1999 Le prêtre - SUGGESTIONS POUR REFLECHIR SUR LE CHAPITRE III

SUGGESTIONS POUR REFLECHIR SUR LE CHAPITRE III

13. L'essence et la signification salvifique des sacrements sont invariables. Partant de cette ferme certitude, comment rénover la pastorale des sacrements en la mettant au service de la nouvelle évangélisation?
14. Nos communautés sont-elles une " Eglise de l'Eucharistie et de la Pénitence "? Y alimente-t-on la dévotion eucharistique sous toutes ses formes? La pratique de la confession individuelle est-elle expliquée et rendue aisée?
15. Fait-on habituellement référence à la présence réelle du Seigneur dans le tabernacle, en encourageant, par exemple, la pratique fructueuse de la visite au Saint Sacrement? Les actes de culte eucharistique sont-ils fréquents? Nos églises disposent-elles d'un milieu qui encourage à prier devant le Saint Sacrement?
16. Accorde-t-on, en esprit pastoral, un soin particulier à l'entretien et à la dignité des églises? Les prêtres s'habillent-ils régulièrement et dignement selon la norme canonique (cf. CIC 284 CIC 669 Directoire n. 66) et, dans l'exercice du culte divin, revêtent-ils les ornements prescrits (cf. CIC 929)?
17. Les prêtres se confessent-ils régulièrement et, à leur tour, se rendent-ils disponibles pour un ministère aussi fondamental?
18. Organise-t-on des initiatives visant à fournir une formation permanente du clergé relative au perfectionnement du ministère de confesseur? Encouraget-on le recyclage des pasteurs dans ce ministère irremplaçable?
19. Étant donné la grande importance d'une véritable renaissance de la pratique de la confession personnelle dans le cadre de la nouvelle évangélisation, les normes canoniques sur les absolutions collectives sont-elles respectées? Les célébrations liturgiques pénitentielles sont-elles organisées avec prudence et charité pastorale dans toutes les paroisses et les églises?
20. Des initiatives adaptées sont-elles prises concrètement pour que les fidèles accomplissent le précepte dominical en en comprenant le sens?



Chapitre IV

PASTEURS AIMANTS DU TROUPEAU QUI LEUR EST CONFIÉ

" Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis " (Jn 10,11)


Avec le Christ pour incarner et répandre la miséricorde du Père

" L'Eglise vit d'une vie authentique lorsqu'elle professe et proclame la miséricorde, attribut le plus admirable du Créateur et du Rédempteur et lorsqu'elle conduit les hommes aux sources de la miséricorde du Sauveur, dont elle est dépositaire et dispensatrice ".(81) Cette réalité distingue d'une manière essentielle l'Eglise de toutes les autres institutions agissant en faveur des hommes et qui, bien que pouvant jouer un grand rôle de solidarité et de philanthropie, parfois même empreint d'esprit religieux, ne pourraient jamais se présenter à elles seules comme dispensatrices effectives de la miséricorde de Dieu. Face à un concept sécularisé de la miséricorde, qui ne parvient pas à transformer l'intérieur de l'homme, la miséricorde de Dieu offerte dans l'Eglise se présente à la fois comme pardon et comme médecine salutaire. Pour qu'elle agisse efficacement sur l'homme, celui-ci doit accepter la vérité tout entière sur son être, sur son action et sur sa faute. D'où la nécessité du repentir qui rend urgent de relier l'annonce de la miséricorde à la vérité dans sa plénitude. Ces affirmations revêtent une grande importance en ce qui concerne les prêtres, appelés dans l'Eglise et par l'Eglise, avec une vocation singulière, à dévoiler et, en même temps, à mettre en oeuvre le mystère de l'amour du Père à travers leur ministère, vécu " selon la vérité dans la charité " ( Ep 4,15) et docile aux mouvements de l'Esprit Saint.
La rencontre avec la miséricorde de Dieu advient dans le Christ en tant que manifestation de l'amour paternel de Dieu. C'est précisément en révélant aux hommes son rôle messianique (cf. Lc 4,18) que le Christ se présente comme miséricorde du Père envers tous les nécessiteux, spécialement à l'égard des pécheurs qui ont besoin de pardon et de paix intérieure. " C'est surtout à l'égard de ces hommes que le Messie devient un signe particulièrement lisible du fait que Dieu est amour; il devient un signe du Père. Dans ce signe visible, les hommes de notre époque, tout comme ceux d'alors, peuvent aussi voir le Père ".(82) Dieu qui " est amour " (1Jn 4,16) ne peut se révéler sinon comme miséricorde.(83) Le Père a voulu s'impliquer par amour à travers le sacrifice de son Fils dans le drame du salut des hommes.
Si, dans la prédication du Christ, la miséricorde acquiert déjà des traits impressionnants qui surpassent toute réalisation humaine comme le fait ressortir la parabole du fils prodigue (cf.
Lc 15,11-32) c'est dans le sacrifice de lui-même sur la croix qu'elle se manifeste tout particulièrement. Le Christ crucifié est la révélation radicale de la miséricorde du Père, " c'est-à-dire de l'amour qui s'oppose à ce qui constitue la racine même du mal dans l'histoire, le péché et la mort ".(84) La tradition spirituelle chrétienne a vu dans le Coeur Très Saint de Jésus, qui attire à lui les coeurs sacerdotaux, une synthèse profonde et mystérieuse de la miséricorde infinie du Père.
La dimension sotériologique de l'ensemble du munus pastoral des prêtres est donc centrée sur le mémorial de l'offrande de sa vie, faite par Jésus, c'est-à-dire sur le Sacrifice eucharistique. " En effet, il existe un lien intime entre le caractère central de l'Eucharistie, la charité pastorale et l'unité de vie du prêtre (...). Si le prêtre prête au Christ, Prêtre Suprême et Eternel, son intelligence, sa volonté, sa voix et ses mains afin de pouvoir offrir au Père, par le biais de son ministère, le sacrifice sacramentel de la rédemption, il devra faire siennes les dispositions du Maître et, comme Lui, vivre ce don pour ses frères. Il devra donc apprendre à s'unir intimement à l'offrande, en déposant sur l'autel du sacrifice sa vie tout entière comme signe de la manifestation de l'amour gratuit et prévenant de Dieu ".(85) Dans le don permanent du Sacrifice eucharistique, mémorial de la mort et de la résurrection de Jésus, les prêtres ont reçu d'une manière sacramentelle la capacité unique et singulière d'apporter aux hommes, en qualité de ministres, le témoignage de l'amour inépuisable de Dieu qui, dans la perspective ultérieure de l'histoire du salut, s'avérera plus puissant que le péché. Le Christ pascal est l'incarnation définitive de la miséricorde, son signe vivant: à la fois historique, salvifique et eschatologique.(86) Le sacerdoce, disait le saint Curé d'Ars, " est l'amour du Coeur de Jésus ".(87) Avec Lui, les prêtres aussi, grâce à leur consécration et à leur ministère, sont un signe vivant et efficace de ce grand amour, de cet " amoris officium " dont parlait saint Augustin.(88)

Notes:

(81) Jean-Paul II, Encycl. Dives in misericordia, DM 13: l.c., p. 1219.
(82) Ibid., DM 3: l.c., p. 1183.
(83) Cfr. ibid., DM 13: l.c., pp. 1218-1221.
(84) Ibid., DM 8: l.c., p. 1204.
(85) Congrégation pour le Clergé, Directoire pour le ministère et la vie des prêtres Tota Ecclesia, n. 48.
(86) Cf. Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 8: l.c., pp. 668-669.
(87) Cf. Jean-Marie Vianney, curé d'Ars: sa pensée, son coeur, présentés par Bernard Nodet, Le Puy 1960, p. 100.
(88) Saint Augustin, In Johannis evangelium tractatus, 123, 5: CCL 36, 678.


" \BSacerdos et hostia\b "

La nature de don est essentielle à la miséricorde authentique. Elle doit être accueillie comme un don immérité, offert gratuitement, qui ne provient pas de ses propres mérites. Cette libéralité s'insère dans le dessein salvifique du Père car " en ceci consiste l'amour: ce n'est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c'est lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime de propitiation pour nos péchés " (1Jn 4,10) . Or, c'est précisément dans ce contexte que le ministère ordonné trouve sa raison d'être. Personne ne peut se conférer la grâce: celle-ci doit être donnée et reçue. Cela suppose qu'il y ait des ministres de la grâce, autorisés et habilités par le Christ. La tradition de l'Eglise appelle " sacrement " le ministère ordonné à travers lequel les envoyés du Christ accomplissent et offrent comme don de Dieu ce qu'ils ne peuvent ni accomplir ni offrir par eux-mêmes.(89)
Les prêtres doivent donc se considérer comme des signes vivants et porteurs de la miséricorde, qu'ils n'offrent pas comme étant leur, mais comme un don de Dieu. Bien plus, ils sont des serviteurs de l'amour de Dieu pour les hommes, des ministres de la miséricorde. La volonté de service s'insère dans l'exercice du ministère sacerdotal comme élément essentiel qui, à son tour, exige aussi du sujet la disposition morale correspondante. Le prêtre rend Jésus présent aux hommes, lui le pasteur qui " n'est pas venu pour être servi, mais pour servir " (Mt 20,28) . Le prêtre sert en premier lieu le Christ, mais d'une façon qui passe nécessairement par le service généreux de l'Eglise et de sa mission.
" Il nous aime et a versé son sang pour laver nos péchés: Pontifex qui dilexisti nos et lavasti nos a peccatis in sanguine tuo. Il s'est donné lui-même pour nous: tradidisti temetipsum Deo oblationem et hostiam. Le Christ introduit dans l'éternel sanctuaire le sacrifice de lui-même, qui est le prix de notre rédemption. L'offrande, c'est-à-dire la victime, est inséparable du prêtre ".(90) Bien que seul le Christ soit à la fois Sacerdos et Hostia, son ministre, inséré dans la dynamique missionnaire de l'Eglise, est sacerdos d'une manière sacramentelle, mais avec un rappel permanent à devenir aussi hostia, à avoir en lui " les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus " (Ph 2,5). De cette unité inséparable entre le prêtre et la victime,(91) entre le sacerdoce et l'Eucharistie, dépend l'efficacité de toute action d'évangélisation. De la ferme unité dans l'Esprit Saint entre le Christ et son ministre, sans que ce dernier prétende se substituer à Lui, mais plutôt s'appuyer sur Lui et le laisser agir en soi et à travers soi, dépend aujourd'hui encore l'oeuvre efficace de la miséricorde divine, contenue dans la Parole et dans les Sacrements. La portée des paroles: " Je suis la vigne... De même que le sarment ne peut de lui-même porter du fruit s'il ne demeure pas sur la vigne, ainsi vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi " (Jn 15,4) s'étend également à ce lien du prêtre avec Jésus dans l'oeuvre ministérielle.
Le rappel à devenir hostia avec Jésus est également à la base de la cohérence de l'engagement au célibat que comporte le ministère sacerdotal en faveur de l'Eglise. Il s'agit de l'incorporation du prêtre au sacrifice dans lequel " le Christ a aimé l'Eglise: il s'est livré pour elle, afin de la sanctifier " ( Ep 5,25-26) . Le prêtre est appelé à être " l'image vivante de Jésus-Christ, Epoux de l'Eglise ",(92) en faisant de sa vie tout entière une oblation en faveur d'elle. " Le célibat sacerdotal alors, est don de soi dans et avec le Christ à son Eglise, et il exprime le service rendu par le prêtre à l'Eglise dans et avec le Seigneur ".(93)

Notes:

(89) Cf. Catéchisme de l'Eglise catholique, CEC 875
(90) Jean-Paul II, Lettre aux prêtres à l'occasion du Jeudi Saint (16 mars 1997), n. 4: AAS 89 (1997), p. 661.
(91) Cf. Saint Thomas d'Aquin, Summa Theol. III 83,1 ad 3.
(92) Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 22: l.c., p. 691.
(93) Ibid., PDV 29: l.c., p. 704.


La pastorale des prêtres: servir en guidant le peuple dans

l'amour et la force\b

" Exerçant, pour la part d'autorité qui est la leur, la charge du Christ Tête et Pasteur, les prêtres, au nom de l'évêque, rassemblent la famille de Dieu, fraternité qui n'a qu'une âme, et par le Christ dans l'Esprit, ils la conduisent à Dieu le Père ".(94) L'exercice indispensable du munus regendi du prêtre, loin d'une conception purement sociologique de capacité d'organisation, découle lui aussi du sacerdoce sacramentel: " Par la vertu du sacrement de l'Ordre, à l'image du Christ prêtre suprême et éternel (cf. He 5,1-10 He 7,24 He 9,11-28) , ils sont consacrés pour prêcher l'Evangile, pour être les pasteurs des fidèles et pour célébrer le culte divin en vrais prêtres du Nouveau Testament ".(95)
Les prêtres, en ayant part à l'autorité du Christ, jouissent d'un ascendant considérable sur les fidèles. Cependant, ils savent que la présence du Christ dans le ministre " ne doit pas être comprise comme si celui-ci était prémuni contre toutes les faiblesses humaines, l'esprit de domination, les erreurs, voire le péché ".(96) La parole et la direction des ministres sont donc susceptibles d'une plus ou moins grande efficacité selon leurs qualités naturelles ou leurs qualités acquises d'intelligence, de volonté, de caractère et de maturité. Cette conscience, unie à la connaissance des racines sacramentelles de la fonction pastorale, les conduit à imiter Jésus Bon Pasteur et fait de la charité pastorale une vertu indispensable pour le déroulement fructueux de leur ministère.
" Le but essentiel de leur action de pasteurs et de l'autorité qui leur est conférée " est de " conduire la communauté qui leur est confiée à son entier développement de vie spirituelle et ecclésiale ".(97) Toutefois, " la dimension communautaire de la pastorale (...) ne peut pas négliger les besoins de chaque fidèle (...). On peut dire que Jésus lui-même, le Bon Pasteur, qui "appelle une à une" ses brebis avec une voix qu'elles connaissent ( Jn 10,3-4) , a établi par son exemple le premier critère de la pastorale individuelle: la connaissance et la relation d'amitié avec les personnes ".(98) Dans l'Eglise, la vision communautaire doit s'harmoniser avec la vision personnelle; plus encore, dans l'édification de l'Eglise, le pasteur procède de la dimension personnelle à la dimension communautaire. Dans le rapport avec chaque personne et avec la communauté, le prêtre se prodigue pour traiter tout le monde " eximia humanitate "; (99) il ne se met jamais au service d'une idéologie ou d'une faction humaine ( 100) et il traite avec les hommes non pas " en fonction de ce qui (leur) plaît, mais selon les exigences de la doctrine et de la vie chrétiennes ".( 101)
Toutefois, aujourd'hui plus que jamais, il apparaît particulièrement nécessaire d'adapter le style de l'action pastorale à l'état des sociétés ayant un passé chrétien mais qui sont largement sécularisées. La considération du munus regendi revêt donc davantage de relief dans son sens missionnaire authentique, qui ne doit pas être confondu avec une fonction bureaucratique d'organisation. Cela exige de la part des prêtres un exercice aimant de la force, dont le modèle doit être découvert dans l'attitude pastorale de Jésus-Christ. Comme nous le voyons dans les Evangiles, il ne recule jamais devant la responsabilité qui dérive de son autorité messianique, mais il l'exerce avec amour et force. C'est la raison pour laquelle son autorité n'est jamais domination opprimante, mais disponibilité et esprit de service. Ce double aspect autorité et service constitue le système de référence servant à encadrer le munus regendi du prêtre: celui-ci devra toujours s'efforcer de mettre en oeuvre de façon cohérente sa participation à la condition du Christ Chef et Pasteur de son troupeau.( 102)
Le prêtre qui, avec l'évêque et sous son autorité, est lui aussi pasteur de la communauté qui lui a été confiée, animé par conséquent par la charité pastorale, ne doit pas craindre d'exercer son autorité dans les domaines pour lesquels il est tenu de le faire, car c'est à cette fin qu'il a été constitué dans l'autorité. Il faut rappeler que même lorsque celle-ci est exercée avec la force qui est due, c'est en cherchant " non tam praesse quam prodesse " (non pas tant de commander que de servir). (103) Celui qui doit exercer l'autorité doit plutôt se garder de la tentation de s'exempter de cette responsabilité, car s'il ne l'exerce pas il se soustrait au service. En étroite communion avec l'évêque et avec tous les fidèles, il évitera d'introduire dans son ministère pastoral aussi bien des formes d'autoritarisme impromptu que des modalités de gestion démocratique étrangères à la réalité la plus profonde du ministère et qui ont pour conséquence la sécularisation du prêtre et la cléricalisation des laïcs.(104) Derrière des comportements de ce type, il n'est pas rare que puisse se cacher la peur d'assumer ses responsabilités, de se tromper, de n'être pas apprécié, de l'impopularité, d'aller à la rencontre de la croix, etc.; au fond, il s'agit d'un obscurcissement de la racine authentique de l'identité sacerdotale: l'assimilation au Christ, Pasteur et Tête.

Notes:

(94) Conc. oecum. Vat. II, Décret Presbyterorum Ordinis, PO 6
(95) Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 28
(96) Catéchisme de l'Eglise catholique, CEC 1550
(97) Jean-Paul II, Catéchèse au cours de l'audience générale (19 mai 1993), n. 2: Insegnamenti XVI, (1993)(1993), p. 1254.
(98) Ibidem n. 4: l.c., pp. 1255-56.
(99) Conc. oecum. Vat. II, Décret Presbyterorum Ordinis, PO 6.
(100) Cf. ibidem, 6g.
(101) Ibidem, 6a.
(102) Cf. Congrégation pour le Clergé, Directoire pour le ministère et la vie des prêtres Tota Ecclesia, n. 17.
(103) Saint Augustin, Ep. 134,1: CSEL 44, 85.
(104) Cf. Congrégation pour le Clergé, Directoire pour le ministère et la vie des prêtres Tota Ecclesia, n. 19; cf. Jean-Paul II, Allocution au Symposium sur la "Collaboration des laïcs au ministère pastoral des prêtres" (22 avril 1994), n. 4: "Sacrum Ministerium" (1995)(1995), p. 64; Congrégation pour le Clergé, Conseil pontifical pour les Laïcs, Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements, Congrégation pour les Évêques, Congrégation pour l'Évangélisation des Peuples, Congrégation pour les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique, Conseil Pontifical pour l'Interprétation des Textes législatifs, Instruction sur quelques questions concernant la collaboration des fidèles laïcs au ministère des prêtres Ecclesia de mysterio (15 août 1997), Avant-propos: AAS 89 (1997), p. 852.


En ce sens, la nouvelle évangélisation exige que le prêtre rende évidente sa présence authentique. On doit voir que les ministres de Jésus-Christ sont présents et disponibles parmi les hommes. Par conséquent, leur insertion amicale et fraternelle dans la communauté est également importante. Dans ce contexte, il n'est pas difficile de comprendre l'importance pastorale de la discipline concernant l'habit ecclésiastique à laquelle le prêtre ne doit pas se soustraire, dans la mesure où il sert pour annoncer publiquement son dévouement, sans limites de temps ni de lieu, au service du Christ, des frères et de tous les hommes. (105) Plus une société porte les signes de la sécularisation, plus elle a besoin de signes.
Le prêtre doit prendre garde à ne pas tomber dans le piège d'un comportement contradictoire en fonction duquel il pourrait renoncer à exercer l'autorité dans les secteurs relevant de sa compétence directe pour ensuite, en revanche, s'entremettre dans des questions d'ordre temporel, comme l'ordre sociopolitique, (106) laissées par Dieu à la libre disposition des hommes.
Bien que le prêtre puisse jouir d'un important prestige auprès des fidèles et, du moins dans certains endroits, auprès des autorités civiles, il est plus que jamais nécessaire qu'il se souvienne que ce prestige doit être vécu humblement, en s'en servant correctement pour collaborer effectivement à la " salus animarum " et en se rappelant que seul le Christ est le véritable Chef du peuple de Dieu: c'est vers Lui que les hommes doivent être conduits, en évitant qu'ils s'attachent à la personne du prêtre. Les âmes n'appartiennent qu'au Christ, car Lui seul, pour la gloire du Père, les a rachetées au prix de son sang précieux. De même, Lui seul est Seigneur des biens surnaturels et Maître qui enseigne en vertu de son autorité propre et originaire. Le prêtre n'est qu'un administrateur, dans le Christ et dans l'Esprit Saint, des dons que l'Eglise lui a confiés et, en tant que tel, il n'a pas le droit de les omettre, de les détourner ou de les modeler à son gré. (107) Par exemple, il n'a pas reçu l'autorité de n'enseigner aux fidèles qui lui ont été confiés que quelques-unes des vérités de la foi chrétienne, en en négligeant d'autres qu'il considère comme plus difficiles à accepter ou " moins actuelles ". (108)
En pensant à la nouvelle évangélisation et à la direction pastorale des prêtres, il est donc important de s'efforcer de les aider tous à accomplir un discernement attentif et sincère. Derrière l'attitude consistant à ne " pas vouloir s'imposer ", etc., pourrait se cacher une méconnaissance de la substance théologique du ministère pastoral ou, peut-être, un manque de caractère qui se soustrait aux responsabilités. Il ne faut pas non plus sous-estimer d'éventuels attachements indus à des personnes ou à des charges ministérielles, ou un désir mal caché de popularité et des manques de rectitude d'intention. La charité pastorale n'est rien sans l'humilité. Parfois, derrière une rébellion apparemment motivée, derrière la réticence face à un changement d'activité pastorale proposé par l'évêque, ou derrière une façon excentrique de prêcher, de célébrer la liturgie, de ne pas porter les habits prévus pour son état, ou de changer ceux-ci à son gré, peut se cacher l'amour propre et le désir, peut-être même inconscient, de se faire remarquer.
La nouvelle évangélisation exige aussi du prêtre une disponibilité renouvelée pour exercer son ministère pastoral là où cela apparaît le plus nécessaire. " Comme le Concile le souligne, "le don spirituel que les prêtres ont reçu à l'ordination les prépare non pas à une mission limitée et restreinte, mais à une très vaste mission de salut universelle, "jusqu'aux extrémités de la terre"; n'importe quel ministère sacerdotal participe, en effet, aux dimensions universelles de la mission confiée par le Christ aux Apôtres" ". (109) L'insuffisance numérique du clergé dans certains pays, unie au dynamisme caractéristique du monde contemporain, rend particulièrement nécessaire de pouvoir compter sur des prêtres disposés non seulement à changer de fonction pastorale, mais aussi de ville, de région ou de pays, selon les besoins; de prêtres disponibles pour accomplir la mission nécessaire en toute circonstance, en mettant de côté leurs goûts et leurs projets personnels, pour l'amour de Dieu. " En vertu de la nature même de leur ministère, ils doivent donc être pénétrés et animés d'un profond esprit missionnaire et de "cet esprit vraiment catholique qui les habituera à regarder au-delà des limites de leur propre diocèse, de leur nation ou de leur rite, pour subvenir aux besoins de l'Eglise entière, prêts au fond du coeur à aller prêcher partout l'Evangile" ".(110) Le sens correct de l'Eglise particulière, même dans la formation permanente, ne doit jamais éclipser le moins du monde le sens de l'Eglise universelle, mais doit être harmonisé avec lui.

Notes:

(105) Cf. Congrégation pour le Clergé, Directoire pour le ministère et la vie des prêtres Tota Ecclesia, n. 66.
(106) Cf. Catéchisme de l'Eglise catholique, CEC 2442 CIC 227 Congrégation pour le Clergé, Directoire pour le ministère et la vie des prêtres Tota Ecclesia, n. 33.
(107) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. Sacrosanctum Concilium, SC 22 CIC 846 Congrégation pour le Clergé, Directoire pour le ministère et la vie des prêtres Tota Ecclesia, n. 33.
(108) Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 26: l.c., pp. 697-700; Catéchèse au cours de l'audience générale (21 avril 1993): Insegnamenti XVI, (1993)(1993), p. 938; Congrégation pour le Clergé, Directoire pour le ministère et la vie des prêtres Tota Ecclesia, n. 45.
(109) Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 18: l.c., p. 684; cf. Conc. oecum. Vat. II, Décret Presbyterorum Ordinis, PO 10
(110) Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 18: l.c., p. 684; cf. Conc. oecum. Vat. II, Décret Optatam totius, OT 20


SUGGESTIONS POUR REFLECHIR SUR LE CHAPITRE IV

21. Comment manifester de manière plus vive, à travers nos communautés et, en particulier, à travers les prêtres, la miséricorde de Dieu à l'égard des nécessiteux? Insiste-t-on suffisamment, par exemple, sur la pratique des oeuvres de miséricorde, aussi bien spirituelles que corporelles, comme chemin de maturation chrétienne et d'évangélisation?
22. La charité pastorale sous toutes ses dimensions est-elle vraiment " âme et force de la formation permanente " de nos prêtres?
23. Les prêtres sont-ils encouragés concrètement à prendre soin de tous leurs confrères, dans un esprit sincère de fraternité, en particulier de ceux qui sont malades, âgés, ou qui sont en difficulté? Existe-t-il des formes de vie commune librement choisie ou des expériences similaires?
24. Nos prêtres comprennent-ils et exercent-ils convenablement leur fonction spécifique de guide spirituel des communautés qui leur sont confiées? Comment cela se passe-t-il concrètement?
25. Dans la formation spirituelle des prêtres accorde-t-on assez de place à la dimension missionnaire du ministère sacré et à la dimension universelle de l'Eglise?
26. Certaines vérités de foi ou certains principes moraux sont-ils facilement omis dans la prédication?
27. Une des tâches spécifiques du ministère pastoral consiste à unir les forces au service de la mission évangélisatrice. Toutes les vocations sont-elles stimulées à l'intérieur de l'Eglise, en respectant le charisme propre à chacune?



CONCLUSIONS

" La nouvelle évangélisation a besoin de nouveaux évangélisateurs, et ceux-ci sont les prêtres qui s'engagent à vivre leur sacerdoce comme un chemin spécifique de sainteté ".(111) Pour qu'il en soit ainsi, il est fondamental que chaque prêtre redécouvre quotidiennement l'absolue nécessité de sa sainteté personnelle. " Il faut commencer par se purifier soi-même avant de purifier les autres; il faut être instruit pour pouvoir instruire; il faut devenir lumière pour éclairer, se rapprocher de Dieu pour faire en sorte que les autres se rapprochent de lui, être sanctifié pour sanctifier ". (112) Cet effort se concrétise dans la recherche d'une profonde unité de vie qui conduit le prêtre à essayer d'être et de vivre comme un autre Christ dans toutes les circonstances de sa vie.
Les fidèles de la paroisse, ou ceux qui participent aux diverses activités pastorales, voient ils observent! et entendent ils écoutent! non seulement quand la Parole de Dieu est prêchée, mais aussi quand les différents actes liturgiques sont célébrés, en particulier la sainte messe; quand ils se rendent au bureau paroissial où ils s'attendent à être reçus de façon accueillante et aimable; (113) quand ils voient le prêtre qui mange ou se repose et qu'ils demeurent édifiés par son exemple de sobriété et de tempérance; quand ils vont le trouver chez lui et se réjouissent de la simplicité et de la pauvreté sacerdotales dans lesquelles il vit; (114) quand ils le voient revêtir son habit propre de manière adaptée, ordonnée et complète; quand ils parlent avec lui, même des sujets les plus communs, et qu'ils se sentent confortés en constatant sa vision surnaturelle des choses, sa délicatesse et le style humain avec lequel il traite les personnes même les plus humbles avec une noblesse sacerdotale authentique. " La grâce et la charité de l'autel s'étendent ainsi à l'ambon, au confessionnal, aux archives paroissiales, à l'école, au patronage, dans les maisons et dans les rues, aux hôpitaux, aux moyens de transport et de communication sociale, partout où le prêtre a la possibilité d'accomplir sa tâche de pasteur: dans tous les cas, c'est sa moisson qui s'étend, c'est son union spirituelle avec le Christ Prêtre et Hostie qui le conduit à être comme disait saint Ignace d'Antioche froment de Dieu pour être trouvé "pain pur du Christ" (cf. Epist. ad Romanos, IV, 1) pour le bien des frères ". (115)
De cette façon, le prêtre du troisième millénaire permettra que se reproduise de nos jours la réaction des disciples d'Emmaüs qui, après avoir écouté de Jésus, le Divin Maître, l'explication de la Bible, ne peuvent s'empêcher de se demander admiratifs: " Notre coeur n'était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin, quand il nous expliquait les Ecritures? " (Lc 24,32) .
Nous devons nous offrir, nous les pasteurs, à la Reine et Mère de l'Eglise, afin qu'en union avec les intentions du Vicaire du Christ nous sachions découvrir les façons de faire jaillir chez tous les prêtres de l'Eglise un désir sincère de renouveau dans leur fonction de maîtres de la Parole, de ministres des sacrements et de guides de la communauté. Nous demandons à la Reine de l'Evangélisation que l'Eglise d'aujourd'hui sache redécouvrir les chemins que la miséricorde du Père, dans le Christ, par l'Esprit, a préparés depuis toute éternité pour attirer aussi les hommes de notre époque à la communion avec lui.

Rome, Palais des Congrégations, le 19 mars 1999, solennité de S. Joseph, Patron de l'Eglise universelle.

Dario Card. Castrillon Hoyos Préfet

Csaba Ternyak Archevêque titulaire d'Eminenziana Secrétaire


Notes:

(111) Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 82: l.c., p. 801.
(112) Saint Grégoire de Naziance, Orationes, 2, 71: PG 35, 480B.
(113) Cf. ibidem, n. 43.
(114) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Décret Presbyterorum Ordinis, PO 17 CIC 282 Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 30: l.c., pp. 705-707; Congrégation pour le Clergé, Directoire pour le ministère et la vie des prêtres Tota Ecclesia, n. 67.
(115) Jean-Paul II, Catéchèse au cours de l'audience générale (7 juillet 1993), n. 7: Insegnamenti XVI, 2, (1993), p. 38.




PRIERE A LA TRES SAINTE VIERGE MARIE

MARIE,
Étoile de la nouvelle évangélisation,
Toi qui dès le commencement as soutenu et réconforté les Apôtres et leurs collaborateurs pour la diffusion de l'Evangile, fais g randir chez les prêtres, à l'aube du troisième millénaire, la conscience d'être les premiers responsables de la nouvelle évangélisation.

MARIE,
Première évangélisée et première évangélisatrice,
Toi qui avec une foi, une espérance et une charité incomparables as répondu à l'annonce de l'Ange, intercède pour ceux qui sont configurés à ton Fils, le Christ Prêtre, afin qu'ils répondent eux aussi dans le même esprit à l'urgent appel que le Saint-Père leur adresse, au nom de Dieu, à l'occasion du Grand Jubilé.

MARIE,
Maîtresse de foi vécue,
Toi qui as accueilli la Parole divine avec une entière disponibilité, enseigne aux prêtres à se familiariser, par l'oraison, avec cette Parole et à se mettre à son service avec humilité et ardeur, de sorte qu'elle continue à exercer toute sa force salvifique au cours du troisième millénaire de la rédemption.

MARIE,
Pleine de grâce et Mère de la grâce,
prend soin de tes fils prêtres qui, comme toi, sont appelés à être les collaborateurs de l'Esprit Saint qui fait renaître Jésus dans le coeur des fidèles. En l'anniversaire de la naissance de ton Fils, enseigne-leur à être de fidèles dispensateurs des mystères de Dieu: ainsi, avec ton aide, ils ouvriront à de nombreuses âmes le chemin de la Réconciliation et feront de l'Eucharistie la source et le sommet de leur vie et de celle des fidèles qui leur sont confiés.

MARIE,
Étoile de l'aube du troisième millénaire,
continue à guider les prêtres de Jésus-Christ, afin qu'en suivant l'exemple de ton amour envers Dieu et envers le prochain ils sachent être des pasteurs authentiques et conduire les pas de tous les hommes vers ton Fils, lumière véritable qui éclaire tout homme (cf. Jn 1,9) . Que les prêtres et, à travers eux, l'ensemble du peuple de Dieu, écoutent l'invitation affectueuse et pressante que tu leur adresses au seuil du nouveau millénaire de l'histoire du salut: " Faites ce qu'il vous dira " (cf. Jn 2,5) . " En l'an 2000 nous dit le Vicaire du Christ devra retentir avec une force renouvelée la proclamation de la vérité: "Ecce natus est nobis Salvator mundi" (Tertio millennio adveniente, TMA 38) ".





1999 Le prêtre - SUGGESTIONS POUR REFLECHIR SUR LE CHAPITRE III