1965 Presbyterorum Ordinis 9
10 Le don spirituel que les prêtres ont reçu à l'ordination les prépare à une mission limitée et restreinte, mais à une mission de salut d'ampleur universelle, " jusqu'aux extrémités de la terre " Ac 1,8 ; n'importe quel ministère sacerdotal participe, en effet, aux dimensions universelles de la mission confiée par le Christ aux apôtres. Le sacerdoce du Christ, auquel les prêtres participent réellement, ne peut manquer d'être tourné vers tous les peuples et tous les temps, sans aucune limitation de race, de nation ou d'époque, comme le préfigure déjà mystérieusement le personnage de Melchisédech(1) Les prêtres se souviendront donc qu'ils doivent avoir au coeur le souci de toutes les Eglises. Ainsi les prêtres des diocèses plus riches en vocations se tiendront prêts à partir volontiers, avec la permission de leur Ordinaire ou à son appel, pour exercer leur ministère dans des pays, des missions ou des activités qui souffrent du manque de prêtres.
(1) cf. He 7,3
Les règles d'incardination et d'excardination devront d'ailleurs être révisées : tout en maintenant cette institution très ancienne on l'adaptera aux besoins pastoraux actuels. Là où les conditions de l'apostolat le réclameront, on facilitera non seulement une répartition adaptée des prêtres, mais encore des activités pastorales particulières pour les différents milieux sociaux à l'échelle d'une région, d'une nation ou d'un continent. Il pourra être utile de créer à cette fin des séminaires internationaux, diocèses particuliers, prélatures personnelles et autres institutions auxquelles les prêtres pourront être affectés ou incardinés pour le bien commun de toute l'Eglise suivant des modalités à établir pour chaque cas, et toujours dans le respect des droits des ordinaires locaux.
L'envoi des prêtres vers un autre pays, surtout s'ils n'en connaissent pas encore bien la langue et le mode de vie, se fera, autant que possible, non pas individuellement, mais à l'exemple des disciples du Christ(2), par groupes d'au moins deux ou trois, pour qu'ils puissent, s'aider mutuellement. il est également important de se préoccuper de leur vie spirituelle et aussi de leur santé physique et psychique. On prévoira, autant que possible, les implantations et les conditions de travail en fonction des possibilités personnelles de chacun. Il est aussi très important que ceux qui partent vers une autre nation apprennent à bien connaître, non seulement la langue du pays, mais encore les caractères psycho-sociologiques de la population ; s'ils veulent se mettre humblement à son service, ils doivent être en communion aussi profonde que possible avec elle, suivant aussi l'exemple de l'apôtre Paul, qui pouvait dire de lui-même : " Oui, libre à l'égard de tous, je me suis fait l'esclave de tous afin d'en gagner le plus grand nombre. Je me suis fait juif avec les juifs, afin de gagner les juifs " 1Co 9,19-20.
(2) cf. Lc 10,1
11 Le pasteur et le gardien de nos âmes(1) en fondant son Eglise a pensé que le peuple choisi et acquis au prix de son propre sang(2) devait toujours avoir ses prêtres jusqu'à la fin du monde, pour que les chrétiens ne soient jamais comme des brebis qui n'ont pas de berger(3). Les apôtres ont compris cette volonté du Christ : écoutant ce que leur disait le Saint- Esprit, ils ont jugé qu'il était de leur devoir de choisir des ministres " qui seront capables d'en instruire d'autres à leur tour" 2Tm 2,2. Ce devoir découle de la mission sacerdotale elle-même, par laquelle le prêtre participe au souci qu'a toute l'Eglise d'éviter toujours ici-bas le manque d'ouvriers dans le peuple de Dieu. Mais comme " le capitaine du navire et les passagers....ont leur cause liée "(4), il faut faire comprendre à l'ensemble du peuple chrétien son devoir de coopérer de diverses manières - par la prière instante comme par les autres moyens dont elle dispose - à ce que l'Eglise ait toujours les prêtres dont elle a besoin pour accomplir sa mission divine. Il s'agit d'abord, pour les prêtres, d'avoir à coeur de faire comprendre aux chrétiens combien le sacerdoce est important et nécessaire ; ils y arriveront à la fois par leur prédication et par leur propre vie, qui doit être un témoignage rayonnant d'esprit de service et de vraie joie pascale. Et si après mûre réflexion, ils jugent certains jeunes ou déjà adultes, capables de remplir ce grand ministère, ils les aideront sans craindre les efforts ni les difficultés, à se préparer comme il convient jusqu'au jour où, dans le respect total de leur liberté extérieure et intérieure, ils pourront être appelés par les évêques. Une direction spirituelle attentive et réfléchie leur sera très utile pour atteindre ce but. Les parents, les maîtres et les différents autres éducateurs doivent faire en sorte que les enfants et les jeunes soient conscients de la sollicitude du Seigneur pour son troupeau, avertis des besoins de l'Eglise et prêts, si le Seigneur les appelle, à répondre généreusement avec le prophète : " Me voici, envoie moi " Is 6,8. Mais cette voix du Seigneur qui appelle, il ne faut pas s'attendre à ce qu'elle arrive aux oreilles du futur prêtre d'une manière extraordinaire. Il s'agit bien plutôt de la découvrir de la discerner à travers les signes qui, chaque jour, font connaître la volonté de Dieu aux chrétiens qui savent écouter : c'est à ces signes que les prêtres doivent donner toute leur attention.
(1) cf. 1P 2,25 (2) cf. Ac 20,28 (3) cf. Mt 9,36 (4) cf. Pont. Rom., " De ordinatione Presbyteri "
Il est donc conseillé aux prêtres de participer aux oeuvres diocésaines ou nationales des vocations. Les prédications, la catéchèse, les revues doivent apporter une information précise sur les besoins de l'Eglise locale et universelle, mettre en lumière le sens et la grandeur du ministère sacerdotale, montrer qu'on y trouve, avec bien des charges, également bien des joies, et surtout dire que c'est le moyen de donner au Christ comme l'enseignent les Pères, un très grand témoignage d'amour(5).
(5) cf. Jn 21,17 commenté par Jean Chrysostome De Sacerdotio II,1-2 PG 47-48,633
12 Les prêtres sont ministres du Christ Tête pour construire et édifier son Corps tout entier, l'Eglise, comme coopérateurs de l'Ordre épiscopal : c'est à ce titre que le sacrement de l'Ordre les configure au Christ Prêtre. Certes par la consécration baptismale, ils ont déjà reçu, comme tous les chrétiens, le signe et le don d'une vocation et d'une grâce qui comportent pour eux la possibilité et l'exigence de tendre, malgré la faiblesse humaine(1) à la perfection dont parle le Seigneur : " Vous donc, vous serez parfaits, comme votre Père céleste est parfait " (Mt 5,48). Mais cette perfection, les prêtres sont tenus de l'acquérir à un titre particulier : en recevant l'Ordre, ils ont été consacrés à Dieu d'une manière nouvelle pour être les instruments vivants du Christ Prêtre éternel, habilités à poursuivre au long du temps l'action admirable par laquelle, dans sa puissance souveraine, il a restauré la communauté humaine tout entière(2). Dès lors qu'il tient à sa manière la place du Christ en personne, tout prêtre est, de ce fait, doté d'une grâce particulière ; cette grâce le rend plus capable de tendre, par le service des hommes qui lui sont confiés et du peuple de Dieu tout entier, vers la perfection de celui qu'il représente ; c'est encore au moyen de cette grâce que sa faiblesse d'homme charnel se trouve guérie par la sainteté de celui qui est devenu pour nous le Grand Prêtre " Saint, innocent, immaculé, séparé des pécheurs " He 7,26.
(1) cf. 2Co 12,9 (2) cf. Pie XI Encycl. Ad catholici sacerdotii AAS 28(1936) p10
Le Christ que le Père a sanctifié (c'est-à-dire consacré) et envoyé dans le monde"(3) est donné pour nous, afin de racheter et de purifier de tout péché un peuple qui lui appartienne, un peuple ardent à faire le bien " Tt 2,14, et ainsi, en passant par la souffrance, il est entré dans sa gloire(4). De même, les prêtres, consacrés par l'onction du Saint-Esprit et envoyés par le Christ, font mourir en eux les oeuvres du cors et se donnent tout entiers au service des hommes : telle est la sainteté dont le Christ leur fait don et par laquelle ils approchent de l'Homme parfait(5).
(3) cf. Jn 10,36 (4) cf. Lc 24,26 (5) cf.
Ainsi donc, c'est en exerçant le ministère d'Esprit et de justice(6) qu'ils s'enracinent dans la vie spirituelle, pourvu qu'ils soient accueillants à l'Esprit du Christ qui leur donne la vie et les conduit. Ce qui ordonne leur vie à la perfection, ce sont leurs actes liturgiques de chaque jour, c'est leur ministère tout entier, exercé en communion avec l'évêque et les prêtres. Par ailleurs, la sainteté des prêtres est d'un apport essentiel pour rendre fructueux le ministère qu'ils accomplissent ; la grâce de Dieu, certes, peut accomplir l'oeuvre du salut même par des ministres indignes mais, à l'ordinaire, Dieu préfère manifester ses hauts faits par des hommes accueillants à l'impulsion et à la conduite du Saint-Esprit, par des hommes que leur intime union avec le Christ et la sainteté de leur vie habilitent à dire avec l'Apôtre : " Si je vis, ce n'est plus moi, mais le Christ qui vit en moi " Ga 2,20.
(6) cf. 2Co 12,9
C'est pourquoi, ce saint Concile, pour atteindre son but pastoral de renouvellement intérieur de l'Eglise, de diffusion de l'Evangile dans le monde entier et de dialogue avec le monde d'aujourd'hui, rappelle instamment à tous les prêtres qu'avec l'aide des moyens adaptés que l'Eglise leur propose(7), ils doivent s'efforcer de vivre de plus en plus une sainteté qui fera d'eux des instruments toujours plus adaptés au service du peuple de Dieu tout entier.
(7) cf. encycl. et exhortations des papes depuis Pie X.
13 C'est l'exercice loyal, inlassable, de leurs fonctions dans l'Esprit du Christ qui est, pour les prêtres, le moyen authentique d'arriver à la sainteté.
Ministres de la Parole de Dieu, ils la lisent et l'écoutent tous les jours pour l'enseigner aux autres ; s'ils ont en même temps le souci de l'accueillir en eux-mêmes, ils deviendront des disciples du Seigneur de plus en plus parfaits, selon la parole de l'apôtre Paul à Timothée : " Applique-toi, donne-toi tout entier, pour que tous puissent voir tes progrès. Veille sur toi-même et sur ton enseignement, que ta persévérance s'y révèle ; car c'est en agissant ainsi que tu te sauveras toi-même avec ceux qui t'écoutent "1Tm 4,15-16. En cherchant le meilleur moyen de transmettre aux autres ce qu'ils ont contemplé(1), ils goûteront plus profondément " l'incomparable richesse du Christ " Ep 3,8 et la sagesse de Dieu sa riche diversité(2). Convaincus que c'est le Seigneur qui ouvre les coeurs(3), et que leur supériorité vient de la puissance de Dieu et non pas d'eux(4), ils arriveront dans le fait même de transmettre la Parole à s'unir plus intiment avec le Christ Docteur et à se laisser conduire par son Esprit. Communiant ainsi au Christ, ils participent à la charité de Dieu, dont le Mystère, caché depuis les siècles(5), a été révélé dans le Christ.
(1) cf. S.Thomas Summa Theol. II-II 188,7 (2) cf. (3) cf. Ac 16,14 (4) cf. 2Co 4,7 (5) cf.
Ministres de la liturgie, surtout dans le sacrifice de la messe, les prêtres y représentent de manière spéciale le Christ en personne, qui s'est offert comme victime pour sanctifier les hommes; ils sont dès lors invités à imiter ce qu'ils accomplissent : célébrant le mystère de la mort du Seigneur, ils doivent prendre soin de mortifier leurs membres, se gardant des vices et de tout mauvais penchant(6). Dans le mystère du sacrifice eucharistique, où les prêtres exercent leur fonction principale, c'est l'oeuvre de notre Rédemption qui s'accomplit sans cesse. C'est pourquoi il leur est vivement recommandé de célébrer la messe tous les jours ; même si les chrétiens ne peuvent y êtes présents, c'est un acte du Christ et de l'Eglise(7). En s'unissant à l'acte du Christ Prêtre, chaque jour, les prêtres s'offrent à Dieu tout entiers; en se nourrissant du Corps du Christ, ils participent du fond d'eux- mêmes à la charité de celui qui se donne aux chrétiens en nourriture. De même, dans l'administration des sacrements, les prêtres s'unissent à l'intention et à la charité du Christ. Ils le font tout spécialement en se montrant toujours disponibles pour administrer le sacrement de pénitence chaque fois que les chrétiens le demandent de manière raisonnable. Par l'office divin, ils prêtent leur voix à l'Eglise qui, sans interruption, prie au nom de toute l'humanité, en union avec le Christ " toujours vivant pour intercéder en notre faveur " He 7,25.
(6) Pont.Rom de ordinatione presbyteri (7) cf. Paul VI Encycl. Mysterium Fidei AAS 57 (1965) p761-762
Guides et pasteurs du peuple de Dieu, ils sont poussés par la charité du Bon Pasteur à donner leur vie pour leurs brebis,(8) prêts à aller jusqu'au sacrifice suprême à l'exemple des prêtres qui, même de notre temps, n'ont pas hésité à donner leur vie. Educateurs des chrétiens dans la foi, ayant eux-mêmes " l'assurance voulue pour l'accès au sanctuaire par le sang du Christ "He 10,19, ils s'approchent de Dieu " avec un coeur sincère dans la plénitude de la foi " He 10,22 ; ils ont une ferme espérance pour leurs chrétiens(9), afin que, réconfortés par Dieu, ils puissent eux-mêmes réconforter ceux qui subissent toutes sortes d'épreuves(10). Chefs de la communauté, ils pratiquent l'ascèse propre au pasteur d'âmes : renoncer à leurs avantages personnels, ne pas chercher leur propre intérêt mais celui du plus grand nombre afin qu'ils soient sauvés(11), progresser sans cesse dans un accomplissement plus parfait de la tâche pastorale, être prêts, s'il le faut, à s'engager dans des voies pastorales nouvelles sous la conduite de l'Esprit d'amour qui souffle où il veut(12).
(8) cf. Jn 10,11 (9) cf. 2Co 1,7 (10) cf. 2Co 1,4 (11) cf. 1Co 10,33 (12) cf. Jn 3,8
14 Dans le monde d'aujourd'hui, on doit faire face à tant de tâches, on est pressé par tant de problèmes divers - et réclamant souvent une solution urgente - qu'on risque plus d'une fois d'aboutir à la dispersion. Les prêtres, eux, sont engagés dans les multiples obligations de leur fonction, ils sont tiraillés, et ils peuvent se demander, non sans angoisse, comment faire l'unité entre leur vie intérieure et les exigences de l'action extérieure. Cette unité de vie ne peut être réalisée ni par une organisation purement extérieure des activités du ministère, ni par la seule pratique des exercices de piété qui, certes, y contribue grandement. Ce qui doit permettre aux prêtres de la construire, c'est de suivre, dans l'exercice du ministère, l'exemple du Christ Seigneur, dont la nourriture était de faire la volonté de celui qui l'a envoyé et d'accomplir son oeuvre(1).
(1) cf. Jn 4,34
Car, en vérité, le Christ, pour continuer toujours à faire dans le monde, par l'Eglise, la volonté du Père, se sert de ses ministres. C'est donc lui qui demeure toujours la source et le principe de l'unité de leur vie. Les prêtres réaliseront cette unité de vie en s'unissant au Christ dans la découverte de la volonté du Père, et dans le don d'eux-mêmes pour le troupeau qui leur est confié(2). Menant ainsi la vie même du Bon Pasteur, ils trouveront dans l'exercice de la charité pastorale le lien de la perfection sacerdotale qui ramènera à l'unité leur vie et leur action. Or, cette charité pastorale(3) découle avant tout du sacrifice eucharistique ; celui-ci est donc le centre et la racine de toute la vie du prêtre, dont l'esprit sacerdotal s'efforce d'intérioriser ce qui se fait sur l'autel du sacrifice. Cela n'est possible que si les prêtres, par la prière, pénètrent de plus en plus profondément dans le mystère du Christ.
(2) cf. 1Jn 3,16 (3) cf. Tract.in Io., 123,5 PL 35,1967
Mais la vérification concrète de cette unité de vie ne peut se faire que par une réflexion sur toutes leurs activités, afin de discerner quelle est la volonté de Dieu(4), c'est-à-dire afin de savoir dans quelle mesure ces activités sont conformes aux lois de la mission évangélique de l'Eglise. Car la fidélité au Christ est inséparable de la fidélité à l'Eglise. La charité pastorale exige donc des prêtres, s'ils ne veulent pas courir pour rien(5), un travail vécu en communion permanente avec les évêques et leurs autres frères dans le sacerdoce. Tel sera, pour les prêtres, 1e moyeu de trouver dans l'unité même de la mission de l'Eglise l'unité de leur propre vie. Ainsi, ils s'uniront à leur Seigneur, et par lui, au Père, dans l'Esprit-Saint ; ainsi il pourront être tout remplis de consolation et surabonder de joie(6).
(4) cf. Rm 12,2 (5) cf. Ga 2,2 (6) cf. 2Co 7,4
15
Parmi les qualités les plus indispensables pour le ministère des prêtres, il faut mentionner la disponibilité intérieure qui leur fait rechercher non pas leur propre volonté, mais la volonté de celui qui les a envoyés(1). Car l'oeuvre divine à laquelle les prêtres sont appelés par l'Esprit-Saint(2) dépasse toutes les forces, toute la sagesse de l'homme : " Ce qu'il y a de faible dans le monde, Dieu l'a choisi pour la confusion de ce qui est fort " 1Co 1,27. Le véritable ministre du Christ est donc un homme conscient de sa faiblesse, travaillant dans l'humilité, discernant ce qui plaît au Seigneur(3); enchaîné pour ainsi dire par l'Esprit(4), il se laisse conduire en tout par la volonté de celui qui veut que tous les hommes soient sauvés. Cette volonté, il sait la découvrir et s'y attacher au long de la vie quotidienne, parce qu'il est humblement au service de tous ceux qui lui sont confiés par Dieu dans le cadre de la fonction reçue et des multiples événements de l'existence.
(1) cf. Jn 4,34 Jn 5,30 Jn 6,38 (2) cf. Ac 13,2 (3) cf. Ep 5,10 (4) cf. Ac 20,22
Mais, le ministère sacerdotal étant le ministère de l'Eglise, on ne peut s'en acquitter que dans la communion hiérarchique du Corps tout entier. C'est donc la charité pastorale qui pousse les prêtres, au nom de cette communion, à consacrer leur volonté propre par l'obéissance au service de Dieu et de leurs frères, à accueillir et à exécuter en esprit de foi les ordres et les conseils du Pape, de leur évêque et de leurs autres supérieurs, à dépenser volontiers et à se dépenser eux-mêmes(5) dans toutes les fonctions qui leur sont confiées, si humbles et si pauvres soient-elles. Par ce moyen, ils maintiennent et renforcent l'indispensable unité avec leurs frères dans le ministère, et surtout avec ceux que le Seigneur a établis comme chefs visibles de son Eglise ; par ce moyen, ils travaillent à la construction du Corps du Christ, qui grandit grâce à " toutes sortes de jointures "(6). Cette obéissance conduit à une manière plus mûre de vivre la liberté des enfants de Dieu ; quand l'accomplissement de leur tâche et l'élan de la charité amènent des prêtres à une recherche réfléchie de voies nouvelles en vue du bien de l'Eglise, c'est l'obéissance qui exige, par sa nature même, qu'ils exposent leurs projets avec confiance et qu'ils insistent sur les besoins du troupeau qui leur est confié, tout en restant prêts à se soumettre toujours au jugement de ceux qui sont, dans l'Eglise de Dieu, les premiers responsables.
(5) cf. 2Co 12,15 (6) cf. Ep 4,11-16
Cette humilité, cette obéissance responsable et volontaire modèlent les prêtres à l'image du Christ ; ils ont en eux les sentiments qui furent dans le Christ Jésus : " Il s'est dépouillé lui-même en prenant la condition de serviteur... en se faisant obéissant jusqu'à la mort " Ph 2,7-9, et par cette obéissance il a vaincu et racheté la désobéissance d'Adam, comme en témoigne l'Apôtre : " Comme, par la désobéissance d'un seul, la multitude a été constituée pécheresse, ainsi, par l'obéissance d'un seul, la multitude sera-t-elle constituée juste "Rm 5,19.
16
La pratique de la continence parfaite et perpétuelle pour le royaume des cieux a été recommandée par le Christ Seigneur (1); tout au long des siècles, et de nos jours encore, bien des chrétiens l'ont acceptée joyeusement et pratiquée sans reproche. Pour la vie sacerdotale particulièrement, l'Eglise l'a tenue en haute estime. Elle est à la fois signe et stimulant de la charité pastorale, elle est une source particulière de fécondité spirituelle dans le monde(2). Certes, elle n'est pas exigée par la nature du sacerdoce, comme le montrent la pratique de l'Eglise primitive(3) et la tradition des Eglises orientales. Celles-ci ont des prêtres qui choisissent, par don de la grâce, de garder le célibat - ce que font les évêques -, mais on y trouve aussi des prêtres mariés dont le mérite est grand ; tout en recommandant le célibat ecclésiastique, ce saint Concile n'entend aucunement modifier la discipline différente qui est légitimement en vigueur dans les Eglises orientales ; avec toute son affection, il exhorte les hommes mariés qui ont été ordonnés prêtres à persévérer dans leur sainte vocation et dans le don total et généreux de leur vie au troupeau qui leur est confié(4).
(1) cf. Mt 19,12 (2) cf. LG 42 (3) cf. 1Tm 3,2-5 Tt 1,6 (4) cf. Pie XI Encycl. Ad catholici sacerdotii AAS 28 (1936) p.28
Mais le célibat a de multiples convenances avec le sacerdoce. La mission du prêtre, c'est de se consacrer tout entier au service de l'humanité nouvelle que le Christ, vainqueur de la mort, fait naître par son Esprit dans le monde, et qui tire son origine, non pas " du sang, ni d'un vouloir charnel, ni d'un vouloir d'homme, mais de Dieu " Jn 1,13. En gardant la virginité ou le célibat pour le royaume des cieux (5), les prêtres se consacrent au Christ d'une manière nouvelle et privilégiée, il leur est plus facile de s'attacher à lui sans que leur coeur soit partagé(6), ils sont plus libres pour se consacrer en lui et par lui, au service de Dieu et des hommes, plus disponibles pour servir son royaume et l'oeuvre de la régénération surnaturelle, plus capables d'accueillir largement la paternité dans le Christ. Ils témoignent ainsi devant les hommes qu'ils veulent se consacrer sans partage à la tâche qui leur est confiée : fiancer les chrétiens à l'époux unique comme une vierge pure à présenter au Christ(7) ; ils évoquent les noces mystérieuses voulues par Dieu, qui se manifesteront pleinement aux temps à venir: celles de l'Eglise avec l'unique époux qui est le Christ(8). Enfin, ils deviennent le signe vivant du monde à venir, déjà présent par la foi et la charité, où les enfants de la résurrection ne prennent ni femme ni mari(9).
(5) cf. Mt 19,12 (6) cf. 1Co 7,32-34 (7) cf. 2Co 11,2 (8) cf. LG 42 LG 44 PC 12 (9) cf. Lc 20,35-36 Encycl Pie XI Ad catholici sacerdotii AAS 28 (1936) p24-28 - Pie XII Sacra Virginitas AAS 46 (1954) p169-172
C'est donc pour des motifs fondés sur le mystère du Christ et sa mission, que le célibat, d'abord recommandé aux prêtres, a été ensuite imposé par une loi dans l'Eglise latine à tous ceux qui se présentent aux Ordres sacrés. Cette législation, ce saint Concile l'approuve et la confirme à nouveau en ce qui concerne les candidats au presbytérat. Confiant en l'Esprit, il est convaincu que le Père accorde généreusement le don du célibat, si adapté au sacerdoce du Nouveau Testament, pourvu qu'il soit humblement et instamment demandé par ceux que le sacrement de l'Ordre fait participer au sacerdoce du Christ, bien plus, par l'Eglise tout entière. Ce saint Concile s'adresse encore aux prêtres qui ont fait confiance à la grâce selon l'exemple du Christ : qu'ils s'y attachent généreusement et cordialement, qu'ils persévèrent fidèlement dans leur état, qu'ils reconnaissent la grandeur du don que le Père leur a fait et que le Seigneur exalte si ouvertement(10), qu'ils contemplent les grands mystères signifiés et réalisés par leur célibat. Certes, il y a, dans le monde actuel, bien des hommes qui déclarent impossible la continence parfaite : c'est une raison de plus pour que les prêtres demandent avec humilité et persévérance, en union avec l'Eglise, la grâce de la fidélité, qui n'est jamais refusée à ceux qui la demandent. Qu'ils emploient aussi les moyens naturels et surnaturels qui sont à la disposition de tous. Les règles éprouvées par l'expérience de l'Eglise, surtout celles de l'ascèse, ne sont pas moins nécessaires dans le monde d'aujourd'hui : que les prêtres sachent les observer. Ce saint Concile invite donc, non seulement les prêtres, mais tous les chrétiens, à tenir ce don précieux du célibat sacerdotal et à demander à Dieu de l'accorder toujours avec abondance à son Eglise.
(10) cf Mt 19,11
17 La vie amicale et fraternelle des prêtres entre eux et avec les autres hommes leur permet d'apprendre à honorer les valeurs humaines et à considérer les choses créées comme des dons de Dieu. Vivant dans le monde, ils doivent pourtant savoir que, selon la parole de Notre Seigneur et Maître, ils ne sont pas du monde(1). Usant donc de ce monde comme s'ils n'en usaient pas vraiment(2), ils arriveront à la liberté qui les délivrera de tous les soucis désordonnés et les rendra accueillants pour écouter Dieu qui leur parle à travers la vie quotidienne. Cette liberté et cet accueil font grandir le discernement spirituel qui fait trouver l'attitude juste à l'égard du monde et des réalités terrestres. Attitude essentielle pour les prêtres, car la mission de l'Eglise s'accomplit au coeur du monde, et les choses créées sont absolument nécessaires au progrès personnel de l'homme. Les prêtres doivent donc être reconnaissants envers le Père céleste de tout ce qu'il leur donne pour leur permettre de bien mener leur existence. Mais il faut aussi que la lumière de la foi les aide à exercer leur discernement sur ce qui se trouve sur leur chemin ; ils doivent ainsi en venir à utiliser leurs biens d'une manière juste qui correspond à la volonté de Dieu, et à rejeter tout ce qui fait obstacle à leur mission.
(1) cf. Jn 17,14-16 (2) cf. 1Co 7,31
Car les prêtres ont le Seigneur pour 'part' et pour héritage' Nb 18,20, si bien qu'ils ne doivent se servir des choses terrestres que pour les usages permis par la doctrine du Christ Seigneur et les préceptes de l'Eglise.
Quant aux biens ecclésiastiques proprement dits, les prêtres les administreront conformément à leur nature et selon les lois ecclésiastiques, autant que possible avec l'aide de laïcs compétents. Ces biens seront toujours employés pour les fins qui justifient l'existence de biens temporels d'Eglise, c'est-à-dire pour organiser le culte divin, assurer au clergé un niveau de vie suffisant et soutenir les oeuvres d'apostolat et de charité, spécialement en faveur des indigents. Quant aux ressources qu'ils acquièrent à l'occasion de l'exercice d'une fonction ecclésiastique, sous réserve des législations particulières(3), les prêtres, aussi bien que les évêques, les emploieront d'abord pour s'assurer un niveau de vie suffisant et pour accomplir les devoirs de leur état ; et ce qui restera ils auront à coeur de l'employer au service de l'Eglise ou pour des oeuvres de charité. Bref une fonction d'Eglise ne doit pas devenir une activité lucrative ; les revenus qui en proviennent ne sauraient être utilisés pour augmenter le patrimoine personnel du prêtre(4). C'est pourquoi les prêtres loin d'attacher leur coeur à la richesse(5), éviteront toute espèce de cupidité et rejetteront soigneusement tout ce qui aurait une apparence commerciale.
(3) il s'agit avant tout des droits et coutumes en vigueur dans les Eglises orientales (4) cf. Conc.Trid.,Sess.25 de reform. cap.1 (5) cf. Ps 62,11 (Vg 61)
Ils sont même invités à embrasser la pauvreté volontaire qui rendra plus évidente leur ressemblance avec le Christ et les fera plus disponibles au saint ministère. Le Christ est devenu pauvre pour nous lui qui était riche, afin de nous enrichir par sa pauvreté(6). Les apôtres, à leur tour, ont montré par leur exemple qu'il faut donner gratuitement ce que Dieu accorde gratuitement(7) et ils ont su s'habituer à l'abondance comme au dénuement(8). Une certaine mise en commun matérielle, à l'image de la communauté de biens que vante l'histoire de la primitive Eglise(9) est une excellente voie d'accès à la charité pastorale ; c'est une manière de vivre louable qui permet aux prêtres de remettre en pratique l'esprit de pauvreté conseillé par le Christ.
(6) cf. 2Co 8,9 (7) cf. Ac 8,18-25 (8) cf. Ph 4,12 (9) cf. Ac 2,42-47
Que les prêtres et les évêques se laissent donc conduire par l'Esprit qui a consacré le Sauveur par l'onction et l'a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres(10); qu'ils évitent tout ce qui pourrait, d'une manière ou d'une autre, écarter les pauvres ; qu'ils rejettent, plus encore que les autres disciples du Christ, toute apparence de vanité dans ce qui leur appartient. Qu'ils installent leur maison de manière qu'elle ne paraisse inaccessible à personne et que jamais personne, même les plus humbles, n'ait honte d'y venir.
(10) cf. Lc 4,18
18 Pour mieux vivre leur union au Christ dans toutes les circonstances de la vie, les prêtres disposent, outre l'exercice conscient de leur ministère, d'un certain nombre de moyens, généraux ou particuliers anciens ou nouveaux : le Saint-Esprit n'a jamais manqué d'en susciter dans le peuple de Dieu, et l'Eglise, soucieuse de la sanctification de ses membres, en recommande, et parfois même en impose l'usage(1). A la première place parmi ces moyens de développer la vie spirituelle se situent les actes par lesquels les chrétiens se nourrissent du Verbe de Dieu aux deux tables de la Bible et de l'Eucharistie(2); personne n'ignore l'importance de leur fréquentation assidue pour la sanctification des prêtres.
(1) cf. CIC 273-289 (2) cf. PC 6 DV 21
Les ministres de la grâce sacramentelle s'unissent intimement au Christ Sauveur et Pasteur lorsqu'ils reçoivent avec fruit les sacrements, spécialement par la confession sacramentelle fréquente : préparée par l'examen de conscience quotidien, celle-ci est un soutien très précieux pour l'indispensable conversion du coeur à l'amour du Père des miséricordes. A la lumière de leur foi nourrie par la lecture de la Bible, ils peuvent rechercher avec attention les signes de Dieu et les appels de sa grâce à travers la diversité des événements de l'existence; ils deviennent ainsi de plus en plus dociles à la mission qu'ils ont assumée dans le Saint-Esprit. De cette docilité les prêtres trouvent sans cesse le merveilleux modèle dans la Sainte Vierge Marie : conduite par le Saint-Esprit, elle s'est donnée tout entière au mystère du rachat de l'humanité(3) ; mère du Grand Prêtre éternel, Reine des apôtres, soutien de leur ministère, elle a droit à la dévotion filiale des prêtres, à leur vénération et à leur amour.
(3) cf. LG 65
Pour pouvoir accomplir avec fidélité leur ministère, ils doivent avoir à coeur de converser chaque jour avec le Christ Seigneur dans la visite et le culte personnel de la sainte Eucharistie ; ils doivent aimer les temps de retraite et tenir à la direction spirituelle. Bien des moyens, en particulier les méthodes approuvées d'oraison et les diverses formes de prière qu'ils choisissent librement, permettent aux prêtres de rechercher et d'implorer de Dieu le véritable esprit d'adoration, grâce auquel, avec le peuple qui leur est confié, ils s'uniront intimement au Christ médiateur de la Nouvelle Alliance ; comme des fils adoptifs, ils pourront alors crier : " Abba! c'est-à-dire: Père " Rm 8,15.
1965 Presbyterorum Ordinis 9