1937 Pie XI, Divini Redemptoris 67

ORGANISATIONS AUXILIAIRES

67 67. Autour de l'Action catholique se rangent les organisations que Nous avons saluées autrefois comme ses auxiliaires. Elles aussi, ces organisations si utiles, Nous les exhortons paternellement à se consacrer à la grande mission dont Nous parlons, mission qui aujourd'hui prime toutes les autres par son importance vitale.

ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES

68 68. Nous songeons également à ces organisations professionnelles d'ouvriers, d'agriculteurs, d'ingénieurs, de médecins, de patrons, d'étudiants, et autres organisations similaires d'hommes et de femmes, vivant dans les mêmes conditions culturelles et que la nature même a groupés. Ce sont justement ces groupes et ces organisations qui sont destinés à introduire dans la société l'ordre que Nous avons eu en vue dans Notre Encyclique Quadragesimo anno et à faire ainsi reconnaître la royauté du Christ dans les divers domaines de la culture et du travail.
69 69. Que si, en raison des conditions nouvelles de la vie économique et sociale, l'Etat s'est cru en devoir d'intervenir au point d'assister et de réglementer, par des dispositions législatives particulières, de semblables institutions (sans préjudice du respect dû à la liberté et aux initiatives privées), même alors l'Action catholique n'a pas le droit de rester étrangère à la réalité. Elle doit avec sagesse fournir sa contribution de la pensée, en étudiant les problèmes nouveaux à la lumière de la doctrine catholique, et sa contribution d'activité par la participation loyale et dévouée de ses membres aux formes et aux institutions nouvelles. Ils y porteront l'esprit chrétien qui est toujours principe d'ordre, de mutuelle et fraternelle collaboration.


APPEL AUX OUVRIERS CHRÉTIENS

70 70. Et ici, Nous voudrions adresser une parole particulièrement paternelle à Nos chers ouvriers catholiques, jeunes gens et adultes. En récompense, sans doute, de leur fidélité parfois héroïque en ces temps difficiles, ils ont reçu une mission très noble et très ardue, ce sont eux qui doivent ramener à l'Eglise et à Dieu ces multitudes immenses de leurs frères de travail qui, exaspérés de n'avoir pas été compris ni traités avec le respect auquel ils avaient droit, se sont éloignés de Dieu. Que les ouvriers catholiques, par leur exemple, par leurs paroles, fassent comprendre à leurs frères égarés que l'Eglise est une tendre Mère pour tous ceux qui travaillent et qui souffrent, et qu'elle n'a jamais manqué, ni ne manquera jamais à son devoir sacré de Mère, qui est de défendre ses fils. Si cette mission, qu'ils doivent accomplir dans les mines, dans les usines, dans les chantiers, partout où l'on travaille, exige parfois de grands renoncements, ils se souviendront que le Sauveur du monde nous a donné l'exemple, non seulement du travail, mais encore du sacrifice.

NÉCESSITÉ DE LA CONCORDE ENTRE CATHOLIQUES

71 71. A tous Nos fils enfin, de toute classe, de toute nation, de tout groupement religieux et laïque dans l'Eglise, Nous voulons adresser de nouveau le plus pressant appel à la concorde. Bien des fois, Notre coeur paternel a été navré des dissensions, futiles dans leurs causes, mais toujours tragiques dans leurs conséquences, qui mettent aux prises les fils d'une même Eglise. Et alors on voit les fauteurs de désordre, qui ne sont pas tellement nombreux, profiter de ces discordes, les envenimer, et finir par jeter les catholiques eux-mêmes les uns contre les autres. Après les événements de ces derniers mois, Notre avertissement devrait paraître superflu. Pourtant Nous le répétons une fois encore, pour ceux qui n'ont pas compris ou qui peut-être ne veulent pas comprendre. Ceux qui travaillent à augmenter les dissensions entre catholiques se chargent devant Dieu et devant l'Eglise d'une terrible responsabilité.

APPEL À TOUS CEUX QUI CROIENT EN DIEU

72 72. Dans ce combat engagé dans la puissance des ténèbres contre l'idée même de la Divinité, Nous gardons l'espérance que la lutte sera vaillamment soutenue, non seulement par ceux qui se glorifient de porter le nom du Christ, mais aussi par tous les hommes (et ils sont l'immense majorité dans le monde) qui croient encore en Dieu et l'adorent. Nous renouvelons donc l'appel lancé, il y a cinq ans, dans Notre Encyclique Caritate Christi, que tous les croyants s'emploient avec loyauté et courage " à préserver le genre humain du grave péril qui le menace ". Car, disions-Nous alors, " la foi en Dieu est le fondement inébranlable de tout ordre social et de toute responsabilité sur la terre; aussi tous ceux qui ne veulent pas de l'anarchie et du terrorisme, doivent travailler énergiquement à empêcher la réalisation du plan ouvertement proclamé par les ennemis de la religion " (45).

DEVOIRS DE L'ÉTAT CHRÉTIEN

Aider l'Eglise.

73 73. Telle est la tâche positive, d'ordre à la fois doctrinal et pratique, que l'Eglise assume, en vertu de la mission même que lui a confiée le Christ: construire la société chrétienne, et, à notre époque, combattre et briser les efforts du communisme; à cet effet, Nous adressons un appel à toutes les classes de la société. A cette entreprise spirituelle de l'Eglise, l'Etat chrétien doit concourir positivement en aidant l'Eglise dans cette tâche, par les moyens qui lui sont propres; moyens extérieurs, sans doute, mais qui n'en visent pas moins principalement le bien des âmes.
74 74. Les Etats mettront donc tout en oeuvre pour empêcher qu'une propagande athée, qui bouleverse tous les fondements de l'ordre, fasse des ravages sur leurs territoires. Car il ne saurait y avoir d'autorité sur la terre, si l'autorité de la Majesté divine est méconnue, et le serment ne tiendra pas s'il n'est pas prêté au nom du Dieu vivant. Nous répétons ce que Nous avons dit souvent et avec tant d'insistance, en particulier dans Notre Encyclique Caritate Christi: " Comment peut tenir un contrat quelconque et quelle valeur peut avoir un traité, là où manque toute garantie de conscience? Et comment peut-on parler de garantie de conscience là où a disparu toute foi en Dieu, toute crainte de Dieu? Cette base enlevée, toute foi morale s'écroule avec elle, et il n'y a plus aucun remède qui puisse empêcher de se produire peu à peu, mais inévitablement, la ruine des peuples, des familles, de l'Etat, de la civilisation même " (46).

Pourvoir au bien commun.

75 75. En outre, l'Etat ne doit rien négliger pour créer ces conditions matérielles de vie, sans lesquelles une société ordonnée ne peut subsister, et pour fournir du travail, spécialement aux pères de famille et à la jeunesse. A cette fin, qu'on amène les classes possédantes à prendre sur elles les charges sans lesquelles ni la société humaine ne peut être sauvée, ni ces classes elles-mêmes ne sauraient trouver le salut. Mais les mesures prises dans ce sens par l'Etat doivent être telles qu'elles atteignent vraiment ceux qui, de fait, détiennent entre leurs mains les plus gros capitaux et les augmentent sans cesse, au grand détriment d'autrui.

Prudence et sage administration.

76 76. Que l'Etat lui-même, songeant à sa responsabilité devant Dieu et devant la société, serve d'exemple à tous les autres par une administration prudente et modérée. Aujourd'hui plus que jamais, la très grave crise mondiale exige que ceux qui disposent de fonds énormes, fruit du travail et des sueurs de millions de citoyens, aient toujours uniquement devant les yeux le bien commun et s'appliquent à le promouvoir le plus possible. De même, que les fonctionnaires et tous les employés de l'Etat, par obligation de conscience, remplissent leur devoir avec fidélité et désintéressement. Ils suivront en cela les lumineux exemples, anciens et récents, d'hommes remarquables, qui, dans un labeur sans relâche, ont sacrifié toute leur vie pour le bien de la patrie. Enfin, dans les rapports des peuples entre eux, que l'on s'applique instamment à supprimer les entraves artificielles de la vie économique, effets d'un sentiment de défiance et de haine; et qu'on se rappelle que tous les peuples de la terre forment une seule famille de Dieu.

Laisser la liberté à l'Eglise.

77 77. Mais en même temps l'Etat doit laisser à l'Eglise la pleine liberté d'accomplir sa divine et toute spirituelle mission, pour contribuer puissamment par là même à sauver les peuples de la terrible tourmente du moment présent. De toutes parts, on fait aujourd'hui un appel angoissé aux forces morales et spirituelles, et l'on a bien raison, car le mal à combattre est avant tout, si on le regarde dans sa source première, un mal de nature spirituelle, et c'est de cette source empoisonnée que sortent par une logique infernale, toutes les monstruosités du communisme. Or, parmi les forces morales et spirituelles, l'Eglise catholique occupe sans conteste une place de choix, et c'est pourquoi le bien même de l'humanité exige que l'on ne mette pas d'obstacle à son action.
78 78. Agir autrement, et prétendre quand même arriver au but, avec les moyens purement économiques et politiques, c'est être victime d'une dangereuse erreur. Quand on exclut la religion de l'école, de l'éducation, de la vie publique, quand on expose à la dérision les représentants de l'Eglise et ses rites sacrés, est-ce que l'on ne favorise pas ce matérialisme dont le communisme est le fruit? Ni la force, même la mieux organisée, ni les idéals terrestres, fussent-ils les plus grands et plus nobles, ne peuvent maîtriser un mouvement qui plonge précisément ses racines dans l'estime excessive des biens de ce monde.
79 79. Nous avons confiance que ceux qui ont en main le sort des nations, pour peu qu'ils sentent le péril extrême dont les peuples sont aujourd'hui menacés, sentiront toujours mieux le devoir capital de ne point empêcher l'Eglise d'accomplir sa mission. D'autant plus qu'en l'accomplissant, tout en visant le bonheur éternel de l'homme, elle travaille inséparablement à son vrai bonheur temporel.

APPEL PATERNEL AUX ÉGARÉS

80 80. Nous ne pouvons terminer cette Encyclique sans adresser une parole à ceux de Nos fils qui sont atteints déjà, ou presque, du mal communiste. Nous les exhortons vivement à écouter la voix du Père qui les aime; et Nous prions le Seigneur de les éclairer, afin qu'ils abandonnent la voie glissante qui les entraîne tous à une immense catastrophe; qu'ils reconnaissent eux aussi, que l'unique Seigneur est Notre-Seigneur Jésus-Christ, " car il n'y a pas, sous le ciel, un autre nom donné aux hommes, dont ils puissent attendre le salut " (47).

SAINT JOSEPH, MODÈLE ET PATRON

81 81. Et pour hâter cette paix tant désirée de tous, la " Paix du Christ dans le règne du Christ " (48), Nous mettons la grande action de l'Eglise catholique contre le communisme athée mondial sous l'égide du puissant protecteur de l'Eglise, saint Joseph. Il appartient, lui, à la classe ouvrière; il a fait la rude expérience de la pauvreté, pour lui et pour la Sainte Famille, dont il était le chef vigilant et aimant; il reçut en garde l'Enfant divin quand Hérode lança contre Lui ses sicaires. Par une vie de fidélité absolue dans l'accomplissement du devoir quotidien, il a laissé un exemple à tous ceux qui doivent gagner leur pain par le travail manuel, et a mérité d'être appelé le Juste, modèle vivant de cette justice chrétienne qui doit régner dans la vie sociale.
82 82. Les yeux tournés vers les hauteurs, notre foi aperçoit les cieux nouveaux et la terre nouvelle dont parle Notre premier prédécesseur, saint Pierre (49). Et tandis que les promesses des faux prophètes s'éteignent, sur cette terre, dans le sang et dans les larmes, resplendit d'une céleste beauté la grande prophétie apocalyptique du Sauveur du monde: " Voici que je fais toutes choses nouvelles " (50). Il ne Nous reste plus, Vénérables Frères, qu'à élever Nos mains paternelles, et à faire descendre sur Vous, sur Votre clergé et Votre peuple, sur toute la grande famille catholique, la Bénédiction apostolique.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, en la fête de saint Joseph, patron de l'Eglise universelle, le 19 mars 1937, l'an XVI de Notre Pontificat.





NOTES

(1) Lettre Encycl. Qui pluribus, 9 nov. 1846 (Acta Pii IX vol. I, p. 13). Cf. Syllabus. $ IV (A. S. S., vol. III, p. 170).
(2) Lettre Encycl. Quod. Apostolici muneris, 28 déc. 1878 (Acta Leonis XIII, vol. I, p. 46).
(3) 18 déc. 1924 : A. A. S., vol. XVI (1924), pp. 494, 495.
(4) 8 mai 1928 : A. A. S., vol. XX (1928), pp. 165-178.
(5) 15 mai 1931 : A. A. S., vol. XXIII (1931), pp. 177-228.
(6) 3 mai 1932 : A. A. S., vol. XXIV (1932), pp. 177-194.
(7) 29 sept. 1932: A. A. S., vol. XXIV (1932), pp. 321-332.
(8) 3 juin 1933 : A. A. S., vol. XXV (1933), pp. 261-274.
(9) Cf. II Thess. II, 4.
(10) Lettre Encycl. Divini illius Magistri, 31 déc. 1929 (A. A. S., vol. XXI, 1930, pp. 49-86).
(11) Lettre Encycl. Casti connubii, 31 déc. 1930 (A. A. S., vol. XXII, 1930, pp. 539-592).
(12) I Cor. III, 23.
(13) Lettre Encycl. Rerum novarum, 15 mai 1891 (Acta Leonis XIII, vol. IV, pp. 177-209).
(14) Lettre Encycl. Quadragesimo anno, 15 mai 1931 (A. A. S., vol. XIII, 1931, pp. 177-228).
(15) Lettre Encycl. Diuturnum illud, 20 juin 1881 (Acta Leonis XIII, vol. I, pp. 210-222).
(16) Lettre Encycl. lmmortale Dei, 1er nov. 1885 (Acta Leonis XIII, vol. II, pp. 146-168).
(17) Lc. II, 14.
(18) Mt. VI, 33.
(19) Cf. Mt. XIII, 55; Mc. VI, 3.
(20) De officiis, I, XLII.
(21) Jac. I, 22.
(22) Jac. I, 17.
(23) A. A. S., vol. XXVIII (1936), pp. 421-424.
(24) Jn, IV, 23.
(25) Mt. V, 3.
(26) Heb. XIII, 14.
(27) Cf. Lc. XI. 41.
(28) Jac. V. 1-3.
(29) Mt. V, 3.
(30) Jac. V. 7, 8.
(31) Lc. VI, 20.
(32) I Cor. XIII, 4.
(33) Mt. XXV, 34-40.
(34) Mt. XXV. 41-45.
(35) Jn. XIII, 34.
(36) Rom. XIII, 8, 9.
(37) Lettre Encycl. Quadragesimo anno, 15 mai 1931 (A. A. S., vol. XXIII, 1931, p. 202).
(38) Ps. CXXVI, I.
(39) Mt. XVII, 21.
(40) I Jn. V, 4.
(41) 20 déc. 1935 (A. A. S., vol. XXVIII, 1936, pp. 5-53).
(42) Mt. VIII, 20.
(43) I Cor. XIII, I.
(44) 12 mai 1936.
(45) Lettre Encycl. Caritate Christi, 3 mai 1932 (A. A. S., vol. XXIV, 1932, p. 184).
(46) Lettre Encycl. Caritate Christi, 3 mai 1932 (A. A. S., vol. XXIV, 1932, p. 190). (47) Act. IV. 12.
(48) Lettre Encycl. Ubi arcano, 23 déc. 1922 (A. A. S., vol. XIV, 1922, p. 691).
(49) II Pi. III. 13. Cf. Is. LXV, 17 ; LXVI, 22. Apoc. XXI, I.
(50) Apoc. XXI, 5.





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