seigneur qui, étant Dieu, vit et règne avec le Père et le Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.
Prière
Que ta grâce, Seigneur notre Père, se répande en nos coeurs: par le message de l'ange, tu nous as fait connaître l'incarnation de ton Fils bien-aimé; conduis-nous par sa passion et par sa croix jusqu'à la gloire de la résurrection. Par Jésus Christ.
14 Évangile
Commencement de l'Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 1,1-25); lecture brève: 1,18-25
Voici la table des origines de Jésus Christ, fils de David, fils d'Abraham: Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, Jacob engendra Juda et ses frères.
ou bien
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 2,1-14)
En ces jours-là, parut un édit de l'empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre.
Homélie
Il s'est fait pauvre
Homélie de Théodote d'Ancyre (+ après 438)
1 Homélies pour Noël, 1, PG 77, 1360 1361
Le Seigneur de tous est venu sous la forme de l'esclave, revêtu de pauvreté, comme un chasseur qui ne veut pas effaroucher son gibier. Il choisit pour naître un village obscur dans une région inconnue. Il naît d'une vierge qui est pauvre et il adopte tout ce qui est pauvre, afin de partir sans bruit à la chasse du salut de l'homme. Car s'il était né dans la gloire et les richesses, les incroyants diraient assurément que le monde a été transformé par ses largesses. S'il avait choisi pour naître la grande ville de Rome, ils attribueraient à la puissance de ses concitoyens les changements de l'univers. S'il avait été fils d'empereur, on aurait expliqué ses bienfaits par sa puissance. S'il avait été fils d'un sénateur, on aurait attribué à ses lois les progrès réalisés.
Or, qu'a-t-il fait? Uniquement des actions pauvres et banales, tout ce qui était modeste et ignoré du plus grand nombre, afin que le monde sache que la divinité seule a réorganisé le monde. C'est pour cela qu'il a choisi une mère pauvre, et une patrie plus pauvre encore. Il n'avait aucune ressource, et cette indigence nous est signalée par la crèche. Car, puisqu'on n'avait pas de lit pour coucher le Seigneur, on le mit dans une mangeoire et ce manque du nécessaire devint une glorieuse annonce prophétique. Car il est déposé dans une mangeoire pour annoncer qu'il sera la nourriture de ceux qui ne savent pas parler élégamment. Le Verbe de Dieu attirait à lui les riches et les pauvres, les hommes éloquents et ceux qui s'expriment avec difficulté, puisqu'il vit dans la pauvreté, lui qui couche dans une mangeoire. Voilà comment l'indigence devient une prophétie, comment la pauvreté de celui qui pour nous s'est fait chair (Jn 1,14) a montré à tous combien il est accessible.
Car personne n'a manqué de confiance pour avoir été intimidé par les richesses inouïes du Christ; personne n'a été empêché de l'aborder par la haut eur de son pouvoir. Il est apparu banal et pauvre, lui qui s'est offert à tous pour leur salut. Car dans la crèche, c'est le Verbe de Dieu qui se présente au moyen du corps, afin que l'ignorant aussi bien que l'intellectuel puisse accéder à cet aliment qui nous sauve. Et c'est peut-être cela aussi que le prophète proclamait à l'avance quand il disait, en dévoilant le mystère de cette crèche: Le boeuf connaît son propriétaire, et l'âne la crèche de son maître. Israël ne me connaît pas, mon peuple ne comprend pas (Is 1,3).<>
Il s'est fait pauvre à notre profit, lui qui était riche en raison de sa divinité, afin de rendre le salut facilement accessible à tous. C'est ce que voulait dire saint Paul: Lui qui était riche, il est devenu pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riche par sa pauvreté (2Co 8,9). Et qui donc était ce riche? Et de quoi était-il riche, et comment celui-là est-il devenu pauvre à cause de nous? Dites-le-moi: qui donc, quand il était riche, est devenu pauvre de ma pauvreté? C'est Dieu, dit saint Paul, qui était riche par sa création. Donc Dieu même s'est fait pauvre, adoptant la pauvreté de celui qui devenait visible. Car lui-même est riche de sa divinité, et en même temps s'est fait pauvre pour nous.
Prière
Père, toi qui as merveilleusement créé l'homme et plus merveilleusement encore rétabli sa divinité, fais-nous participer à la divinité de ton Fils, puisqu'il a voulu prendre notre humanité. Lui qui règne.
15 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 2,13-15 Mt 2,19-23)
Après la visite des mages, l'Ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit: "Lève-toi; prends l'enfant et sa mère, et fuis en Egypte. Reste là-bas jusqu'à ce que je t'avertisse, car Herode va rechercher l'enfant, pour le faire périr. "
Homélie
Quelle richesse, dans cette pauvreté!
Homélie de saint Jean Chrysostome (+ 407)
Homélie pour Noël, PG 56, 392
Le Sauveur est entré en Egypte pour supprimer le deuil de l'antique tristesse. Au lieu des plaies il apporta la joie; au lieu des ténèbres et de la nuit, il donna la lumière du salut. Autrefois l'eau du fleuve avait été polluée par le massacre prématuré des petits enfants. Il entra donc en Egypte, celui qui jadis avait rougi cette eau, et il rendit les eaux des fleuves capables d'engendrer le salut, en purifiant par la puissance de l'Esprit ce qui était maudit et souillé en elles. Les Égyptiens avaient été châtiés et, dans leur folie, ils avaient renié le Seigneur. Le Seigneur entra en Egypte, il remplit les âmes religieuses d e la connaissance de Dieu, et il donna au fleuve de produire encore plus de martyrs que d'épis de blé. <>
Que puis-je dire de ce mystère? Je vois un ouvrier, une mangeoire, un enfant, des langes, l'enfantement d'une vierge privée de tout le nécessaire, toutes les marques de l'indigence, tout le fardeau de la pauvreté. Avez-vous jamais vu la richesse dans une telle pénurie? Comment celui qui était riche s'est-il fait pauvre pour nous au point que, privé de berceau et de couvertures, il est étendu dans une dure mangeoire? <>
O richesse immense, sous les apparences de la pauvreté! Il gît dans une mangeoire et il ébranle l'univers! Serré dans ses langes, il brise les chaînes du péché. Alors qu'il ne peut pas prononcer un mot, il a instruit les mages et les a fait changer d'itinéraire! Encore une fois, le mystère décourage la parole! Voici le bébé enveloppé de langes, couché dans une mangeoire; il y a là aussi Marie, à la fois vierge et mère, il y a encore Joseph qu'on appelle son père. Celui-ci a épousé Marie, mais le Saint-Esprit a couvert Marie de son ombre. C'est pourquoi Joseph était angoissé, ne sachant comment appeler l'enfant. <>
Dans cette anxiété, un oracle lui fut apporté par un ange: Ne crains pas, Joseph, l'enfant qui est engendré en elle vient de l'Esprit Saint (Mt 1,20). Car c'est lui qui l'a couverte de son ombre. Pourquoi le Sauveur est-il né d'une vierge et a-t-il sauvegardé sa virginité? Parce que jadis Eve, étant vierge, fut trompée par le démon, Gabriel apporta la bonne nouvelle à Marie qui était vierge. Mais tandis qu'Eve, s'étant laissé séduire, enfanta une cause de mort, Marie ayant reçu la bonne nouvelle, enfanta le Verbe incarné qui nous a apporté la vie éternelle.
Prière
Tu as voulu, Seigneur, que la Sainte Famille nous soit donnée en exemple; accorde-nous la grâce de pratiquer, comme elle, les vertus familiales et d'être unis par les liens de ton amour, avant de nous retrouver pour l'éternité dans la joie de ta maison. Par Jésus Christ.
16 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 2,16-21)
Quand les bergers arrivèrent à Bethléem, ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans une mangeoire.
Homélie
Né de la Vierge Marie
Homélie de saint Cyrille d'Alexandrie (+ 444)
Homélies sur l'Incarnation, 15, 1-3, PG 77, 1090-1091.
Le mystère de la piété (cf. 1Tm 3,16) est profond, magnifique, admirable, et les anges eux-mêmes désirent grandement le comprendre! En effet, un disciple du Sauveur dit au sujet des paroles prophétiques concernant le Christ, notre Sauveur à tous: Mystères qui vous ont été proclamés par ceux qui vous ont apporté l'Evangile sous l'action de l'Esprit Saint envoyé du ciel, alors que les anges eux-mêmes voudraient y plonger leurs regards (cf. 1P 1,12). Certes, ils ont tous plongé leurs regards dans ce grand mystère de la piété lorsque le Christ est né dans la chair, et qu'ils disaient: Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu'il aime (Lc 2,14). <>
Alors que, par nature, il était vrai Dieu, le Verbe issu de Dieu le Père, consubstantiel et coéternel au Père, resplendissant au zénith de sa gloire, étant dans la condition de son Père et dans l'égalité avec lui, il n'a pas jugé bon de revendiquer son droit d'être traité à l'égal de Dieu; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant, de la Vierge Marie, la condition de serviteur, devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s'est abaissé jusqu'à mourir, et à mourir sur une croix (Ph 2,6-8). C'est ainsi qu'il s'est volontairement abaissé à ce point, lui qui donne à tous sa plénitude. Il s'est abaissé pour nous, sans y être forcé par personne, mais il est allé jusqu'à prendre pour nous la condition d'esclave, lui qui, par nature, était libre; il s'est fait l'un de nous, lui qui était au-dessus de toute la création; il est devenu mortel lui qui vivifie toutes choses, car il est le pain vivant, qui donne la vie au monde (cf. Jn 6,51.33); il s'est mis avec nous sous l'autorité de la loi, lui qui, comme Dieu, était supérieur à la loi et fondateur de la loi. Oui, il s'est rendu pareil à un nouveau-né qui entre dans la vie, lui qui existait avant tous les âges et tous les siècles, lui qui était l'auteur et le créateur des siècles.
Comment donc est-il devenu égal à nous? En prenant corps de la Vierge Marie, un corps non pas inanimé mais informé par une âme spirituelle. C'est ainsi qu'il est sorti de sa mère comme un homme véritable, mais sans péché. En vérité, et non pas en apparence ou en imagination. Ne perdant certes pas sa divinité, et ne rejetant pas ce qu'il avait toujours été, ce qu'il est et ce qu'il sera: Dieu.
C'est pourquoi nous disons que la Vierge sainte est la Mère de Dieu.
Prière
Dieu tout-puissant, par la maternité virginale de la bienheureuse Vierge Marie, tu as offert au genre humain les trésors du salut éternel; accorde-nous de sentir qu'intervient en notre faveur celle qui nous permit d'accueillir l'auteur de la vie, Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur. Lui qui règne.
Homéliaire patristique