Lettres encycliques du pape PIE XI - NOTES
Avec une sollicitude toujours en éveil, comme nous le prescrit notre charge apostolique, nous suivons avec le plus grand intérêt les travaux dignes de toutes louanges de nos confrères dans l'Episcopat et du peuple chrétien tout entier. C'est ainsi, qu'à notre grande joie, nous avons appris l'initiative prévoyante, déjà riche de salutaires résultats et pleine de promesses plus heureuses encore, que, voilà plus de deux années déjà, vous avez jugé bon de prendre et d'appeler "Légion de la décence", dans le but d'anéantir, comme dans une croisade sacrée, les pernicieux effets du cinéma.
Ce fait nous fournit l'occasion, depuis longtemps désirée, de nous expliquer à fond sur ce sujet qui met en cause, et de si près, les intérêts moraux et religieux du peuple chrétien tout entier.
Mais d'abord, nous vous félicitons vivement de ce que, sous votre conduite et votre direction, et avec l'active collaboration de vos fidèles, la Légion ait travaillé avec tant de soin dans ce champ d'apostolat. Nous nous en réjouissons d'autant plus que, d'un coeur angoissé, nous voyions cet art et cette industrie s'égarer à grands pas hors de la bonne voie, et exposer à tous les yeux, en pleine lumière, le vice, le mal, le péché.
Aussi, avons-nous toujours considéré comme une obligation de notre haute charge, chaque fois que l'occasion nous en était donnée, d'amener non seulement les Evêques et le clergé, mais tous les hommes honnêtes et de bonne volonté, à étudier ce grave problème avec toute l'attention qu'il exige.
Déjà, par exemple, dans l'encyclique DIVINI ILLIUS MAGISTRI, avons-nous exprimé le regret de voir "ces puissants diffuseurs, susceptibles de collaborer magnifiquement à l'enseignement et à l'éducation s'ils étaient au service de la vérité, devenir, hélas! trop souvent les pourvoyeurs de gains immondes et de plaisirs exaltant le vice". (A. Ap. Sed., 1930, vol. XXII, p. 82).
En août 1934, recevant au audience les délégués de la Fédération internationale de la Presse cinématographique, nous avons souligné l'importance grandissante, pour notre temps, de ces spectacles, et leur large champ d'influence soit en faveur de la vertu, soit au profit du vice. Nous avons rappelé, en outre, combien il était nécessaire de maintenir les spectacles cinématographiques dans le respect des lois qui doivent régir et inspirer la noble vocation de tout art véritable, si on voulait éviter que la règle chrétienne - et même simplement humaine - des moeurs, qui est essentiellement liée à la loi naturelle, ne subisse une atteinte et un détriment.
D'ailleurs, tout art un peu noble ne doit-il pas s'attacher avant tout à entraîner, pour sa part, l'humanité à plus d'honneur et de vertu? Dès lors, n'est-il pas tenu à suivre les principes et les lois de la discipline morale? Approuvés d'ailleurs par ces honorables délégués - nous nous en souvenons avec plaisir - nous en déduisions l'obligation qui en découle pour le cinéma d'observer ces règles justes afin d'attirer tous les spectateurs à une vie plus intègre et d'une éducation plus élevée.
Plus récemment encore, au mois d'avril dernier, lors de l'audience accordée avec tant de plaisir aux délégués de la Fédération internationale des Journalistes cinématographiques, réunis alors en Congrès à Rome, nous avons insisté une nouvelle fois sur l'importance et la gravité de cette question. Parlant non pas seulement au nom de la religion, mais en vue de l'accroissement de la santé morale de la Société, nous avons chaleureusement exhorté ces hommes de coeur à se servir de leur plume et de toute leur influence pour que ces spectacles cinématographiques servent chaque jour davantage à la formation et à l'éducation des âmes et non pas à leur ruine et à leur perte.
Cette question est si importante, surtout si on prend garde aux circonstances que traverse en ce moment la société civile, que nous estimons opportun de la développer plus à fond et de donner à ce sujet les directives adaptées aux nécessités actuelles non pas seulement à vous-mêmes, Vénérables Frères, mais aussi à tous les Evêques de l'univers catholique. Car, il est plus que nécessaire, il est vraiment urgent d'utiliser efficacement pour la gloire de Dieu, le salut des âmes et le développement du règne de Jésus-Christ, toutes les inventions que, par la faveur divine, le cours des âges a vu conquérir dans les disciplines humaines, voire dans les arts techniques et industriels.
N'est-ce pas ainsi que tous - comme la Liturgie nous le fait demander - "nous pourrons passer de telle sorte à travers les biens temporels que nous ne perdions pas les biens éternels"?
Or, chacun peut aisément constater que plus le cinéma s'est perfectionné et plus il a porté atteinte à l'intégrité des moeurs, à la Religion, et même à l'honnêteté nécessaire à toute société.
Les chefs de l'industrie cinématographique des Etats-Unis d'Amérique n'ont pas été sans reconnaître la responsabilité qui leur incombait de ce fait et, plus spécialement, à cause du danger qui menaçait ainsi, non pas seulement les individus, pris en particulier, mais la communauté humaine tout entière. En effet, au mois de mars 1930, unanimement et sur l'honneur, s'engagèrent-ils spontanément - engagement consigné par écrit, couvert de toutes les signatures et livré à la publicité - à garantir désormais eux-mêmes la parfaite honnêteté des films qui seraient mis en chantier. Cet engagement portait en particulier la promesse de ne jamais produire ni passer de films qui abaisseraient le niveau moral des spectateurs, ou qui jetteraient le discrédit sur la loi naturelle ou humaine, ou inciteraient à leur violation.
Malgré ces lois - établies certes dans une louable intention - il s'est fait que les responsables eux-mêmes, comme d'ailleurs les producteurs de films, ou bien n'ont pas été capables d'observer cet engagement ou bien ne l'ont pas voulu.
Cet engagement restant lettre morte, les vices et les crimes continuèrent à être portés à l'écran; si bien qu'il devenait impossible à toute personne honnête d'assister à pareils spectacles dans l'espoir d'y trouver un délassement permis. Dans ces circonstances, à coup sûr très graves, vous avez été les premiers, Vénérables Frères, à étudier les voies et les moyens par lesquels vous pourriez protéger contre un pareil danger le troupeau qui vous est confié. C'est alors que vous avez fondé la "Legion of Decency"; et vous l'avez établie comme une armée sainte dont l'objectif consistait à rendre leur valeur à tous les principes et à l'idéal qu'inspire l'honnêteté chrétienne et, d'ailleurs, l'honnêteté purement humaine. Ce faisant, loin de vouloir porter préjudice à l'industrie cinématografique, vous vous efforciez, au contraire, de la sauver du désastre qui menace toutes les formes de plaisir qui dégénèrent en dépravation et corruption de l'art.
Les ouailles confiées à vos soins entrèrent dans vos vues avec une ferveur résolue et décidée. Par millions, les catholiques des Etats-Unis se sont empressés de signer l'engagement et d'assumer les obligations que leur proposait la Légion de la Décence, promettant de n'assister à la projection d'aucun film qui blesserait les moeurs chrétiennes et les règles de l'honnêteté. Aussi, avons-nous pu voir - et il faut le proclamer avec une immense joie - le peuple et les Evêques si intimement unis dans la poursuite de leur dessein que nulle part ailleurs, en ces derniers temps, ne s'est affirmée union plus grande entre pasteurs et fidèles.
Les catholiques, d'ailleurs, ne furent pas seuls à vous suivre. Des hommes éminents venus du protestantisme ou de la religion juive, d'autres encore en grand nombre s'empressèrent d'appuyer vos desseins et d'obéir à vos directives. Ils unirent leurs efforts aux vôtres pour contraindre les théâtres cinématographiques à se conformer aux règles qui s'imposent à tout art digne de ce nom. Ce nous est aujourd'hui une joie immense de marquer les résultats et les fruits considérables obtenus par cette croisade si généreusement entreprise. C'est ainsi qu'on nous assure qu'en raison de votre vigilance attentive et de la force de l'opinion, l'industrie cinématographique s'est engagée dans une voie singulièrement meilleure. On ne voit plus aussi souvent qu'autrefois le péché et le vice paraître à l'écran; le mal qu'on y rencontre encore n'est plus aussi insolemment approuvé et applaudi; ces faux principes de vie ne sont plus proposés d'une manière aussi insidieuse à l'âme bouillante de la jeunesse.
Dans certains milieux, il est vrai, on avait craint d'enregistrer, comme résultat de la croisade, un déclin notable de la valeur artistique des films. L'expérience a prouvé le contraire. Car des efforts sérieux ont été réalisés pour que les scènes cinématographiques s'inspirent des règles les plus nobles qui régissent les beaux-arts, ce qui eut pour réultat de porter à l'écran soit des oeuvres classiques anciennes, soit de nouvelles productions qui sont franchement remarquables.
On avait également prédit, mais sans fournir de raison plausible, que, du fait de la croisade, les capitaux engagés dans l'industrie cinématographique subiraient de sérieux dommages. Il n'en fut rien. Nombreux sont, en effet, les amateurs de cinéma qui s'en étaient éloignes avec horreur à cause des profanations qu'ils y voyaient infliger aux bonnes moeurs, et qui se sont empressés d'y revenir dès qu'ils ont pu se convaincre que les spectacles n'offensaient plus l'honnêteté chrétienne ou simplement humaine.
Lorsque vous avez commencé votre sainte croisade, Vénérables Frères, des prophètes n'ont pas manqué pour annoncer que cet enthousiasme serait passager, et précaires les résultats attendus. Tout cela, disait-on, devait s'effondrer rapidement. Votre vigilance et celle de vos collaborateurs s'éteindraient petit à petit, ce qui permettrait aux producteurs de revenir, à leur gré, à leurs anciennes méthodes. Il est facile, il est vrai, de deviner pourquoi des industriels seraient tentés de recommencer de porter à l'écran ces scènes répréhensibles que vous avez combattues et qui flattent les plus basses passions. C'est que la production de films qui exposent avec art des sujets inspirés par la vertu exigent, en effet, du talent, du travail, de la technique, voire beaucoup d'argent; tandis qu'il est facile d'ordinaire d'attirer certain public et certaines classes d'hommes vers des spectacles qui allument les passions et excitent les mauvais instincts qui sommeillent dans les âmes.
Aussi est-il nécessaire que la vigilance et les travaux attentifs de tous arrivent à convaincre les industriels du film que la Légion de la Décence n'a pas été créée pour finir à bref délai ni pour se relâcher, mais qu'elle a été établie, au contraire, pour assurer, sous la direction des Evêques des Etats-Unis - à quelque moment et sous quelque forme que ce soit - l'assainissement des plaisirs du peuple.
De tout temps, les délassements du corps et de l'âme - qui ont trouvé en nos temps des formes diverses et nouvelles - ont été nécessaires à ceux qui sont engagés dans les affaires et les soucis de l'existence. Mais, il est non moins certain que ces plaisirs doivent respecter la dignité de l'homme et l'intégrité des moeurs. Ils ont même pour devoir de faire appel aux nobles sentiments et de les promouvoir. Il n'est pas douteux, en effet, qu'un peuple qui, aux heures de récréation, se livrerait à des jeux profanant les règles de la décence, de l'honneur et de l'honnêteté, offrant à tous, et spécialement à la jeunesse, l'occasion de commettre les fautes ainsi légitimées, il n'est pas douteux que ce peuple perdrait bientôt sa puissance et sa grandeur.
Or, parmi les divertissements modernes, le cinéma prend, de toute évidence, une place de première importance. Dans tous les pays, il a reçu droit de cité. A peine est-il besoin de redire que des millions de spectateurs le fréquentent chaque jour. Le nombre des salles de cinéma s'accroît sans cesse chez tous les peuples, quel que soit leur degré de culture. A tous, riches ou pauvres, il offre le même plaisir et le même délassement.
D'autre part, la nature des images mouvantes, la facilité d'accès des spectacles, même pour les masses populaires, et l'ensemble des circonstances qui entourent ce genre de récréation font en sorte qu'il est impossible de découvrir, aujourd'hui, un moyen d'influence quelconque capable d'exercer sur les foules une action plus efficace.
La raison même de cette efficacité se découvre aisément. Le cinéma frappe vivement par ses images et par ses tableaux. Loin d'exiger un effort d'abstraction ou de raisonnement dont les masses incultes seraient incapables ou qu'elles refuseraient de s'imposer, il se contente de ravir les sens tout en procurant à l'esprit un plaisir extrême. Lire ou même prêter l'oreille à qui vous parle exige un minimum d'attention et un léger effort à l'esprit; le film écarte même ce minime obstacle et se borne à dérouler ses images devant les yeux éblouis. Quand le cinéma est parlant, l'efficacité du spectacle ne fait que s'accroître, car la parole permet de saisir plus vite la signification des images lumineuses et les mélodies musicales enveloppent toutes les scènes dans une atmosphère d'une singulière emprise.
Le programme se complète parfois de ballets et de scènes diverses qu'on a coutume d'appeler des "Variétés". Le résultat le plus clair de ces compléments consiste à accroître encore, et avec un rythme plus rapide, l'excitation des instincts et des passions. Si bien que les cinémas deviennent de véritables écoles qui, mieux encore que par des raisonnements, sont capables de pousser la plupart des hommes à la vertu ou au vice. Il est donc nécessaire que ces institutions servent à promouvoir les salutaires exigences de la conscience chrétienne, et qu'elles répudient tout ce qui serait de nature à blesser ou à corrompre les bonnes moeurs.
N'est-il pas évident pour tous que les scènes scandaleuses exercent une grande influence sur l'esprit des spectateurs? Elles fournissent une occasion de péché dans la mesure même où elles chantent les louanges des passions et des vices. Elles entraînent la jeunesse en dehors du droit chemin. Elles projettent une fausse lumière sur la vie. Elles énervent et ridiculisent les conseils évangéliques de perfection. Elles suppriment l'amour chaste, la sainteté du mariage, l'intimité familiale. Elles sont de nature, enfin, à susciter des préjugés et de faux jugements entre les hommes, entre les classes sociales, entre les nations et les races.
Par contre, lorsque le cinéma se met au service de l'idéal, combien salutaire n'est pas son influence! Il délasse et divertit; il encourage et stimule au bien; il donne les meilleurs conseils; il fait connaître les gloires et les actions de toutes les nations; il propose la vérité et la vertu sous un jour attrayant; il fait naître et favorise dans les diverses classes de la société, dans les divers pays et les races diverses, le désir d'une meilleure connaissance mutuelle; il soutient la cause de la justice; il entraîne tous et chacun à la vertu; enfin, il collabore de tout son pouvoir à l'élaboration d'un nouveau et meilleur statut de l'humanité.
Le caractère collectif du cinéma achève de donner toute leur gravité à ces réflexions. Le film, en effet, ne vise pas l'individu, il vise la communauté et cela à travers des circonstances de temps, de choses et de lieux singulièrement favorables pour enflammer les âmes aussi bien pour le mal que pour le bien. Et ne savons-nous pas encore assez pas expérience dans quel sens déplorable peut être entraîné cet enthousiasme collectif?
Le film, en effet, d'un rythme rapide, déroule ses images sur un écran lumineux alors que, placés en pleine obscurité, les spectateurs se livrent à un abandon qui assoupit leurs facultés de critique et leurs énergies spirituelles. Pas n'est besoin de chercher au loin ces théâtres. Ils sont là, tout proches des habitations, de l'église, des écoles, bien au coeur de la cité et dès lors exerçant une influence considérable sur la vie commune.
Les scènes qui se déroulent sur l'écran sont jouées par des hommes et des femmes que la nature a dotés de charmes exceptionnels et qu'une connaissance parfaite du métier ne fait qu'accroître. Comment, dans ces conditions, pourraient-ils alors ne pas exercer une extrême séduction sur la jeunesse? Ajoutez à tout cela l'enivrement de la musique, la somptueuse richesse des salles, le réalisme outré du spectacle, les folies des "variétés". Voilà qui suffit à expliquer la fascination et l'influence que ces spectacles exercent sur l'enfance et la jeunesse. Car c'est bien à l'âge où le sens de l'honnêteté naît et se forme, où les principes de la justice et de la probité s'imprègnent dans l'esprit, à l'âge enfin où surgit dans la conscience la notion du devoir et où enfin l'idéal exerce son action sur la vie et l'oriente, c'est à cet âge que le cinéma exerce toute sa puissance et obtient le maximum d'efficacité.
Mais, hélas! dans les circonstances actuelles, cette efficacité s'exerce trop souvent en faveur du mal. Aussi, lorsque nous songeons à la perte de tant d'enfants et de jeunes gens dont le cinéma menace la pureté et l'innocence, nous vous rappelons la parole de Jésus-Christ: "Malheur à qui scandalise un de ces petits qui croient en moi! Mieux vaudrait mille fois qu'une lourde pierre lui soit attachée au cou et qu'il soit ainsi précipité dans la mer!..."
Il est donc plus que nécessaire, aujourd'hui, de veiller attentivement et de ne rien négliger pour que le cinéma ne se transforme pas en école du vice, mais pour qu'il apporte, au contraire, une collaboration de choix à la grande oeuvre de la véritable éducation des hommes et du relèvement de la dignité des moeurs. Il importe de remarquer à ce propos, ce que nous faisons avec bonheur, que certains gouvernements ont constaté avec inquiétude l'immense influence du cinéma sur les moeurs. Ils ont alors institué des organismes spéciaux composés de personnes probes et honnêtes, choisies de préférence parmi les pères et mères de famille, et ils les ont chargés d'examiner les films produits et même d'orienter la production. Nous savons que plus d'une fois ces Comités se sont efforcés d'entraîner les producteurs à porter à l'écran les oeuvres des meilleurs auteurs de leurs pays respectifs.
Cependant, Vénérables Frères, que vos soins attentifs et vos préoccupations se portent sur l'industrie cinématographique de votre pays - puisqu'elle y a pris de si grands développements et qu'elle exerce une influence considérable sur tous les peuples. Ce n'en est pas moins le devoir de tous les Evêques de l'univers catholique de joindre et de coordonner leurs efforts pour surveiller ensemble cette forme de délassement et d'éducation dont l'influence est si considérable. Le tort que cause en ce moment le cinéma à la conscience morale et religieuse, aux préceptes de la doctrine chrétienne, leur est une raison d'interdire ces spectacles scandaleux et de ne rien omettre pour écarter, dans la mesure de leurs forces, tout ce qui blesse et amoindrit dans l'âme populaire le sens de la dignité et de l'honnêteté.
Ce devoir, d'ailleurs, n'incombe pas seulement aux Evêques; il oblige tous les catholiques et même tous les hommes de coeur qui ont le souci de la probité et de l'honneur de la famille, de la nation et de toute la société humaine.
Et maintenant examinons et exposons comment doit s'exercer cette vigilance.
Le problème du cinéma serait résolu radicalement et très heureusement si on pouvait arriver à produire des films inspirés par les principes chrétiens. Aussi, ne cesserons-nous jamais de louer ceux qui se consacrent ou qui se consacreront à cet art. Qu'ils s'efforcent toutefois de faire en sorte que leurs films expriment vraiment l'idéal chrétien et contribuent à la véritable éducation des masses! Qu'ils prennent bien garde aussi de ne pas se jeter à la légère dans ces entreprises, mais qu'ils s'y adonnent en techniciens avertis et en s'entourant de toutes les précautions voulues, de peur qu'ils ne dépensent en pure perte leurs forces et leur argent!
Cependant, d'une part, nous nous rendons bien compte des difficultés nombreuses et considérables, surtout en ces temps de crise économique, qui s'opposent à la réalisation de pareils projets; d'autre part, il est absolument nécessaire, dans l'intérêt de la religion, des moeurs et de la société civile, d'arriver à influencer la production tout entière de manière à ce qu'elle n'engendre plus les mêmes désastres. De tout quoi il résulte qu'il est nécessaire que les Evêques tournent leur sollicitude vers tous les films qui, de toutes parts, sont proposés au peupe chrétien.
Nous exhortons donc chaleureusement tous les Evêques de l'univers catholique, qui appartiennent à des pays producteurs de films, et vous-mêmes en premier lieu, Vénérables Frères, pour qu'ils exhortent paternellement tous les fidèles qui collaborent de quelque manière que ce soit à cette industrie. Que ceux-ci se rendent bien compte de la grave obligation qui leur incombe, par la nature même de leurs fonctions, et en qualité de fils de l'Eglise, de s'efforcer, dans la mesure de leurs moyens, de veiller à ce que les films qu'ils produisent ou auxquels ils collaborent soient conformes aux sains principes et aux justes préceptes. Nombreux sont certainement les catholiques qui exercent un emploi - régisseur, exécutant, auteur ou acteur - dans l'industrie du film. Il est souverainement regrettable que leur travail ne s'harmonise pas avec leur foi et avec leurs intentions. C'est pourquoi il appartiendra aux Evêques de les avertir afin que leurs actes correspondent pleinement aux exigences d'une conscience honnête et aux obligations d'un disciple de Jésus-Christ.
Dans ce champ d'apostolat comme dans tous les autres, les Evêques trouveront certainement comme excellents collaborateurs ceux qui jouent un rôle actif dans l'Action catholique. Il nous est impossible de ne pas saisir l'occasion de cette lettre pour les stimuler plus que jamais afin que dans cette nouvelle cause ils apportent sans compter leur sérieuse et indéfectible coopération.
Peut-être les Evêques feront-ils bien de rappeler aux industriels du monde du cinéma que parmi les charges qui leur incombent, figure certainement l'honnêteté des divertissements. Car ils sont chargés par mandat divin d'enseigner aux âmes qui leur sont confiées les règles de conduite qui s'imposent, même à l'occasion de leurs plaisirs. Leur charge apostolique impose aux Pasteurs l'obligation de déclarer ouvertement et publiquement que les plaisirs déshonnêtes anéantissent les forces morales d'un peuple. Si bien que ce qu'ils exigent en ces matières n'atteint pas seulement les catholiques, mais tous ceux qui fréquentent le cinéma.
A vous cependant, Vénérables Frères des Etats-Unis d'Amérique, incombe-t-il d'une manière spéciale d'obtenir des producteurs de films ce qu'ils ont spontanément promis, comme nous l'avons dit, conscients qu'ils étaient des responsabilités qui leur incombent devant l'humanité du fait du problème qui se pose et du péril qui en découle.
Quant à vous, qui à travers le monde avez reçu la dignité épiscopale, vous devez avoir à coeur de bien faire comprendre à tous ceux qui collaborent à l'industrie du film qu'une invention aussi précieuse et d'un usage aussi répandu peut grandement servir à élever la perfection morale des individus et des sociétés. Pourquoi, en effet, parler seulement de maux à éviter? Et pourquoi le cinéma devrait-il servir seulement à remplir les heures vides du repos? Ne peut-il et ne doit-il pas mettre sa merveilleuse efficacité au service de l'instruction des spectateurs et de leur entraînement à la vertu?
Nous croyons donc opportun, après avoir considéré la gravité de pareil sujet, d'en venir maintenant à des indications pratiques appropriées.
Tout d'abord que chaque Evêque obtienne qu'à l'exemple des catholiques des Etats-Unis d'Amérique les fidèles qui lui sont confiés s'engagent chaque année à ne jamais assister à la projection de films qui blessent la doctrine et les institutions chrétiennes. On choisira de préférence les églises et les écoles pour recevoir cette promesse et cet engagement. A cet effet, les Evêques feront appel à la collaboration des parents qui, dans ces questions, sont tenus à de spéciales obligations; ils demanderont aussi l'aide des écrivains à qui revient l'honneur d'exposer avec soin l'importance et l'utilité de cette sainte croisade.
Pour que cet engagement solennel obtienne une heureuse efficacité, il est absolument nécessaire que le peuple sache clairement quels sont les films permis pour tous, quels sont ceux qu'il n'est permis de voir qu'à certaines conditions, quels sont ceux, enfin, qui sont pernicieux ou franchement mauvais. Ce qui entraîne, de toute évidence, que soient établies avec ordre et publiées des listes spéciales indiquant les films selon les catégories que l'on vient d'énumérer, et que ces listes puissent être facilement connues de tous. L'idéal serait qu'une liste unique de films soit dressée pour le monde entier, puisqu'il est clair que la loi morale est la même pour tous. Cependant, puisqu'il s'agit de spectacles qui atteignent toutes les classes de la société, cultivées ou non, la masse du peuple aussi bien que les classes dirigeantes, il n'est pas contestable qu'une règle unique ne peut pas être établie pour tous. De trop grandes différences surgissent, en effet, d'après les régions, les circonstances et les conditions de vie. Dès lors, l'établissement d'un catalogue unique, obligatoire partout et pour tous, ne semble pas s'indiquer. Ce qui n'empêche que si dans chaque pays des listes sont dressées d'après les catégories qui ont été proposées, la règle générale qui s'impose, est, par le fait même, établie.
Pour atteindre ce but, il est absolument nécessaire que les Evêques constituent pour chaque pays un Office permanent. La mission de cet Office consiste à promouvoir les bons films, à classer les autres selon les catégories mentionnées, enfin à faire connaître ce jugement aux prêtres et aux fidèles. Il serait très opportun de confier cette mission au Centre national d'Action catholique qui, aux yeux de tous, dépend de la hiérarchie. Quoi qu'il en soit, une chose est certaine, c'est que si l'on veut que pareil travail soit fait avec autorité et selon toutes les règles, il faut que cet Office soit unique pour chaque pays et conduit par un seul chef.
Cependant, si de graves raisons l'exigent réellement, il reste loisible aux Evêques d'organiser, chacun pour son diocèse, une Commission diocésaine en vue de porter le jugement plus sévère que réclame le caractère particulier de la région en cause, en interdisant, par exemple, des films que le catalogue national indiquait comme permis, parce qu'il devait s'en tenir à des règles s'appliquant au pays tout entier.
L'Office en question veillera, en outre, à ce que les cinémas paroissiaux, ou bien qui sont établis dans les locaux d'oeuvres, ne puissent disposer que des films autorisés. En imposant, en effet, à ces cinémas une discipline et une organisation sérieuses, ces salles deviendront, pour les producteurs, une clientèle désirable, et de cette manière il sera possible d'exiger que les producteurs éditent des films qui répondent pleinement à nos voeux. Et pourquoi des films pareils passeraient-ils seulement dans les salles catholiques et pourquoi ne feraient-ils pas carrière dans les salles publiques?
Nous n'ignorons certes pas que la création de l'Office permanent, ici visé, entraînera pour le peuple fidèle une lourde besogne et de grands frais. Cependant, le problème est si grave et si impérieuse la nécessité de protéger la vertu du peuple chrétien et l'honnêteté de tout le pays que labeurs et dépenses sont plus que justifiés. Car l'affreuse plaie du cinéma pervers suffit à émousser et à rendre vains et l'effort de nos écoles, et les travaux de toute l'Action catholique, et l'influence du ministère sacerdotal lui-même.
Il importe aussi de remarquer que l'Office dont nous parlons doit grouper des hommes au courant des choses du cinéma, en même temps que profondément imbus des principes chrétiens. Un prêtre désigné par l'Episcopat dirigera et conduira cette équipe.
En outre, des relations mutuelles s'établiront très utilement entre ces organismes nationaux. Ils échangeront leurs expériences et les jugements portés sur les films. Ces rapports rendront plus efficace le travail de chacun. Quoiqu'il faille tenir compte avec soin de la diversité des choses, des lieux et des circonstances, cependant les esprits et les coeurs se rapprocheront. C'est ainsi qu'il sera possible, avec le concours de tous les journalistes catholiques, d'arriver un jour à une heureuse unité dans la manière de sentir, de juger et d'agir.
Ces mêmes Offices profiteront utilement, non seulement de l'expérience et des événements qui se sont passés dans les Etats-Unis d'Amérique, mais aussi de tous les travaux qu'entreprennent dans le domaine du cinéma les catholiques du monde entier. S'il arrivait que les membres de l'Office - quoique animés des meilleures intentions - payant leur tribut à la fragilité humaine vinssent à s'écarter du droit chemin, les Evêques s'emploieront avec la prudence pastorale voulue à redresser efficacement les erreurs commises. Ils veilleront de toutes leurs forces à protéger l'autorité et le bon renom de l'Office, soit en désignant un nouveau membre d'un prestige plus éclatant, soit en remplaçant par des hommes choisis les membres qui se seraient montrés incapables de remplir une charge aussi importante.
Ainsi donc, si les Evêques de l'univers catholique prennent en mains cette question, de telle sorte qu'ils adaptent leur sollicitude pastorale aux règles que nous venons d'édicter - et nous connaissons assez leur zèle apostolique pour ne pas en douter un instant - il est manifeste qu'ils auront fait oeuvre éminemment utile pour la protection des bonnes moeurs de leurs ouailles pendant les heures de divertissement. Ils emporteront, en outre, l'approbation et ils jouiront de la collaboration de tous les hommes de coeur, non seulement parmi les catholiques, mais parmi ceux qui ne partagent pas nos croyances. Si bien que chacun pour sa part aura contribué à ce que le cinéma, cette puissance inouïe qui atteint tous les peuples, serve désormais à soutenir l'idéal et à encourager les généreux efforts vers une vie plus haute.
Pour que se réalisent ces voeux et ces présages qui jaillissent d'une âme paternelle, nous implorons avec instance le secours de la grâce divine, en gage de laquelle nous vous donnons de tout coeur, à vous-mêmes, Vénérables Frères, à tout le clergé et à tout notre peuple, la bénédiction apostolique.
Donné à Rome, près de Saint-Pierre, en la fête des saints apôtres Pierre et Paul, en l'an 1936, quinzième de notre Pontificat.
PIE XI.
Lettres encycliques du pape PIE XI - NOTES