Saint Benoit, Règle - Chapitre 8 : LES OFFICES DIVINS DANS LA NUIT
Pour l'horaire quotidien, voir en annexe le tableau des occupations de la journée selon les saisons.
1 Durant l'hiver, c'est-à-dire du 1er novembre à Pâques, on se lèvera à la huitième heure de la nuit; la prudence le demande ainsi ;
2 De la sorte on se sera reposé un peu plus de la moitié de la nuit et la digestion sera terminée au réveil.
3 Le temps qui reste après les Vigiles sera employé à l'étude du Psautier ou des leçons, par les frères du moins qui en ont besoin.
4 De Pâques au 1er novembre, on réglera l'horaire de telle sorte que les Vigiles, après un court intervalle pendant lequel les frères sortiront pour les nécessités de la nature, soient suivies immmédiatement des Laudes (Saint Benoît appelle Matutini¦ nos Laudes actuelles), qui doivent être chantées au point du jour.
1 Au temps d'hiver, dont il a été parlé, on dira d'abord trois fois le verset: "Seigneur, ouvre mes lèvres et ma bouche annoncera ta louange." (Ps 50,17)
2 On ajoutera le psaume trois et le Gloria; (Gloria¦: "Gloire au Père...", formule d'acclamation à la Trinité, qui termine le chant de chacun des Psaumes)
3 ensuite le psaume quatre-vingt-quatorze avec antienne, ou, du moins, chanté.
4 Puis, suivent l'hymne et six psaumes avec antiennes.
5 Ceci achevé et après le verset, l'abbé donnera la bénédiction. Puis, tous étant assis sur leurs bancs, les frères liront, à tour de rôle, dans le livre de choeur, sur le pupitre, trois leçons. Après chacune d'elles, on chantera un répons.
6 Les deux premiers répons se diront sans Gloria, mais après la troisième leçon, celui qui chante dira le Gloria.
7 Au moment où le chantre le commence, tous se lèveront de leurs sièges par honneur et révérence envers la Sainte Trinité.
8 Aux Vigiles, on lira les livres d'autorité divine tant de l'Ancien que du Nouveau Testament, ainsi que les commentaires qui en ont été donnés par les Pères catholiques qualifiés pour leur orthodoxie. (Les lectures bibliques étaient adaptées aux temps liturgiques pour les grandes fêtes du Seigneur; quant à leurs commentaires, Benoît veille à ce qu'il ne s'en glisse pas d'hétérodoxes ou de peu sûrs)
9 Après ces trois leçons accompagnés de leurs répons, on chantera six autres psaumes avec Alleluia.
10 Suivront: une leçon de l'Apôtre (Il s'agit d'un extrait des lettres de saint Paul. Les principaux offices liturgiques s'achevaient par des litanies et prières pour tous les besoins des fidèles, par une oraison ou bénédiction et par la formule du renvoi. Benoît faisant allusion à des rites bien connus ne juge pas nécessaire de préciser davantage), qui doit être récitée par coeur, le verset, et la prière de la litanie, c'est-à-dire Kyrie eleison. (Kyrie eleison¦: invocation liturgique d'origine grecque, qui signifie: "Seigneur, aie pitié.")
11 Ainsi se terminera l'office de la nuit.
1 Depuis Pâques jusqu'au 1er novembre on conservera le nombre de psaumes fixé plus haut.
2 Toutefois, à cause de la brièveté des nuits, on ne lira pas de leçons dans le livre de choeur; mais à la place des trois leçons, on en dira une, de mémoire, tirée de l'Ancien Testament. Elle sera suivie d'un répons bref.
3 Tout le reste se fera comme il a été réglé ci-dessus. On ne dira jamais moins de douze psaumes aux Vigiles, non compris les psaumes trois et quatre-vingt quatorze.
1 Le dimanche, on se lèvera pour les Vigiles plus tôt que les autres jours.
2 Voici l'ordre à suivre. Après avoir chanté, comme nous l'avons disposé ci-dessus, six paumes et le verset, tous les frères s'assiéront sur les bancs, en ordre et selon leur rang. On lira dans le livre, ainsi que nous l'avons déjà dit, quatre leçons avec leurs répons.
3 Au quatrième répons seulement le chantre dira le Gloria. Dès le début de celui-ci, tous se lèveront avec révérence.
4 Après les leçons, six autres psaumes suivront d'affilée, avec leurs antiennes, comme les précédents, puis le verset.
5 Après quoi, on lira de nouveau quatre leçons avec leurs répons, selon l'ordre fixé plus haut.
6 On dira ensuite trois cantiques tirés des Prophètes et déterminés par l'abbé. On les chantera avec Alleluia.
7 Après le verset qui suit et la bénédiction de l'abbé, on lira encore quatre leçons du Nouveau Testament, selon le même ordre que plus haut.
8 Après le quatrième répons, l'abbé entonnera le Te Deum laudamus. ( Te Deum¦, hymne composée vers les années 400, était devenue très populaire dans l'Eglise)
9 Cette hymne terminée, il lira la leçon de l'Evangile, tandis que tous les moines se tiendront debout, avec respect et crainte.
10 A la fin de l'Evangile, ils répondront Amen. Aussitôt l'abbé ajoutera l'hymne Te decet laus, ( cette courte hymne est d'origine grecque) puis, la bénédiction donnée, on commencera les Laudes.
11 Cet ordre pour les Vigiles du dimanche sera suivi en toute saison, aussi bien en été qu'en hiver,
12 sauf si - ce qu'à Dieu ne plaise, - les frères se fussent levés trop tard. En ce cas, on retrancherait quelque chose des leçons ou des répons.
13 Qu'on prenne toutefois bien garde que ce désordre n'arrive point. S'il se produisait, celui qui l'a causé par sa négligence, en fera une juste satisfaction à Dieu dans l'oratoire.
1 Le dimanche, à Laudes, on dira d'abord sans antienne et d'un trait le psaume soixante-six.
2 Ensuite le psaume cinquante avec Alleluia,
3 et les psaumes cent-dix-sept et soixante-deux ;
4 puis le cantique Benedicite ( le cantique Benedicite¦ est tiré du Livre de DanielDa 2,57-88) et les psaumes Laudate ( Les psaumes Laudate¦ sont les trois derniers du psautier Ps 148 Ps 149 Ps 150), une leçon de l'Apocalypse par coeur, le répons, l'hymne, le verset, le cantique (Benedictus) de l'Evangile et la litanie, et l'office est achevé (Benedictus¦, premier mot du Cantique de Zacharie Lc 1,68-79) .
1 Les jours ordinaires, la solennité des Laudes se fera comme suit.
2 On récitera d'abord le psaume soixante-six (Ps 66) sans antienne et en traînant un peu, comme le dimanche, afin que tous aient le temps d'arriver pour le psaume cinquante (Ps 50), qu'on dira avec antienne.
3 Ce psaume sera suivi de deux autres selon la coutume: à savoir,
4 le lundi, le cinquième (Ps 5) et le trente-cinquième (Ps 35);
5 le mardi, le quarante-deuxième (Ps 42) et le cinquante-sixième (Ps 56);
6 le mercredi, le soixante-troisième (Ps 63) et soixante-quatrième (Ps 64);
7 le jeudi, le quatre-vingt-septième (Ps 87) et le quatre-vingt-neuvième (Ps 89);
8 le vendredi, le soixante-quinzième (Ps 71) et le quatre-vingt-onzième (Ps 91);
9 le samedi, le cent quarante-deuxième (Ps 142) avec le cantique du Deutéronome divisé en deux Gloria.
10 Les autres jours on dira le cantique tiré des Prophètes et assigné pour chaque jour, comme les psalmodie l'Eglise romaine.
11 Viendront ensuite les psaumes Laudate, une leçon de l'Apôtre récitée par coeur, le répons, l'hymne, le verset, le cantique (Benedictus) de l'Evangile, la litanie, et l'office est achevé.
12 Il est entendu que les offices des Laudes et des Vêpres ne devront jamais se conclure sans que le supérieur dise, en dernier lieu, en entier, au milieu de l'attention générale, l'oraison dominicale, à cause des épines de querelles qui ont accoutumé de se produire.
13 Ainsi, les frères, engagés par la promesse qu'ils font en cette oraison: "Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons", (allusion Mt 6,12-13) se purifieront de ces sortes de fautes.
14 Mais aux autres Heures, il suffira de dire tout haut la dernière partie de cette oraison, en sorte que tous répondent: "Mais délivre-nous du mal." (allusion Mt 6,12-13)
1 Aux fêtes des Saints et à toutes les solennités, on fera l'office de nuit comme le dimanche,
2 sauf qu'on dira les psaumes, antiennes et leçons propres au jour même (de la fête). Pour la quantité, on gardera la mesure prescrite ci-dessus.
1 Depuis la sainte Pâque jusqu'à la Pentecôte, on dira l'Alleluia sans exception, tant aux psaumes qu'aux répons.
2 Depuis la Pentecôte jusqu'au commencement du Carême, on le dira chaque nuit avec les six derniers psaumes des Nocturnes seulement.
3 Tous les dimanches hors du Carême, on dira avec l'Alleluia, les Cantiques, Laudes, Prime, Tierce, Sexte et None; mais les Vêpres se chanteront avec antienne.
4 On ne dira jamais les répons avec l'Alleluia, sinon de Pâques à la Pentecôte.
1 Nous ferons comme l'a dit le Prophète: "Sept fois le jour j'ai chanté tes louanges." (Ps 118,164)
2 Nous remplirons ce nombre sacré de sept, si nous nous acquittons des devoirs de notre service à Laudes, Prime, Tierce, Sexte, None, Vêpres et Complies.
3 Car c'est de ces Heures du jour que le Prophète a dit: "Sept fois le jour j'ai chanté tes louanges." (Ps 118,164)
4 Tandis que, au sujet de l'office de la nuit, il s'exprime ainsi: "Je me levais au milieu de la nuit pour te louer." (Ps 118,62)
5 Louons donc notre Créateur des jugements de sa justice, en ces Heures-là, à savoir: Laudes, Prime, Tierce, Sexte, None, Vêpres, Complies, et la nuit, levons-nous pour lui offrir nos louanges. (cf. Ps 118,164 Ps 118,62)
1 Nous avons jusqu'ici réglé l'ordre de la psalmodie pour les Vigiles et les Laudes; voyons maintenant ce qui concerne les heures suivantes.
2 A Prime, on dira trois psaumes séparément et non sous un seul Gloria ;
3 mais avant de commencer ces psaumes on dira l'Hymne de la même Heure, après le verset "Dieu, viens à mon aide". (Ps 69,2)
4 Après les trois psaumes, on récitera une leçon, le verset, le Kyrie eleison, et le renvoi.
5 Les offices de Tierce, Sexte et None se célèbreront de la même manière, c'est-à-dire: le verset "Dieu, viens à mon aide" (Ps 69,2), l'hymne de ces Heures, trois psaumes, une leçon, le verset, Kyrie eleison, puis le renvoi.
6 Si la communauté est nombreuse, on dira les psaumes avec antiennes; sinon on psalmodiera d'un trait.
7 La réunion de Vêpres se composera de quatre psaumes avec antiennes ;
8 ensuite, on récitera la leçon, le répons, l'hymne, le verset, le cantique de l'Evangile (Magnificat) ( Magnificat¦: premier mot du cantique de la Vierge Lc 1,46-51), la litanie, et par l'oraison dominicale se fera le renvoi.
9 A Complies, on récitera simplement trois psaumes d'un trait, sans antienne,
10 puis l'Hymne de cette Heure, une leçon, le verset, le Kyrie eleison, et, par la bénédiction se fera le renvoi.
1 D'abord on dira le verset: Dieu, viens à mon aide; Seigneur, hâte-toi de m'aider (Ps 69,2), et le Gloria. Puis viendra l'hymne propre à chaque Heure ( Il s'agit des petites Heures du jour, les seules où l'hymne suive immédiatement le Deus in adjotorium).
2 Ensuite, à Prime, le dimanche, on dira quatre sections du paume cent dix-huit (Ps 118);
3 aux autres Heures, c'est-à-dire à Tierce, Sexte et None, on récitera trois sections du même psaume (Ps 118).
4 A Prime du lundi, on dira trois psaumes, à savoir le premier, le second et le sixième (Ps 1 Ps 2 Ps 6);
5 ainsi de suite, chaque jour à Prime, jusqu'au dimanche, on continuera, en suivant leur ordre, à réciter trois psaumes jusqu'au psaume dix-neuf (Ps 19): toutefois on partagera en deux les psaumes neuf (Ps 19) et dix-sept (Ps 17).
6 De cette façon, les psaumes du dimanche commenceront toujours par le psaume vingt (Ps 20).
7 A Tierce, Sexte et None du lundi on dira les neuf sections qui restent du psaume cent dix-huit (Ps 118), à raison de trois sections pour chaque Heure.
8 Le psaume cent dix-huit (Ps 118) aura donc été achevé en deux jours, à savoir le dimanche et le lundi.
9 Cela étant, le mardi à Tierce, Sexte et None on dira tois psaumes, depuis le cent dix-neuvième jusqu'au cent vingt-septième (Ps 119-127), ce qui fait neuf psaumes.
10 Ces psaumes sont répétés aux mêmes Heures, chaque jour jusqu'au dimanche. De même pour ce qui est des hymnes, leçons et versets, on gardera tous les jours la disposition uniforme qui a été établie.
11 Mais le dimanche on recommencera toujours par le psaume cent dix-huit (Ps 118).
12 A Vêpres, on chantera tous les jours quatre psaumes, ( Au lieu des cinq psaumes de l'office romain, saint Benoît, par discrétion, tend à ne pas trop prolonger les offices du jour, afin de laisser du temps pour le travail)
13 à partir du cent neuvième jusqu'au cent quarante-septième (Ps 109-147),
14 exception faite de ceux qui sont réservés pour d'autres Heures, à savoir depuis le cent dix-septième jusqu'au cent vingt-septième, plus le cent troisième et le cent quarante-deuxième (Ps 117-127 Ps 133-142).
15 Tous les autres se diront à Vêpres.
16 Mais comme il manque trois psaumes (pour le nombre voulu), on divisera (en deux) les plus longs, à savoir les psaumes cent trente-huit, cent quarante-trois et cent quarante-quatre (Ps 138 Ps 143 Ps 144).
17 Quant au cent seixième, très court, on le joindra au cent qinzième (Ps 106 Ps 115).
18 L'ordre des psaumes de Vêpres étant ainsi réglé, le reste de cet office, c'est-à-dire les leçons, répons, hymne, verset et cantique, se dira comme nous l'avons indiqué plus haut.
19 A Complies, on répètera tous les jours les mêmes psaumes, savoir les psaumes quatre, quatre-vingt-dix et cent trente-trois (Ps 4 Ps 90 Ps 133).
20 L'ordre de la psalmodie du jour étant ainsi disposé, tous les autres psaumes qui restent seron distribués également entre les sept Vigiles de la semaine,
21 ceux qui sont trop longs étant divisés en deux, de sorte qu'il y en ait douze pour chaque nuit.
22 Avant tout cependant nous tenons à dire que, si quelqu'un ne goûte pas cette distribution des psaumes, il en adopte une autre qu'il jugera meilleure.
23 Qu'il soit bien entendu toutefois que le psautier de cent cinquante psaumes sera récité intégralement chaque semaine et recommencé chaque dimanche à Vigile.
24 En effet, des moines qui, au cours de la semaine, psalmodient moins que le psautier avec les cantiques habituels se montrent par trop mous dans le service qu'ils ont voué.
25 La tâche que nos saints Pères, comme nous le lisons, accomplissaient courageusement en un seul jour, puissions-nous du moins, dans notre tiédeur, nous en acquitter en une semaine entière!
1 Partout nous croyons fermement que Dieu est présent et que les yeux du Seigneur considèrent en tout lieu les bons et les méchants. (allusion Pr 15,3)
2 Mais surtout il faut le croire fermement lorsque nous assistons à l'office divin.
3 Ayons donc toujours dans la mémoire ce que dit le Prophète: "Servez le Seigneur dans la crainte." (Ps 2,11)
4 Et encore: "Psalmodiez avec sagesse." (Ps 46,8)
5 Et: "Je te chanterai en présence des anges." (Ps 137,1)
6 Considérons donc comment nous devons nous tenir en présence de Dieu et de ses Anges,
7 et tenons-nous pour psalmodier de manière que notre esprit soit en accord avec notre voix.
note du traducteur: il s'agit ici de la prière privée, distincte de la prière vocale liturgique.
1 Lorsque nous avons une requête à faire aux puissants de la terre, nous n'osons le faire qu'avec humilité et respect.
2 A plus forte raison faut-il supplier le Seigneur Dieu de l'univers en toute humilité et pure dévotion.
3 Sachons bien que ce n'est pas l'abondance des paroles, mais la pureté du coeur et les larmes de la componction qui nous obtiendront d'être exaucés.
4 La prière doit donc être brève et pure, à moins que peut-être la grâce de l'inspiration divine ne nous incline à la prolonger.
5 Mais en communauté, la prière sera très courte, et, sur le signal du supérieur, tous se lèveront en même temps.
1 Si la communauté est nombreuse, on choisira quelques-uns d'entre les frères qui sont de bonne réputation et de sainte vie, et on les établira doyens. (allusion Ac 6,3)
2 Ils veilleront en tout sur leurs décanies, conformément aux commandements de Dieu et aux ordres de leur abbé. (La décanie¦ est un groupe d'une dizaine de moines)
3 On choisira pour doyens ceux des moines avec lesquels l'abbé puisse en toute sécurité partager son fardeau.
4 On ne les choisira pas selon leur ancienneté dans la communauté, mais selon le mérite de leur vie et la sagesse de leur doctrine.
5 Si, par hasard, l'un d'eux, enflé d'orgueil, mérite répréhension, on le corrigera une première, une deuxième et une troisième fois. S'il ne veut pas s'amender, on le déposera
6 et on mettra à sa place un autre qui en soit digne.
7 Nous établissons la même règle au sujet du prieur.
1 Les moines dormiront chacun dans un lit à part.
2 Ils recevront une literie selon leur genre de vie et suivant qu'en aura disposé leur abbé. (L'expression pro modo conversationis, qui n'est pas très claire, signifie sans doute que l'on donnera, en fait de literie, ce qui répond aux besoins de chacun. Il n'est pas question ici de pauvreté ou d'austérité. Partout ailleurs, saint Benoît se montre large pour le sommeil, la nourriture, la boisson, etc. En cet endroit aussi, il demeure certainement fidèle à son principe général de s'adapter aux besoins de chacun. Ceci justifie la suite: "suivant qu'en aura disposé leur abbé")
3 Si faire se peut, ils dormiront tous dans un même lieu. Si le trop grand nombre ne le permet pas, ils reposeront par dix ou par vingt, avec des anciens qui veilleront sur eux.
4 Une lumière éclairera le dortoir continuellement jusqu'au matin.
5 Ils dormiront vêtus, ceints d'une ceinture ou d'une corde. En dormant, ils n'auront point leurs couteaux à leur côté de peur que, pendant le sommeil, ils ne viennent à se blesser tout en dormant.
6 Que les moines soient toujours prêts. Au signal donné, ils se lèveront aussitôt et s'empresseront à l'envi à l'Oeuvre de Dieu, en toute gravité néanmoins et modestie.
7 Les plus jeunes frères n'auront point leurs lits placés les uns près des autres, mais entremêlés parmi ceux des anciens.
8 En se levant pour l'Oeuvre de Dieu, les moines s'encourageront doucement les uns les autres, afin d'ôter tout sujet d'excuse aux somnolents.
1 S'il se rencontre quelque frère récalcitrant ou désobéissant ou orgueilleux ou murmurateur ou qui viole en quelque point la sainte Règle ou les ordres de ses anciens, et cela avec mépris,
2 il sera averti par ses anciens, une et deux fois selon le précepte de Notre-Seigneur, en particulier. (allusion Mt 18,15)
3 S'il ne s'amende pas, on le réprimandera publiquement devant tous.
4 Si, malgré cela, il ne se corrige pas, qu'il soit excommunié, s'il comprend la gravité de cette peine.
5 Mais s'il est endurci, qu'il soit puni par un châtiment corporel.
1 La mesure de l'excommunication ou du châtiment doit être proportionnée à la gravité de la faute,
2 et la gravité des fautes dépend du jugement de l'abbé.
3 Si un frère est coupable de fautes légères, il sera privé de la table commune.
4 Or, celui qui sera ainsi privé de la communauté de la table sera traité comme il suit: à l'oratoire, il entonnera ni psaume, ni antienne et ne récitera pas de leçon, jusquà ce qu'il ait donné satisfaction.
5 Il prendra son repas seul, après le repas des frères :
6 si, par exemple, les frères mangent à la sixième heure, ce frère ne le fera qu'à la neuvième; et si le dîner des frères est à la neuvième, le sien n'aura lieu que le soir,
7 jusqu'à ce qu'il ait obtenu son pardon par une satisfaction convenable.
1 Le frère coupable d'une faute grave sera privé tout à la fois de la table commune et de l'oratoire.
2 Aucun frère n'aura avec lui ni relation ni entretien.
3 Il restera seul à l'ouvrage qui lui est enjoint, demeurant ainsi dans le deuil de la pénitence, et méditant cette sentence terrible de l'Apôtre :
4 "Un tel homme a été livré à la mort de la chair, afin que son esprit soit sauvé au jour du Seigneur." (1Co 5,5)
5 Il prendra seul son repas, suivant la mesure et à l'heure que l'abbé aura jugées opportunes;
6 Ceux qui passent ne le béniront point, ni la nouriture qui lui est servie.
1 Si un frère, sans la permission de l'abbé, ose se joindre, en quelque manière que ce soit, à un frère excommunié, ou lui parler, ou lui faire une commission,
2 il subira le même peine de l'excommunication.
1 L'abbé doit prendre soin en toute sollicitude des frères qui ont failli, parce que "ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin du médecin mais les malades." (Mt 9,12)
2 C'est pourquoi il doit, comme un sage médecin, user de tous les moyens. Il enverra des senpectes, c'est-à-dire des frères anciens et sages (L'origine du mot senpecta est obscure. Il pourrait se rattacher à senapis et signifierait sinapisme; il pourrait aussi dériver d'un terme grec signifiant compagnon de jeu et aurait ici, par extension, le sens de frères charitables qui entrent dans le "jeu" de l'excommunié pour le ramener à résipiscense.)
3 qui, comme en secret, consoleront le frère qui est dans le trouble et l'engageront à faire une humble satisfaction; ils le soutiendront de peur qu'il ne soit accablé par un excès de tristesse ;
4 mais, comme dit l'Apôtre, "il faut redoubler de charité envers lui, et tous prieront à son intention. (allusion 2Co 2,7-8)
5 L'abbé, en effet, doit avoir un soin tout particulier et s'empresser, avec toute son adresse et toute son habileté, pour qu'il ne perde aucune des brebis à lui confiées.
6 Il doit savoir qu'il a reçu le soin d'âmes malades et non une autorité tyrannique sur des âmes saines.
7 Qu'il craigne donc la menace du Prophète, par laquelle Dieu dit: "Les brebis qui vous paraissaient grasses, vous les preniez pour vous, et celles qui étaient débiles, vous les rejetiez." (Ez 34,3-4)
8 Qu'il imite plutôt l'exemple de tendresse du bon Pasteur qui, ayant laissé dans les montagnes quatre-vingt-dix-neuf brebis, partit chercher l'unique brebis qui s'était égarée; (Lc 15,4-5)
9 il eut de sa faiblesse une si grande compassion qu'il daigna la charger sur ses épaules sacrées et ainsi la rapporter au troupeau. (He 4,15)
1 Si un frère, après avoir été fréquemment repris pour quelque faute et même après avoir été excommunié, ne s'amende pas, on lui infligera une correction plus rude, c'est-à-dire on procédera contre lui par le châtiment des verges.
2 Que s'il ne se corrige pas encore, ou que, peut-être, enflé d'orgueil, ce que Dieu ne permette pas, il veuille même défendre sa conduite, l'abbé fera alors ce que fait un sage médecin :
3 employer les cataplasmes, les onguents des exhortations, les remèdes des divines Ecritures, enfin la brûlure de l'excommunication et les coups de verges.
4 S'il voit que toute son habileté n'a rien obtenu, il emploiera alors un moyen plus efficace, sa prière et celle de tous les frères pour lui,
5 afin que le Seigneur, qui peut tout, rende la santé à ce frère malade.
6 Mais si ce remède n'opérait pas la guérison, l'abbé prendra alors le fer qui retranche, selon la parole de l'Apôtre: "Otez le mal d'entre vous."(1Co 5,13)
7 Et encore: "Si l'infidèle s'en va, qu'il s'en aille"(1Co 7,15) ,
8 de peur qu'une brebis malade ne contamine tout le troupeau.
1 Un frère, sorti du monastère par sa propre faute, désire-t-il y rentrer, il devra promettre d'abord un total amendement du vice qui a causé son départ. (Il ne s'agit pas ici des moines chassés du monastère comme incorrigibles, mais de ceux qui sont sortis d'eux-mêmes par découragement ou inconstance.)
2 On le recevra alors au dernier rang pour éprouver son humilité.
3 S'il sort de nouveau, on le reprendra ainsi jusqu'à trois fois. Après quoi, il saura désormais que toute voie de retour lui est fermée.
1 Chacun doit être traité selon son âge et son degré d'intelligence.
2 Aussi, lorsque des enfants ou des adolescents ou ceux qui n'ont pas assez de juugement pour comprendre la gravité de la peine de l'excommunication, (Ces enfants ont été confiés très jeunes au monastére par leurs parents, suivant l'usage alors admis, pour y être élevés ou même devenir moines.)
3 commettront quelque faute, ils seront punis par des jeûnes sévères ou châtiés durement par des coups, afin qu'ils se corrigent.
1 On choisira comme cellérier du monastère un des frères qui soit judicieux, sérieux, sobre, frugal, ni hautain, ni brouillon, ni injuste, ni négligent, ni prodigue,
2 mais rempli de la crainte de Dieu, et qui soit comme un père pour toute la communauté.
3 Qu'il ait soin de tous ;
4 qu'il ne fasse rien sans l'ordre de l'abbé ;
5 qu'il exécute ce qui lui est commandé,
6 qu'il ne mécontente pas les frères.
7 Si l'un d'eux vient à lui demander quelque chose de déraisonnable, qu'il ne l'indispose pas en le rebutant avec mépris, mais qu'il lui refuse avec raison et avec humilité ce qu'on lui demande mal à propos.
8 Qu'il veille à la garde de son âme, se souvenant toujours de cette parole de l'Apôtre: "Celui qui aura bien administré, s'acquiert un rang élevé." (1Tm 3,13)
9 Il prendra un soin tout particulier des malades, des enfants, des hôtes et des pauvres, convaincu qu'au jour du jugement il devra rendre compte pour eux tous.
10 Il regardera tous les objets et tous les biens du monastère comme les objets sacrés de l'autel.
11 Il ne tiendra rien pour négligeable.
12 Il ne sera ni avare, ni prodigue, ni dissipateur des biens du monastère. Mais il fera tout avec mesure, et conformément aux ordres de l'abbé.
13 Avant tout il aura l'humilité et, s'il ne peut accorder ce qu'on lui demande, il donnera au moins une bonne réponse,
14 selon qu'il est écrit :"Une bonne parole vaut mieux qu'un don excellent." (Si 18,17)
15 Il aura soin de tout ce que l'abbé lui aura prescrit, et il ne s'ingérera pas dans ce qu'il lui aura défendu.
16 Il servira aux frères, sans fiévre ni lenteur, la portion qui leur revient, afin de ne pas les irriter, se souvenant du châtiment dont la parole divine menace celui qui aura scandalisé un des plus petits. (allusion Mt 18,6)
17 Si la communauté est nombreuse, il recevra des aides, afin que, avec leur assistance, il remplisse sa charge l'âme en paix.
18 Aux heures convenables on donnera et on demandera ce qui doit être donné et demandé,
19 afin que personne ne soit troublé ni contristé dans la maison de Dieu.
1 L'abbé confiera à ceux des frères, dont la vie et les moeurs sont sûres, ce que le monastère possède en outils, vêtements ou n'importe quels objets.
2 Il leur remettra tout ce qu'ils doivent garder et recueillir selon qu'il l'aura jugé utile.
3 L'abbé en conservera l'inventaire afin de savoir ce qu'il donne et ce qu'il reçoit, lorsque les frères se succèdent l'un à l'autre dans ces charges.
4 Si quelqu'un traite les objets du monastère avec malpropreté ou négligence, il sera réprimandé ;
5 s'il ne s'amende pas, il recevra la discipline régulière.
1 Avant tout, il faut retrancher du monastère jusqu'à la racine ce vice de la propriété.
2 Que personne n'ait donc la témérité de rien donner ou recevoir sans l'autorisation de l'abbé ;
3 ni de rien posséder en propre, quoi que ce puisse être, ni livres, ni tablettes, ni stylet pour écrire, en un mot absolument rien,
4 puisqu'il n'est même plus licite aux moines d'avoir à leur disposition ni leur corps ni leurs volontés.
5 Ils doivent espérer et attendre du père du monastère tout ce qui leur est nécessaire. Et personne ne pourra avoir quelque chose que l'abbé n'ait donné ou permis.
6 Que tout soit commun à tous, ainsi qu'il est écrit. Que personne ne dise que quelque chose lui appartient, ni n'ait la témérité de se l'approprier. (allusion Ac 4,32)
7 Si quelqu'un se complaisait en ce vice détestable, on l'admonesterait une et deux fois ;
8 s'il ne s'amendait pas, on le corrigerait.
1 Comme il est écrit: "On partageait à chacun selon ses besoins." (Ac 4,35)
2 Par là, nous ne disons point qu'on fasse acception des personnes - ce qu'à Dieu ne plaise - mais qu'on ait égard aux infirmités.
3 Celui qui aura besoin de moins, rendra grâces à Dieu et ne s'attristera point ;
4 celui à qui il faut davantage, s'humiliera et ne s'élèvera point à cause de la miséricorde qu'on lui fait.
5 Ainsi tous les membres seront en paix.
6 Avant tout, que jamais n'apparaisse le vice du murmure, pour quelque raison que ce soit, ni en paroles, ni en un signe quelconque.
7 Si quelqu'un est reconnu coupable, il sera soumis à une correction sévère.
1 Les frères se serviront mutuellement. Personne ne sera dispensé du service de la cuisine, sinon pour cause de maladie ou pour quelque occupation de grande utilité.
2 Par cet exercice, en effet, on acquiert plus de mérite et de charité.
3 On donnera des aides à ceux qui sont faibles, afin qu'ils s'acquittent de leur tâche sans tristesse.
4 Tous auront ainsi des aides, selon que le demandera l'état de la communauté ou la situation du lieu.
5 Si la communauté est nombreuse, le cellérier sera dispensé du service de la cuisine, ainsi que ceux qui, comme nous l'avons dit, sont occupés à des besognes plus utiles ;
6 mais tous les autres se serviront mutuellement avec charité.
7 Celui qui sort de semaine fera, le samedi, les nettoyages.
8 Il lavera les linges avec lesquels les frères s'essuient les mains et les pieds.
9 Aidé de celui qui entre en service, il lavera les pieds de tous les frères.
10 Il remettra au cellérier, propres et en bon état, les objets de son office.
11 Le cellérier les passera à celui qui entre en semaine; il saura ainsi ce qu'il donne et ce qu'il reçoit.
12 Une heure avant le repas, les semainiers prendront chacun, en sus de la portion ordinaire, un coup à boire et du pain ;
13 de cette façon, à l'heure du repas, ils serviront leurs frères sans murmure et sans trop de fatigue.
14 Mais les jours solennels, ils attendront jusqu'au renvoi de l'office.
15 Ceux qui entreront en semaine et ceux qui en sortiront, se prosterneront, dans l'oratoire, à la fin des Laudes du dimanche, aux genoux de tous, et leur demanderont de prier pour eux.
16 Le sortant dira ce verset: "Tu es béni, Seigneur Dieu, toi qui m'as aidé et consolé." (Da 3,52 Ps 85,17)
17 L'ayant dit trois fois, il recevra la bénédiction. Celui qui entre en charge lui succédera et dira: "Dieu, viens à mon aide, hâte-toi de me secourir." (Ps 69,2)
18 Ce verset ayant été répété de même trois fois par tous les frères, il recevra la bénédiction et entrera en charge.
Saint Benoit, Règle - Chapitre 8 : LES OFFICES DIVINS DANS LA NUIT