Homéliaire patristique 90
90 Évangile au choix
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 11,1-10)
Quelques jours avant la fête de la Pâque, Jésus et ses disciples approchent de Jérusalem, de Bethphage et de Béthanie, près du mont des Oliviers.
Homélie
Suivre Jésus dans la joie comme dans la peine
Homélie du bienheureux Guerric d'Igny (+ 1157)
Sermons sur les Rameaux, 3,25, SC 202, 188-192 198-200
Bien des gens ont été stupéfaits du triomphe glorieux remporté par Jésus lorsqu'il fit son entrée à Jérusalem, alors que peu après il montra dans sa passion un visage sans gloire et humilié. <>
Si l'on considère en même temps la procession d'aujourd'hui et la passion, on voit Jésus, d'un côté sublime et glorieux, de l'autre humble et misérable. Car dans la procession il reçoit des honneurs royaux, et dans la passion on le voit châtié comme un bandit. Ici, la gloire et l'honneur l'environnent, là il n'a ni apparence ni beauté (cf. Is 53,2). Ici, c'est la joie des hommes et la fierté du peuple; là, c'est la honte des hommes et le mépris du peuple (cf. ps 21,7). Ici, on l'acclame: Hosanna au fils de David. Béni soit le roi d'Israël qui vient (cf. Mc 11,10). Là, on hurle qu'il mérite la mort et on se moque de lui parce qu'il s'est fait roi d'Israël. Ici, on accourt vers lui avec des palmes; là, ils le soufflettent au visage avec leurs paumes, et l'on frappe sa tête à coups de roseau. Ici, on le comble d'éloges; là, il est rassasié d'injures. Ici, on se dispute pour joncher sa route avec le vêtement des autres; là, on le dépouille de ses propres vêtements. Ici, on le reçoit dans Jérusalem comme le roi juste et le Sauveur; là, il est chassé de Jérusalem comme un criminel et un imposteur. Ici, il est monté sur un âne, assailli d'hommages; là, il est pendu au bois de la croix, déchiré par les fouets, transpercé de plaies et abandonné par les siens. <>
Si nous voulons, mes frères, suivre notre chef sans trébucher à travers la prospérité comme à travers l'adversité, contemplons-le mis en honneur dans cette procession, soum is aux outrages et aux souffrances dans sa passion, mais gardant une âme immuable dans un tel bouleversement. <>
Seigneur Jésus, c'est toi, joie et salut de tous, que tous bénissent de leurs voeux, qu'ils te voient monté sur l'âne ou suspendu à la croix. Que tous puissent te voir régnant sur ton trône royal et te louent pour les siècles des siècles. A toi louange et honneur pour tous les siècles des siècles.
ou bien
Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean Jn 12,12-16)
C'était quelques jours avant la Pâque. La grande foule qui était venue pour la fête, apprenant que Jésus arrivait à Jérusalem, prit des branches de palmier et sortit à sa rencontre.
Homélie
Roi par compassion
Homélie de saint Augustin (+ 430)
Homélies sur l'évangile de saint Jean, 51, 2-4; CCL 36, 440-441.
La grande foule qui était venue pour la fête, apprenant que Jésus venait à Jérusalem, prit des branches de palmier et sortit à sa rencontre. Les gens criaient: Hosanna! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur! Béni soit le roi d'Israël! (Jn 12,12-13) Les rameaux de palmier sont des louanges symbolisant la victoire que le Seigneur allait remporter sur la mort en mourant lui-même, et le triomphe qu'il allait obtenir sur le démon, prince de la mort, par le trophée de la croix. <>
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d'Israël! Cette acclamation doit se comprendre plutôt en ce sens: "Béni soit celui qui vient au nom du Père", bien qu'on puisse aussi comprendre: celui qui vient en son propre nom, parce que lui-même aussi est Seigneur.
Mais ses paroles nous orientent plutôt vers le sens que nous proposons, car il a dit: Moi, je suis venu au nom du Père, et vous ne me recevez pas; si un autre vient en son propre nom, celui-là, vous le recevrez (Jn 5,43)! En effet, le Christ est le maître de l'humilité, lui qui s'est abaissé en devenant obéissant jusqu'à mourir, et à mourir sur une croix (Ph 2,8). Car il ne perd pas sa divinité lorsqu'il nous enseigne l'humilité. Par celle-là il est égal au Père, par celle-ci il est semblable à nous. Par le fait qu'il est égal au Père, il nous a créés pour que nous existions; par le fait qu'il nous est semblable, il nous a rachetés, pour que nous ne périssions pas.
La foule lui adressait donc ces louanges: Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d'Israël! Quel supplice l'esprit envieux des chefs des Juifs pouvait-il supporter, quand toute cette foule acclamait le Christ comme son roi! Mais qu'est-ce que cela pouvait représenter pour le Seigneur, d'être le roi d'Israël? Quelle grandeur y avait-il pour le roi des siècles (1Tm 1,17) à devenir un roi pour les hommes? Car le Christ n'était pas roi d'Israël pour exiger l'impôt, pour armer des troupes ni pour terrasser visiblement des ennemis. Il est roi d'Israël pour gouverner des âmes, veiller à leurs intérêts éternels et conduire au Royaume des cieux ceux qui ont mis en lui leur foi, leur espérance, leur amour. Donc, si le Fils égal au Père, le Verbe par qui tout a été fait (Jn 1,3), a voulu être roi d'Israël, ce fut de sa part compassion et non promotion, une marque de miséricorde, non un accroissement de pouvoir. Car celui qui fut appelé sur terre le roi des Juifs, est dans les cieux le Seigneur des anges. <>
Jésus, trouvant w« petit âne, monta dessus. Il accomplissait ainsi l'Écriture: N'aie pas peur, fille de Sion. Voici ton roi qui vient, monté sur le petit d'un ânesse (Jn 12,15; Za 9,9). Cette fille de Sion, à laquelle sont adressées ces paroles inspirées, faisait partie de ces brebis qui écoutaient la voix du pasteur; elles étaient dans cette foule qui louait avec tant d'enthousiasme la venue du Seigneur, qui l'escortait par un tel cortège. C'est à elle qu'il a été dit: N'aie pas peur (Jn 12,15). Reconnais celui que tu acclames et ne tremble pas devant sa passion, car ce sang qui est répandu, c'est lui qui effacera ton péché et te rendra la vie.
Prière
Dieu éternel et tout-puissant, pour montrer au genre humain quel abaissement il doit imiter, tu as voulu que notre Sauveur, dans un corps semblable au nôtre, subisse la mort de la croix: accorde-nous cette grâce de retenir les enseignements de sa passion et d'avoir part à sa résurrection. Lui qui règne.
91 Le Jeudi saint, aux Vigiles célébrées le matin, il n'y a pas de lecture d'évangile. On a cependant cru rendre service en proposant une homélie pour nourrir la méditation de ce jour-là.
Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 13,1-15)
Avant la fête de la Pâque, sachant que l'heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu'au bout.
Homélie
Il les aima jusqu'au bout
saint Thomas More (+ 1535)
Traité sur la Passion, Le Christ les aima jusqu'au bout, Homélie 1.
Avant la fête de la Pâque, sachant que l'heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens, les aima jusqu'au bout (Jn 13,1). L'évangéliste saint Jean était aimé si tendrement par le Christ qu'il se penchait sur sa poitrine au cours de la dernière Cène, et que Jésus lui révéla secrètement qui était le traître. C'est à la garde de saint Jean que Jésus, du haut de la croix, confia sa mère douloureuse. Jean fut appelé spécialement dans l'Évangile le disciple que Jésus aimait. C'est ce disciple qui met ici en lumière pa r ses paroles combien notre Sauveur, qui aimait tellement Jean, était fidèle dans son amour.
Car ces paroles sont suivies aussitôt par le récit de l'amère Passion du Christ, en commençant par la dernière Cène, et d'abord par l'humble service du lavement des pieds rendu par Jésus à ses disciples, et par l'envoi du traître au dehors. Viennent ensuite l'enseignement de Jésus, sa prière, son arrestation, son procès, sa flagellation, sa crucifixion et toute la douloureuse tragédie de sa très amère Passion.
C'est avant tout cela que saint Jean cite les paroles rappelées à l'instant, pour faire comprendre que tous ces actes, le Christ les a accomplis par pur amour. Cet amour, il l'a bien montré à ses disciples lors de la dernière Cène, lorsqu'il leur affirma qu'en s'aimant les uns les autres, ils suivraient son exemple. Car ceux qu'il aimait, il les aima jusqu'au bout, et il souhaitait qu'ils fassent de même. Il n'était pas inconstant, comme tant de gens qui aiment de façon passagère, abandonnent à la première occasion, et d'amis deviennent ennemis, comme fit le traître Judas. Jésus, lui, a persévéré dans l'amour jusqu'au bout, jusqu'à ce que, précisément par cet amour, il en soit venu à cette extrémité douloureuse. Et pas seulement pour ceux qui étaient déjà ses ami s, mais pour ses ennemis, afin d'en faire des amis. Non pour son avantage, mais pour le leur.
Ici nous remarquerons que l'Évangile dit parfois que le Christ quittera ce monde pour aller au Père, comme lorsqu'il disait: Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, mais moi, vous ne m'aurez pas toujours (Jn 12,8). Cela ne signifie pas qu'il ne sera plus avec son Église, ici en ce monde, ou qu'il ne reviendra plus jusqu'au jour du jugement, car lui-même a fait cette promesse: Et moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde.
Prière
Dieu qu'il est juste d'aimer par-dessus tout, multiplie en nous les dons de ta grâce; dans la mort de ton Fils, tu nous fais espérer ce que nous croyons; accorde-nous, par sa résurrection, d'atteindre ce que n ous espérons. Par Jésus Christ.
92 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 15,1-41)
Dès le matin, les chefs des prêtres convoquèrent les anciens et les scribes, et tout le grand conseil. Puis ils enchaînèrent Jésus et l'emmenèrent pour le livrer a Pilate.
Homélie
Voir l'année A, p. 50.
Prière
Regarde, Seigneur, nous t'en prions, la famille qui t'appartient: c'est pour elle que Jésus, le Christ, notre Seigneur, ne refusa pas d'être livré aux mains des méchants ni de subir le sup plice de la croix. Lui qui règne.
93 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 15,12-47)
Déjà le soir était venu; or, comme c'était la veille du sabbat le jour où il faut tout préparer, Joseph d'Arimathie intervint. C'était un homme influent, membre du Conseil, et il attendait lui aussi le Royaume de Dieu.
Homélie
Participer à la mort du Christ
Commentaire d'Origène (+ 253) sur la Lettre aux Romains
Commentaire sur la Lettre aux Romains, 5, 10, PG 14, 1048-1052
A chacun des croyants le Christ a accordé la mort de son propre péché comme un bienfait de la foi, qui vient de sa propre mort. Il s'agit de ceux qui, par la foi, sont morts, crucifiés et ensevelis avec lui; de ce fait le péché ne peut agir sur eux, pas plus que sur des morts, et c'est ainsi qu'on les déclare morts au péché. C'est pourquoi il dit: Si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui (cf. Rm 6,8). Il ne dit pas: "nous avons vécu", comme il a dit: "nous sommes morts", mais il dit: "nous vivrons", pour montrer que la mort est à l'oeuvre dans le présent, et la vie dans le futur, c'est-à-dire lorsque paraîtra le Christ, qui est notre vie cachée en Dieu (cf. Col 3,3-4). Maintenant, enseigne saint Paul, c'est la mort qui fait son oeuvre en nous (2Co 4,12). Mais cette mort elle-même, qui fait son oeuvre en nous, me semble comporter différentes étapes.
Chez le Christ, il y eut le temps de la mort dont on dit: Poussant un grand cri, il rendit l'esprit (Mt 27,50). Ensuite il y eut le temps où, mis au tombeau, il gisait, la porte fermée. Puis on vint le chercher au tombeau, et on ne le trouva pas, parce qu'il était déjà ressuscité, résurrection dont aucun homme n'a pu voir le commencement.
De même chez nous, qui croyons en lui, on doit trouver ce triple niveau de mort. Premièrement par la confession en parole, la mort du Christ doit être montrée en nous, lorsque celui qui croit du fond de son coeur devient juste, et celui qui, de bouche, affirme sa foi parvient au salut (cf. Rm 10,10). Deuxièmement, en faisant mourir en nous ce qui appartient encore à la terre (cf. Col 3,5), puisque partout nous subissons dans notre corps la mort de Jésus (2Co 4,10), et c'est en ce sens que, pour saint Paul, la mort fait son oeuvre en nous. Troisièmement, lorsque nous ressuscitons d'entre les morts et que nous menons une vie nouvelle (Rm 6,4). Et, pour nous expliquer plus brièvement et plus clairement, le premier jour de la mort, c'est de renoncer au monde; le deuxième, c'est d'avoir renoncé en outre aux vices de la chair; et lorsqu'on atteint la plénitude de la perfection, dans la lumière de la sagesse, c'est le troisième jour de la résurrection. Cependant ces différentes étapes, en chacun des croyants, et ces progrès successifs, seul peut les connaître et les discerner celui-là qui lit dans le secret des coeurs. <>
C'est encore ainsi que le Christ s'est anéanti lui-même, a pris la condition de serviteur et a souffert la domination du tyran, s'étant fait obéissant jusqu'à la mort (cf. Ph 2,7). Par cette mort, il a détruit celui qui détenait l'empire de la mort, c'est-à-dire le démon, afin qu'il libère ceux qui étaient captifs de la mort. Le Christ, après avoir ligoté l'homme fort et avoir triomphé de lui sur la croix, pénétra dans sa demeure, la demeure de la mort, l'enfer, et il en arracha ses biens, c'est-à-dire qu'il en délivra les âmes qu'il retenait. Et c'est ce dont lui-même parle d'une façon énigmatique dans l'Évangile: Peut-on entrer dans la maison de l'homme fort et piller ses biens, sans avoir d'abord ligoté cet homme fort (Mt 12,29)?
Il a donc commencé par le lier sur la croix, et c'est ainsi qu'il a pénétré dans sa maison, c'est-à-dire l'enfer, et de là, montant vers les hauteurs, il a emmené captive la captivité (cf. Ep 4,8), c'est-à-dire ceux qui ressusciteront avec lui, et ils entrèrent dans la cité sainte, la Jérusalem céleste (cf. Mt 27,52-53). Aussi l'Apôtre dit-il, dans ce passage que nous étudions: Sur lui la mort n'a plus aucun pouvoir (Rm 6,9).
Prière
Dieu éternel et tout-puissant, dont le Fils unique est descendu aux profondeurs de la terre, d'où il est remonté glorieux, accorde à tes fidèles, ensevelis avec lui dans le baptême, d'accéder par sa résurrection à la vie éternelle. Lui qui règne.
94 Le dimanche de Pâques, la Veillée nocturne tient lieu d'Office des Vigiles ou des Lectures On a cependant cru rendre service en proposant une homélie pour nourrir la méditation de ce jour-là
Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 16,1-8)
Le sabbat terminé, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des parfums pour aller embaumer le corps de Jésus. De grand matin, le premier jour de la semaine, elles se rendent au sépulcre au lever du soleil.
Homélie
Se reporter à l'année A, p. 55.
95 Se reporter à l'année A, p. 57.
96 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Mc 20,19-31)
C'était après la mort de Jésus, le soir du premier jour de la semaine. Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient, car ils avaient peur des Juifs. Jésus vint, et il était là au milieu d'eux.
Homélie
Le corps du Ressuscité
au choix
Homélie de saint Grégoire le Grand (+ 604)
Homélies sur les évangiles, 26, 1-2; PL 76, 1197-1198.
La première question qui frappe notre esprit à la lecture de ce passage de l'Évangile est la suivante: Comment, après la résurrection, le corps du Seigneur fut-il un vrai corps, puisqu'il a pu entrer auprès de ses disciples toutes portes closes? Mais nous devons savoir que l'activité divine n'aurait rien d'étonnant si la raison pouvait la comprendre, et que la foi n'aurait pas de mérite si la raison humaine l'appuyait de son expérience.
Ces oeuvres de notre Rédempteur, qui par elles-mêmes sont absolument incompréhensibles, doivent être jugées à partir d'une autre de ses activités, afin que la foi en des faits étonnants soit soutenue par des faits plus étonnants encore.
Car ce corps du Seigneur qui rejoignait les disciples toutes portes closes, c'est le même qui, à sa naissance, est devenu visible pour nous lorsqu'il sortit, par sa nativité, du sein intact de la Vierge. Alors, quoi d'étonnant s'il est entré portes closes après sa résurrection qui le fera vivre éternellement, alors que, venu pour mourir, il est sorti, sans l'ouvrir, du sein de la Vierge? Mais parce que la foi des témoins doutait à l'égard de ce corps qu'ils pouvaient voir, il leur montra aussitôt ses mains et son côté. Cette chair qu'il avait fait passer à travers les portes fermées, il l'offrit à leur toucher. <>
C'est d'une façon merveilleuse et imprévisible que notre Rédempteur montra un corps devenu, après sa résurrection, à la fois incorruptible et palpable. En le donnant à toucher, il encourageait à croire. Il s'est donc montré et incorruptible et palpable afin de montrer à coup sûr son corps comme relevant, après la résurrection, de la même nature mais d'une autre gloire.
Il leur dit: La paix soit avec vous! De même que le Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie (Jn 20,21).
C'est-à-dire: comme le Père, qui est Dieu, m'a envoyé, moi qui suis Dieu, de même moi, qui suis homme, je vous envoie, vous qui êtes des hommes.
Le Père a envoyé son Fils, c'est-à-dire qu'il décréta son incarnation pour la rédemption du genre humain. Il voulut qu'il vienne dans le monde pour subir la Passion, et pourtant il aimait ce Fils qu'il envoyait souffrir.
Les Apôtres de son choix, le Seigneur Jésus ne les a pas envoyés vers les joies du monde. Mais, comme lui-même avait été envoyé, il les envoya aux souffrances que le monde leur infligerait.
Donc, parce que le Fils est aimé du Père, et cependant est envoyé à la Passion, de même les disciples sont aimés du Seigneur, et cependant sont envoyés dans le monde pour y subir la Passion. C'est ce qui lui fait dire: Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie. Cela signifie: lorsque je vous envoie vers les attaques des persécuteurs, je vous aime du même amour dont le Père m'aime, moi qu'il a envoyé au-devant des souffrances.
ou bien
Heureux ceux qui croient sans avoir vu
Homélie de saint Cyrille d'Alexandrie (+ 444)
Commentaire sur l'évangile de Jean, 12, 22; PG 74, 729-736.
Thomas n'a pas mis longtemps à confesser sa faute, lui qui, peu auparavant, avait été si lent à croire! Huit jours seulement s'étaient écoulés, et le Christ détruisit les objections de son incrédulité en lui montrant les traces des clous et même son côté.
Notre Seigneur Jésus Christ avait merveilleusement traversé les portes verrouillées, tandis qu'un corps épais et terrestre aurait cherché un accès approprié et aurait demandé pour entrer l'espace que demande la taille de chacun. Ensuite, il lui a suffi de découvrir son côté devant Thomas, et de montrer les blessures faites dans sa chair, pour convaincre tout le monde. Car on nous rapporte que Thomas fut le seul à dire: Si je n'avance pas mes mains, si je ne vois pas la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas (Jn 20,25)!
Mais le péché de l'infidélité était en quelque sorte commun à tous, et nous ne constatons pas que l'esprit des autres disciples ait été à l'abri du doute, bien qu'ils aient tous dit: Nous avons vu le Seigneur (Jn, 20,25)! Saint Luc nous écrit à leur sujet: Dans leur joie, ils n'osaient pas encore y croire, et restaient saisis d'étonnement. Il leur dit: Avez-vous ici quelque chose à manger? Ils lui offrirent un morceau de pain grillé. Il le prit et le mangea devant eux (Lc 24,41-43). Vous voyez comment la pensée incrédule n'a pas son siège chez Thomas seulement, mais que le coeur des autres disciples souffrait de la même maladie. <>
Donc l'étonnement rendait les disciples lents à croire. Mais parce que rien ne pouvait excuser l'incrédulité de témoins oculaires, saint Thomas a bien fait de confesser sa foi en disant: Mon Seigneur et mon Dieu. Jésus lui dit: Parce que tu m'as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu (Jn 20,28-29).
Cette parole du Seigneur est pleinement conforme à la miséricordieuse économie de Dieu, et elle peut nous être du plus grand profit. Car ici encore il s'est soucié grandement de nos âmes, parce qu'il est bon, parce qu'il veut que tous les hommes soient sauvés et qu'ils parviennent à connaître la vérité (1Tm 2,4), comme il est écrit. Mais cela peut nous surprendre. Car il devait supporter patiemment Thomas avec ses paroles, ainsi que les autres disciples qui le prenaient pour un esprit et un fantôme. Il devait encore, pour convaincre le monde entier, montrer les marques des clous et l'ouverture du côté. Enfin, de manière surprenante et sans que le besoin l'y contr aigne, il devait prendre de la nourriture, afin de ne laisser aucun motif de douter à ceux qui avaient besoin de ces signes. <>
Celui qui n'a pas vu, mais qui accueille et tient pour vrai ce que l'initiateur aux mystères lui a dit à l'oreille, honore d'une foi remarquable ce que son maître lui a proclamé. Par conséquent, on appelle bienheureux tous ceux qui ont cru grâce à la parole des Apôtres, eux qui ont été témoins oculaires des grandes actions du Christ et serviteurs de la Parole, comme dit saint Luc (Lc 1,2). Car il est nécessaire de les écouter, si nous sommes saisis d'un amour passionné pour la vie éternelle, et si nous attachons le plus grand prix à trouver dans le ciel notre demeure.
Prière
Dieu de miséricorde infinie, tu ranimes la foi de ton peuple par les célébrations pascales; augmente en nous ta grâce pour que nous comprenions toujours mieux quel baptême nous a purifiés, quel Esprit nous a fait renaître, et quel sang nous a rachetés. Par Jésus Christ.
97 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 24,35-48)
Les disciples qui rentraient d'Emmaûs racontaient aux onze Apôtres et à leurs compagnons ce qui s'était passé sur la route, et comment ils avaient reconnu le Seigneur quand il avait rompu le pain. Comme ils en p arlaient encore, lui-même était là au milieu d'eux.
Homélie
Croire au Christ, tête et corps
Homélie de saint Augustin (+ 430)
Sermon 116, 1 5-6, PL 38, 657-660
Jésus Christ est notre salut. En effet, il l'est en personne, lui qui a été blessé pour nous, cloué à la croix, puis déposé de la croix et mis au tombeau. Il en est sorti, guéri de ses blessures, gardant ses cicatrices. Car il jugea profitable à ses disciples que ses cicatrices soient gardées, pour guérir les blessures de leur coeur. Quelles blessures? Celles de l'incrédulité. En effet, lorsqu'il apparut à leurs yeux en présentant une chair réelle, ils pensèrent voir un esprit. C'est là une blessure du coeur qui n'est pas légère. Que votre charité y songe: s'ils avaient gardé cette blessure, en pensant que le corps enseveli n'était pas ressuscité, mais qu'un esprit avait trompé leurs regards par l'illusion d'un corps humain, s'ils étaient demeurés dans cette croyance, ou plutôt dans cette incrédulité, ce n'est pas leurs blessures qu'il faudrait déplorer, mais leur mort. <>
Donc, il se montra à ses disciples. Mais qui est-ce donc qu'il montra? Le chef de son Église. Il prévoyait qu'à l'avenir son Église existerait dans tout l'univers, mais ses disciples ne le voyaient pas encore. Il leur montrait la tête, et il promettait le corps. Voici en effet ce qu'il ajouta: Rappelez-vous les paroles que je vous ai dites quand j'étais encore avec vous. Que signifient ces mots: quand j'étais encore avec vous? Quand j'étais avec vous, étant mortel, ce que je ne suis plus maintenant. J'étais avec vous, lorsque j'avais à mourir. Que veut dire: avec vous! Mortel, j'étais avec des mortels. Maintenant je ne suis plus avec vous, parce que, si je suis bien avec des mortels, je n'aurai plus maintenant à mourir.
Je vous ai dit qu'il fallait que tout s'accomplisse. Parce que c'est écrit, et qu'il le fallait. Quoi donc? Que le Christ souffre, et qu'il ressuscite d'entre les morts le troisième jour. Cela ils l'ont vu: ils l'ont vu souffrir, ils l'ont vu attaché à la croix, et ils le voyaient après sa résurrection, vivant et présent parmi eux.
Qu'est-ce donc qu'ils ne voyaient pas? Son corps, c'est-à-dire l'Église. Le Christ, ils le voyaient, mais elle, ils ne la voyaient pas. Ils voyaient l'Époux, l'Épouse était encore cachée. Qu'il leur promette donc la venue de l'Église. Il est écrit, et il le fallait, que le Christ souffre et ressuscite d'entre les morts. Voilà ce qui concerne l'Époux. <>
Et au sujet de l'Épouse? La conversion proclamée en son nom pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. Voilà ce que les disciples ne voyaient pas encore: l'Église répandue à travers toutes les nations, en commençant par Jérusalem. Ils voyaient la tête et, sur sa parole, ils croyaient à son corps. <>
Nous leur sommes semblables: nous voyons quelque chose qu'ils ne voyaient pas; et nous ne voyons pas quelque chose qu'ils voyaient. Que voyons-nous qu'ils ne voyaient pas? L'Église répandue à travers les nations. Et qu'est-ce que nous ne voyons pas, mais qu'ils voyaient? Le Christ vivant dans la chair. Comment le voyaient-ils, tandis qu'ils croyaient à son corps? De la même façon que nous-mêmes voyons le corps et croyons à la tête. En revanche, que ce que nous ne voyons pas vienne à notre aide! Voir le Christ a aidé les Onze à croire à l'Église future. L'Église que nous voyons nous aide à croire que le Christ est ressuscité. Leur foi a reçu son accomplissement: de même la nôtre. La leur a été accomplie en ce qui concerne la tête, la nôtre l'est en ce qui concerne le corps.
Le Christ total s'est fait connaître d'eux et s'est fait connaître de nous. Mais il n'a pas été connu tout entier par eux, ni tout entier par nous. Eux, ils ont vu la tête, et ils ont cru au corps. Nous, nous avons vu le corps et nous avons cru à la tête. Cependant le Christ ne fait défaut à personne: il est tout entier en tous, et pourtant son corps lui demeure attaché.
Prière
Garde à ton peuple sa joie, Seigneur, toi qui refais ses forces et sa jeunesse; tu nous as rendu la dignité de fils de Dieu, affermis-nous dans l'espérance de la résurrection. Par Jésus Christ.
98 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 10,11-18)
Jésus disait aux Juifs: "Je suis le bon pasteur (le vrai berger). Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis."
Homélie
au choix
Le Pasteur de la terre entière
Homélie de saint Pierre Chrysologue (+ 450)
Sermon sur le père et les deux fils, et sur le psaume 99, 6, 1-4, CCL 24, 44-47
Dans la lecture de ce jour, le Christ a proclamé: Je suis le Bon Pasteur, le vrai berger. Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis (Jn 10,11). Il nous a indiqué ainsi que sa venue sur la terre comme pasteur des nations serait un bienfait pour nous. Aussi, lui qui est le maître, cherche-t-il des collaborateurs, des assistants pour le monde entier, lorsqu'il dit (dans le psaume): Acclamez le Seigneur, terre entière (Ps 99,1).
Au moment de retourner au ciel, il confie donc à Pierre le soin de paître ses brebis à sa place. Pierre, m'aimes-tu? dit-il, Sois le Pasteur de mes brebis. Et pour que Pierre ne commence pas par contraindre de façon autoritaire les plus petits du troupeau, mais les porte avec douceur, il répète sa question: Pierre, m'aimes-tu? Sois le Pasteur de mes agneaux. Il confie à Pierre les brebis avec leurs petits, parce qu'il est le Pasteur qui prévoit déjà la future fécondité de son troupeau.
Pierre m'aimes-tu? Sois le Pasteur de mes agneaux (Jn 21,15-17). C'est à ces agneaux que saint Paul, collègue de Pierre le Pasteur, offrait le lait d'une nourriture spirituelle. Le saint roi David l'avait compris, et il s'écrie, comme s'il était lui-même une brebis: Le Seigneur est mon berger: je ne manque de rien. Sur des prés d'herbe fraîche, il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre (Ps 22,1-2).
Le verset suivant de notre psaume annonce aux croyants qui reviennent aux pâturages de la paix évangélique la joie qui succède aux gémissements causés par les guerres, à une triste vie ensanglantée, à la servitude. Car l'homme était esclave du péché, captif de la mort, enchaîné par ses crimes. Quand n'est-il pas désespéré par ses vices?
Et c'est pourquoi l'homme poussait de profonds soupirs, quand il devait supporter continuellement des maîtres aussi cruels. Le roi prophète, nous voyant libérés de ces calamités et ramenés au culte du Créateur, à la grâce du Père, à la liberté au service d'un bon maître, s'exclame à juste titre: Servez le Seigneur dans l'allégresse, venez à lui avec des chants de joie (Ps 99,2). Car ceux que leur culpabilité avait rejetés, ceux que leur mauvaise conscience avait chassés, voici que la grâce les ramène, l'innocence les réconcilie. Nous sommes à lui, nous, son peuple et son troupeau (Ps 99,3). On nous a montré, en langage de parabole, que le Pasteur est venu du ciel et qu'il ramènerait aux pâturages vivifiants, dans une allégresse céleste, les brebis errantes et empoisonnées par des nourritures mortelles.
Venez dans sa maison lui rendre grâce, dans sa demeure chanter ses louanges (Ps 99,4). Seule la proclamation de sa louange nous fait entrer dans sa demeure par la porte de la foi. <> Rendez-lui grâce et bénissez son nom (Ps 99,4). Ce nom par lequel nous avons été sauvés, ce nom qui fait fléchir le genou à toute créature au ciel, sur terre, aux enfers, et par lequel la création chérit infiniment Dieu, son Seigneur. Oui, le Seigneur est doux, éternel est son amour (cf. Ps 99,5). Il est vraiment doux en raison de sa miséricorde, c'est par elle seule qu'il a daigné retirer la sentence amère qui condamnait le monde entier. Voici l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde (Jn 1,29).
ou bien
Le Pasteur qui fait vivre et qui juge
Homélie de Basile de Séleucie (+ 459)
Discours 26, 2; PG 85, 306-307.
Le Pasteur se fait égorger pour son troupeau, comme s'il était une brebis. Il n'a pas refusé la mort, il n'a pas anéanti ses bourreaux comme il en avait le pouvoir, car sa Passion ne lui a pas été imposée. C'est en toute liberté qu'il a donné sa vie pour ses brebis. J'ai le pouvoir de donner ma vie, et le pouvoir de la reprendre (Jn 10,18). Par sa passion il expiait nos passions mauvaises; par sa mort il guérissait notre mort; par son tombeau il anéantit le tombeau; par les clous de sa croix il ruinait jusqu'aux fondements de l'enfer.
La mort a gardé son empire jusqu'à la mort du Christ. Les tombeaux sont restés écrasants, notre prison indestructible, jusqu'à ce que le Pasteur y descende pour annoncer aux brebis qui s'y trouvaient enfermées la joyeuse nouvelle de leur libération. Son apparition au milieu d'elles leur donnait la garantie de leur appel à une vie nouvelle. Le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis, et c'est ainsi qu'il cherche à s'attirer leur amour. Or, on aime le Christ si l'on écoute attentivement sa voix.
Le pasteur sait bien séparer les chèvres des brebis. Selon l'Évangéliste, toutes les nations seront rassemblées devant lui; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des chèvres: il placera les brebis à sa droite, et les chèvres à sa gauche. Alors le Roi dira à ceux, qui seront à sa droite: Venez, les bénis de mon Père, recevez le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde (Mt 25,32-34).
Qu'avaient-ils donc fait pour mériter cette invitation? J'avais faim, et vous m'avez donné à manger; j'avais soif, et vous m'avez donné à boire; j'étais un étranger, et vous m'avez accueilli (Mt 25,35). Ce que vous avez donné aux miens, c'est moi qui vous le revaudrai. C'est par eux que moi je suis nu, étranger, errant et pauvre. C'est à eux que l'on donne, c'est moi qui suis reconnaissant. C'est moi qui suis dans la peine quand ils vous supplient.
Gagne le juge à ta cause par tes présents, avant que vienne le procès. Donne-lui une raison d'être indulgent, donne-lui matière à pardonner. Ne nous préparons pas cette sentence sévère: Allez-vous-en loin de moi, maudits, dans le feu éternel, préparé pour le démon et ses anges. Quels sont donc ces crimes qui nous feraient condamner avec le démon! J'avais faim, et vous ne m'avez pas donné à manger; j'avais soif, et vous ne m'avez pas donné à boire; j'étais un étranger, et vous ne m'avez pas accueilli; j'étais nu, et vous ne m'avez pas habillé (Mt 25,41-43).
Qui donc est passé à côté de son Pasteur, qu'il voyait affamé? Qui a méprisé, en le voyant nu, celui qui sera bientôt son juge? Qui va condamner à la soif le juge de l'univers? Le Christ se laissera gagner par les services et les présents des pauvres, il dispensera d'un long supplice en récompense d'un petit présent. Éteignons le feu par notre miséricorde. Soyons compatissants envers les autres, faisons-leur grâce comme Dieu nous a fait grâce dans le Christ. A lui gloire et puissance pour les siècles des siècles.
Prière
Dieu éternel et tout-puissant, guide-nous jusqu'au bonheur du ciel; que le troupeau parvienne, malgré sa faiblesse, là où son Pasteur est entré victorieux. Lui qui règne.
Homéliaire patristique 90