Homéliaire patristique 122
122 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 6,1-15)
Jésus était passé de l'autre côté du lac de Tibériade (appelé aussi mer de Galilée). Une grande foule le suivait, parce qu'elle avait vu les signes qu'il accomplissait en guérissant les malades. Jésus gagna la montagne, et là, il s'assit avec ses disciples.
Homélie
Dieu nous est connu par ses oeuvres
Homélie de saint Augustin (+ 430)
Commentaire sur l'évangile de Jean, 24, 1.6.7; CCL 36, 244.247.
Les miracles accomplis par notre Seigneur Jésus Christ sont vraiment des oeuvres divines. Ils disposent l'intelligence humaine à connaître Dieu en partant de ce qui est visible, puisque nos yeux sont incapables de le voir en raison même de sa nature. En outre, les miracles que Dieu opère pour gouverner l'univers et organiser toute sa création ont tellement perdu de leur valeur à force de se répéter, que presque personne ne prend la peine de remarquer quelle oeuvre merveilleuse et étonnante il réalise dans n'importe quelle petite graine de semence.
C'est pourquoi il s'est réservé, dans sa bienveillance, d'accomplir au moment choisi certaines actions en dehors du cours habituel des choses et de l'ordre de la nature. Ainsi, ceux qui tiennent pour négligeables les merveilles de tous les jours, restent stupéfaits à la vue d'oeuvres qui sortent de l'ordinaire et cependant ne l'emportent pas sur celles-là. Gouverner l'univers est en vérité un miracle plus grand que de rassasier cinq mille hommes avec cinq pains! Personne toutefois ne s'en étonne, alors que l'on s'extasie devant un miracle de moindre importance parce qu'il sort de l'ordinaire. Qui, en effet, nourrit aujourd'hui encore l'univers sinon celui qui, avec quelques grains, crée les moissons?
Le Christ a donc fait ce que Dieu fait. Usant de son pouvoir de multiplier les moissons à partir de quelques grains, il a multiplié cinq pains dans ses mains. Car la puissance se trouvait entre les mains du Christ, et ces cinq pains étaient comme des semences que le Créateur de la terre multipliait sans même les confier à la terre.
Cette oeuvre a donc été placée sous les sens pour élever l'esprit, et elle s'est offerte aux regards pour exercer l'intelligence. Il nous est ainsi devenu possible d'admirer le Dieu invisible en considérant ses oeuvres visibles (cf. Rm 1,20). Après avoir été éveillés à la foi et purifiés par elle, nous pouvons même désirer voir sans les yeux du corps l'Être invisible que nous connaissons à partir du visible. <>
En effet, Jésus a fait ce miracle pour qu'il soit vu de ceux qui se trouvaient là, et ils l'ont mis par écrit pour que nous en ayons connaissance. Ce que les yeux ont fait pour eux, la foi le fait pour nous. Auss i bien, nous reconnaissons en notre âme ce que nos yeux n'ont pu voir et nous avons reçu un plus bel éloge, puisque c'est de nous qu'il a été dit: Heureux ceux qui croient sans avoir vu (Jn 20,29)! <>
D'après l'évangile, les gens dirent, à la vue du signe qu'il venait d'opérer: Celui-ci est vraiment un prophète (Jn 6,14). Or, il était le Seigneur des prophètes, l'inspirateur des prophètes, le sanctificateur des prophètes. Mais il était aussi un prophète, comme cela avait été dit à Moïse: C'est un prophète comme toi que je leur susciterai (Dt 18,18). <>
Le Seigneur est prophète, il est la Parole de Dieu et, sans la Parole de Dieu, aucun prophète ne prophétise. La Parole de Dieu est avec les prophètes et la Parole de Dieu est prophète. Dans le passé, les hommes ont mérité d'avoir des prophètes inspirés et remplis de la Parole de Dieu (cf. He 1,1); nous, nous avons mérité d'avoir pour prophète la Parole même de Dieu.
Prière
Tu protèges, Seigneur, ceux qui comptent sur toi; sans toi rien n'est fort et rien n'est saint; multiplie pour nous tes gestes de miséricorde afin que, sous ta conduite, en faisant un bon usage des biens qui passent, nous puissions déjà nous attacher à ceux qui demeurent. Par Jésus Christ.
ou bien
Dieu qui aimes les hommes, ton Fils est venu dans le monde comme le grand Prophète qui nourrit les foules de sa parole et de son pain. A ceux qui forment le peuple de l'Alliance nouvelle, ne cesse pas d'accorder les signes de ta grâce et la force de ton salut. Par Jésus Christ.
123 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 6,24-35)
La foule s'était aperçue que Jésus n'était pas au bord du lac, ni ses disciples non plus. Alors les gens prirent les barques et se dirigèrent vers Capharnaüm à la recherche de Jésus.
Homélie
Jésus, le pain de vie
Homélie de Théophylacte (+ 1109)
Commentaire sur l'évangile de Jean, PG 123, 1297-1301.
Au désert, nos pères ont mangé la manne. Comme dit l'Écriture: Il leur a donné à manger le pain venu du ciel (Jn 6,31). <>
Ainsi les Juifs veulent-ils pousser Jésus à accomplir lui-même un prodige semblable qui aurait pour effet de leur procurer une nourriture corporelle et, en raison de leur extraordinaire gloutonnerie, ils lui rappellent la manne.
Que leur répond donc l'infinie Sagesse de Dieu, Jésus notre Seigneur? Voici: Ce n'est pas Moïse qui vous a donné le pain (Jn 6,32), ce qui revient à dire: "Moïse ne vous a pas donné le vrai pain, mais tout ce qui s'est passé alors était la figure de ce qui arrive aujourd'hui. Moïse était la figure de Dieu, le vrai chef des Israélites spirituels. Ce pain était ma propre image. Étant descendu du ciel, je suis la vraie nourriture et le pain véritable." Il se déclare "pain véritable", non que la manne eût été une chose trompeuse, mais parce que cette figure était aussi une ombre, non la réalité même. <>
Assurément, ce pain qui est Vie par nature, du fait qu'il est le Fils du Père vivant, accomplit l'oeuvre qui lui est propre, car il vivifie tout. Comme le pain qui vient de la terre conserv e la fragile substance de notre chair et prévient sa destruction, de même le Christ, lui aussi, vivifie l'âme par l'action de l'Esprit, et en outre il préserve le corps même en vue de son incorruptibilité. Car le Christ a fait don à l'humanité de la résurrection d'entre les morts et de l'immortalité des corps. <>
Et Jésus leur dit: Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n'aura plus jamais faim; celui qui croit en moi n'aura plus jamais soif (in 6,35). <> Il n'a pas dit: "Le pain qui vous alimente", mais "le pain de la vie". En effet, après que la mort eût mené tous les êtres à leur perte, le Christ, qui est le pain, nous a vivifiés par lui-même. Nous croyons en effet que le levain de la pâte humaine a été cuit au feu de sa divinité. Il est le pain, non de cette vie ordinaire, mais de la vie transformée à laquelle la mort ne met pas de fin.
Si quelqu'un croit en ce pain, il ne connaîtra pas la faim, cette faim qui torture celui qui n'écoute pas la parole de Dieu, et il ne connaîtra pas la soif spirituelle de celui qui n'a pas reçu l'eau du baptême ni la sanctification de l'Esprit. L'un n'a pas été baptisé: manquant du rafraîchissement de l'eau sainte, il éprouve la soif et une grande sécheresse. L'autre a été baptisé: il possède l'Esprit et jouit sans cesse de son réconfort.
Prière
Assiste tes enfants, Seigneur, et montre à ceux qui t'implorent ton inépuisable bonté; c'est leur fierté de t'avoir pour Créateur et Providence: restaure pour eux ta création, et l'ayant renouvelée, protège-la. Par Jésus Christ.
ou bien
Dieu notre Père, nous te rendons grâce: par le pain de la terre tu nourris nos corps et par le pain venu du ciel tu donnes au monde la vraie vie. Avec le pain quotidien, donne-nous de ce pain-là, toujours. Par Jésus Christ.
124 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 6,41-51)
Comme Jésus avait dit: "Moi, je suis le pain qui est descendu du ciel", les Juifs récriminaient contre lui: "Cet homme-là n'est-il pas Jésus, fils de Joseph?"
Homélie
au choix
S'unir à la vie du Christ
Traité de Denys l'Aréopagite (+ après 510)
La Hiérarchie ecclésiastique, 3, 12-13; PG 3, 444
Lorsque Jésus, le Verbe divin, dans sa bonté et son amour pour les hommes, a assumé notre nature humaine, son unité simple et cachée s'est rendue présente en un être composé et visible, sans en subir aucune altération. En unissant étroitement notre bassesse à sa souveraine divinité, il a généreusement établi entre lui et nous une intime communion.
Celle-ci ne peut se réaliser que si nous lui sommes unis harmonieusement, comme les membres au corps, si nous nous conformons à la même vie pure et divine et si nous ne nous livrons pas à la mort en cédant aux passions destructrices, qui nous rendraient incapables de nous adapter et d'adhérer aux membres parfaitement sains de Dieu, et de vivre en union avec eux.
Car si nous désirons être en communion avec lui, il faut que nous contemplions la vie toute divine qu'il a menée dans la chair. Il faut aussi qu'en mettant dans notre vie la sainte innocence qui la rendra semblable à la sienne, nous tendions vers l'état de pureté parfaite et la divinisation. C'est ainsi, en effet, qu'il nous donnera de bénéficier de sa ressemblance selon le mode qui nous convient.
Cela, l'évêque le révèle lorsque, dans la célébration des mystères, il découvre les dons cachés et divise leur unité en de nombreuses parts, et que, par l'union intime des réalités sacramentelles avec ceux qui les reçoivent, il accomplit en ceux qui y participent, la parfaite communion avec elles.
En présentant à notre regard le Christ Jésus, l'évêque montre d'une manière sensible, au moyen des éléments sacramentels, qui en sont comme les figures, ce qui constitue notre vie spirituelle. Il révèle que le Christ, sorti du secret de sa divinité, a pris la forme humaine par amour pour nous en assumant toute notre humanité sans se mélanger à elle; qu'il est descendu de son unité essentielle jusqu'à notre nature divisée sans subir aucun changement; qu'il appelle l'humanité à avoir part à sa divinité et à ses biens propres, en lui offrant les bienfaits de son amour pour les hommes.
Il nous demande seulement de nous unir à sa vie divine en imitant celle-ci autant que nous le pouvons, afin que s'accomplisse en nous la véritable communion avec Dieu et ses divins mystères.
ou bien
Le Christ est présent dans le pain et le vin
Homélie d'Eutychius de Constantinople (+ 582)
Sur la Pâque et la très sainte Eucharistie, 2-3, PG 86/2, 2393-2396
J'ai ardemment désiré manger cette Pâque avec vous avant de souffrir (Lc 22,15). Assurément, la Pâque que Jésus a mangée avant de souffrir était, de toute évidence, une Pâque sacramentelle: elle n'aurait pas été appelée Pâque sans sa passion. Il s'est donc immolé sacramentellement lorsque, de ses propres mains, il prit le pain à la fin du repas, il l'éleva et le rompit, en s'unissant lui-même intimement à l'élément sacramentel.
De même, il remplit la coupe du produit de la vigne, il rendit grâce et l'éleva vers Dieu le Père. Il dit: Prenez, mangez et Prenez, buvez. Ceci est mon corps et Ceci est mon sang (Mt 26,26-27). Donc quiconque reçoit une partie de ces éléments, reçoit en entier le saint corps et le précieux sang du Christ. Et en raison de son union intime avec ces éléments, le Christ se partage entre tous ceux qui communient, mais sans se diviser.
Ainsi en va-t-il d'un sceau qui transmet toute son empreinte et toute sa forme aux matières sur lesquelles il est apposé. Il reste unique, sans subir de diminution après avoir été apposé ni d'altération par les objets, si nombreux soient-ils, sur lesquels il a laissé sa marque.
Ainsi un son produit par la bouche humaine se propage-t-il dans l'air en restant tout entier en celui qui l'a émis. Il se répand dans l'air, pénètre tout entier dans les oreilles de tous, et un auditeur n'en perçoit pas une part plus grande ou moins grande qu'un autre. Mais il parvient à tous dans sa totalité, sans être divisé ni altéré, lors même qu'il est entendu par des milliers de personnes. Le son n'est pourtant qu'un phénomène matériel, puisqu'il ne se compose de rien d'autre que d'une vibration de l'air.
Que personne donc ne suppose qu'après le sacrifice sacramentel et la sainte résurrection du Seigneur, son corps et son sang incorruptibles, immortels, saints et vivifiants, présents dans les éléments sacramentels grâce aux rites sacrés, fassent moins sentir leur efficacité propre que les choses que nous venons de prendre comme exemples. Il faut tenir au contraire que son corps et son sang sont présents tout entiers dans tous les éléments sacramentels. Car la plénitude de la divinité du Verbe de Dieu habite corporellement, c'est-à-dire réellement, dans le corps même du Seigneur. Quant à la fraction de ce pain précieux, elle signifie la mort sacramentelle du Seigneur. Aussi a-t-il déclaré qu'il désirait cette Pâque, parce qu'elle nous procure le salut, l'immortalité et la parfaite connaissance.
Prière
Dieu éternel et tout-puissant, toi que nous pouvons déjà appeler notre Père, fais grandir en nos coeurs l'esprit filial, afin que nous soyons capables d'entrer un jour dans l'héritage qui nous est promis. Par Jésus Christ.
ou bien
Dieu notre Père, rends-nous attentifs à ton enseignement, fais-nous vaincre notre pesanteur spirituelle et attire-nous vers ton Fils. Nourris de ce pain vivant qui descend du ciel, nous pourrons obtenir la vie éternelle. Par Jésus Christ.
125 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 6,51-58)
Jésus disait à la foule: "Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel: si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement. "
Homélie
Communier pour avoir la vie
Homélie de Théophylacte (+ 1109)
Commentaire sur l'évangile de Jean, PG 123, 1309-1312.
Nous venons d'entendre cette parole: Si vous ne mangez pas la chair du Fils, vous n'aurez pas la vie (Jn 6,53). Lorsque nous participons aux divins mystères, il ne faut donc pas que notre foi chancelle, ni que nous cherchions à connaître la manière dont cela se fait. Car l'homme laissé à sa seule nature, j'entends celui qui obéit à des pensées purement humaines ou naturelles, n'accueille pas les réalités surnaturelles et spirituelles.
Ainsi ne comprend-il pas ce qu'est la nourriture spirituelle procurée par la chair du Seigneur. Ceux qui ne la reçoivent pas en communion n'auront aucune part à la vie éternelle, parce qu'ils n'auront pas reçu Jésus, qui est la vraie vie. Car la chair que nous mangeons n'est pas celle d'un être simplement humain, mais celle d'un Dieu. Unie à la divinité, elle est assez puissante pour nous déifier. Elle est aussi une vraie nourriture: son efficacité ne dure pas seulement quelques instants, et elle ne se décompose pas à la manière d'une nourriture passagère, mais elle est un secours pour la vie éternelle.
De même, la coupe du sang du Seigneur est une vraie boisson, car elle n'étanche pas notre soif pour un temps limité, mais elle préserve pour toujours de la soif celui qui la boit, et elle ne le laisse pas insatisfait. Comme le Seigneur l'a dit à la Samaritaine: Celui qui boira de l'eau que moi, je lui donnerai, n'aura plus jamais soif (Jn 4,14). En effet, quiconque recevra la grâce de l'Esprit Saint en participant aux divins mystères, ne souffrira ni de la faim spirituelle ni de la soif, comme ceux qui n'ont pas la foi.
Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. De même que le Père, qui est vivant, m'a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera vivra par moi (Jn 6,56-57). Cette parole nous apprend à connaître le mystère de la communion. Ainsi celui qui mange la chair et boit le sang du Seigneur demeure-t-il dans le Seigneur, et le Seigneur en lui. Ainsi s'opère un mélange merveilleux et inexplicable, si bien que Dieu est en nous et nous en Dieu.
La parole que tu viens d'entendre ne te remplit-elle pas de crainte? Nous ne mangeons pas Dieu purement et simplement, car il est impalpable et incorporel, et il ne peut être saisi ni par les yeux ni par les dents. Nous ne mangeons pas non plus la chair d'un être simplement humain, car elle ne pourrait nous être d'aucun secours. Mais depuis que Dieu s'est uni un corps selon une union ineffable, ce corps aussi est vivifiant. Non qu'il se soit changé en la nature divine - absolument pas - mais de la même manière que le fer rougi au feu reste du fer et dégage l'énergie du feu.
C'est ainsi que le corps du Seigneur, étant le corps du Verbe de Dieu, a aussi le pouvoir de donner la vie tout en restant un corps. De même que je vis par le Père, dit Jésus, c'est-à-dire de même que je suis engendré par le Père, qui est Vie, de même aussi celui qui me mangera vivra par moi, en étant uni à moi, et pour ainsi dire transformé en moi, qui ai le pouvoir de donner la vie.
Prière
Pour ceux qui t'aiment, Seigneur, tu as préparé des biens que l'oeil ne peut voir: répands en nos coeurs la ferveur de ta charité, afin que t'aimant en toute chose et par-dessus tout, nous obtenions de toi l'héritage promis qui surpasse tout désir. Par Jésus Christ.
ou bien
Dieu vivant, tu nous donnes en nourriture la chair du Fils de l'homme, et son sang à boire. Accorde-nous de vivre dès aujourd'hui de sa vie, et ressuscite-nous au dernier jour pour que nous demeurions à jamais en toi. Par Jésus Christ.
126 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 6,60-69)
Jésus avait dit dans la synagogue de Capharnaüm: "Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle." Beaucoup de ses disciples, qui avaient entendu, s'écrièrent: "Ce qu'il dit là est intolérable, on ne peut pas continuer à l'écouter!"
Homélie
Suivre le Christ fidèlement
Homélie de saint Cyrille d'Alexandrie (+ 444)
Commentaire sur l'évangile de Jean, 4, 4, PG 73, 613 617
A qui donc irions-nous? demande Pierre. Il veut dire: "Qui nous instruira comme toi des divins mystères?" ou encore: "Auprès de qui trouverions-nous quelque chose de meilleur? Tu as les paroles de la vie éternelle" (Jn 6,68). Elles ne sont pas dures, comme le disent ces autres disciples. Au contraire, elles conduisent à la réalité la plus extraordinaire de toutes, la vie éternelle qui est sans fin, vie exempte de toute corruption.
Ces paroles nous montrent bien que nous devons nous asseoir aux pieds du Christ, le prenant pour notre seul et unique maître, et nous tenir constamment près de lui sans nous lai sser distraire. Il doit devenir pour nous le guide parfaitement capable de nous conduire à la vie qui n'aura pas de fin. De cette manière, en effet, nous monterons jusqu'à la divine demeure du ciel et nous entrerons dans l'Église des premiers-nés, pour faire nos délices des biens que l'esprit humain ne peut comprendre.
De soi, il est évident que la volonté de suivre le Christ seul et de lui être toujours uni, est chose bonne et salutaire. Néanmoins, l'Ancien Testament va aussi nous l'apprendre. De fait, au temps où les Israélites, affranchis de l'oppression égyptienne, se hâtaient vers la terre promise, Dieu ne les laissait pas faire route en désordre, et le législateur ne leur permettait pas d'aller n'importe où, à leur gré; sans guide, en effet, ils se seraient à coup sûr complètement égarés. <>
Remarque comment ils reçoivent l'ordre de suivre, de se mettre en marche au moment où la nuée prend son départ, de faire encore halte avec elle, puis de prendre du repos avec elle. Vraiment, en ce temps-là, les Israélites trouvaient leur salut en restant avec leur guide. Aujourd'hui, nous faisons également le nôtre en refusant de nous séparer du Christ. Car c'est lui qui s'est manifesté aux anciens sous les apparences de la tente, de la nuée et du feu. <>
Les Israélites devaient exécuter les ordres: il leur était défendu de se mettre en route de leur propre initiative. Ils devaient s'arrêter avec la nuée, par égard pour elle. Cela devait encore servir d'exemple, afin que vous compreniez cette parole du Christ: Si quelqu'un me sert, qu'il me suive, et là où je suis, là aussi sera mon serviteur (Jn 12,26). C'est en marchant toujours avec lui que le disciple donne la preuve qu'il est fidèle à le suivre et assidu à se tenir près de lui.
Or, la marche en compagnie et à la suite du Christ Sauveur ne s'entend nullement dans un sens matériel, mais s'effectue plutôt par le moyen des oeuvres qu'engendré la vertu. Les disciples les plus sages s'y sont fermement engagés de tout leur coeur. Ils ont refusé de se retirer avec ceux qui manquaient de foi et couraient à leur perte.
Ils s'écrient à bon droit: Où irions-nous? En d'autres termes: "Nous serons toujours avec toi, nous nous attacherons à tes commandements, nous accueillerons tes paroles, sans jamais récriminer. Nous ne croirons pas, avec les ignorants, que ton enseignement est dur à entendre. Nous ferons plutôt nôtre cette pensée: Qu'elle est douce à mon palais, ta promesse: le miel a moins de saveur dans ma bouche!" (Ps 118,103).
Prière
Dieu qui peux mettre au coeur de tes fidèles un unique désir, donne à ton peuple d'aimer ce que tu commandes et d'attendre ce que tu promets; pour qu'au milieu des changements de ce monde, nos coeurs s'établissent fermement là où se trouvent les vraies joies. Par Jésus Christ.
ou bien
Père de Jésus Christ, donne-nous d'aller vers lui, même quand ce qu'il dit nous paraît trop lourd à porter. Il a les paroles de la vie éternelle, et son amour est plus précieux que tout amour. Lui qui règne.
127 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 7,1-23)
Les pharisiens et quelques scribes étaient venus de Jérusalem. Ils se réunissent autour de Jésus et voient quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec des mains impures, c'est-à-dire non lavées.
Homélie
Les Traditions humaines et la Loi d'amour
Traité de saint Irénée (+ 200)
Contre les hérésies 4, 12, 1-2, SC 100, 508-514
La tradition des anciens, que les Juifs affectaient d'observer en vertu de la Loi, était contraire à la Loi de Moïse. Voilà pourquoi Isaïe dit: Tes marchands mêlent ton vin avec de l'eau (Is 1,22), montrant par là que les anciens mêlaient à l'austère commandement de Dieu une tradition diluée, c'est-à-dire qu'ils ont instauré une loi altérée et contraire à la Loi. Le Seigneur l'a montré clairement quand il a dit: Pourquoi transgressez-vous le commandement de Dieu au nom de votre tradition (Mt 15,3)? Ils ne se sont pas contentés de violer la Loi de Dieu par leur transgression, en mêlant le vin avec de l'eau, mais ils lui ont aussi opposé leur propre loi, qu'on appelle aujourd'hui encore la loi pharisaïque. Ils y omettent certaines choses, en ajoutent d'autres, et en interprètent d'autres à leur guise, toutes pratiques auxquelles se livrent notamment leurs docteurs.
Résolus à défendre ces traditions, ils ne se sont pas soumis à la Loi de Dieu qui les préparait à la venue du Christ. Ils ont même reproché au Christ de faire des guérisons le jour du sabbat. Cela, avons-nous dit, même la Loi ne l'interdisait pas, puisqu'elle guérissait d'une certaine façon en faisant circoncire l'homme le jour du sabbat. Cependant ils ne se reprochaient pas à eux-mêmes de transgresser le commandement de Dieu par leur tradition et leur loi pharisaïque, alors qu'il leur manquait l'essentiel de la Loi, à savoir l'amour de l'homme pour Dieu.
Cet amour est, en effet, le premier et le plus grand commandement, et l'amour du prochain est le second. Le Seigneur l'a enseigné quand il a dit que toute la Loi et les Prophètes dépendent de ces commandements (cf. Mt 22,36-40). Et lui-même n'est pas venu donner de commandement plus grand que celui-là. Mais il a renouvelé ce même commandement, en ordonnant à ses disciples d'aimer Dieu de tout leur coeur et leur prochain comme eux-mêmes. <>
Paul dit aussi: La charité est la Loi dans sa plénitude (Rm 13,10) et, quand tout le reste disparaît, la foi, l'espérance et la charité demeurent, mais la plus grande de toutes, c'est la charité (1Co 13,13). Ni la connaissance, ni la compréhension des mystères, ni la foi, ni la prophétie (cf. 1Co 13,2) ne servent à rien sans la charité envers Dieu. Si la charité fait défaut, tout est vain et inutile. C'est la charité qui rend l'homme parfait, et celui qui aime Dieu est parfait dans le monde présent et dans le monde à venir. Car nous ne cesserons jamais d'aimer Dieu, mais plus nous le contemplerons, plus nous l'aimerons.
Prière
Dieu puissant, de qui vient tout don parfait, enracine en nos coeurs l'amour de ton nom; resserre nos liens avec toi, pour développer ce qui est bon en nous; veille sur nous avec sollicitude, pour protéger ce que tu as fait grandir. Par Jésus Christ.
ou bien
Seigneur notre Dieu, nous avons besoin de lois pour vivre dans la charité, et de signes pour t'exprimer notre foi. Que ces préceptes et ces rites ne s'opposent jamais à ta volonté, mais nous aident à lui conformer notre coeur. Par Jésus Christ.
128 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 7,31-37)
Jésus quitta la région de Tyr; passant par Sidon, il prit la direction du lac de Galilée et alla en plein territoire de la Décapole. On lui amène un sourd-muet et on le prie de poser la main sur lui.
Homélie
Il a bien fait toutes choses
Homélie de saint Laurent de Brindes (+ 1619)
11 e dimanche après la Pentecôte, Première homélie, 1.9.11-12; Opera omnia, 8, 124.134.136-138.
La Loi divine raconte les oeuvres que Dieu a accomplies à la création du monde, et elle ajoute: Dieu vit tout ce qu'il avait fait: c'était très bon (Gn 1,31). <> L'Évangile rapporte l'oeuvre de la Rédemption et de la nouvelle création, et il dit de la même manière: Il a bienfait toutes choses (Mc 7,37). Car l'arbre bon donne de bons fruits, et un arbre bon ne peut pas porter de mauvais fruits (Mt 7,17-18). Assurément, par sa nature, le feu ne peut répandre que de la chaleur, et il ne peut produire du froid; le soleil ne diffuse que de la lumière, et il ne peut être cause de ténèbres. De même, Dieu ne peut faire que des choses bonnes, car il est la bonté infinie, la lumière même. Il est le soleil qui répand une lumière infinie, le feu qui donne une chaleur infinie: Il a bien fait toutes choses. <>
Il nous faut donc aujourd'hui dire sans hésiter avec cette sainte foule: Il a bienfait toutes choses: il fait entendre les sourds et parler les muets (Mc 7,37). <> V raiment, cette foule a parlé sous l'inspiration de l'Esprit Saint, comme l'ânesse de Balaam. C'est l'Esprit Saint qui dit par la bouche de la foule: Il a bien fait toutes choses. Cela signifie qu'il est le vrai Dieu qui accomplit parfaitement toutes choses, car faire entendre les sourds et faire parler les muets sont des oeuvres réservées à la seule puissance divine. Et d'un cas particulier on passe à tous: <> il a réalisé un miracle que Dieu seul peut faire, donc il est Dieu, qui a bien accompli toutes choses. <>
Il a bien fait toutes choses. La Loi dit que tout ce que Dieu a fait était bon, et l'Évangile qu'il a bien fait toutes choses. Or, faire de bonnes choses n'est pas purement et simplement les faire bien. Beaucoup, à la vérité, font de bonnes choses sans les faire bien, comme les hypocrites qui font certes de bonnes choses, mais dans un mauvais esprit, avec une intention perverse et fausse. Dieu, lui, fait toutes choses bonnes et il les fait bien. Le Seigneur est juste en toutes ses voies, fidèle en tout ce qu'il fait (Ps 144,17). Tout cela, ta sagesse l'a fait (Ps 103,24), c'est-à-dire: Tu l'as fait avec la plus grande sagesse et très bien. C'est pourquoi la foule dit: Il a bien fait toutes choses. <>
Et si Dieu, sachant que nous trouvons notre joie dans ce qui est bon, a fait pour nous toutes ses oeuvres bonnes et les a bien faites, pourquoi, de grâce, ne nous dépensons-nous pas pour ne faire que des oeuvres bonnes et les bien faire, dès lors que nous savons que Dieu y trouve sa joie? <>
Vous demanderez: "Que devons-nous faire pour mériter de jouir éternellement des bénédictions divines?" Je répondrai en une phrase: "Puisque l'Église est appelée l'Épouse du Christ et de Dieu, nous devons faire ce qu'une femme mariée, une bonne épouse, fait pour son époux, et alors Dieu nous traitera comme un bon époux traite son épouse bien-aimée. Voici ce que le Seigneur dit par la bouche d'Osée: Tu seras ma fiancée, et je t'apporterai la justice et le droit, l'amour et la tendresse; tu seras ma fiancée, et je t'apporterai la fidélité, et tu connaîtras le Seigneur" (Os 2,21-22).
Ainsi, mes frères, nous serons heureux dès cette vie même, ce monde sera pour nous un paradis terrestre. Avec les Hébreux nous nous nourrirons, dans le désert de cette vie, de la manne céleste, si, en suivant l'exemple du Christ, nous nous appliquons, autant que nous le pouvons, à bien faire toutes nos actions, de sorte que l'on puisse dire à propos de chacune de nos oeuvres: Il a bien fait toutes choses.
Prière
Dieu qui as envoyé ton Fils pour nous sauver et pour faire de nous tes enfants d'adoption, regarde avec bonté ceux que tu aimes comme un père; puisque nous croyons au Christ, accorde-nous la vraie liberté et la vie éternelle. Par Jésus Christ.
ou bien
Seigneur notre Dieu, que de fois ne sommes-nous pas sourds à ton appel et muets devant le témoignage à rendre! Ne cesse pas d'ouvrir nos oreilles et de délier notre langue, afin que, devant tous, nous proclamions combien tu es admirable en Jésus, le Christ, notre Seigneur. Lui qui règne.
129 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 8,27-35)
Jésus s'en alla avec ses disciples vers les villages situés dans la région de Césarée-de-Philippe. Chemin faisant, il les interrogeait: "Pour les gens, qui suis-je?"
Homélie
Comment marcher à la suite du Christ
Homélie de saint Césaire d'Arles (+ 543)
Sermon 159, 1 4-6; CCL 104, 650.652-654.
Quand le Seigneur nous dit dans l'évangile: Si quelqu'un veut marcher derrière moi, qu'il renonce à lui-même (Mc 8,34), nous trouvons qu'il nous commande une chose difficile et nous considérons qu'il nous impose un lourd fardeau. Mais si celui qui commande nous aide à accomplir ce qu'il commande, cela n'est pas difficile. <>
Où devons-nous suivre le Christ, sinon là où il est allé? Or, nous savons qu'il est ressuscité et monté aux cieux: c'est là que nous avons à le suivre. Il ne faut certainement pas nous laisser envahir par le désespoir, car, si nous ne pouvons rien par nous-mêmes, nous avons la promesse du Christ. Le ciel était loin de nous avant que notre Tête y soit montée. Désormais, si nous sommes les membres de cette Tête, pourquoi désespérer de parvenir au ciel? Pour quel motif? S'il est vrai que sur cette terre tant d'inquiétudes et de souffrances nous accablent, suivons le Christ en qui se trouvent le bonheur parfait, la paix suprême et l'éternelle tranquillité.
Mais l'homme désireux de suivre le Christ écoutera cette parole de l'Apôtre: Celui qui déclare demeurer dans le Christ doit marcher lui-même dans la voie où lui, Jésus, a marché (1Jn 2,6). Tu veux suivre le Christ? Sois humble, comme il l'a été. Tu veux le rejoindre dans les hauteurs? Ne méprise pas son abaissement.
En péchant, l'homme avait couvert sa route d'obstacles, mais celle-ci fut aplanie lorsque le Christ l'eut foulée à sa résurrection et qu'il eut fait d'un étroit sentier, une avenue digne d'un roi. L'humilité et la charité sont les deux pieds qui permettent de la parcourir rapidement. Tous sont attirés par les hauteurs de la charité, mais l'humilité est le premier degré qu'il faut monter. Pourquoi lèves-tu le pied plus haut que toi? Tu veux donc tomber et non monter? Commence par la première marche, c'est-à-dire l'humilité, et déjà elle te fait monter.
Voilà pourquoi notre Seigneur et Sauveur ne s'est pas borné à dire: Qu'il renonce à lui-même, mais il a ajouté: Qu'il prenne sa croix et qu'il me suive (Mc 8,34). Que signifie: Qu'il prenne sa croix? Qu'il supporte tout ce qui lui est pénible, c'est ainsi qu'il marchera à ma suite. Dès qu'il aura commencé à me suivre, en se conformant à ma vie et à mes commandements, il trouvera sur son chemin bien des gens qui le contrediront, qui chercheront à le détourner, qui non seulement se moqueront de lui, mais le persécuteront. Ces gens-là ne se trouvent pas uniquement parmi les païens qui sont hors de l'Église; il s'en trouve même parmi ceux qui semblent être dans l'Église, si on les juge de l'extérieur. Mais ils lui sont bel et bien étrangers, en raison de leurs actions mauvaises.
Tout en se glorifiant du seul nom de chrétien, ils persécutent sans cesse les bons chrétiens. <> Dès lors, situ désires suivre le Christ, porte sa croix sans plus attendre et supporte les méchants sans te laisser abattre. <>
Le Seigneur a dit: Si quelqu'un veut marcher derrière moi, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive. Si donc nous voulons mettre ceci en pratique, efforçons-nous, avec l'aide de Dieu, de faire nôtre cette parole de l'Apôtre: Lors donc que nous avons nourriture et vêtement, sachons être satisfaits. Il est à craindre que si nous recherchons plus de biens terrestres qu'il ne nous en faut, dans l'intention de nous enrichir, nous ne tombions dans la tentation, dans le piège du démon, dans une foule de convoitises insensées et funestes, qui plongent l'homme dans la ruine et la perdition (1Tm 6,8-9).
Daigne le Seigneur nous prendre sous sa protection et j nous délivrer de cette tentation, lui qui vit et règne avec le Père et l'Esprit Saint dans tous les siècles des siècles. Amen.
Prière
Dieu créateur et maître de toutes choses, regarde-nous, et pour que nous ressentions l'effet de ton amour, accorde-nous de te servir avec un coeur sans partage. Par Jésus Christ.
ou bien
Seigneur notre Dieu, quand la souffrance nous trouble et que le mal nous scandalise, rappelle-nous l'exemple de ton Fils: Messie attendu par les siens, il fut pourtant rejeté par les notables de son peuple et mis à mort sur une croix. Fais-nous la grâce de le suivre jusqu'au Calvaire pour participer à la lumière de sa résurrection. Lui qui règne.
Homéliaire patristique 122