Homéliaire patristique 17
17 Évangile
Commencement de l'Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 1,1-18)
Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu.
Homélie
Sa naissance est aussi la nôtre
Sermon de saint Léon le Grand (+ 461)
Sermons pour Noël, 6, 2-35, CCL 138, 126-127
La majesté du Fils de Dieu n'avait pas dédaigné l'état d'enfance; mais l'enfant a grandi avec l'âge jusqu'à la stature de l'homme parfait; puis, lorsqu'il a plein ement accompli le triomphe de sa passion et de sa résurrection, toutes les actions de la condition humiliée qu'il avait adoptée pour l'amour de nous sont devenues du passé. Pourtant, la fête d'aujourd'hui renouvelle pour nous les premiers instants de Jésus, né de la Vierge Marie. Et lorsque nous adorons la naissance de notre Sauveur, il se trouve que nous célébrons notre propre origine.
En effet, lorsque le Christ vient au monde, le peuple chrétien commence; l'anniversaire de la tête, c'est l'anniversaire du corps.
Sans doute, chacun de ceux qui sont appelés le sont à leur tour, et les fils de l'Église apparaissent à des époques différentes. Pourtant, puisque les fidèles dans leur totalité, nés de la source du baptême, ont été crucifiés avec le Christ dans sa passion, ressuscites dans sa résurrection, établis à la droite du Père dans son ascension, ils sont nés avec lui en cette Nativité.
Tout croyant, de n'importe quelle partie du monde, qui renaît dans le Christ, après avoir abandonné le chemin du péché qu'il tenait de son origine, devient un homme nouveau par sa seconde naissance. Il n'appartient plus à la descendance de son père selon la chair, mais à la race du Sauveur, car celui-ci est devenu Fils de l'homme pour que nous puissions être fils de Dieu.
Car si lui-même, par son abaissement, n'était pas descendu jusqu'à nous, personne n'aurait pu, par ses propres mérites, parvenir jusqu'à lui. <>
Un si grand bienfait appelle de notre part une reconnaissance digne de sa splendeur. En effet, comme nous l'enseigne saint Paul, l'Esprit que nous avons reçu, ce n'est pas celui du monde, c'est celui qui vient de Dieu, et ainsi nous avons conscience des dons que Dieu nous a faits (1Co 2,12). On ne peut l'honorer avec assez de piété qu'en lui offrant ce que lui-même nous a donné.
Or, dans les trésors de la générosité divine, que pouvons-nous trouver qui soit aussi bien accordé à la dignité de la fête présente, que cette paix proclamée par le cantique des anges lors de la nativité du Seigneur?
Car c'est la paix qui engendre les fils de Dieu (Ep 4,3), qui favorise l'amour, qui enfante l'unité, qui est le repos des bienheureux, la demeure de l'éternité. Son ouvrage propre, son bienfait particulier, c'est d'unir à Dieu ceux qu'elle sépare du monde. <>
Donc, ceux qui ne sont pas nés de la chair et du sang, ni d'une volonté chamelle, ni d'une volonté d'homme, mais qui sont nés de Dieu (Jn 1,13), doivent offrir au Père la volonté unanime des artisans de paix. Tous ceux qui sont devenus par adoption les membres du Christ, doivent accourir pour rejoindre ensemble le premier-né de la nouvelle création, celui qui est venu faire non pas sa volonté, mais la volonté de celui qui l'envoie (Jn 6,38). Les héritiers que la grâce du Père adopte ne sont pas des héritiers divisés ou disparates; ils ont les mêmes sentiments et le même amour. Ceux qui sont recréés selon l'Image unique doivent avoir une âme qui lui ressemble.
La naissance du Seigneur Jésus, c'est la naissance de la paix. Comme le dit saint Paul: C'est lui, le Christ, qui est notre paix (Ep 2,14). Que nous soyons d'origine juive ou païenne, c'est par lui que nous avons accès auprès du Père, dans un seul Esprit (Ep 2,18).
Prière
Dieu éternel et tout-puissant, lumière pour les hommes qui croient, daigne remplir de ta gloire le monde entier en te faisant connaître à tous les peuples. Par Jésus Christ.
18 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 2,1-12)
Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hé rode le Grand. Or, voici que des mages venus d'Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent: "Où est le roi des Juifs qui vient de naître?"
Homélie
Le jour de la naissance de l'humanité
Homélie de saint Basile le Grand (+ 379)
Homélies sur Noël, 2; PG 31, 1472-1476.
L'étoile vient de s'arrêter au-dessus du lieu où se trouvait l'enfant. C'est pourquoi les mages, quand ils virent l'étoile, éprouvèrent une très grande joie (Mt 2,9.10). Accueillons, nous aussi, cette grande joie dans nos coeurs. Car c'est de la joie que les anges annoncent aux bergers. Adorons avec les mages, rendons gloire avec les bergers, dansons avec les anges! Il nous est né aujourd'hui un Sauveur, qui est le Messie, le Seigneur (Lc 2,11). C'est Dieu, le Seigneur, qui nous illumine (Ps 117,27), non pas sous la forme de Dieu, pour ne pas épouvanter notre faiblesse, mais sous la forme du serviteur, afin de donner la liberté à ceux qui étaient réduits en servitude. Qui donc a un coeur assez endormi, qui donc est assez ingrat pour ne pas se réjouir, exulter et rayonner devant un tel événement?
Cette fête est commune à toute la création: elle accorde à notre monde les biens qui sont au-delà du monde, elle envoie des archanges à Zacharie et à Marie, elle constitue des choeurs d'anges qui proclament: Gloire à Dieu au plus haut des cieux, paix sur la terre, bienveillance aux hommes (Lc 1,14). Les étoiles accourent du haut du ciel, les mages quittent les nations païennes, la terre offre son accueil dans une grotte. Personne n'est indifférent, personne n'est ingrat. Nous-mêmes, fêtons le salut du monde, le jour de naissance de l'humanité. On ne peut plus dire maintenant: Tu es poussière, et tu retourneras à la poussière (Gn 3,19), mais: Rattaché à l'homme céleste (cf. 1Co 15,48), tu seras élevé au ciel. On n'entendra plus dire: Tu enfanteras dans la souffrance, (Gn 3,16), car bienheureuse celle qui a enfanté l'Emmanuel, et les mamelles qui l'ont allaité. Un enfant nous est né, un fils nous a été donné, l'insigne du pouvoir est sur son épaule (Is 9,6). <>
Unissez-vous à ceux qui ont reçu avec joie le Seigneur venant du ciel. Pensez aux bergers pénétrés de sagesse, aux grands prêtres qui prophétisent, aux femmes remplies de joie, quand Marie est invitée par Gabriel à se réjouir, et que Jean tressaille dans les entrailles d'Elisabeth. Anne propageait la bonne nouvelle; Syméon tenait dans ses bras ce petit enfant dans lequel tous adoraient le Dieu de majesté. Bien loin de mépriser ce qu'ils voyaient, ils magnifiaient la grandeur de sa divinité. Car la vertu divine apparaissait à travers ce corps humain, comme la lumière à travers les vitres, resplendissante, pour ceux dont les yeux du coeur étaient purifiés.
Puissions-nous être trouvés avec eux, nous aussi, contemplant la gloire du Seigneur comme dans un miroir, et être nous-mêmes transfigurés de gloire en gloire (2Co 3,18), par la grâce et la tendresse miséricordieuse de notre Seigneur Jésus Christ: à lui la gloire et la puissance, pour les siècles des siècles. Amen.
Prière
Aujourd'hui, Seigneur, tu as révélé ton Fils unique aux nations, grâce à l'étoile qui les guidait; daigne nous accorder, à nous qui te connaissons déjà par la foi, d'être conduits jusqu'à la claire vision de ta splendeur. Par Jésus Christ.
19 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 3,13-17)
Jésus, arrivant de Galilée, paraît sur les bords du Jourdain, et il vient à Jean pour se faire baptiser par lui.
Homélie
au choix
Jean Baptiste et Jésus
Homélie attribuée à saint Grégoire le Thaumaturge (+ 270)
Homélies sur la sainte Théophanie, 4, PG 10, 1181-1183
En ta présence, Seigneur Jésus, je ne puis me taire, car je suis la voix, et la voix de celui qui crie à travers le désert: préparez le chemin du Seigneur (cf. Mt 3,3). C'est moi qui ai besoin de me faire baptiser par toi, et c'est toi qui viens à moi (Mt 3,14)!
Moi, quand je suis né, j'ai effacé la stérilité de celle qui m'enfantait; et comme j'étais un tout nouveau-né, j'ai porté remède au mutisme de mon père en recevant de toi la grâce de ce miracle.
Mais toi, né de la Vierge Marie de la manière que tu as voulue et que tu es seul à connaître, tu n'as pas effacé sa virginité, tu l'as protégée en lui ajoutant le titre de mère; et ni sa virginité n'a empêché ton enfantement, ni ton enfantement n'a souillé sa virginité. Ces deux réalités incompatibles, l'enfantement et la virginité, se sont rejointes en une harmonie unique, ce qui est à la portée du Créateur de la nature.
Moi, qui suis un homme, je ne fais que participer à la grâce divine; mais toi, tu es à la fois Dieu et homme, parce que tu es par nature l'ami des hommes.
C'est moi qui ai besoin de me faire baptiser par toi, et c'est toi qui viens à moi? Toi, tu étais au commencement, tu étais auprès de Dieu, et tu étais Dieu (cf. Jn 1,1); toi qui es le reflet resplendissant de la gloire du Père, toi qui es l'expression du Père (cf. He 1,3) parfait; toi qui es la vraie lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde (Jn 1,9); toi qui, lorsque tu étais dans le monde, es venu là où tu étais déjà; toi qui t'es fait chair, mais qui habites en nous (Jn 1,14), et qui t'es fait voir de tes serviteurs dans la condition de serviteur (Ph 2,8); toi qui as uni la terre et le ciel par ton saint nom comme par un pont: c'est toi qui viens à moi! Toi, qui es si grand, vers le pauvre que je suis? Le roi vers le précurseur, le Seigneur vers le serviteur.
Mais tu as beau ne pas rougir de naître selon l'humble manière des hommes: moi, je ne puis franchir les limites de la nature. Je sais quel est l'abîme qui sépare la terre et le Créateur. Je sais quelle est la différence entre le limon de la terre et celui qui l'a modelé. Je sais combien ton soleil de justice l'emporte sur moi qui ne suis que la lampe de ta grâce. Et, bien que tu sois revêtu par la nuée très pure de ton corps, moi, pourtant, je reconnais ma condition servile, je proclame ta magnificence. Je ne suis pas digne de défaire la courroie de tes sandales (Mc 1,7). Et comment oserai-je toucher le sommet immaculé de ta tête? Comment étendrai-je la main sur toi qui as déployé les cieux comme une tenture (Ps 103,2) et qui as affermi la terre sur les eaux (Ps 135,6)? Comment éclairerai-je celui qui est la lumière en personne? Quelle prière vais-je faire sur toi, qui accueilles même les prières de ceux qui t'ignorent?
ou bien
Baptisé pour nous sanctifier
Homélie de saint Chromace d'Aquilée (+ 407)
Sermons sur l'Epiphanie, 34; CCL 9A, 156-157
En ce jour, comme nous venons de l'entendre par la lecture de l'Évangile, notre Seigneur et Sauveur a été baptisé par Jean dans le Jourdain, et c'est pourquoi cette solennité n'est pas petite, mais grande, et même très grande. Car, lorsque notre Seigneur a daigné se faire baptiser, l'Esprit Saint vint sur lui sous la forme d'une colombe, et l'on entendit la voix du Père qui disait: Celui-ci est mon Fils bien-aimé; en lui j'ai mis tout mon amour (Mt 3,17).
Quel grand mystère dans ce baptême céleste! Le Père se fait entendre du haut du ciel, le Fils est vu sur la terre, l'Esprit Saint se montre sous la forme d'une colombe. Car il.n'y a pas de vrai baptême ni de vraie rémission des péchés là où il n'y a pas la vérité de la Trinité; et la "rémission des péchés ne peut être donnée là où la foi en la Trinité n'est pas parfaite ;
Le baptême que donne l'Église est unique et véritable: il n'est donné qu'une fois et, en y étant plongé une seule fois, on est purifié et renouvelé. Purifié, parce qu'on a déposé la souillure des péchés; renouvelé, parce qu'on ressuscite pour une vie nouvelle après avoir dépouillé la vieillerie du péché. Car ce bain du baptême rend l'homme plus blanc que neige, non quant à la peau de son corps, mais par la splendeur de son esprit et la pureté de son âme.
Donc les cieux se sont ouverts, au baptême du Seigneur, afin que, par le bain de la nouvelle naissance, on découvre que les royaumes des cieux sont ouverts aux croyants, selon cette sentence du Seigneur: Personne, à moins de naître de l'eau et de l'Esprit, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu (Jn 3,5). Il est donc entré, celui qui renaît et qui n'a pas négligé de préserver son baptême; et, semblablement, il n'est pas entré celui qui n'est pas rené.
Donc, parce que notre Seigneur était venu donner le baptême nouveau pour le salut du genre humain et la rémission de tous les péchés, lui-même a voulu être baptisé le premier, non pour dépouiller le péché, puisqu'il n'avait pas commis de péché, mais pour sanctifier les eaux du baptême afin de détruire les péchés de tous les croyants renés par le baptême. Lui, le Seigneur, fut donc baptisé dans l'eau pour que, par le baptême, nous soyons lavés de tous nos péchés.
Prière
Dieu éternel et tout-puissant, quand le Christ fut baptisé dans le Jourdain, et que l'Esprit Saint reposa sur lui, tu l'as désigné comme ton Fils bien-aimé; accorde à tes fils adoptifs, nés de l'eau et de l'Esprit, de se garder toujours dans ta sainte volonté. Par Jésus Christ.
20 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 4,1-11)
Jésus, après son baptême, fut conduit au désert par l'Esprit pour être tenté par le démon.
Homélie
Le baptisé, tenté comme le Christ
Homélie de saint Grégoire de Nazianze (+ 389)
Discours 40, 10, PG 36, 370-371
Si le persécuteur et le tentateur de la lumière vient t'assaillir après le baptême, - et certes il le fera, car il a bien assailli le Verbe, mon Dieu, dissimulé sous le voile de la chair, cette lumière cachée par son humanité visible, - tu as de quoi le vaincre! Ne redoute pas le combat. Oppose-lui l'eau du baptême, oppose-lui cet esprit en qui s'éteignent les traits enflammés du Mauvais.
Si celui-ci te montre la pauvreté, - car il n'a pas hésité à la montrer au Christ lui-même - et si, te montrant la faim qui te menace, il te demande que les pierres deviennent du pain, dépiste ses intentions. Enseigne-lui ce qu'il ignore, oppose-lui cette Parole de vie qui est le Pain envoyé du ciel pour donner la vie au monde.
S'il t'attaque par les pièges de la vaine gloire - comme il l'a fait pour lui, en l'élevant sur le pinacle du Temple et en lui disant: Jette-toi en bas (Mt 4,6) pour donner une preuve de sa divinité -, ne te laisse pas abaisser par l'élévation de l'esprit. Car si cette épreuve le met en échec, il ne s'arrêtera pas pour autant. Il est insatiable, il attaque sur tous les fronts. Il flatte, avec une apparence de bénignité, mais il finit par le mal. C'est là sa stratégie. En outre, cet usurpateur est versé dans les Écritures. D'où ce refrain: Il est écrit, dit-il, au sujet du pain; il est écrit au sujet des anges. Car il est écrit, dit-il, qu'il a donné pour toi des ordres à ses anges, ils te porteront sur leurs mains (Mt 4,6). O sophiste du mal! Comment as-tu supprimé ce qui suit? Car cela, je le comprends parfaitement, même si tu l'as caché: que je marcherai sur l'aspic et le basilic, qui te représentent; que je foulerai aux pieds serpents et scorpions, car je serai entouré et protégé par la Trinité.
S'il t'attaque par la cupidité en te montrant en un moment, d'un seul coup d'oeil, tous les royaumes comme s'ils lui appartenaient, en exigeant que tu l'adores, méprise-le comme le pauvre qu'il est. Dis-lui, encouragé par le sceau du baptême: "Moi aussi, je suis une image de Dieu, mais je n'ai pas, comme toi, été précipité de ma gloire céleste à cause de mon orgueil. J'ai revêtu le Christ. Par le baptême, le Christ m'appartient. C'est à toi de m'adorer."
A ces paroles, crois-moi, il s'en ira, vaincu et humilié par ceux que le Christ a illuminés, comme il l'a été par le Christ, lumière primordiale.
Tels sont les bienfaits qu'apporté le bain du baptême à ceux qui reconnaissent sa force; voilà le festin qu'il propose à ceux qui souffrent d'une faim méritoire.
Prière
Accorde-nous, Dieu tout-puissant, tout au long de ce carême, de progresser dans la connaissance de Jésus Christ et de nous ouvrir à sa lumière par une vie de plus en plus fidèle. Lui qui règne.
21 Evangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 17,1-9)
Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène à l'écart, sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux.
Homélie
au choix
La Transfiguration, soutien de la foi des disciples
Homélie attribuée à saint Éphrem (+ 373)
Sermon sur la Transfiguration, 1, 3-4, Opera omnia quae exstant graece, vol 2, Rome, 1743, 41-43.
Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière (Mt 17,1-2).
Il les emmena sur la montagne pour leur montrer la gloire de sa divinité et leur faire connaître qu'il était le Rédempteur d'Israël, comme il l'avait montré par ses prophètes et afin de prévenir aussi tout scandale à la vue des souffrances librement consenties qu'il allait subir pour nous dans sa nature humaine. Ils le connaissaient en effet comme homme, mais ils ignoraient qu'il fût Dieu; ils le connaissaient comme fils de Marie, un homme qui vivait avec eux dans le monde, mais sur la montagne il leur fit connaître qu'il était le Fils de Dieu, et Dieu lui-même.
Ils l'avaient vu manger et boire, se fatiguer et prendre du repos, s'assoupir et dormir, subir l'effroi jusqu'au gouttes de sueur, toutes choses qui ne semblaient guère en harmonie avec sa nature divine et ne convenir qu'à son humanité. Voilà pourquoi il les emmena sur la montagne, afin que le Père l'appelât son Fils et leur montrât qu'il était vraiment son Fils, et qu'il était Dieu.
Il les emmena sur la montagne et il leur montra sa royauté avant de souffrir, sa puissance avant de mourir, sa gloire avant d'être outragé et son honneur avant de subir l'ignominie. Ainsi, lorsqu'il serait pris et crucifié par les Juifs, ses Apôtres comprendraient qu'il ne l'avait pas été par faiblesse, mais par consentement et de plein gré pour le salut du monde.
Il les emmena sur la montagne et leur montra, avant sa résurrection, la gloire de sa divinité. Ainsi, lorsqu'il ressusciterait d'entre les morts dans la gloire de sa divinité, ses disciples reconnaîtraient qu'il ne recevait pas cette gloire en récompense de sa peine, comme s'il en eût besoin, mais qu'elle lui appartenait bien avant les siècles, avec le Père et auprès du Père, ainsi que lui-même le dit à l'approche de sa Passion volontaire: Père, glorifie-moi de la gloire que j'avais auprès de toi avant le commencement du monde (Jn 17,5).
ou bien
La Transfiguration prépare au scandale de la Passion
Homélie de saint Léon le Grand (+ 461)
Sermon 51, 3-4, CCL 138 A, 290-300
Le Seigneur découvre sa gloire devant les témoins qu'il a choisis, et il éclaire d'une telle splendeur cette forme corporelle qu'il a en commun avec les autres hommes que son visage a l'éclat du soleil et que ses vêtements sont aussi blancs que la neige.
Par cette transfiguration il voulait avant tout prémunir ses disciples contre le scandale de la croix et, en leur révélant toute la splendeur de sa dignité cachée, empêcher que les abaissements de sa Passion volontaire ne bouleversent leur foi.
Mais, il ne prévoyait pas moins de fonder l'espérance de l'Église, en faisant découvrir à tout le Corps du Christ quelle transformation lui serait accordée; ses membres se promettraient de partager l'honneur qui avait resplendi dans leur chef.
Le Seigneur lui-même avait déclaré à ce sujet, lorsqu'il parlait de la majesté de son avènement: Alors les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père (Mt 13,43). Et l'apôtre saint Paul atteste lui aussi: J'estime qu'il n'y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que le Seigneur va bientôt révéler en nous (Rm 8,18). Et encore: Vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu. Quand paraîtra le Christ qui est votre vie, alors, vous aussi vous paraîtrez avec lui en pleine gloire (Col 3,3-4).
Cependant, pour confirmer les Apôtres et les introduire dans une complète connaissance, un autre enseignement s'est ajouté à ce miracle. En effet, Moïse et Élie, c'est-à-dire la Loi et les Prophètes, apparurent en train de s'entretenir avec le Seigneur. Ainsi, par la réunion de ces cinq hommes s'accomplirait de façon certaine la prescription: Toute parole est garantie par la présence de deux ou trois témoins (Dt 19,15).
Qu'y a-t-il donc de mieux établi, de plus solide que cette parole? La trompette de l'Ancien Testament et celle du Nouveau s'accordent à la proclamer; et tout ce qui en a témoigné jadis s'accorde avec l'enseignement de l'Évangile.
Les écrits de l'une et l'autre Alliance, en effet, se garantissent mutuellement; celui que les signes préfiguratifs avaient promis sous le voile des mystères est montré comme manifeste et évident par la splendeur de la gloire présente. Comme l'a dit saint Jean, en effet: Après la Loi communiquée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ (Jn 1,17). En lui s'est accomplie la promesse des figures prophétiques comme la valeur des préceptes de la Loi, puisque sa présence enseigne la vérité de la prophétie, et que sa grâce rend praticables les commandements. <>
Que la foi de tous s'affermisse avec la prédication de l'Évangile, et que personne n'ait honte de la croix du Christ, par laquelle le monde a été racheté.
Que personne donc ne craigne de souffrir pour la justice, ni ne mette en doute la récompense promise; car c'est par le labeur qu'on parvient au repos, par la mort qu'on parvient à la vie. Puisque le Christ a accepté toute la faiblesse de notre pauvreté, si nous persévérons à le confesser et à l'aimer, nous sommes vainqueurs de ce qu'il a vaincu et nous recevons ce qu'il a promis. Qu'il s'agisse de pratiquer les commandements ou de supporter l'adversité, la voix du Père que nous avons entendue tout à l'heure doit retentir sans cesse à nos oreilles: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour; écoutez-le! (Mt 17,5).
Prière
Tu nous as dit, Seigneur, d'écouter ton Fils bien-aimé; fais-nous trouver dans ta parole les vivres dont notre foi a besoin: et nous aurons le regard assez pur pour discerner ta gloire. Par Jésus Christ.
22 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 4,5-42)
Jésus arrivait à une ville de Samarie appelée Sykar, près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph, et où se trouve le puits de Jacob.
Homélie
La fatigue qui recrée
Homélie de saint Augustin (+ 430)
Commentaire sur l'évangile de Jean, 15, 6-7, CCL 36, 152-153
On suggère d'utiliser comme homélie le texte figurant comme seconde lecture dans la Liturgie des Heures ou le Livre des jours, et de prendre comme seconde lecture le texte qui est donné ici
Jésus, fatigué par la route, s'était assis au bord du puits. Il était environ midi (Jn 4,6). Voilà que commencent les mystères. Car ce n'est pas pour rien que Jésus est fatigué; ce n'est pas pour rien, qu'est fatiguée la Force de Dieu; ce n'est pas pour rien qu'est fatigué celui qui refait les forces des fatigués; ce n'est pas sans raison qu'est fatigué celui dont l'absence cause nos fatigues, dont la présence nous fortifie. Jésus cependant est fatigué, et il est fatigué par la route; il s'assied, et il s'assied au bord du puits, et c'est à midi qu'il s'assied, f atigué. Tout cela suggère quelque chose, veut indiquer quelque chose; tout cela nous rend attentifs, nous exhorte à frapper. Qu'il nous ouvre donc lui-même, à nous comme à vous, celui qui a daigné nous exhorter en disant: Frappez, et il vous sera ouvert (Mt 7,7). C'est pour toi que Jésus est fatigué par la route. Nous trouvons Jésus, qui est la Force même, et nous trouvons Jésus qui est faible, fort et faible. Fort, car au commencement le Verbe était, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu; il était au commencement auprès de Dieu (Jn 1,1-2). Voulez-vous voir à quel point ce Fils de Dieu est fort? Par lui tout s'est fait, et rien de ce qui s'est fait ne s'est fait sans lui (Jn 1,3), et il a tout fait sans effort. Qu'y a-t-il donc de plus fort que celui par qui tout a été fait sans effort?
Veux-tu connaître sa faiblesse? Le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous (Jn 1,14). La force du Christ t'a créé, la faiblesse du Christ t'a recréé. La force du Christ a fait exister ce qui n'existait pas, la faiblesse du Christ a empêché de périr ce qui existait. Il nous a créés par sa force, il est venu nous chercher par sa faiblesse. <>
Ainsi donc Jésus est faible, lui qui est fatigué par la route. La route, c'est la chair, assumée pour nous. Quelle route, en effet, parcourt-il, celui qui est partout, celui qui n'est absent nulle part? Où va-t-il, ou bien d'où vient-il? N'est-ce pas en ce sens qu'il vient pour nous, et qu'il a assumé la forme d'une chair visible? Parce qu'il a daigné venir à nous maintenant pour apparaître en ayant assumé la forme de serviteur, cette assomption de la chair, voilà quelle route il a prise. Aussi, cette fatigue de la route est-elle autre chose que la fatigue produite par la chair? Jésus est faible dans la c hair, mais toi, ne sois pas faible, sois fort dans sa faiblesse, car la faiblesse de Dieu est plus forte que l'homme (1Co 1,25).
Prière
Tu es la source de toute bonté, Seigneur, et toute miséricorde vient de toi; tu nous as dit comment guérir du péché par le jeûne, la prière et le partage; écoute l'aveu de notre faiblesse: nous avons conscience de nos fautes, patiemment relève-nous avec amour. Par Jésus Christ.
23 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 9,1-41)
En sortant du Temple, Jésus vit sur son passage un homme qui était aveugle de naissance.
Homélie
Des yeux qui s'ouvrent à une autre lumière
Lettre de saint Ambroise (+ 397)
Lettre 80, 1-6, PL 16, 1271-1272.
Vous avez entendu la lecture d'Évangile (Jn 9,1 sv.), où l'on rapporte que le Seigneur Jésus vit sur son passage un aveugle de naissance. Si le Seigneur, après l'avoir vu, n'a pas poursuivi sa route, nous non plus nous ne devons pas poursuivre notre chemin quand le Seigneur n'a pas voulu le faire; d'autant plus qu'il s'agissait d'un aveugle de naissance, ce qui n'a pas été signalé pour rien.
Il y a en effet une cécité qui vient souvent d'une maladie nuisible à la vue, et qui s'atténue avec le temps. Il y a une cécité qui est engendrée par la sécrétion de certaines humeurs. Celle-là aussi, quand sa cause est supprimée, est généralement chassée par l'art médical. Cela doit vous faire comprendre que si cet homme, aveugle de naissance, est guéri, ce n'est pas un effet de l'art, mais d'une puissance souveraine. <>
En effet, ce qui est un défaut de la nature, c'est au Créateur de le corriger, car il est l'auteur de la nature. Ce qui lui a fait dire: Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde (Jn 9,5), c'est-à-dire que tous ceux qui sont aveugles peuvent voir, s'ils me cherchent, moi, la lumière. Approchez-vous et vous serez dans la lumière (Ps 33,6), afin que vous puissiez voir.
Ensuite, que veut dire le fait suivant? Jésus rendait la vie par son commandement, il donnait le salut par un précepte en disant au mort: Viens dehors, et Lazare sortit de son sépulcre (Jn 11,43). Ou encore, il avait dit au paralytique: Lève-toi, emporte ton grabat (Mc 2,11-12), et le paralytique se leva et se mit à emporter son grabat, qui servait à le transporter à cause du relâchement de tous ses membres. Alors, pourquoi, ici, Jésus a-t-il craché, fait de la boue dont il a enduit les yeux de l'aveugle, en lui disant: Va, et lave-toi dans la fontaine de Siloé, dont le nom signifie Envoyé. Et il y alla, il se lava, et il se mit à voir (Jn 9,7)? Quelle est la raison de cette différence? Elle est importante, si je ne me trompe; c'est qu'il voit davantage, celui que Jésus touche.
Remarquez tout à la fois sa divinité et sa vertu sanctifiante. Étant la lumière, il a touché l'aveugle et il l'a éclairé. Étant prêtre, il a réalisé, sous le signe du baptême, les mystères de la grâce spirituelle.
Qu'il ait fait de la boue et qu'il en ait enduit les yeux de l'aveugle, cela ne signifie rien d'autre que ceci: avec la boue qu'il lui applique, il a rendu à la santé ce même homme qu'il avait façonné avec de la boue (cf. Gn 2,7). Cela signifie aussi que notre chair tirée de la boue reçoit la lumière de la vie éternelle par les mystères du baptême. Toi aussi, approche-toi de Siloé, c'est-à-dire de celui qui est l'Envoyé du Père, puisque tu connais cette parole: Ma doctrine n'est pas la mienne, mais la doctrine de celui qui m'a envoyé (Jn 7,17). Que le Christ te lave, pour que tu voies. Viens au baptême, c'est justement l'époque; viens vite, afin de pouvoir dire, toi aussi: Je suis allé, je me suis lavé, et j'ai vu ; et pour que tu dises, toi aussi: J'étais aveugle et j'ai vu ; pour que tu dises, toi aussi, comme celui qui vient d'être inondé par la lumière: La nuit est finie, le jour est tout proche (Rm 13,12).
Prière
Dieu qui as réconcilié avec toi toute l'humanité en lui donnant ton propre Fils, augmente la foi du peuple chrétien pour qu'il se hâte avec amour au-devant des fêtes pascales qui approchent. Par Jésus Christ.
24 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 11,1-45)
Un homme était tombé malade. C'était Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de sa soeur Marthe.
Homélie
La résurrection de Lazare, miracle des miracles
Homélie de saint Pierre Chrysologue (+ 450)
Sermon 63, CCL 24 A, 373-376
Voici que Lazare, revenu du séjour des morts, se présente à nous, portant une figure de la mort qui va être vaincue, et présentant un échantillon de la résurrection. Avant de pénétrer la profondeur d'un tel événement, arrêtons-nous à contempler l'aspect extérieur de cette résurrection, parce que nous y reconnaissons le miracle des miracles, la puissance des puissances, la merveille des merveilles.
Le Seigneur avait déjà ressuscité la fille du chef de synagogue, Jaïre, mais alors que la puissance de la mort venait de s'exercer sur elle. Il avait ressuscité aussi le fils unique d'une veuve, mais avant qu'il fût mis au tombeau, ce qui devait arrêter la corruption, prévenir la mauvaise odeur et rendre la vie au défunt avant qu'il fût pleinement tombé au pouvoir de la mort.
Mais au sujet de Lazare, tout ce qui se produit est exceptionnel. Sa mort et sa résurrection n'ont rien de commun avec les cas précédents car, ici, toute la puissance de la mort s'est déployée, to ute la splendeur de la résurrection s'est manifestée. J'ose dire que Lazare eût accaparé tout le mystère de la résurrection du Seigneur s'il était revenu des enfers le troisième jour. Car le Christ est revenu le troisième jour comme étant le Seigneur, Lazare est rappelé à la vie le quatrième jour comme étant le serviteur. Mais pour établir ce que nous venons d'affirmer, parcourons quelques pages de cette lecture.
Ses soeurs envoyèrent dire au Seigneur: Seigneur, celui que tu aimes est malade. En parlant ainsi, elles frappent à la porte de son coeur, elles atteignent sa charité, elles s'efforcent de vaincre leur détresse par la force de leur amitié. Mais, pour le Christ, il importe davantage de vaincre la mort que d'éloigner la maladie. Aimer, pour lui, ce n'e st pas tirer du lit, mais ramener des enfers et, pour son ami, ce qu'il va lui procurer bientôt, ce n'est pas le remède à sa langueur, mais la gloire de sa résurrection.
Bref, quand il apprit que Lazare était malade, il demeura deux jours au même endroit. Vous voyez comment il laisse le champ libre à la mort, il donne ses chances au tombeau, il permet à la décomposition de s'exercer, il n'empêche ni la pourriture ni l'odeur infecte. Il accepte que le séjour des morts se saisisse de Lazare, l'engloutisse, le garde prisonnier. Il agit pour que tout espoir humain soit perdu, et que toute la violence de la désespérance terrestre se déchaîne, afin qu'on voie bien que ce qui va se passer est l'oeuvre de Dieu, non de l'homme.
Il reste au même endroit à attendre la mort de Lazare jusqu'à ce qu'il puisse l'annoncer lui-même et déclarer qu'il ira vers lui. En effet, dit-il, Lazare est mort et je m'en réjouis. C'est donc cela aimer? Le Christ se réjouissait parce que la tristesse de la mort allait bientôt se transformer en la joie de la résurrection. Et je m'en réjouis à cause de vous. Pourquoi à cause de vous? Parce que, dans la mort et la résurrection de Lazare, se peignait toute la figure de la mort et de la résurrection du Seigneur, et ce qui allait bientôt suivre chez le maître était déjà réalisé chez le serviteur. Elle était donc nécessaire, cette mort de Lazare, pour que la foi des disciples, ensevelie avec Lazare, ressuscite avec lui.
Prière
Que ta grâce nous obtienne, Seigneur, d'imiter avec joie la charité du Christ qui a donné sa vie par amour pour le monde. Lui qui règne.
Homéliaire patristique 17