Textes de 4 Encycliques de Pie XII - LE CRITIQUE CINÉMATOGRAPHIQUE
Le travail du critique cinématographique catholique sera très utile en cette matière. Celui-ci ne manquera pas de mettre l'accent sur le point de vue moral et de formuler ses jugements en évitant de glisser dans un déplorable relativisme moral et de négliger la hiérarchie des valeurs.
Il serait regrettable que les journaux et les périodiques catholiques en parlant des spectacles, n'informent pas leurs lecteurs de la valeur morale de ceux-ci.
Outre les spectateurs qui avec chaque billet d'entrée comme avec un bulletin de vote font un choix entre le bon et le mauvais cinéma, une grande part de responsabilité incombe aux exploitants des salles de cinéma et aux distributeurs de films.
Nous savons les difficultés que doivent actuellement affronter les exploitants pour de nombreuses raisons, entre autres à cause du développement de la télévision; mais même dans ces circonstances difficiles ils doivent se rappeler que la conscience ne leur permet pas de présenter des films contraires à la foi et à la morale, ni d'accepter des contrats qui les obligent à les projeter. Dans de nombreux pays, il se sont louablement engagés à ne pas accepter les films jugés dangereux ou mauvais: Nous espérons qu'une initiative si opportune pourra s'étendre partout et qu'aucun exploitant catholique n'hésitera à lui donner son adhésion.
Nous devons encore rappeler avec insistance le grave devoir d'exclure la publicité commerciale insidieuse ou indécente, même si elle est faite, comme il arrive parfois, à l'occasion de films qui ne sont pas mauvais. "Qui pourrait dire quelles ruines dans les âmes, spécialement juvéniles, provoquent de semblables images, quelles pensées, quels sentiments impurs elles peuvent susciter, combien elles contribuent à la corruption du peuple, au préjudice grave de la prospérité même de la Nation?". 41
Il est évident que les salles cinématographiques dépendant de l'Autorité ecclésiastique, devant assurer aux fidèles et particulièrement à la jeunesse des espectacles éducatifs et une ambiance saine, ne pourront pas présenter de films qui ne soient sans reproche au point de vue moral.
En veillant attentivement sur l'activité de ces salles, même si elles dépendent de religieux exempts mais sont ouvertes au public, les Evêques rappelleront aux Ecclésiastiques responsables que pour assurer les buts de leur apostolat tellement recommandé par le Saint Siège, il est nécessaire que de leur part les lois portées à cette fín soient observées de façon scrupuleuse et avec esprit de désintéressement. Il est aussi vivement recommandable que les salles catholiques s'unissent en associations, comme il a été fait de façon louable en certains pays, afin de pouvoir plus efficacement protéger leurs intérêts communs et mettre en pratique les directives de l'Office national.
Les recommandations que Nous avons données aux exploitants s'appliquent aussi aux distributeurs qui, finançant souvent les productions elles-mêmes, auront de plus grandes possibilités et par conséquent un devoir plus grave de donner leur appui au cinéma moralement sain. La distribution en effet ne peut en aucune manière être considérée comme une pure fonction technique, parce que le film, comme Nous l'avons déjà rappelé à plusieurs reprises, n'est pas une simple marchandise mais une nourriture intellectuelle et une école de formation spirituelle et morale des masses. Le distributeur et le loueur participent en conséquence aux mérites et aux responsabilités morales pour tout ce qui regarde le bien ou le mal accomplit par le cinéma.
Une part considérable de responsabilité dans l'amélioration du cinéma revient aussi à l'acteur qui, respectueux de sa dignité d'homme et d'artiste, ne peut se prêter à interprêter des scènes licencieuses ni donner sa coopération à des films immoraux. Et quand l'acteur a réussi à s'affirmer par son art et par son talent, il doit profiter de la réputation justement acquise pour susciter dans le public de nobles sentiments, donnant avant tout dans sa vie privée l'exemple de la vertu. "Elle est bien compréhensible, disions-Nous Nous-même dans un discours à des artistes, l'émotion intense faite de joie et de fierté qui envahit votre âme en face du public tout entier tendu vers vous, suspendu, applaudissant, frémissant". 42 Ce sentiment légitime ne peut cependant autoriser l'acteur chrétien à accepter de la part d'un public inconscient des manifestations qui ressemblent à de l'idôlatrie et au sujet desquelles vaut également l'avertissement du Sauveur "Que votre lumière brille devant les hommes de telle sorte qu'ils voient vos bonnes oeuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux". 43
Les plus grandes responsabilités - bien que sur des plans différents - sont toutefois celles des producteurs et metteurs en scène. La conscience de ces responsabilités ne doit pas être un obstacle, mais plutôt un encouragement pour les hommes de bonne volonté qui disposent des moyens financiers ou des talents requis pour la production des films.
Souvent les exigences de l'art imposeront aux responsables de la production et de la mise en scène de difficiles problèmes moraux et religieux qui, pour le bien spirituel des spectateurs et la perfection de l'oeuvre elle-même demanderont un jugement et des conseils compétents, avant même que le film ne soit réalisé ou pendant sa réalisation.
Qu'ils n'hésitent donc pas à demander conseil à l'Office catholique du Cinéma, qui se tiendra volontiers à leur disposition, délégant même, s'il est nécessaire et avec les précautions qui s'imposent, un conseiller religieux expert. La confiance dans l'Eglise ne diminuera certes pas leur autorité et leur prestige. "La foi, Jusqu'à la fin, défendra la personnalité de l'homme", 44 et même dans le domaine de la création artistique, la personnalité humaine s'enrichit et se perfectionne à la lumière de la doctrine chrétienne et de la règle morale.
Il ne sera pas toutefois admis que les ecclésiastiques se prêtent à collaborer avec les producteurs cinématographique sans un mandat spécial des Supérieurs, étant donné qu'il faut évidemment pour cet office de conseiller une compétence particulière et une préparation adéquate, dont l'appréciation ne peut-être laissée à la liberté de chacun.
Aux producteurs et aux metteurs en scène catholiques Nous demandons de ne pas permettre la réalisation de films contraires à la foi et à la morale chrétienne, mais si, ce qu'à Dieu ne plaise, cela arrivait, les Evêques ne manqueront pas de leur faire des remontrances et même de prendre, s'il le fallait, des sanctions opportunes.
Nous sommes cependant convaincu que le remède le plus radical pour diriger efficacement le cinéma vers les hauteurs du "film idéal" est l'approfondissement de la formation chrétienne de tous ceux qui participent à la création des oeuvres cinématographiques.
Que les auteurs de films s'approchent des sources de la grâce, qu'ils assimilent la doctrine de l'Evangile, qu'ils prennent connaissance de tout ce que l'Eglise enseigne sur les réalités de la vie, sur le bonheur et sur la vertu, sur la douleur et sur le péché, sur le corps et sur l'âme, sur les problèmes sociaux et sur les aspirations humaines: ils verront alors s'ouvrir devant eux des voies nouvelles et lumineuses, des inspirations fécondes pour des oeuvres fascinantes et de valeur permanente.
Il faudra donc favoriser et multiplier les initiatives et les manifestations destinées à développer età intensifier leur vie intérieure, ayant avant tout un soin particulier de la formation chrétienne des jeunes qui se préparent aux professions cinématographiques .
A la fin de ces considérations spéciales sur le cinéma, Nous exhortons les autorités civiles à n'aider en aucune manière la production ou la mise au programme de films immoraux et à encourager par des mesures appropriées les bonnes productions, spécialement pour la jeunesse. Parmi les dépenses considérables faites par l'Etat dans des buts éducatifs ne peut manquer l'effort nécessaire à la solution positive d'un problème d'éducation si important.
En certains pays et à l'occasion des Expositions internationales, on distribue des prix aux films qui se distinguent par leur valeur éducative et spirituelle: Nous voulons espérer que Nos avertissements contribueront à unir les forces du bien afin que tous les films qui le méritent reçoivent le prix de la faveur commune et de la reconnaissance.
Avec non moins de sollicitude Nous désirons vous exprimer, Vénérables Frères, nos préoccupations relatives à l'autre grand moyen de diffusion contemporaine du cinéma, à savoir la radio.
Tout en n'ayant pas à sa disposition la richesse d'éléments spectaculaires et les avantages des conditions de milieu qu'offre le cinéma, la radio possède d'autres grandes possibilités qui n'ont pas encore été complètement exploitées.
Ainsi que Nous le disions au personnel d'un Organisme radiophonique "Elle a le privilège d'être comme affranchie des conditions d'espace et de temps qui empêchent ou retardent tous les autres moyens de communication entre les hommes. Avec une aile infiniment plus prompte que les ondes sonores, rapide comme la lumière, elle porte en un instant, franchissant toute frontière, les messages qui lui sont confiés". 45
Perfectionnée par des progrès toujours nouveaux, elle rend d'inestimables services dans les divers domaines de la technique, permettant même de diriger à distance, vers des buts préétablis, des engins sans pilote. Nous considérons cependant que le plus noble service auquel elle a été appelée est celui d'éclairer et d'éduquer l'homme en dirigeant son esprit et son coeur vers des sphères toujours plus élevées de l'esprit.
Le fait de pouvoir entendre d'autres hommes et suivre des évènements lointains tout en demeurant chez soi, et participer à distance aux manifestations les plus variées de la vie sociale et culturelle, correspond à un profond désir de l'homme.
Il n'est donc pas étonnant que tant de maisons se soient rapidement équipées d'appareils radiophoniques, qui permettent d'ouvrir une mystérieuse fenêtre sur le vaste monde d'où arrivent jour et nuit des échos de la vie qui palpite dans les diverses cultures, langues et nations, sous la forme d'innombrables programmes riches de nouvelles, d'interviews, de conférences, de transmissions d'actualité et d'art, de chant et de musique.
"Quel privilège et quelle responsabilité -- disions-Nous dans un récent discours -- pour les hommes de ce siècle, et quelle différence entre les jours lointains où l'enseignement de la vérité, le précepte de la fraternité, les promesses de la béatitude éternelle, suivaient le pas lent des Apôtres sur les àpres sentiers du vieux monde, et aujourd'hui où l'appel de Dieu peut atteindre au même instant des millions d'hommes"! 46
C'est une chose excellente que les fidèles profitent de ce privilège de notre siècle et jouissent des richesses de l'instruction, du divertissement, de l'art, et de la parole de Dieu elle-même, que la radio peut apporter, pour étendre leurs connaissances et dilater leurs coeurs.
Tout le monde sait quelle vertu éducative peuvent avoir les bonnes transmissions; mais l'usage de la radio comporte en même temps des responsabilités, parce qu'elle aussi, comme les autres techniques, peut être employée pour le bien et pour le mal. On peut appliquer à la radio la parole de l'Ecriture: "Par elle nous bénissons Dieu notre Père et par elle nous maudissons les hommes qui ont été faits à l'image de Dieu. De la même bouche sort la bénédiction et la malédiction". 47
Le premier devoir de qui écoute la radio est donc un choix avisé des programmes, L'émision radiophonique ne doit pas être une intruse mais une amie qui entre au foyer sur une invitation consciente et libre. Malheur à celui qui ne sait choisir les amis à introduire dans le sanctuaire de la famille. Les transmissions admises dans la maison devront être seulement celles qui apportent la vérité et le bien, qui ne détournent pas mais au contraire aident les membres de la famille dans l'accomplissement de leurs devoirs personnels et sociaux et qui, s'il s'agit de jeunes et d'enfants, loin de leur nuire, fortifient et prolongent l'oeuvre sainement éducative des parents et de l'école.
Les Offices catholiques nationaux de la radio chercheront avec l'aide de la presse catholique, à informer d'avance les fidèles sur la valeur des transmissions. Ces informations préventives ne seront pas toutefois partout possibles, et auront souvent simple valeur indicative, parce que la composition de certains programmes ne peut facilement être connue d'avance.
Les pasteurs d'âmes rappelleront à cause de cela aux fidèles que la loi de Dieu interdit d'écouter les transmissions qui font tort à leur foi ou à leur vie morale et exhorteront ceux qui ont la charge de la jeunesse à la vigilance et à la sage éducation du sens de la responsabilité dans l'usage de l'appareil récepteur placé à la maison.
Les Evêques ont en outre le devoir de mettre en garde les fidèles contre les Stations émettrices qui défendent notoirement des principes contraires à la foi catholique.
Le second devoir de l'auditeur est de faire connaître aux responsables des programmes ses légitimes désirs et ses justes obligations. Ce devoir résulte clairement de la nature même de la radio, qui peut facilement créer une relation à sens unique de qui transmet à qui écoute.
Les méthodes modernes de sondage de l'opinion publique, en permettant de mesurer le degré d'intérêt qu'ont suscité chacune des transmissions, sont certes d'une grand secours aux responsables des programmes; mais l'intérêt plus ou moins vif suscité dans le public peut être souvent dû à des causes transitoires ou à des impulsions peu raisonnables et ne doit donc pas être considéré comme un indice sûr de la juste règle d'action.
Les auditeurs doivent donc collaborer à la formation d'une opinion publique éclairée capable d'exprimer de façon convenable approbations, encouragements et objections, et contribuer à ce que la radio, conformément à sa mission éducative, se mette "au service de la vérité, de la moralité, de la justice, de l'amour". 48
Tel est le devoir de toutes les Associations catholiques qui chercheront à défendre efficacement les intérêts des fidèles dans ce domaine. Dans les pays où les circonstances le conseillent on pourra en outre promouvoir des associations d'auditeurs et de spectateurs, en dépendance des Offices nationaux du Cinéma, de la Radio et de la Télévision.
C'est enfin le devoir des auditeurs de la radio d'appuyer les bonnes transmissions et avant tout celles qui portent Dieu dans les coeurs des hommes. Aujourd'hui, quand sur les ondes s'agitent violemment des doctrines erronées, quand des brouillages intentionnels créent dans l'éther un "rideau de fer" sonore, dans le but d'empêcher que par cette voie pénètre la vérité qui pourrait ébranler la tyrannie du matérialisme athée, quand des millions d'hommes attendent encore l'aube de la bonne nouvelle ou d'une plus ample instruction sur leur foi, quand les malades ou ceux qui sont autrement empêchés attendent anxieusement de s'unir aux prières de la communauté chrétienne et au Sacrifice du Christ, comment les fidèles, surtout ceux qui par l'usage quotidien connaissent les avantages de la radio, pourraient-ils ne pas se montrer généreux pour favoriser de tels programmes?
Nous savons tout ce qui a été fait et tout ce qui se fait dans divers pays pour développer les programmes catholiques à la Radio. Nombreux sont, grâce à Dieu, les ecclésiastiques et les laïques qui se sont faits pionniers dans ce domaine, en assurant aux transmissions religieuses la place qui correspond au primat des valeurs religieuses sur les autres choses humaines.
Aussi considérant attentivement les possibilités que Nous offre la radio pour l'apostolat et poussés par le commandement du Divin Rédempteur: "Allez dans le monde entier; prêchez l'Evangile à toute créature", 49 Nous ne pouvons que vous exhorter paternellement, Vénérables Frères, à augmenter et à perfectionner encore, selon les nécessités et les possibilités locales, les transmissions religieuses.
Et parce que la digne présentation à la Radio des cérémonies religieuses, des vérités de la foi et des informations sur la vie de l'Eglise, requiert, outre la vigilance convenable, des talents et des compétences particuliers, il faudra préparer avec un soin spécial les prêtres et les laïcs destinés à cette importante activité.
Dans ce but seront organisés selon les besoins, dans les pays où les catholiques disposent d'installations modernes et d'une plus longue expérience, des cours spéciaux de formation qui permettront aux candidats, même étrangers, d'acquérir l'habileté professionnelle requise pour assurer aux transmissions religieuses un niveau artistique et technique élevé.
Les Offices nationaux eux-mêmes pourvoieront au développement et à la coordination des programmes religieux de leurs nations et collaboreront, autant que possible, avec les responsables des diverses stations d'émission, en veillant attentivement sur la moralité des programmes.
Au sujet de la participation des ecclésiastiques, même s'ils sont religieux exempts, aux transmissions de radio et de télévision, les Evêques pourront porter les ordonnances utiles et en confier l'exécution aux Offices nationaux.
Nous adressons volontiers un encouragement particulier aux Stations catholiques. Tout en connaissant les nombreuses difficultés qu'elles doivent affronter, Nous avons confiance qu'elles poursuivront courageusement, dans la collaboration mutuelle, leur oeuvre apostolique, que Nous apprécions au plus haut point.
Nous-même avons cherché à amplifier et à perfectionner Notre méritante Radio Vaticane, dont l'activité, comme Nous l'avons dit aux généreux catholiques hollandais, correspond "au désir intime et à la nécessité vitale de tout l'univers catholique". 50
Nous adressons en outre à tous les hommes de bonne volonté responsables des programmes Notre remerciement pour la compréhension que beaucoup d'entre eux ont montré, en mettant volontiers à la disposition de la Parole de Dieu le temps opportun et les moyens techniques nécessaires. En agissant de la sorte ils ont part aux mérites de l'apostolat qui s'exerce sur les ondes de leurs émetteurs, selon la promesse du Seigneur: "Celui que reçoit un prophète en tant que prophète aura une récompense de prophète". 51
Aujourd'hui les transmissions de qualité requièrent l'emploi d'un art véritable; les directeurs des programmes et tous ceux qui participent à leur préparation et à leur exécution ont donc besoin d'une vaste culture. A eux aussi s'adresse donc Notre avertissement, analogue à celui fait aux professionnels du cinéma, de profiter largement des richesses de la culture chrétienne. Les Evêques rappelleront enfin aux autorités d'Etat leur devoir de garantir de manière convenable la diffusion des transmissions religieuses, en tenant compte particulièrement du caractère sacré des jours de fête et aussi des besoins spirituels quotidiens des fidèles.
En dernier lieu, Vénérables Frères, Nous voulons vous entretenir brièvement de la télévision qui a connu, précisément sous Notre Pontificat, un prodigieux développement dans certains pays, pénétrant aussi graduellement dans toutes les nations.
Nous avons suivi ce développement, qui marque sans aucun doute une étape importante dans l'histoire de l'humanité, avec un vif intérêt, de grandes espérances et de graves préoccupations, d'une part en louant dès le début les grands avantages et les possibilités nouvelles, et d'autres part en prévenant et en indiquant les dangers et les abus.
La télévision a beaucoup de points communs avec le cinéma, en tant qu'elle offre à la vue un spectacle de vie et de mouvement; il n'est pas rare en effet qu'elle recourre à l'usage du film. Sous d'autres aspects, elle participe de la nature et des fonctions de la radio, car elle s'adresse à l'homme à l'intérieur de sa maison plus que dans les salles publiques.
Il n'est donc pas nécessaire que Nous répétions ici les recommandations que Nous avons faites à propos du cinéma et de la radio, sur les devoirs des spectateurs, des auditeurs, des producteurs et des autorités publiques. Il n'est pas besoin non plus que Nous renouvelions Nos avertissements au sujet du soin dû à la préparation des programmes religieux et à leur accroissement.
Nous savons l'intérêt que porte un vaste public aux transmissions catholiques de télévision. Il est évident que la participation par télévision à la Sainte Messe -- comme Nous l'avons dit il y a quelques années 52 -- n'est pas la même chose que l'assistance physique au Divine Sacrifice, requise pour satisfaire au précepte dominical. Toutefois les fruits abondants, d'augmentation de la foi et de sanctifiaction des âmes, qui proviennent des transmissions télévisées des cérémonies liturgiques pour ceux qui ne pourraient y participer, Nous incitent à encourager ces transmissions.
Ce sera le devoir des Evêques de chaque pays de juger de l'opportunité des diverses transmissions religieuses et d'en confier la réalisation à l'Office national compétent, lequel, comme dans les secteurs précédents, déploiera une activité convenable d'information, d'éducation, de coordination et de vigilance sur la moralité des programmes.
La télévision, outre les aspects communs aux deux précédentes techniques de diffusion, possède aussi ses caractéristiques propres. Elle permet en effet de participer par l'ouïe et par la vue, à l'instant même où ils se passent, aux évènements lointains, d'une façon suggestive, qui s'apparente à un contact personnel, et le sentiment de proximité s'accroît grandement à cause de l'intimité de la vie familiale.
Il faut donc tenir le plus grand compte de ce caractère suggestif des transmissions télévisées dans l'intimité du sanctuaire familial, où leur influence sera incalculable sur la formation de la vie spirituelle, intellectuelle et morale des membres de la famille elle-même, et surtout des enfants, qui subiront inévitablement la fascination de la nouvelle technique. S'il est vrai qu'"une petite quantité de levain transforme la masse", 53 et que dans la vie physique des jeunes un germe d'infection peut empêcher le développement normal du corps, combien plus un élément mauvais dans l'éducation peut-il en compromettre l'équilibre spirituel et le développement moral! Et qui sait combien souvent le même enfant qui résiste à la contagion d'une maladie sur la rue se montre privé de résistance si la source de contagion se trouve dans sa maison?
La sainteté de la famille ne peut être objet de compromis et l'Eglise ne se lassera pas, selon son plein droit et son devoir, d'employer toutes ses forces afin que le sanctuaire n'en soit pas profané par le mauvais usage de la télévision.
Avec le grand avantage de maintenir plus facilement grands et petits à l'intérieur du foyer domestique, la télévision peut contribuer à renforcer les liens d'amour et de fidélité dans la famille, mais toujours à condition qu'elle ne diminue pas les vertus même de fidélité, de pureté et d'amour.
Il ne manque pourtant pas de gens qui considèrent comme impossible, au moins à présent, de réaliser d'aussi nobles exigences. L'engagement pris avec les spectateurs, disent-ils, demande de remplir à tout prix le temps prévu pour les transmissions. La nécessité d'avoir à sa disposition un vaste choix de programmes oblige à recourir aussi aux spectacles qui, initialement, étaient destinés aux salles publiques. La télévision, enfin, n'est pas seulement pour les jeunes mais aussi pour les adultes. Les difficultés sont réelles, mais leur solution ne peut être renvoyée à une période ultérieure, quand le manque de discrétion dans l'usage de la télévision aura provoqué de très graves dommages aux individus et à la société, dommage qu'il n'est jusqu'ici pas encore possible de bien mesurer.
Pour que l'on puisse arriver à une telle solution à mesure que la technique elle-même s'introduit dans les divers pays, il faudra avant tout accomplir un effort intense pour préparer des programmes qui correspondent aux exigences morales, psychologiques et techniques de la télévision.
Nous invitons en conséquence les catholiques qui se distinguent dans le domaine de la culture, de la science et de l'art, et en premier lieu le clergé et les Ordres et Congrégations religieuses, à prendre acte de la nouvelle technique et à fournir leur collaboration pour que la télévision puisse puiser aux richesses spirituelles du passé et à celles de tout progrès authentique.
Il faudra en outre que les responsables des programmes de la télévision non seulement respectent les principes religieux et moraux, mais tiennent compte du danger que des transmissions destinées aux adultes pourraient présenter pour des jeunes. Dans d'autres domaines, comme il arrive par exemple pour le cinéma ou pour le théâtre, les jeunes sont dans la plupart des pays civilisés, protégés par des mesures préventives appropriées contre les spectacles inconvenants. Logiquement et à plus forte raison, il faudra que soient assurés à la télévision les avantages d'une vigilance avisée. Dans le cas où on n'excluerait pas des transmissions télévisées, comme on l'a fait d'ailleurs de façon louable en certains pays, des spectacles interdits aux mineurs, il sera indispensable d'établir au moins des mesures de précaution.
Toutefois, même la bonne volonté et la conscience professionnelle de celui qui transmet ne sont pas suffisantes pour assurer le plein profit de la merveilleuse technique du petit écran, ni pour éloigner tout péril. Irremplaçable est la vigilance de celui qui reçoit. La modération dans l'usage de la télévision, l'admission prudente des enfants selon leur âge, la formation de leur jugement sur les spectacles vus, et enfin leur éloignement des programmes qui ne leur conviennent pas, incombent comme un grave devoir de conscience aux parents et aux éducateurs.
Nous savons bien que ce dernier point spécialement pourra créer des situations délicates et difficiles, et le sens pédagogique demandera souvent aux parents de donner le bon exemple même au prix de sacrifices personnels en renonçant à certains programmes. Mais serait-ce trop de demander aux parents un sacrifice quand se trouve en jeu le bien suprême de leurs enfants?
Il sera donc "plus que jamais nécessaire et urgent -- comme Nous l'avons écrit aux Evêques d'Italie -- de former chez les fidèles une connaissance exacte des devoirs chrétiens au sujet de l'usage de la télévision", 54 afin que celle ci ne serve jamais à la diffusion de l'erreur et du mal, mais devienne "un instrument d'information, de formation, de transformation". 55
Nous ne pouvons conclure les enseignements que Nous venons de donner sans rappeler quelle importance a l'oeuvre du prêtre dans l'action que l'Eglise doit déployer en faveur des techniques de diffusion et par leur moyen, comme dans tous les autres champs d'apostolat.
Le prêtre doit connaître les problèmes que le cinéma, la radio et la télévision posent aux âmes. "Le prêtre qui a charge d'âmes - disions-nous aux membres de la Semaine d'Adaptation Pastorale en Italie - peut et doit savoir ce qu'affirment la science, l'art et la technique modernes en tant que cela concerne la fin et la vie religieuse et morale de l'homme". 56 Il doit savoir s'en servir quand, au jugement prudent de l'Autorité Ecclésiastique, la nature de son ministère sacré et la nécessité d'atteindre un plus grand nombre d'âmes le demande. Il doit enfin, s'il en use pour soi, donner à tous les fidèles l'exemple de la prudence, de la tempérance et du sens de sa propre responsabilité.
Nous avons voulu vous confier, Vénérables Frères, Nos préoccupations, que vous partagez certainement, sur les dangers qu'un usage mal réglé des techniques audio-visuelles peut constituer pour la foi et pour l'intégrité morale du peuple chrétien.
Nous n'avons pas manqué cependant de relever les côtés positifs de ces modernes et puissants moyens de diffusion. Nous avons dans ce but exposé, à la lumière de la doctrine chrétienne et de la loi naturelle les principes informateurs qui doivent régler et diriger aussi bien l'action des responsables dans les mains de qui se trouvent les techniques de diffusion, que la conscience du public qui s'en sert. Et c'est précisément pour orienter vers le bien des âmes ces dons de la Providence que Nous vous avons paternellement exhortés non seulement à la vigilance de votre office mais aussi à des interventions positives. Le devoir en effet des Offices nationaux, que Nous vous recommandons encore une fois, ne sera pas seulement de préserver et de défendre, mais aussi et surtout de diriger, de coordonner et d'assister les nombreuses oeuvres éducatives, nées dans les divers pays pour pénétrer d'esprit chrétien le secteur si complexe et si vaste des techniques de diffusion.
Nous ne doutons donc pas, confiants que Nous sommes dans la victoire de la cause de Dieu, que Nos dispositions présentes, dont Nous confions la fidèle exécution à la Commission Pontificale pour le cinéma, la radio et la télévision, susciteront un esprit nouveau d'apostolat dans un domaine si riche de promesses.
Avec cette espérance, fortifiée par votre zèle pastoral qui Nous est bien connu, Nous vous accordons de grand coeur, à Vous, Vénérables Frères, au clergé et au peuple confiés à vos soins, et en particulier à ceux qui s'appliquent à répondre à Nos voeux et à Nos directives, la Bénédiction Apostolique, propitiatrice de grâces célestes.
Donné à Rome, près de Saint Pierre,
le 8 septembre, en la fête de la Nativité de la Vierge Marie, l'an 1957,
de Notre Pontificat le dix-neuvième.
1 S. IOAN. CHRYS., De consubstantiali, contra, Anomoeos: P. G., 48, 810.
2 Ephes. III, 8-9.
3 I Petr. I, 18-19.
4 Radiophonicum nuntium Qui arcano, d. 12 Februarii, a. 1931: A. A. S., vol. XXIII, 1931, pag. 65.
5 Epist. Enc. Vigilanti cura, d. 29 Iunii, a. 1936: A. A. S., vol. XXVIII, 1936, pag. 249 sq.
6 Ibid. pag. 251.
7 Cfr. A. A. S., d. 16 Decembris, a. 1954, vol. XLVI, 1954, pag. 783-784.
8 Cfr. Sermo ad catholicos Hollandiae, d. 19 Maii, a. 195O habitus: Discorsi e Radiomessaggi di S. S. Pio XII, vol. XII, pag. 75.
9 Rom. X, 16.
10 MATTH. XXII, 16.
11 Cfr. Sermo ad cultores cinematographicae artis ex Italia Romae congregatos, d. 21 Iunii, a. 1955: A. A. S., vol. XLVII, 1955. pag. 504.
12 Cfr. MATTH., XI, 30.
13 Cfr. Sermo ad radiophonicae artis cultorum coetum, d. 5 Maii, a. 1950 ex omnibus Nationibus Romae habitum: Discorsi e Radiomessaggi di S. S. Pio XII, vol. XII, pag. 54.
14 Rom. V, 5.
15 Cfr. MATTH. V, 48.
16 Litt. Apost. d. 12 Ianuarii, a. 1951: A. A. S., vol XLV, 1952, pag. 216-217.
17 Ibid. pag. 216.
18 MATTH. XIII, 27.
19 MATTH. XIII, 28.
20 I Thess. V, 21-22.
21 Cfr. Sermo, quinto exeunte saeculo ab Angelici obitu, in Aedibus Vaticanis habitus d. 20 Aprilis, a. 1955: A. A. S., vol. XLVII, 1955, pag. 291-292; Litt. Enc. Musicae Sacrae, d. 25 Decembris, a. 1955: A. A. S., vol. XLVIII, 1956, pag. 10.
22 Cfr. Rom. 11, 15.
23 Sermo ad cultores artis cinematographicae ex Italia Romae congregatos, d. 21 Iunii, a. 1955: A. A. S., vol. XLVII, 1955, pag. 505.
24 S. THOM., Summ. Theol., I. q. 1, a. 9.
25 Cfr. Ibid. I, q. 67, a. 1.
26 Sermo ad sodales Radiophonicae Societatis Italiae, d. 3 Decembris, a. 1944 habitus: Discorsi e Radiomessaggi di S. S. Pio XII, vol. VI, pag. 209.
27 Sermo ad Nationum Societatis Consilium publicis ordinandis nuntiis, d. 24 Aprilis, a. 1956 habitus: Discorsi e Radiomessaggi di S. S. Pio XII, vol. XVIII, pag. 137.
28 Cfr. IOAN. VIII, 32.
29 Cfr. Nuntius radiophonicus ad christifideles Columbianae Reipublicae, d. 11 Aprilis, a. 1953 habitus, cum Statio Radiophonica Sutacentiae inaugurabatur: A. A. S., vol. XLV, 1953, pag. 294.
30 Ep. Enc. Vigilanti cura, d. 29 Iunii, a. 1936: A. A. S., vol. XXVIII, 1936, pag. 255.
31 Ep. Enc. Vigilanti cura: ibid. pag. 254.
32 Cfr. Adhortatio de televisione, d. 1 Ianuarii, a. 1954: A. A. S., vol. XLIV, a. 1954, pag. 21.
33 Cfr. Sermo ad moderatores, docentes, et cultores Consociationis ex omnibus Nationibus Institutorum Archaeologiae, Historiae, et Artis Historiae, d. 9 Martii, a. 1956, habita: A. A. S., vol. XLVIII, 1956, pag. 212.
34 4 Ep. Enc. Vigilanti cura, d. 29 Iunii, a. 1936: A. A. S., vol. XXVIII, 1936, pag. 261.
35 Cfr. Sermo ad cinematographicae artis cultores ex Italia Romae congregatos, d. 21 Iunii, a. 1955: A. A. S., vol. XLVII, 1955, pag. 501-502.
36 Cfr. Sermo ad cinematographicae artis cultores, d. 28 Octobris, a. 1955, Romae congregatos: A. A. S., vol. XLVII, 1955, pag. 817.
37 Cfr. Sermones d. 21 Iunii et 28 Octobris, a. 1955 habiti: ibid., pag. 502-505 et 816 sq.
38 Ep. Enc. Vigilanti cura, d. 29 Iunii, a. 1936: A. A. S., vol. XXVIII, 1936, pag. 260-261.
39 Cfr. Sermo ad cultores cinematographicae artis ex Italia Romae congregatos, d. 21 Iunii, a. 1955: A. A. S., vol. XLVII, 1955, pag. 512.
40 Ep. Enc. Vigilanti cura, d. 29 Iunii, a. 1936: A. A. S., vol. XXVIII, 1936, pag. 260.
41 Cfr. Pii XII sermo ad Urbis Parochos sacrosque per Quadragesimae tempus Oratores die 5 Martii 1957 habitus: vide diarium L'Osservatore Romano, 6 Martii 1957.
42 Cfr. Sermo de arte scaenica d. 26 Augusti, a. 1945 habitus: Discorsi e Radiomessaggi di S. S. Pio XII, vol. VII, pag. 157.
43 MATTH. V, 16.
44 Cfr. Epist. Pii XII ad christifideles Germaniae, ob conventum "Katholikentag" appellatum, Berolinum congregatos die 10 Augusti, a. 1952: A. A. S., vol. XLIV, 1952, pag. 725.
45 Cfr. Sermo d. 3 Decembris, a. 1944 habitus: Discorsi e Radiomessaggi di S. S. Pio XII, vol. VI, pag. 209.
46 Cfr. Nuntius radiophonicus ad eos qui interfuerunt tertio generali conventui de communicationibus inter cives et nationes, sexagesimo volvente anno a radiotelegraphia inventa, Genuae habito: A. A. S., vol. XLVII, 1955, pag. 736.
47 IAC. III, 9-10.
48 Cfr. Sermo Pii XII d. 3 Octobris, a. 1947 quinquagesimo expleto anno ab arte radiophonica inventa habitus: Discorsi e Radiomessaggi di S. S. Pio XII, vol. IX, pag. 267.
49 MARC. XVI, 15.
50 Cfr. Sermo ad Hollandiae catholicos, d. 19 Maii, a. 1950 habitus: Discorsi e Radiomessaggi di S. S. Pio XII, vol. XII, pag. 75.
51 MATTH. X, 41.
52 Cfr. Sermo ad radiophonicae artis cultores conventum ex omnibus Nationibus participantes: d. 5 Maii, a. 1950; Discorsi e Radiomessaggi di S. S. Pio XII, vol. XII, pag. 55.
53 Gal. V, 9.
54 Cfr. Adhortatio Apostolica, de televisione, d. 1 Ianuarii, a. 1954: A. A. S., vol. XLVI, 1954, pag. 23.
55 Cfr. Sermo de gravi televisionis momento, d. 21 Octobris, a. 1955: A. A. S., vol. XLVII, 1955, pag. 777.
56 Cfr. Sermo d. 14 Septembris, a. 1956 habitus: A. A. S., vol. XLVIII, 1956, pag. 707.
Textes de 4 Encycliques de Pie XII - LE CRITIQUE CINÉMATOGRAPHIQUE