Homéliaire patristique 81
81
Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 2,16-21)
Quand les bergers arrivèrent à Bethléem, ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans une mangeoire.
Homélie
La Vierge Mère de Dieu
Homélie de Basile de Séleucie (+ vers 459)
Sermon 39, 4-5; PG 85, 437.441-447.
Le Créateur de l'univers, le Tout-Puissant, né de la Vierge Mère de Dieu, s'est uni à la nature humaine; il a pris une chair vraiment dotée d'une âme, et il n'a connu aucune faute : Il n'a jamais commis de péché ni proféré de mensonge (1P 1,22).
Corps très saint qui a abrité le Seigneur! C'est en Marie qu'a été annulé le constat de notre péché; c'est en elle que Dieu s'est fait homme tout en restant Dieu. Il a voulu se soumettre à cette grossesse et il s'est abaissé à naître comme nous; sans abandonner le sein du Père, il était comblé par les caresses de sa mère.
Car Dieu ne se divise pas lorsque il accomplit sa volonté; c'est même en demeurant chez tous sans division qu'il donne le salut au monde. Gabriel est venu vers la Vierge Mère sans quitter le ciel, et le Verbe de Dieu qui embrasse toutes choses, tandis qu'il s'incarne en elle, ne cesse pas d'être adoré dans le ciel. <>
Est-il nécessaire de faire intervenir tout ce qu'ont dit les prophètes qui ont annoncé la venue du Christ qui naîtrait de la Mère de Dieu? Quelle voix serait assez sublime pour entonner des hymnes convenant à sa dignité? De quelles fleurs lui tresserons-nous la couronne qui lui est due? Car c'est d'elle qu'a germé la fleur de Jessé (cf. Is 11,1) qui a couronné notre race de gloire et d'honneur.
Quels présents dignes d'elle lui offrirons-nous, quand tout ce qu'il y a dans le monde est indigne d'elle? Car, si saint Paul dit des autres saints: Le monde n'en était pas digne (He 11,38), que dirons-nous de la Mère de Dieu qui resplendit au-dessus de tous les martyrs autant que le soleil brille plus que les étoiles?
O virginité par laquelle les anges, d'abord éloignés du genre humain, se réjouissent avec raison d'être mis au service des hommes! Et Gabriel exulte d'être chargé d'annoncer la conception divine. C'est pourquoi il ouvre son message de salut en invoquant la joie et la grâce: Réjouis-toi, comblée de grâce (Lc 1,28), prends un visage joyeux. Car c'est de toi que va naître la joie de tous, avec celui qui, après avoir détruit la puissance de la mort et avoir donné à tous l'espérance de ressusciter, nous délivrera de l'antique malédiction. <>
L'Emmanuel s'est donc produit dans ce monde qu'il avait créé jadis, en apparaissant comme un nouveau-né, lui qui était Dieu avant l'éternité; couché dans une mangeoire, exclu de la salle commune, alors qu'il venait préparer les demeures éternelles. Confiné dans une grotte et signalé par l'étoile, comblé de cadeaux par les mages et payant la rançon du péché, porté dans les bras de Syméon et embrassant l'univers par l'étendue de sa puissance divine, vu comme un nourrisson par les bergers et reconnu comme Dieu par l'armée des anges qui chantaient sa gloire dans le ciel, la paix sur la terre, la bienveillance de Dieu envers les hommes (Lc 2,14).
Tout cela, la sainte Mère du Seigneur de l'univers le méditait dans son coeur (Lc 2,19.51), dit l'évangile. Elle se réjouit intérieurement de cette accumulation de merveilles, en même temps qu'elle est bouleversée par la grandeur de son Fils qui est Dieu, grandeur qu'elle perçoit par les yeux de l'âme. Comme elle restait à contempler l'enfant divin, entraînée, comme je le crois, par des élans pleins de respect, elle était seule à converser avec le seul.
Prière
Dieu tout-puissant, par la maternité virginale de la bienheureuse Vierge Marie, tu as offert au genre humain les trésors du salut éternel; accorde-nous de sentir qu'intervient en notre faveur celle qui nous permit d'accueillir l'auteur de la vie, Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur. Lui qui règne.
82 Voir année A, p. 27, ou C, p. 331
83 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 2,1-12)
Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d'Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent: "Où est le roi des Juifs qui vient de naître?"
Homélie
Il est roi, Dieu et homme
Homélie de saint Odilon de Cluny (+ 1049)
Sermons pour l'Épiphanie, 2; PL 142, 997-998.
Ce jour, je l'ai souvent dit, est une assez grande fête par lui-même, mais il est encore remarquable par son voisinage avec Noël. Lorsque l'on adore Dieu dans l'enfant, on honore l'enfantement virginal. Lorsque l'on offre des présents à l'homme-Dieu, on adore la dignité de la naissance divine. Lorsque les mages découvrent Marie avec l'enfant, ils proclament véritables l'humanité du Christ et l'intégrité de la Mère de Dieu. Comme dit l'évangéliste: En entrant dans la maison, ils virent l'enfant avec Marie sa mère; et tombant à genoux., ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et ils lui offrirent leurs présents: de l'or, de l'encens et de la myrrhe (Mt 2,10-11).
Ces dons offerts par les mages révèlent les mystères du Christ. En donnant de l'or, ils exaltent le roi; en offrant l'encens, ils adorent Dieu; en présentant de la myrrhe, ils le reconnaissent mortel. Quant à nous, croyons donc que le Christ a épousé notre condition mortelle, afin que, par sa mort unique, nous sachions que nous sommes délivrés de la seconde mort. Comment le Christ est apparu mortel et a payé notre dette envers la mort, Isaïe l'a dit: Il a été comme un agneau conduit à l'abattoir (Is 53,7).
Nous devons croire que le Christ est roi, car nous l'avons prouvé par l'autorité divine. Il dit de lui-même dans le Psaume: J'ai été sacré roi par lui (Ps 2,6 Vg.), c'est-à-dire par Dieu le Père. Et qu'il soit le Roi des rois, il le dit lui-même par la bouche de la Sagesse: Par moi règnent les rois, et les grands fixent de justes décrets (Pr 8,15). Enfin, qu'il soit vraiment le Christ et Seigneur, c'est ce qu'attesté le monde entier créé par lui. Car il dit lui-même dans l'Évangile: Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre (Mt 28,18). Et l'Apôtre affirme que lui a été donné par Dieu le Père le Nom qui surpasse tous les noms, afin qu'au Nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l'abîme, tout être vivant tombe à genoux (Ph 2,9-10). L'Apôtre dit ailleurs: Tout est créé par lui et pour lui. Il est avant tous les êtres, et tout subsiste en lui (Col 1,16-17). Et saint Jean l'Évangéliste dit: Par lui tout s'est fait, et rien de ce qui s'est fait ne s'est fait sans lui (Jn 1,3). Si l'on reconnaît que toutes choses ont été faites par lui et que tout subsiste en lui (Col 1,17), nous devons nécessairement croire que toutes choses ont connu son avènement.
Prière
Aujourd'hui, Seigneur, tu as révélé ton Fils unique aux nations, grâce à l'étoile qui les guidait; daigne nous accorder, à nous qui te connaissons déjà par la foi, d'être conduits jusqu'à la claire vision de ta splendeur. Par Jésus Christ.
84 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 1,7-11)
Jean Baptiste proclamait dans le désert: "Voici venir derrière moi celui qui est plus puissant que moi."
Homélie
Celui-ci est mon Fils
au choix
Homélie de Grégoire d'Antioche (+ 593)
Homélies sur le baptême du Christ, 2, 5-6.9-10, PG 88, 1876-1877. 1880-1884.
Celui-ci est mon Fils bien-aimé; en lui j'ai mis tout mon amour (Mt 3,17). Il est celui qui a rempli le sein de Marie sans quitter le mien; qui, en demeurant en moi inséparablement, a résidé aussi en elle, sans contracter aucune limite; qui est au ciel en gardant son unité, et qui a séjourné dans les entrailles de la Vierge sans tache. Il n'y en a pas un qui est mon Fils, et un autre le Fils de Marie; l'un qui était couché dans une grotte, et un autre, adoré par les mages; l'un qui a été baptisé, et un autre demeuré sans baptême. Non, celui-ci est mon Fils. Il n'y en a qu'un: celui qui est vu par la pensée et celui qui est vu par les yeux; il n'y en a qu'un, et c'est le même: celui qui est invisible et celui que vous voyez; celui qui est éternel et situé dans le temps; celui qui est consubstantiel avec moi par la divinité, et consubstantiel avec vous par son humanité, en toutes choses à l'exception du péché (cf. He 4,15). <>
C'est lui qui est le médiateur entre moi et ceux qui lui obéissent, car c'est par lui-même qu'il réconcilie avec moi ceux qui m'avaient offensé. C'est lui qui est à la fois mon Fils et l'agneau; lui qui est le prêtre et la victime; celui qui offre et celui qui est offert; celui qui s'est fait sacrifice et celui qui reçoit le sacrifice.
Tel est le témoignage que le Père a rendu à son Fils unique après le baptême de celui-ci dans le Jourdain. Et lorsque, devant ses disciples, le Christ fut transfiguré sur la montagne, et qu e son visage devint resplendissant au point d'obscurcir la splendeur du soleil, alors, le Père prit de nouveau la parole pour dire: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour: écoutez-le (Mt 17,5).
S'il dit: Je suis dans le Père, et le Père est en moi (Jn 14,11), écoutez-le. S'il dit: Celui qui m'a vu a vu le Père (Jn 14,9), écoutez-le, car il dit la vérité. S'il dit: Le Père qui m'a envoyé est plus grand que moi (cf. Jn 14,28), mettez cette parole au compte du dessein du salut qui l'abaisse vers vous. S'il dit: Ceci est mon corps, qui est rompu pour vous, en rémission des péchés (cf. Mt 26,26.28), regardez ce corps qu'il vous montre, ce corps qu'il a pris chez vous pour en faire le sien, et qui a été broyé pour vous. S'il dit: Ceci est mon sang (Mt 26,28), soyez sûrs qu'il s'agit bien de son sang et non de celui d'un autre. <>
Voilà ce que Dieu le Père nous a enseigné, voilà ce que le Fils unique de Dieu nous a révélé, voilà l'instruction que nous avons reçue de l'Esprit Saint, voilà ce que proclament les saintes Écritures. Ce que nous avons reçu, gardons-le. Pourquoi ces vaines oppositions entre nous? Dieu nous a appelés à vivre dans la paix, non dans la bataille. Demeurons dans notre vocation. Approchons-nous avec respect et tremblement de la table eucharistique où nous participons aux mystères célestes. Ne soyons pas en même temps convives d'un même festin, et à l'affût les uns des autres; unis à l'intérieur par la communion, et scandaleux au dehors par notre désaccord, afin que le Seigneur ne dise pas de nous aussi: J'ai élevé des enfants, je les ai fait grandir, je les ai nourris de ma chair, et ils m'ont rejeté (cf. Is 1,2).
Que le Sauveur de tous, le Créateur de la paix, donne la tranquillité à son Église; que lui-même protège ce saint troupeau avec son pasteur, que lui-même rassemble les brebis égarées dans sa bergerie, afin qu'il n'y ait plus qu'un seul troupeau et une seule bergerie. A lui gloire et puissance, pour les siècles des siècles. Amen.
ou bien
Le baptême de l'auteur du baptême
Homélie de saint Éphrem (+ 373)
Hymne 14, 6-8.14.36-37.47-50; éd. lamy 1, 116.118.124.126.128 (trad. lat.).
Celui de qui vient tout baptême est venu au baptême et s'est manifesté au Jourdain. Jean le vit et retint sa main en suppliant: "Comment, Seigneur, veux-tu être baptisé, toi qui sanctifies tout par ton baptême? C'est à toi qu'appartient le vrai baptême, d'où découle toute sainteté parfaite."
Le Seigneur répondit: "Je le veux: approche et baptise-moi, pour que ma volonté s'accomplisse. Tu ne peux résister à ma volonté; je serai baptisé par toi, car je le veux. Tu trembles et, contre ma volonté, tu ne considères pas ce que j'ai demandé. Or le baptême m'appartient; accomplis l'oeuvre à laquelle tu as été appelé. Les eaux sont sanctifiées par mon baptême, c'est de moi qu'elles reçoivent le feu et l'Esprit. Si je ne reçois pas le baptême, elles n'auront pas le pouvoir d'engendrer des enfants immortels. Il faut absolument que tu me baptises sans discuter, comme je l'ordonne. Je t'ai b aptisé dans le sein de ta mère, baptise-moi dans le Jourdain."
Saint Jean Baptiste répond: "Je suis un serviteur bien pauvre. Toi qui libères tous les hommes, aie pitié de moi! Je ne suis pas digne de défaire la courroie de tes sandales (cf. Mc 1,7). Qui me rendra digne de toucher ta tête sublime? J'obéis, Seigneur, à ta parole. Oui, viens vers le baptême où ton amour te pousse. L'homme qui n'est que poussière admire, avec un souverain respect, qu'il soit parvenu à cette dignité d'imposer la main à celui qui l'a modelé."
Les armées célestes restaient silencieuses; l'Époux très saint descendit dans le Jourdain; baptisé, il en remonta aussitôt et sa lumière rayonna sur le monde.
Les portes du ciel s'ouvrirent et la voix du Père se fit entendre: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour (Mt 3,17). Allons, tous les peuples, adorez-le!
Les assistants demeuraient stupéfaits d'avoir vu l'Esprit descendre pour rendre témoignage (cf. Jn 1,32-34) au Christ. Gloire, Seigneur, à ton Epiphanie, qui nous réjouit tous! Dans ta manifestation, c'est le monde entier qui a resplendi.
Prière
Dieu éternel et tout-puissant, quand le Christ fut baptisé dans le Jourdain, et que l'Esprit Saint reposa sur lui, tu l'as désigné comme ton Fils bien-aimé; accorde à tes fils adoptifs, nés de l'eau et de l'Esprit, de se garder toujours dans ta sainte volonté. Par Jésus Christ.
85 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 1,12-15)
Jésus venait d'être baptisé. Aussitôt l'Esprit le pousse au désert. Et dans le désert il resta quarante jours, tenté par Satan.
Homélie
Jésus, tenté pour notre instruction
Homélie de Lansperge le Chartreux (+ 1539)
Sermon 2 sur le premier dimanche de carême, Opera omnia, t 1, 180
Tout ce que le Seigneur Jésus a voulu faire aussi bien que souffrir, il l'a fait pour nous instruire, nous reprendre et nous être utile. Puisqu'il savait que nous en tirerions beaucoup de fruit pour notre instruction et notre réconfort, il n'a voulu rien omettre de ce qui pourrait nous profiter. C'est pourquoi il fut conduit au désert, et il n'y a pas de doute que ce fut par l'Esprit Saint. En effet, l'Esprit Saint a voulu le conduire là où le démon pourrait le trouver et oserait s'approcher de lui pour le tenter. Car le tentateur était provoqué à le mettre à l'épreuve par des circonstances favorables, c'est-à-dire la solitude, la prière, la mortification corporelle, le jeûne et la faim. Ainsi le démon aurait-il la possibilité d'apprendre de Jésus s'il était le Christ et le Fils de Dieu.
La première chose que nous apprenons ici, c'est que la vie de l'homme sur la terre est une vie de combat (Jb 7,1). Et aussi que le chrétien doit s'attendre à être d'emblée tenté par le démon. Qu'il se prépare donc à la tentation, selon l'Écriture: Si tu viens te mettre au service du Seigneur, prépare-toi à subir l'épreuve (Si 2,1). C'est pourquoi le Seigneur a voulu réconforter par ses exemples tout nouveau baptisé, tout nouveau converti, pour qu'il n'ait pas peur et ne devienne pas timoré, si après sa conversion ou son baptême, ayant été tenté par le démon plus fortement qu'auparavant, pu s'il souffre davantage de la persécution, il lit dans l'Évangile que le Christ lui-même a été tenté par le démon aussitôt après son baptême.
La deuxième leçon que le Christ a voulu nous donner par son exemple, c'est que nous ne cherchions pas facilement à nous exposer à la tentation. Conscients de notre faiblesse, veillons plutôt à ne pas entrer en tentation, prions et évitons les occasions d'être tentés.
Prière
Accorde-nous, Dieu tout-puissant, tout au long de ce carême, de progresser dans la connaissance de Jésus Christ et de nous ouvrir à sa lumière par une vie de plus en plus fidèle. Lui qui règne.
86 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 9,2-10)
Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l'écart, sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux.
Homélie
Jésus, supérieur à Moïse et Elie
Homélie de saint Ambroise (+ 397)
Sur le psaume 45, 2, CSEL 64, 6, 330-331 n
Le Seigneur Jésus a voulu que Moïse gravît seul la montagne, mais il fut rejoint par Josué. Dans l'Évangile aussi, c'est à Pierre, Jacques et Jean, seuls de tous les disciples, qu'il révéla la gloire de sa résurrection. Ainsi voulut-il que son mystère demeurât caché, et il les avertissait fréquemment de ne pas annoncer facilement ce qu'ils avaient vu à n'importe qui, pour qu'un auditeur trop faible ne trouvât là un obstacle qui empêcherait son esprit inconstant de recevoir les mystères dans toute leur force. Car enfin Pierre lui-même ne savait pas ce qu'il disait (Lc 9,33), puisqu'il croyait qu'il fallait dresser trois tentes pour le Seigneur et ses acolytes. Ensuite, il n'a pas pu supporter l'éclat de gloire du Seigneur qui se transfigurait, mais il tomba sur le sol, comme tombèrent aussi les fils du tonnerre, Jacques et Jean, quand la nuée les recouvrit, et ils ne purent se relever que lorsque Jésus s'approcha et les toucha, leur ordonna de se lever et de calmer leur crainte.
Ils entrèrent donc dans la nuée pour connaître ce qui est secret et caché, et c'est là qu'ils entendirent la voix de Dieu disant: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour: écoutez-le (Mt 17,5). Que signifie: Celui-ci est mon Fils bien-aimé? Cela veut dire - Simon, ne t'y trompe pas! - que tu ne dois pas placer le Fils de Dieu sur le même rang que les serviteurs. "Celui-ci est mon Fils: Moïse n'est pas mon Fils, Élie n'est pas mon Fils, bien que l'un ait ouvert le ciel, et que l'autre ait fermé le ciel." L'un et l'autre, en effet, à la parole du Seigneur, ont vaincu un élément, mais ils n'ont fait que prêter leur ministère à celui qui a affermi les eaux et fermé par la sécheresse le ciel, qu'il a fait fondre en pluie dès qu'il l'a voulu.
Là où le témoignage sur la résurrection est invoqué, on fait appel au ministère des serviteurs, mais là où se montre la gloire du Seigneur qui ressuscite, la gloire des serviteurs tombe dans l'obscurité. Car, en se levant, le soleil obscurcit jusqu'aux globes des étoiles, et toutes leurs lumières disparaissent devant l'éclat du soleil de ce monde. Comment donc, devant l'éternel soleil de justice, pourrait-on voir encore des étoiles de chair? Où sont donc ces lumières qui brillaient à nos yeux par quelque miracle? Toutes sont ténèbres en comparaison de la lumière éternelle. D'autres s'empressent de plaire à Dieu par leurs services, lui seul est la lumière éternelle, en qui le Père se complaît ou en qui, dit-il, "je me suis complu, afin que l'on croie que tout ce qu'il a fait est à moi, et que tout ce que j'ai fait, on croie à bon droit que c'est l'oeuvre du Fils."
Écoutez celui-ci dire de lui-même: Le Père et moi, nous sommes un (Jn 10,30). Il n'a pas dit: "Moïse et moi, nous sommes un." Il n'a pas dit qu'il y a une quelconque communion dans la gloire éternelle entre Élie et lui. Pourquoi préparez-vous trois tentes? Celui-ci n'a pas sa tente sur la terre, mais au ciel.
Prière
Tu nous a dit, Seigneur, d'écouter ton Fils bien-aimé; fais-nous trouver dans ta parole les vivres dont notre foi a besoin: et nous aurons le regard assez pur pour discerner ta gloire. Par Jésus Christ.
87 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 2,13-25)
Comme la Pâque des Juifs approchait, Jésus monta à Jérusalem. Il trouva installés dans le Temple les marchands de boeufs, de brebis et de colombes, et les changeurs.
Homélie
Le temple de pierres vivantes
Homélie de saint Augustin (+ 430) sur le psaume 130.
On suggère d'utiliser comme homélie le texte figurant comme seconde lecture dans la Liturgie des Heures ou le Livre des jours, et de prendre comme seconde lecture le texte qui est donné ici.
Homélies sur les psaumes, ps 130; CCL 40, 1899-1900.
Nous ne devons pas écouter la voix qui chante les psaumes comme celle d'un individu, mais comme celle de tous les hommes appartenant au Corps du Christ. Et parce que tous font partie de son corps, ils parlent comme un corps unique, et cet homme unique est aussi une multitude. En effet, ils sont multiples en eux-mêmes, et ils ne font qu'un en lui qui est unique. Lui-même est aussi le Temple de Dieu, dont l'Apôtre écrit: Il est saint, ce temple de Dieu que vous êtes (1Co 3,17), c'est-à-dire: tous ceux qui croient au Christ et qui croient de manière à aimer. Car croire au Christ, c'est aimer le Christ, et non pas comme les démons croyaient, sans aimer (Je 2,19), et c'est pourquoi ils pouvaient bien croire, mais ils disaient: Qu'y a-t-il de commun entre nous et toi, Fils de Dieu (cf. Mt 8,29)? Pour nous, croyons de telle sorte que, si nous croyons en lui, ce soit en l'aimant, et que nous ne disions pas: Qu'y a-t-il entre nous et toi? Mais plutôt: Nous t'appartenons, à toi, qui nous as rachetés. Tous ceux qui croient ainsi sont comme les pierres vivantes dont le temple de Dieu est bâti (1P 2,5), et comme les bois incorruptibles dont était composée cette arche que le déluge n'a pu submerger (Gn 6,14). Ce temple, c'est-à-dire les hommes eux-mêmes, c'est là que l'on prie Dieu, et qu'il exauce. <>
Être exaucé par rapport à la vie éternelle est accordé seulement à celui qui prie dans le temple de Dieu. Or on prie dans le temple de Dieu quand on prie dans la paix de l'Église, dans l'unité du Corps du Christ, lequel est constitué de tous ceux qui croient en lui, sur la terre entière, et c'est pourquoi celui qui prie dans ce temple-là est exaucé. Car il prie en esprit et en vérité (Jn 4,24), celui qui prie dans la paix de l'Église, non dans ce temple qui n'en était que la figure.
Car c'est en figure que le Seigneur chasse du Temple ces hommes qui y recherchaient leurs intérêts, c'est-à-dire qui allaient au Temple pour vendre et acheter. Car si ce Temple était figuratif, il est évident que le corps du Christ, qui est le vrai temple dont l'autre n'était que l'image, contient lui aussi, mélangés, des acheteurs et des vendeurs, c'est-à-dire des hommes qui recherchent leurs intérêts personnels, et non ceux de Jésus Christ (Ph 2,21).
C'est parce que les hommes sont frappés pour leurs péchés, que le Seigneur a fait un fouet de cordelettes et a ainsi chassé du Temple tous ceux qui cherchaient leurs intérêts personnels, non ceux de Jésus Christ.
C'est donc la voix de ce temple qui retentit dans le psaume. Dans ce temple, ai-je dit, on implore Dieu, et il exauce en esprit et en vérité, mais non dans le temple matériel. Car il n'y avait là qu'une ombre où était montré le temple de l'avenir. C'est pourquoi celui-là est maintenant tombé. Notre maison de prière serait-elle tombée? Nullement. Car vous avez entendu ce qu'a dit notre Seigneur Jésus Christ: Il est écrit: Ma maison s'appellera maison de prière pour toutes les nations (Mc 11,17).
Prière
Tu es la source de toute bonté, Seigneur, et toute miséricorde vient de toi; tu nous a dit comment guérir du péché par le jeûne, la prière et le partage; écoute l'aveu de notre faiblesse: nous avons conscience de nos fautes, patiemment relève-nous avec amour. Par Jésus Christ.
88 Evangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 3,14-21)
De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l'homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle.
Homélie
La croix, preuve suprême de l'amour
Traité de saint Jean Chrysostome (+ 407) sur la Providence
Traité sur la Providence, 17, 1-8; SC 79, 224-230.
On suggère d'utiliser comme homélie le texte figurant comme seconde lecture dans la Liturgie des Heures ou le Livre des jours, et de prendre comme seconde lecture le texte qu i est donné ici.
Lorsque nous célébrons notre maître commun pour toutes sortes de raisons diverses, est-ce que nous ne le célébrons pas surtout en lui rendant gloire à cause de la stupeur qui nous saisit devant la croix, devant cette mort maudite? Saint Paul, à tout propos, ne nous montre-t-il pas la mort du Christ comme le signe de son amour pour nous? La mort qu'il a subie pour les hommes tels qu'ils sont? A tout propos, il rappelle tout ce que le Christ a fait pour nous secourir et nous soulager, et il revient à la croix en disant: Voici comment Dieu a prouvé son amour pour nous: alors que nous étions pécheurs, le Christ est mort pour nous (Rm 5,8). Et par là, il nous fait entrevoir les plus belles espérances en disant: Si, alors que nous étions ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils, à plus forte raison, une fois réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie (Rm 5,10). Et n'est-ce pas pour cela surtout que lui-même triomphe, s'exalte, bondit et s'envole de joie, en écrivant aux Galates: Que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste mon seul orgueil (Ga 6,14). Pourquoi vous étonner pour cela, si Paul bondit, s'élance et triomphe? Le Christ lui-même, lui qui a supporté ces souffrances, appelle le supplice sa "gloire". Père, dit-il, l'heure est venue, glorifie ton Fils (Jn 17,1). Et le disciple qui a écrit cela disait: L'Esprit Saint n'avait pas encore été donné parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié (Jn 7,39). Ce qu'il appelle "gloire", c'est sa croix. Mais, lorsqu'il voulut nous montrer son amour, de quoi parle-t-il? De ses miracles, de ses merveilles, de ses prodiges? Pas du tout. Ce qu'il met en valeur, c'est la croix, lorsqu'il dit: Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique: ainsi tout ho mme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle (Jn 3,16). Et Paul dit encore: Il n'a pas refusé son propre Fils, il l'a livré pour nous tous: comment pourrait-il avec lui ne pas nous donner tout (Rm 8,32)? Et lorsqu'il nous invite à l'humilité, c'est de là qu'il tire son exhortation: Ayez entre vous les dispositions que l'on doit avoir dans le Christ Jésus: lui qui était dans la condition de Dieu, n'a pas jugé bon de revendiquer son droit d'être traité à l'égal de Dieu; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s'est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu'à mourir, et à mourir sur une croix (Ph 2,5-8).
Une autre fois, en exhortant à la charité, il revient sur ce sujet: Vivez dans l'amour comme le Christ nous a aimés, et s'est livré pour nous en offrant à Dieu le sacrifice qui pouvait lui plaire (Ep 5,2).
Et le Christ lui-même a voulu montrer combien la croix était sa plus ardente préoccupation, combien il chérissait la souffrance: écoutez comment il a appelé le premier des Douze, le fondement de l'Église, le coryphée du choeur des Apôtres. Celui-ci lui avait dit, dans son ignorance: Dieu t'en garde, Seigneur! Cela ne t'arrivera pas! Jésus répliqua: Passe derrière moi, Satan, tu es un obstacle sur ma route (Mt 16,22-23). Par l'excès de l'injure et de la réprimande, il montrait l'importance majeure qu'il attachait à la croix.
Prière
Dieu qui as réconcilié avec toi toute l'humanité en lui donnant ton propre Fils, augmente la foi du peuple chrétien, pour qu'il se hâte avec amour au-devant des fêtes pascales qui approchent. Par Jésus Christ.
89 Evangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 12,20-33)
Parmi les Grecs qui étaient montés à Jérusalem pour adorer Dieu durant la Pâque, quelques-uns abordèrent Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée. Ils lui firent cette demande: "Nous voulons voir Jésus."
Homélie
Images de la mort vivifiante du Christ
Commentaire de saint Cyrille d'Alexandrie sur les Nombres (+ 444)
Commentaire sur le Livre des Nombres, livre 2, PG 69, 619-624
Le Christ, comme prémices de la nouvelle création, a évité la malédiction de la Loi, mais par le fait même qu'il devenait malédiction pour nous. Il a échappé aux puissances de la corruption devenant par lui-même libre parmi les morts (cf. ps 87,6). Après avoir terrassé la mort, il est ressuscité, puis il est monté vers le Père comme une offrande magnifique et resplendissante, comme les prémices, en quelque sorte, de la race humaine rénovée, incorruptible. <>
Comme dit l'Écriture: Ce n'est pas dans un sanctuaire construit par les hommes, qui ne peut être qu'une copie du sanctuaire véritable, que le Christ est entré, mais dans le ciel même, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu (He 9,24). Il est pain qui donne la vie et qui est venu du ciel. En s'offrant lui-même à Dieu le Père à cause de nous comme un sacrifice d'agréable odeur, il remet aux pauvres hommes leurs péchés et les délivre de leurs erreurs. Vous comprendrez bien cela en le comparant, par le regard spirituel, au jeune taureau muselé, et au bouc égorgé pour les erreurs du peuple. <> Il a donné sa vie afin d'effacer le péché du monde.
C'est pourquoi, de même que sous le pain nous voyons le Christ comme la vie et celui qui donne vie, sous le symbole du jeune taureau nous le voyons comme immolé, s'offrant à Dieu en sacrifice d'agréable odeur, et sous le symbole du bouc comme devenu péché pour nous (2Co 5,21) et offert pour nos péchés. On pourrait encore le considérer sous le symbole de la gerbe. Qu'est-ce que ce signe représente? Je vais le dire rapidement.
On peut comparer le genre humain aux épis d'un champ. Ils naissent de la terre, ils attendent d'avoir obtenu toute leur croissance et, au moment voulu, ils sont fauchés par la mort. C'est ainsi que le Christ disait à ses disciples: Ne dites-vous pas: Encore quatre mois et ce sera la moisson? Et moi je vous dis: Levez les yeux et regardez les champs qui se dorent pour la moisson. Dès maintenant le moissonneur reçoit son salaire: il récolte du fruit pour la vie éternelle (Jn 4,35-36).
Or le Christ est né parmi nous, il est né de la Vierge sainte comme les épis sortent de la terre. Parfois d'ailleurs il se nomme lui-même le grain de blé: Amen, Amen je vous le dis: si le grain tombé en terre ne meurt pas, il reste seul; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit (Jn 12,24). Ainsi s'est- il offert pour nous à son Père, à la manière d'une gerbe et comme les prémices de la terre. Car l'épi de blé, comme nous-mêmes d'ailleurs, ne peut être considéré isolément. Nous le voyons dans une gerbe, formée de nombreux épis d'une seule brassée. Car le Christ Jésus est unique, mais il nous apparaît et il est réellement comme constituant une brassée, en ce sens qu'il contient en lui tous les croyants, évidemment dans une union spirituelle. Sans cela, comment saint Paul pourrait-il écrire: Avec lui il nous a ressuscites, avec lui il nous a fait régner aux cieux (Ep 2,6-7)? En effet, puisqu'il est constitué par nous, nous ne faisons qu'un seul corps avec lui (Ep 3,6) et nous avons acquis par la chair l'union avec lui. Car lui-même adresse d'ailleurs ces paroles à Dieu le Père: Je veux, Père, que, comme moi et toi ne faisons qu'un, eux aussi ne fassent qu'un avec nous (Jn 17,21).
Prière
Que ta grâce nous obtienne, Seigneur, d'imiter avec joie la charité du Christ qui a donné sa vie par amour pour le monde. Lui qui règne.
Homéliaire patristique 81