1983 Éléments essentiels - 5. L'ASCESE

5. L'ASCESE


31. La discipline et le silence nécessaires à la prière nous rappellent que la consécration par les voeux de religion requiert une certaine ascèse de vie «embrassant tout l'être» (ET 46). La réponse du Christ dans la pauvreté, la chasteté et l'obéissance le conduisit dans la solitude du désert, à la souffrance de la contradiction et à l'abandon de la croix. La consécration du religieux entre dans cette voie du Christ; il ne peut pas être le reflet de sa propre consécration si son style de vie ne comporte pas un élément de renoncement. La vie religieuse est une expression continue, publique, visible de la conversion chrétienne. Elle demande qu'on laisse tout et qu'on prenne sa croix pour suivre le Christ, pendant toute la vie. La vie religieuse requiert l'ascèse nécessaire pour vivre pauvre d'esprit et de fait; pour aimer à la manière du Christ; pour renoncer à sa volonté propre et pour accepter la volonté d'un autre pour l'amour de Dieu, quand cet autre est le représentant de Dieu, même imparfaitement. La vie religieuse demande encore le don de soi-même sans lequel il n'est pas possible de mener une bonne vie de communauté, ni d'accomplir une mission féconde. La déclaration de Jésus sur le grain de blé qui doit tomber en terre et mourir pour porter du fruit, revêt une importance spéciale pour les religieux, compte tenu de la nature publique de leur profession. Il est vrai qu'une grande partie de la pénitence se trouve de nos jours dans les circonstances mêmes de la vie et doit être acceptée. Cependant, à moins que les religieux n'établissent dans leur vie «une austérité joyeuse et équilibrée» (ET 30) et prennent des dispositions pour certaines limitations volontaires, ils risquent de perdre la liberté spirituelle nécessaire pour vivre les conseils évangéliques. En effet, sans austérité et sans renoncement, leur consécration elle-même peut être en danger, car on ne peut être un témoin public du Christ pauvre, chaste et obéissant, sans ascèse. De plus, en professant les conseils évangéliques par les voeux de religion, les religieux s'engagent à faire tout ce qui est nécessaire pour approfondir et faire croître ce qu'ils ont voué et cela signifie un choix libre de la croix qui sera pour eux «comme elle l'a été pour le Christ, la preuve du plus grand amour» (ET 29).



6. TEMOIGNAGE PUBLIC


32. Par sa nature, la vie religieuse est un témoignage qui doit manifester clairement la primauté de l'amour de Dieu et cela avec une force venant de l'Esprit-Saint (Cf. ET 1). Jésus lui-même rendit ce témoignage au suprême degré: témoin du Père «avec la puissance de l'Esprit» (Lc 4,14), dans sa vie, sa mort, sa résurrection et en demeurant pour toujours le témoin fidèle. A son tour, il envoya les apôtres dans la puissance du même Esprit pour être ses témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu'aux extrémités du monde (cf. Ac 1, 8). Le sujet de leur témoignage était toujours le même: «Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et palpé de nos mains touchant le Verbe de Vie» (I Jn 1, 1), Jésus-Christ «Fils de Dieu, établi avec puissance par sa résurrection des morts» (Rm 1, 5).


33. Les religieux aussi, dans leur temps, sont appelés à témoigner d'une semblable expérience personnelle, profonde du Christ et à partager la foi, l'espérance, l'amour et la joie que cette expérience inspire. Leur renouveau de vie, personnel et continu devrait être une source de croissance pour leurs instituts, rappelant les paroles du Pape Jean Paul II: «Ce qui est le plus important n'est pas ce que font les religieux, mais ce qu'ils sont comme personnes consacrées au Seigneur» (Message à la Plenaria de la SCRIS, mars 1980). Non seulement directement par des oeuvres qui proclament l'Evangile, mais plus encore par leur vie même, ils doivent être des voix qui affirment avec confiance et conviction: «Nous avons vu le Seigneur, Il est ressuscité, nous avons entendu sa parole».


34. La totalité de la consécration religieuse se voit encore dans le fait que le témoignage porté à tout l'évangile, se donne publiquement par toute la vie. Les valeurs, les attitudes, le style de vie témoignent avec force la place du Christ dans la vie de chaque religieux. La visibilité de ce témoignage comporte le renoncement à certains niveaux de commodités et de confort qui seraient légitimes pour d'autres. Elle réclame des restrictions sur des formes de récréation et de divertissement (cf. ES 1,25 $ 2 à propos de CD 33-55). Pour l'assurer, les religieux doivent accepter une manière de vivre qui ne soit pas permissive, mais qui soit établie spécialement pour eux. Ils portent un vêtement religieux qui les distingue comme personnes consacrées, et ils résident dans des maisons légitimement établies par leur institut, selon la loi commune de l'Eglise et leurs propres constitutions. Leurs voyages et leurs contacts sociaux s'accordent avec l'esprit et le caractère de l'institut, ainsi qu'avec l'obéissance religieuse. Ces dispositions ne suffisent pas à elles seules pour assurer le témoignage public de joie, d'espérance et d'amour de Jésus-Christ, mais ce sont des moyens importants qui le favorisent, et il est certain que le témoignage religieux ne peut être donné sans eux.


35. La manière de travailler est également importante pour le témoignage public. La tâche réalisée et la manière de l'accomplir doivent témoigner du Christ par la pauvreté d'une personne qui ne cherche ni son intérêt, ni sa propre satisfaction. De nos jours, l'impuissance est une des plus grandes pauvretés. Le religieux accepte de partager cette pauvreté par la générosité de son obéissance, uni ainsi avec les pauvres et les faibles d'une manière particulière, comme le Christ dans sa passion. Un tel religieux sait bien ce que c'est qu'être devant Dieu comme un pauvre, d'aimer comme Jésus aime, et de travailler à l'oeuvre de Dieu aux conditions de Dieu. En outre, en fidélité à sa consécration, il trouve dans son Institut les moyens concrets favorisant cette attitude.


36. La fidélité à l'apostolat confié à son institut est aussi essentielle pour un témoignage authentique. Le dévouement individuel à des nécessités perçues, aux dépens de l'oeuvre confiée à l'institut, ne peut être que dommageable. Cependant, il existe des façons de vivre et de travailler qui témoignent clairement du Christ dans la situation actuelle. L'évaluation continue de l'usage des biens et du style des rapports dans sa propre vie, est pour le religieux un des moyens les plus efficaces de promouvoir la justice du Christ dans le monde (cf. RPH 4). Etre une voix pour ceux qui ne peuvent parler, est également une manière de porter témoignage quand cela se réalise en accord avec les directives de la hiérarchie locale et de l'institut. Le drame des réfugiés, de ceux qui sont persécutés pour leurs opinions politiques ou religieuses (cf. EN 39), de ceux à qui on refuse le droit à la naissance et à la vie; les restrictions injustifiées de la liberté humaine; les carences sociales qui accroissent la souffrance des personnes âgées et malades; les marginalisés, sont autant de continuations dans le présent de la Passion et appellent l'action des religieux dédiés aux oeuvres apostoliques (cf. RPH 4 d).


37. La réponse variera selon la mission, la tradition et l'identité des instituts. Dans certains cas, il pourra être nécessaire de demander l'approbation pour de nouvelles oeuvres dans l'Eglise. Dans d'autres cas, de nouveaux instituts peuvent être reconnus pour répondre à des nécessites spécifiques. Dans la plupart des cas, I'utilisation créative d'oeuvres déjà existantes répondant à des besoins nouveaux sera un témoignage éloquent du Christ, hier, aujourd'hui et toujours. Le témoignage des religieux qui, en fidélité à l'Eglise et au patrimoine de leur institut, s'efforcent courageusement et avec amour de travailler à la défense des droits humains et à la venue du Royaume dans l'ordre social, peut être un écho efficace de l'Evangile et de la voix de l'Eglise (cf. RPH 3). Ce témoignage est efficace dans la mesure où il manifeste publiquement le pouvoir transformateur du Christ et la vitalité du charisme de l'Institut pour notre temps. Finalement, la persévérance qui, elle aussi, est un don du Dieu de l'Alliance, témoigne sans parole mais avec éloquence, au Dieu fidèle dont l'amour est éternel.



7. RELATION A L'EGLISE


38. I,a vie religieuse a sa place particulière en relation avec la structure divine et hiérarchique de l'Eglise. Elle n'est pas une sorte de voie intermédiaire entre la condition des clercs et celle des laïcs, mais une réalité qui provient de l'une et de l'autre comme un don spécial pour l'Eglise entière (cf. LG 43; MR 10). En particulier, puisqu'elle est un signe extérieur et social du mystère de l'action consacrante de Dieu tout le long de la vie, et puisqu'elle est signe par la médiation de l'Eglise, pour le bien du corps entier, la vie religieuse participe d'une manière spéciale à la nature sacramentelle du peuple de Dieu. C'est pour cette raison que la vie religieuse fait partie de l'Eglise comme mystère et comme réalité sociale, et qu'elle ne peut exister sans ces deux aspects.


39. Le Second Concile du Vatican a souligné cette double réalité quand il a insisté sur la nature sacramentelle de l'Eglise: à la fois nécessairement mystère invisible, communion divine dans la vie nouvelle selon l'Esprit; et en même temps, nécessairement réalité sociale visible, communauté humaine sous l'autorité de celui qui est le représentant du chef, le Christ. Comme mystère (cf. LG 1), l'Eglise est la création nouvelle vivifiée par l'Esprit et assemblée dans le Christ pour se présenter avec confiance au trône de la grâce du Père (cf. He 4,16). Comme réalité sociale elle présuppose l'initiative historique de Jésus-Christ, son passage pascal au Père, son autorité primordiale objective dans l'Eglise qu'il a fondée et le caractère hiérarchique découlant de cette primauté: établissement d'une diversité de ministères en vue du bien du corps tout entier (LG 18, cf. MR 1-5). Le double caractère a d'organisme social visible et de présence divine invisible intimement unis» (MR 3) donne à l'Eglise «sa nature sacramentelle spéciale en vertu de laquelle elle est le sacrement visible de l'unité salvifique» (LG 9). Elle est à la fois sujet et objet de foi qui dépasse de manière essentielle les paramètres et les perspectives purement sociologiques, même quand elle renouvelle ses structures humaines à la lumière des évolutions historiques et des changements culturels (cf. MR 3). Sa nature même la fait à la fois sacrement universel de salut (LG 48), signe visible du mystère de Dieu et réalité hiérarchique: disposition divine concrète par laquelle ce signe peut etre authentifié et rendu efficace.


40. La vie religieuse touche à ces deux aspects. Les fondateurs des Instituts demandent à la hiérarchie de l'Eglise d'authentifier publiquement le don de Dieu duquel dépend leur existence. En agissant de la sorte, eux-mêmes et leurs successeurs rendent témoignage aussi au mystère de l'Eglise parce que chaque institut existe pour la construction du corps du Christ dans l'unité de ses diverses fonctions et activités.


41. Dans leurs origines, les instituts religieux dépendent de la hiérarchie d'une manière unique. Les Evêques, en communion hiérarchique avec le successeur de Pierre, forment un collège qui manifeste et réalise à la fois dans l'Eglise Sacrement les fonctions du Christ Chef (cf. MR 6; LG 2; PO 1, 2; DC 2). Ils ont non seulement la charge pastorale d'entretenir dans les fidèles la vie du Christ, mais aussi de vérifier les dons et les compétences. Ils sont responsables pour coordonner les énergies de l'Eglise et pour guider tout le peuple de Dieu afin qu'il vive dans le monde comme signe et instrument de salut. C'est pourquoi ils accomplissent de manière particulière le ministère de discernement relativement aux dons et initiatives multiples parmi le peuple de Dieu. Comme exemple particulièrement riche et important de ces multiples dons, la vie religieuse dépend du ministère donné par Dieu à la hiérarchie pour le discernement authentique du charisme de fondation.


42. Cette dépendance ne touche pas seulement la première reconnaissance d'un institut religieux, mais aussi ses développements ultérieurs. L'Eglise fait plus que d'établir un institut. Elle l'accompagne, le guide, le corrige et l'encourage dans la fidélité à son don de fondation (cf. LG 45) car cet institut est un élément qui appartient à sa vie propre et à sa croissance. Elle reçoit les voeux émis dans l'institut comme voeux de religion avec les conséquences ecclésiales que comporte une consécration faite par Dieu par le moyen de sa médiation (cf. MR 8). Elle donne à l'institut en conformité avec son don propre de fondation, une participation publique, concrète et communautaire à sa propre mission (cf. LG 17, AG 40). E]le confie a l'institut, selon sa loi propre et les constitutions qu'elle a approuvées, l'autorité religieuse nécessaire pour la réalisation du voeu d'obéissance. En résumé, l'Eglise continue d'être, d'une façon spécifique, médiatrice de l'action consacrante de Dieu, en reconnaissant et en favorisant cette forme particulière de vie consacrée.


43. Dans la pratique, cette relation permanente des religieux à l'Eglise se réalise assez souvent aussi au niveau diocésain où local. Le document Mutuae Relationes (1980) se consacre entièrement à ce thème du point de vue des applications actuelles. Il suffit de rappeler ici l'unité profonde de la vie et de la mission du peuple de Dieu. E]les sont entretenues par tous selon le rôle et la fonction spécifiques de chacun. Le service propre apporté à cette vie et à cette mission par les religieux réside dans la nature totale et publique de leur vie de chrétiens consacrés selon le don de fondation de l'Institut approuvé par l'autorité ecclésiastique.



8. FORMATION


44. La formation religieuse promeut la croissance de la vie consacrée au Seigneur, dès ses premières étapes, quand un candidat commence à s'intéresser sérieusement à la possibilité de s'engager dans cette voie jusqu'à sa consommation finale, quand le religieux rencontre définitivement le Seigneur dans la mort. Le religieux adopte une forme particulière de vie et sa vie elle-même est dans un état de développement constant. E]le ne s'arrête pas. D'ailleurs, le religieux n'est pas appelé et consacré une fois pour toutes. L'appel de Dieu et son action consacrante se poursuivent toute la vie; ils sont capables d'une croissance et d'un approfondissement qui dépassent toute prévision. Le discernement de la capacité de mener une vie qui favorise cette croissance selon le patrimoine spirituel et les normes d'un institut donné, l'accompagnement de cette vie dans son évolution personnelle en chaque membre de la communauté, sont les deux aspects principaux de la formation.


45. Pour chaque religieux, la formation consiste à devenir de plus en plus disciple du Christ, dans une union et une incorporation croissante avec lui. Il s'agit d'avoir de plus en plus les sentiments du Christ et de participer plus profondément à son oblation au Père et à son service fraternel de la famille humaine. Cette croissance se réalise selon le don de fondation qui est une médiation de l'Evangile pour les membres d'un institut. Un tel processus exige une vraie conversion. «Revêtir Jésus-Christ» (cf. Rm 13, 14; Gal 3, 27; Ep 4, 24) implique le dépouillement de soi-même et de l'égoïsme (cf. Ep 4, 22-24, Col 3, 9-10). Le fait même de «se laisser mener par l'Esprit» signifie qu'on se dépouille des «convoitises charnelles» (Gal 5,16). Pour le religieux, revêtir le Christ dans sa pauvreté, son amour et son obéissance constitue la poursuite essentielle de sa vie, et cette poursuite ne s'achève jamais. Elle mûrit continuellement et cette maturité touche non seulement les valeurs spirituelles, mais aussi celles qui contribuent à la réalisation de la personne humaine aux plans psychologique, culturel et social. Au fur et à mesure que le religieux progresse dans la pleine maturité du Christ, la déclaration de Lumen Gentium (46) se vérifie: "Bien que la profession des conseils évangéliques comporte la renonciation à des biens qui méritent indiscutablement l'estime, elle ne fait cependant nullement obstacle au progrès de la personne humaine, mais au contraire, de par sa nature, lui est du plus grand profit».


46. La configuration progressive au Christ se réalise selon le charisme et les orientations de l'Institut auquel le religieux appartient Chaque institut possède un esprit, un caractère, une finalité et une tradition qui lui sont propres, et c'est en se conformant à tous ces éléments que les religieux croissent dans leur union au Christ. Pour les instituts religieux dédiés aux oeuvres d'apostolat, la formation comprend la préparation et l'adaptation continue de leurs membres aux oeuvres de l'Institut non seulement sur le plan professionnel, mais comme "témoins de l'amour sans limite du Seigneur Jésus» (ET 53). Acceptée par chaque religieux comme une responsabilité personnelle, la formation devient non seulement une croissance individuelle, mais aussi une bénédiction pour la communauté et une source féconde d'énergie pour l'apostolat.


47. Puisque l'initiative de la consécration religieuse réside dans l'appel de Dieu, il s'ensuit que Dieu lui-même, travaillant par l'Esprit de Jésus, est le premier et le principal agent de la formation religieuse. Le Christ agit par sa parole et ses sacrements, par la prière de la liturgie, par le magistère de l'Eglise, et, de façon plus immédiate, par ceux qui sont appelés de manière spéciale par l'obéissance, à aider la formation de leurs frères ou de leurs soeurs. Répondant à la grâce de Dieu et à sa direction, le religieux accepte avec amour la responsabilité de sa formation et de sa croissance personnelle accueillant volontiers les conséquences de cette réponse qui sont uniques pour chaque personne et toujours imprévisibles. Cependant la réponse personnelle ne se fait pas dans l'isolement. Suivant la tradition des premiers pères du désert et de tous les grands fondateurs, les instituts religieux ont chacun des membres particulièrement qualifiés et désignés pour aider leurs frères dans ce domaine. Leur rôle varie selon l'étape atteinte par le religieux, mais leur responsabilité essentielle consiste dans le discernement de l'action de Dieu, la conduite du religieux dans les voies divines, et l'alimentation de la vie par une doctrine solide et la pratique de la prière. Spécialement dans les premières étapes, il sera nécessaire d'évaluer le chemin déjà parcouru. Le maître des novices et les responsables des jeunes profès ont également le devoir de vérifier l'appel des jeunes religieux et leur aptitude à la profession temporaire et perpétuelle. Tout le processus de formation se réalise en communauté. Une communauté priante et dévouée, construisant communautairement son union au Christ et sa participation à la mission, fidèle aux constitutions, bien insérée dans tout l'Institut, dans l'Eglise et dans la société qu'elle sert, est un milieu naturel de formation. Elle soutient ses membres et expose à leurs yeux par la foi, dans tout le cours de leur existence, la finalité et les valeurs contenues dans leur consécration.


48. La formation ne s'achève pas en une seule fois. Le chemin conduisant du premier appel à la réponse finale comporte cinq étapes principales: le pré-noviciat dont le but est d'authentifier l'appel dans la mesure du possible; le noviciat qui est l'initiation à une nouvelle forme de vie; la première profession et la période de maturation préparant à la profession perpétuelle; la profession perpétuelle et la formation permanente des années de maturité; enfin le temps de l'affaiblissement, sous quelque forme qu'il se présente, et qui est la préparation à la rencontre définitive avec le Seigneur. Chaque étape a son but, son contenu et ses orientations particulières. Celles du noviciat et de la profession, à cause de leur particulière importance, sont soigneusement déterminées dans leurs grandes lignes par la loi universelle de l'Eglise. Cependant bon nombre de dispositions sont laissées à la responsabilité des Instituts; il leur est demandé de formuler dans leurs constitutions de manière concrète les points auxquels la loi universelle ne se réfère qu'en principe.



9. GOUVERNEMENT


49. Le gouvernement des instituts religieux de vie apostolique, comme les autres aspects de leur vie, est basé sur la foi et sur leur réponse de consacrés à Dieu, en communauté et en mission. Ces hommes et ces femmes sont membres des instituts religieux dont les structures sont le reflet de la hiérarchie chrétienne, dont la tête est le Christ lui-même. Ils ont choisi de vivre le voeu d'obéissance comme une valeur de vie. D'où la nécessité d'une forme de gouvernement qui exprime ces valeurs et d'une forme particulière d'autorité religieuse. Une telle autorité, propre aux instituts religieux, ne procède pas des membres eux-mêmes. Elle est conférée par Dieu au moyen du ministère de l'Eglise, quand elle reconnaît un Institut et approuve ses Constitutions. Elle est confiée aux supérieurs pour la durée de leur mandat aux niveaux général, intermédiaire ou local. Elle doit s'exercer selon les normes du droit universel et particulier, dans un esprit de service et le respect de la personne humaine des religieux fils de Dieu (cf. PC 14), encourageant leur coopération pour le bien de l'institut, mais en préservant toujours le droit du supérieur de discerner et de décider finalement ce qui doit être fait. A strictement parler, cette autorité ne se partage pas. Elle peut être déléguée selon les constitutions pour des raisons valables, mais c'est normalement ex officio qu'elle est confiée au supérieur.


50. Cependant les supérieurs ne sont pas seuls pour l'exercice de leur autorité. Chacun d'eux doit être aidé d'un conseil dont les membres collaborent avec lui selon les normes établies dans les constitutions. A l'inverse des supérieurs, les conseillers n'exercent pas l'autorité ex officio, mais ils collaborent avec eux et les aident par leur vote consultatif ou délibératif, conformément à la loi universelle de l'Eglise et aux constitutions de l'Institut.


51. La plus haute autorité de l'institut s'exerce aussi, bien que de façon extraordinaire, par le chapitre général en session, selon la loi de l'Eglise et de l'Institut. Les constitutions doivent préciser l'autorité du chapitre général, de telle sorte qu'elle soit bien distincte de celle du supérieur général. Le chapitre général est essentiellement un groupe «ad hoc». Il est composé de membres ex officio et de délégués élus qui se réunissent normalement pour un seul chapitre. Comme signe d'unité dans la charité, la célébration d'un chapitre général doit être un moment de grâce et d'action de l'Esprit-Saint dans l'institut. Il devrait être une joyeuse expérience pascale et ecclésiale profitable à l'institut lui-même et à toute l'Eglise, car il rénove et protège le patrimoine spirituel de l'Institut en même temps qu'il élit le supérieur général et ses conseillers et qu'il s'occupe des affaires les plus importantes de l'institut, formulant des normes pour tout l'institut. Les chapitres aux divers niveaux sont si importants que la loi propre de l'institut doit déterminer avec soin ce qui les concerne: nature, autorité, composition, mode d'action et fréquence de leur célébration.


52. L'enseignement conciliaire et post-conciliaire a insisté, à l'égard du gouvernement religieux, sur certains principes qui ont amené des changements importants pendant ces vingt dernières années. Il a déterminé clairement la nécessité fondamentale d'une autorité religieuse effective et personnelle à tous les niveaux: général, intermédiaire et local, pour que l'obéissance religieuse soit vécue (cf. PC 14; ET 25). Il a souligné également la nécessité de consultation pour la participation appropriée des membres dans le gouvernement de l'institut, le partage de la responsabilité et l'exercice de la subsidiarité (cf. ES. II, 18). Bon nombre de ces principes trouvent leur place dans les constitutions rénovées. Il est important qu'ils soient compris et mis en application pour réaliser le but du gouvernement religieux: la construction dans le Christ d'une communauté dans laquelle Dieu soit cherché et aimé par dessus tout, et la mission du Christ généreusement accomplie.

Marie, Mère des Religieux


53. C'est surtout en Marie, Mère de Dieu et Mère de l'Eglise, que la vie religieuse se comprend plus profondément et trouve son meilleur signe d'espérance (cf. LG 68). Immaculée dans sa conception parce qu'elle était appelée à porter Dieu lui-même de la manière la plus intime pour le donner au monde, Marie fut consacrée totalement par le Saint-Esprit venu en elle. Elle est l'Arche d'Alliance du nouveau testament. Servante du Seigneur dans la pauvreté des anawim, Mère du pur amour de Bethléem jusqu'au Calvaire et au-delà, Vierge obéissante dont le «oui» à Dieu a changé notre histoire, femme contemplative qui conservait toutes ces choses dans son coeur, missionnaire se hâtant vers Hébron, attentive aux besoins à Cana, témoin fidèle au pied de la Croix, centre d'unité aidant la jeune Eglise dans son attente de l'Esprit Saint, Marie a manifesté dans toute sa vie les valeurs essentielles de la consécration religieuse. Elle est la Mère des Religieux puisqu'elle est la Mère de Celui qui fut consacré et envoyé. La vie religieuse trouve dans son «fiat» et son «Magnificat» la totalité de son abandon à l'action consacrante de Dieu et le tressaillement de la joie qui en découle.


III.

DIVERSES NORMES FONDAMENTALES

Le code révisé de droit canon exprime en normes canoniques la richesse de l'enseignement conciliaire et post-conciliaire de l'Eglise sur la vie religieuse. Avec les documents du Second Concile du Vatican et les allocutions des Souverains Pontifes ces dernières années, il établit les bases sur lesquelles repose la pratique courante de l'Eglise relativement à la vie consacrée. L'évolution naturelle nécessaire à la vie quotidienne continue toujours, mais comme l'a prévu le motu proprio «Ecclesiae Sanctae» la période d'expérimentation extraordinaire s'est achevée pour les Instituts religieux avec la célébration du deuxième chapitre général ordinaire après le chapitre de renouveau. Maintenant, le code révisé de droit canon est le fondement juridique établi par l'Eglise pour la vie religieuse, dans l'évaluation de ses expériences et dans ses projets d'avenir. Les normes fondamentales suivantes ne sont pas exhaustives, mais elles fournissent une synthèse assez vaste des dispositions de l'Eglise.

APPEL ET CONSECRATION

1. La vie religieuse est une forme de vie à laquelle sont appelés librement par Dieu certains chrétiens, clercs et laïcs, pour jouir dans la vie de l'Eglise de ce don spécial et servir à la mission salutaire de l'Eglise, chacun à sa manière (cf. LG 43).

2. Le don de la vocation religieuse s'enracine dans le don du baptême, mais il n'est pas donné à tous les baptisés. Il est gratuit et n'est pas mérité: il est donné par Dieu à ceux qu'il choisit librement parmi son peuple et pour le salut de son peuple (cf. PC 5).

3. En acceptant le don divin de la vocation, les religieux répondent à un appel de Dieu: de sorte que, non seulement morts au péché (cf Rm 6,11) mais encore renonçant au monde, ils ne vivent que pour Dieu seul. Toute leur vie est dédiée à son service, et ils cherchent et aiment par dessus tout le Dieu qui les a aimés le premier (cf. 1 Jn 4,10; PC 5, 6). Le centre de leur vie est la suite plus intime du Christ (cf. ET 7).

4. Le dévouement de toute la vie du religieux au service de Dieu constitue une consécration spéciale (PC 5). C'est une consécration de toute la personne qui manifeste dans l'Eglise une union effectuée par Dieu, un signe de la vie future. Cette consécration s'effectue par des voeux publics, perpétuels ou temporaires, ces derniers renouvelables à leur expiration. Par leurs voeux, les religieux assument l'observance de trois conseils évangéliques; ils sont consacrés à Dieu par le ministère de l'Eglise (can. 607, 654), et ils sont incorporés dans leur institut avec les droits et les devoirs définis par le droit.

5. Les conditions pour la validité de la profession temporaire, sa durée, sa possible prolongation, sont déterminées dans les constitutions de chaque institut, toujours en conformité avec la loi universelle de l'Eglise (cann. 655-658).

6. La profession religieuse s'effectue selon la formule des voeux approuvée par le Saint Siège pour chaque institut. La formule est commune parce que tous les membres assument les mêmes obligations et, quand ils sont pleinement incorporés, ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Chaque religieux peut y ajouter une introduction et/ou une conclusion, qui doivent être approuvées au préalable par l'autorité compétente.

7. Compte tenu de son caractère et de sa fin propres, chaque institut doit définir dans ses constitutions la manière dont les conseils évangéliques de chasteté, de pauvreté et d'obéissance doivent être observés selon le genre de vie qui est le sien (can. 598 $ 1).

COMMUNAUTE

8. La vie communautaire, qui est une des caractéristiques de l'institut religieux (can. 607 $ 2), est propre à chaque famille religieuse. Elle réunit tous les membres dans le Christ et doit être ordonnée de telle sorte qu'elle apporte à tous une aide mutuelle pour que chacun puisse accomplir sa vocation. Elle doit offrir un exemple de réconciliation dans le Christ et de la communion fondée et enracinée dans la charité (can. 602).

9. Pour les religieux, la vie communautaire se réalise dans une maison légitimement établie, sous l'autorité d'un supérieur désigné selon la norme du droit (can. 608). Une telle maison est érigée avec l'approbation écrite préalable de l'Evêque du diocèse (can. 609) et doit être en mesure de pourvoir aux nécessités de ses membres (can. 610, $ 2), permettant à la vie communautaire de s'épanouir et de se développer dans une sympathie compréhensive qui nourrit l'espérance (cf. ET 39).


10. Chaque maison doit avoir au moins un oratoire dans lequel peut être célébrée l'Eucharistie et où le Saint Sacrement est conservé pour être vraiment le centre de la communauté (can. 608).


11. Dans toutes les maisons religieuses, selon le caractère et la mission de l'institut, et les dispositions de sa loi propre, une certaine partie doit être réservée aux seuls religieux (can. 667, $ 1). Cette forme de séparation du monde qui correspond à la finalité de chaque institut, fait partie du témoignage public porté par les religieux au Christ et à l'Eglise (cf. can. 607 $ 3). Elle est également nécessaire pour le silence et le recueillement qui favorisent la prière.


12. Les religieux doivent habiter leur propre maison religieuse, dans l'observance de la vie communautaire. On ne leur permettra pas de vivre seuls, sans raisons sérieuses et surtout s'il y a une communauté de leur institut assez proche. Cependant, s'il s'agit d'une absence prolongée justifiée, le supérieur majeur, avec le consentement de son conseil, peut permettre à un religieux de vivre en dehors d'une maison de l'institut dans les limites établies par la loi universelle de l'Eglise (can. 665, $ 1).

IDENTITE


13. Les religieux doivent considérer la suite du Christ proposée par l'évangile et exprimée dans les constitutions de leur institut, comme la règle suprême de leur vie (can. 662).


14. La nature, la finalité, l'esprit et le caractère de l'institut, établis par le fondateur et approuvés par l'Eglise, doivent être conservés fidèlement par tous ainsi que ses saines traditions (can. 578).


15. Pour protéger la vocation et l'identité de chaque institut, les constitutions doivent contenir les normes fondamentales concernant le gouvernement de l'institut, la règle de vie de ses membres, leur incorporation et leur formation et l'objet propre des voeux (can. 587 $ 1). Cette disposition complète ce qui est prévu à l'article précédent.


16. Les constitutions sont approuvées par l'autorité ecclésiastique compétente. Pour les instituts de droit diocésain, cette autorité est l'Ordinaire du lieu; pour ceux de droit pontifical, c'est le Saint-Siège. Les modifications ultérieures aux constitutions et leur interprétation authentique sont également réservées à la même autorité (can. 576 & 587, $ 2).


17. Par leur profession religieuse, les membres d'un institut s'engagent à en observer les constitutions fidèlement et avec amour, car ils y reconnaissent la forme de vie approuvée par l'Eglise pour leur institut et l'expression authentique de son esprit, de sa tradition et de sa loi.


1983 Éléments essentiels - 5. L'ASCESE