1978 Mutuae-relationes 19
19 - Un clair devoir missionnaire s'impose donc, surtout aux Evêques et aux Religieux, lié à leur ministère même et à leur charisme. Ce devoir devient chaque jour plus impérieux, alors que les conditions culturelles actuelles évoluent selon deux courants principaux: le matérialisme qui envahit les masses populaires même dans les régions traditionnellement chrétiennes, et le développement des communications internationales qui facilite les contacts entre tous les peuples, même non chrétiens. D'autre part, les profondes révolutions des situations, la croissance des valeurs humaines et les multiples nécessités du monde contemporain (GC, 43-44) poussent de façon toujours plus forte au renouvellement de bien des activités pastorales traditionnelles et à la recherche de nouveaux modes de présence apostolique. Cette situation impose la nécessité d'une certaine diligence pastorale pour trouver de nouvelles expériences ecclésiales ingénieuses et courageuses, sous l'impulsion de l'Esprit-Saint, créateur par essence. La nature charismatique de la vie religieuse s'accorde parfaitement avec une activité féconde d'invention et de réalisation (cf. n. 12). C'est à bon droit que le Souverain Pontife Paul VI a affirmé: «Grâce à leur consécration religieuse, ils (les Religieux) sont par excellence volontaires et libres pour tout quitter et aller annoncer l'Evangile jusqu'aux confins du monde. Ils sont entreprenants et leur apostolat est souvent marqué par une originalité, un génie qui font l'admiration» (EN 69) .
20 - L'Eglise n'a pas été instituée pour être un «organisme d'activités», mais plutôt telle qu'elle soit le «Corps vivant du Christ en vue de porter témoignage». Toutefois, elle doit nécessairement accomplir un travail concret d'organisation et de coordination des multiples ministères et services pour les faire converger dans une action pastorale unie qui concrétise les choix à suivre et les engagements apostoliques à préférer (cf. CD 11 CD 30 CD 35,5 AGD 22 AGD 29) . A l'heure actuelle, en effet, il convient instamment de programmer aux divers niveaux de la vie ecclésiale. un ensemble de recherches et de réalisations pour mieux accomplir la mission évangélisatrice d'une manière plus adaptée aux diverses situations.
Pour cette coordination souhaitable, les principaux centres sont au nombre de 3: le Saint-Siège, le Diocèse (cf. CD 11) et la Conférence Episcopale (cf. CD 38) . Selon les exigences ecclésiales et régionales, d'autres organismes de collaboration peuvent se créer à coté de ces centres.
21 - Au sein de la vie religieuse, le Saint-Siège a institué, tant au niveau local qu'au niveau universel des Conseils de Supérieurs Majeurs et Généraux (cf PC 23 REU, 73, 5), différant évidemment des Conférences Episcopales par leur nature et leur autorité. En effet, leur premier but est la promotion de la vie religieuse insérée dans l'ensemble de la mission ecclésiale, et leur activité consiste à proposer des services communs: initiatives de fraternité, propositions de collaboration, en respectant bien entendu le caractère propre de chaque Institut. Sans aucun doute, cette activité contribuera à aider de façon valable la coordination pastorale, spécialement si périodiquement se réalise une révision convenable des statuts de travail et si, par dessus tout, des relations mutuelles, conformes aux directives du Saint-Siège, existent entre les Conférences Episcopales et les Conseils de Supérieurs Majeurs.
22 - En vue de l'utilité de l'Eglise (cf. LG 45 CD 35,3) le Souverain Pontife concède à diverses familles religieuses l'exemption, de telle sorte que les Instituts puissent plus aisément exprimer leur identité particulière et se consacrer au bien commun avec une générosité accrue et dans un rayon plus vaste (cf. n. 8).
En vérité, de soi, l'exemption ne pose aucun obstacle ni à la coordination pastorale, ni aux bons rapports mutuels entre les membres du Peuple de Dieu. En effet, «elle regarde surtout la structure interne des instituts; son but est de mieux ordonner et harmoniser toutes choses dans l'existence des religieux et de veiller davantage au progrès et à la perfection de la vie religieuse. L'exemption permet aussi au Souverain Pontife de disposer des Religieux pour le bien de l'Eglise universelle, et à une autre autorité compétente d`en disposer pour le bien des Eglises de sa propre juridiction» (CD 35,3 cf. CD 35,4 Eccl. Sanc. 1, 25-40; Evang. nunt. 69).
Les Instituts religieux exempts, «fidèles à leur physionomie particulière et à leur fonction propre» ( 2 b) doivent donc cultiver avant tout une docilité spéciale au Pontife Romain et aux Evêques, rendant effectivement et volontiers disponibles leur liberté et leur activité apostolique en conformité avec l'obéissance religieuse; de même, ils s'emploieront consciencieusement et avec zèle à incarner et manifester dans la famille diocésaine le témoignage spécifique et la mission propre de leur Institut; enfin, ils stimuleront constamment la sensibilité et le souci d'apostolat, caractéristiques de leur consécration.
Les Evêques sauront sûrement reconnaître et apprécier grandement la contribution spécifique apportée dans les Eglises particulières par ces Religieux, trouvant en quelque sorte dans l'exemption de ceux-ci une expression de la sollicitude pastorale qui les unit au Souverain Pontife comme marque d'une attention active envers tous les peuples (cf. n. 8).
Si cette conscience rénovée de l'exemption est vraiment partagée par tous les collaborateurs de l'engagement pastoral elle contribuera grandement à l'accroissement de la créativité apostolique et du zèle missionnaire dans toutes les Eglises particulières.
Quelques critères pour une juste organisation de l'activité pastorale
23 - Ce qui vient d'être considéré au sujet de la mission ecclésiale suggère les directives suivantes:
a) La nature même de l'action apostolique exige avant tout que les Evêques accordent une place privilégiée au recueillement intérieur et à la vie de prière (cf. LG 26 LG 27 LG 41); elle demande aussi que les Religieux, selon leur caractère propre, se renouvellent en profondeur et vaquent assidûment à la prière.
b) Il conviendra de promouvoir avec un soin spécial «les diverses initiatives en vue de l'enracinement de la vie contemplative» (AGD 18) , compte tenu du rôle spécial qu'elle assume dans la mission de l'Eglise, «si urgente que soit la nécessité d'un apostolat actif» (PC 7) . En effet, spécialement de nos jours où s'aggrave le danger du matérialisme, la vocation de tous à la perfection de la charité (cf. LG 40) est rendue plus lumineuse par les Instituts totalement voués à la contemplation qui manifestent plus ouvertement, selon Saint Bernard, «que le motif d'aimer Dieu est Dieu lui-même, et qu'il mérite d'être aimé au-delà de toute mesure» (De diligendo Deo, c. 1, PL. 182, n. 584).
c) L'activité du Peuple de Dieu dans le monde est de soi universelle et missionnaire, tant par le caractère même de l'Eglise (cf. LG 17) que par le mandat du Christ qui confère à l'apostolat une universalité sans frontières (Evang. nunt. 49). Il sera donc nécessaire que les Evêques et les Supérieurs tiennent compte de cette dimension de la conscience apostolique et promeuvent des initiatives concrètes pour l'accroître.
d) L'Eglise particulière constitue l'espace historique où une vocation s'exprime dans la réalité et réalise son engagement apostolique; c'est là, en effet, au sein d'une culture déterminée, qu'est annoncé l'Evangile et qu'il est accueilli (cf. Evang. nunt. 19; 20; 29; 32; 35; 40; 62; 63). Il est donc nécessaire que cette réalité de grande importance pour le renouveau pastoral demeure présente dans le travail de formation.
e) L'influence réciproque entre les deux pôles, c'est-à-dire entre la participation active à une culture particulière, et la perspective d'universalité, doit trouver son fondement dans une estime inaltérable et un maintien persévérant des valeurs d'unité auxquelles il ne faut renoncer d'aucune manière, qu'il s'agisse de l'unité de l'Eglise Catholique pour tous les fidèles ou de l'unité de l'Institut religieux pour tous ses membres . La communauté locale qui se détache de cette unité s'expose à un double péril: «d'une part, péril de l'isolationnisme desséchant...; d'autre part, péril de perdre sa liberté lorsque, coupée du centre... elle se trouve livrée seule aux forces de ceux qui veulent l'asservir et l'exploiter» (Evang. nunt. 64).
f) Notre temps exige des Religieux d'une façon spéciale cette authenticité charismatique, vive et ingénieuse dans ses inventions, qui excelle nettement dans les fondateurs, pour qu'ils s'engagent plus diligemment et avec zèle dans le travail apostolique de l'Eglise parmi ceux qui constituent aujourd'hui en fait la majeure partie de l'humanité et sont ses préférés: «les petits et les pauvres du Seigneur» (cf. Mt 18,1-6 Lc 6,20) .
A la lumière des principes exposés ici , l'expérience de ces dernières années a conduit à formuler certaines directives et normes en vue surtout de la pratique. Il en résultera sans aucun doute que les rapports mutuels entre les Evêques et les Religieux se verront perfectionnés à l'avantage de l'édification du Corps du Christ.
Nous exposerons ces directives sous trois aspects distincts, se complétant l'un l'autre:
a) aspect de la formation,
b) aspect de l'action,
c) aspect de l'organisation.
Le texte suppose les prescriptions juridiques déjà en application et s'y réfère parfois; par conséquent, il ne déroge nullement aux dispositions des documents antérieurs du Saint-Siège, en vigueur en la matière.
Le Souverain Pontife et les Evêques exercent dans l'Eglise le rôle suprême de «Maîtres authentiques» et de «sanctificateurs» de tout le troupeau (cf. Partie I, chap. Il). De leur côté, les Supérieurs religieux sont revêtus d'une autorité spéciale pour la direction de leur Institut, et ils portent le poids considérable de la formation spécifique de ses membres (cf. PC 14 PC 18 partie, chap. III). En conséquence, que les Evêques et les Supérieurs, selon leur rôle propre, mais en harmonie entre eux et d'un commun accord, donnent une véritable priorité aux responsabilités de formation.
24 - En accord avec les Supérieurs Religieux, que les Evêques veillent à développer, spécialement parmi les prêtres diocésains, les laïcs dévoués et les religieux et les religieuses du lieu , une vive conscience et l' expérience du mystère et de la structure de l'Eglise, de l'action vivifiante du Saint-Esprit. A cette fin, qu'ils organisent en commun des cercles spéciaux et des rencontres de spiritualité. En outre, qu'ils insistent constamment pour valoriser et intensifier la prière personnelle et publique, même par des initiatives appropriées convenablement préparées.
25 - De leur côté, les Communautés religieuses, surtout les contemplatives, tout en conservant évidemment la fidélité à leux esprit propre (cf. PC 7 AGD 40) , offriront aux hommes de notre temps une aide opportune pour la prière et pour la vie spirituelle, afin que celles-ci puissent répondre aux nécessités de méditation et d'approfondissement de la foi, plus ressenties de nos jours. Elles leur donneront aussi l'occasion et la facilité de participer convenablement à leurs actions liturgiques, dans le respect des exigences de la clôture et des normes établies à cet égard.
26 - Les Supérieurs religieux s'emploieront avec grande attention à ce que leurs frères et soeurs demeurent fidèles à leur vocation. Ils faciliteront également les adaptations réclamées par les conditions culturelles , sociales et économiques, selon les exigences des temps, tout en veillant à ce que ces adaptations ne développent pas des habitudes nuisibles à la vie religieuse. Les adaptations culturelles et les études spécialisées des religieux porteront sur des matières se rapportant à la vocation spécifique de l'Institut; ces études seront entreprises non en vue d'une réalisation personnelle mal comprise pour des finalités individuelles, mais afin que les religieux puissent répondre aux exigence des projets apostoliques de leur famille religieuse, en harmonie avec les besoins de l'Eglise.
27 - En favorisant la formation continue des religieux, il importe d'insister sur la rénovation du témoignage de pauvreté et de service des plus démunis, et de veiller en outre que, par une obéissance et une chasteté rénovées, les Communautés deviennent signe d'amour fraternel et d'unité.
Dans les Instituts de vie active, où l'apostolat constitue un élément essentiel de leur vie religieuse (cf. CD 12 CD 15 CD 35,2 LG 25 LG 45) , on veillera à mettre cet apostolat en relief dans la formation initiale et continue.
28 - Il revient aux Evêques, comme Maîtres authentiques et guides de perfection pour tous les membres de leur diocèse (cf. CD 12 CD 15 CD 35,2 LG 25 LG 45) , d'être aussi les gardiens de la fidélité à la vocation religieuse dans l'esprit de chaque Institut. Dans l'exercice de ce devoir pastoral, les Evêques auront soin de promouvoir les rapports avec les Supérieurs religieux auxquels tous les religieux sont assujettis «en esprit de foi» (cf. PC 14) , en communion de doctrine et d'intention avec le Souverain Pontife, ainsi qu'avec les Dicastères du Saint-Siège, les autres Evêques et Ordinaires locaux.
En union avec leur clergé, les Evêques seront des partisans convaincus de la vie consacrée, des défenseurs des communautés religieuses, des éducateurs de vocations, des tuteurs valables du caractère propre de chaque famille religieuse, aux plans spirituel et apostolique.
29 - Les Evêques et les Supérieurs religieux, selon leur compétence propre, seront zélés pour faire connaître la doctrine du Concile et les documents pontificaux sur l'Episcopat, la vie religieuse et l'Eglise particulière, ainsi que sur leurs rapports mutuels. A cette fin, les initiatives suivantes sont souhaitables:
a) rencontres d'Evêques et de Supérieurs religieux pour approfondir ces thèmes en commun;
b) cours spéciaux pour les prêtres diocésains, pour les Religieux et pour les Laïcs engagés dans les activités apostoliques, en vue de réaliser de nouvelles adaptations plus appropriées;
c) études et expériences particulièrement adaptées à la formation des religieux coadjuteurs et des religieuses;
d) élaboration de documents pastoraux opportuns, dans le diocèse, la région ou la nation, en vue de présenter ces sujets avec fruit à la réflexion des fidèles.
Il faut veiller à ce que cette formation continue ne se limite pas à quelques-uns, mais que tous aient la possibilité d'en profiter et que ce soit un engagement commun de tous les religieux.
Il parait opportun en outre, de donner à cet approfondissement doctrinal une diffusion suffisante par les moyens de communication sociale, presse, conférences, exhortations, etc.
30 - Dès le début de la formation, tant ecclésiastique que religieuse, il convient de proposer l'étude méthodique du mystère du Christ, de la nature sacramentelle de l'Eglise, du Ministère épiscopal et de la vie religieuse dans l'Eglise. En conséquence:
a) Dès le noviciat, les religieux et les religieuses seront formés à une conscience et une sollicitude plus marquées pour l'Eglise particulière, en même temps qu'à une plus grande fidélité à leur vocation propre.
b) Les Evêques veilleront à ce que le Clergé diocésain comprenne les problèmes actuels de la vie religieuse et l'urgente nécessité missionnaire, et à ce que quelques prêtres choisis se préparent en vue d'aider les religieux dans leur progrès spirituel (cf. OT 10 AGD 39); même si dans bien des cas, il conviendra de confier cette tâche à des religieux prêtres prudemment choisis (cf. n. 36).
31 - Une maturation plus complète de la vocation sacerdotale et religieuse dépend aussi, et de manière décisive, de la formation doctrinale, distribuée habituellement dans des centres d'étude au niveau universitaire, dans des écoles supérieures ou dans des Instituts particulièrement adaptés.
Les Evêques et les Supérieurs des Religieux intéressés à cette tâche prêteront efficacement leur collaboration pour la création de ces centres d'étude et pour leur fonctionnement, surtout lorsque ces centres sont au service de plusieurs diocèses et Congrégations religieuses et garantissent mieux l'excellence de l'enseignement ainsi que la présence d'enseignants et de maîtres dûment préparés qui soient en mesure de répondre aux exigences de la formation et assurent en outre une utilisation plus rationnelle du personnel et des moyens.
Dans la préparation, la réforme et la mise à jour des Statuts de ces centres d'étude, il faudra définir clairement les droits et les devoirs des participants, les tâches qui reviennent à l'Evêque ou aux Evêques en vertu de leur ministère, les modalités d'action et la responsabilité des Supérieurs religieux intéressés, de façon à promouvoir une présentation objective et complète de la doctrine en harmonie avec le Magistère de l'Eglise. Sur la base des critères généraux de compétence et de responsabilité. et selon les dispositions statutaires, on veillera donc à suivre avec un soin diligent l'activité et les initiatives de ces centres. Mais en toute cette discipline délicate et importante, on observera toujours les normes et les dispositions du Saint-Siège.
32 - Une rénovation adaptée de la pratique pastorale dans les diocèses requiert une connaissance plus approfondie de toutes les réalités qui se rapportent concrètement à la vie humaine et religieuse locale, afin que de cette base puisse jaillir une réflexion théologique objective et appropriée, qu'on puisse établir des priorités d'action, élaborer un plan d'action pastorale, examiner enfin périodiquement ce qui aura été réalisé. Ce travail peut demander que les Evêques, avec la collaboration de personnes compétentes, choisies également parmi les religieux, constituent et soutiennent des commissions d'étude et des centres de recherche. Ces initiatives apparaissent toujours plus nécessaires, non seulement pour une formation plus adaptée des personnes, mais encore pour donner à la pratique pastorale une structure rationnelle.
33 - Un devoir particulier et délicat des Religieux est d'avoir l'esprit attentif et une âme docile au Magistère de la Hiérarchie et de faciliter aux Evêques l'exercice du ministère de «docteurs authentiques» et de «témoins de la vérité divine et catholique» (cf. LG 25) , dans leur responsabilité concernant l'enseignement doctrinal de la foi, tant dans les centres qui en cultivent l'étude que dans l'utilisation des moyens pour la transmettre.
a) Pour les publications de livres et de documents, confiées aux librairies tenues par des Religieux ou des Religieuses, ou aux maisons d'édition gérées par eux, on observera les normes établies par la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi (19.III.1975) concernant l'autorité compétente pour l'approbation des textes de la Sainte Ecriture et leurs traductions, les livres liturgiques, de prières et de catéchisme, ou des oeuvres d'un autre genre contenant des sujets se rapportant de façon particulière à la religion ou à la vie morale. L'omission parfois spécieuse et habile de ces normes peut causer un grand dommage aux fidèles, il est donc particulièrement nécessaire que les religieux les observent loyalement.
b) Même quand il s'agit de documents et d'éditions provenant des institutions religieuses locales ou nationales , qui tout en n'étant pas destinés au public peuvent néanmoins exercer une certaine influence sur la pastorale, comme par exemple les problèmes nouveaux et graves sur la question sociale, économique et politique, en rapport avec la foi et la vie religieuse, l'entente nécessaire avec les Ordinaires compétents sera toujours sauvegardée.
c) Considérant attentivement la mission propre de certains Instituts, les Evêques exhorteront et soutiendront les religieux engagés dans l'important secteur apostolique des éditions et des communications sociales; ils faciliteront à cet égard une collaboration apostolique plus étendue, surtout au niveau national; de même, ils seront soucieux de la formation du personnel spécialisé dans cette activité, non seulement quant à la compétence technique, mais aussi et surtout quant à leur responsabilité ecclésiale.
34 - Ce serait une grave erreur de rendre indépendantes et beaucoup plus grave encore d'opposer entre elles la vie religieuse et les structures ecclésiales, comme si pouvaient subsister deux réalités distinctes, l'une charismatique, l'autre institutionnelle, alors que les deux éléments, dons spirituels et structures ecclésiales, «forment une réalité unique, bien que complexe» (LG 8) .
Par suite, les religieux, tout en faisant preuve d'audace et de perspectives d'avenir (cf. Partie I, chap. III) seront étroitement fidèles à la finalité et à l'esprit de l'Institut en pleine obéissance et cohésion à l'autorité de la Hiérarchie (cf. PC 2 LG 12) .
35 - L'Evêque, comme Pasteur du diocèse, et les Supérieurs religieux comme responsables de leur Institut, encourageront la participation des Religieux à la vie de l'Eglise particulière et leur connaissance des directives et des dispositions ecclésiales; ils développeront également, surtout les Supérieurs, l'unité supranationale de l'Institut et la docilité envers ses supérieurs généraux (cf. Partie I, chap. IV).
L'Eglise vit dans l'Esprit et est établie sur le fondement de Pierre, des Apôtres et de leurs successeurs, de telle sorte que le ministère épiscopal est réellement le principe directeur du dynamisme pastoral de tout le Peuple de Dieu. L'Eglise agit donc en harmonie à la fois avec l'Esprit Saint qui en est l'âme, et avec le Chef agissant dans le Corps (cf. Partie 1, chap. II). Ceci entraîne évidemment pour les Evêques et les Religieux, dans l'accomplissement de leurs initiatives et de leurs activités, des conséquences bien déterminées, bien qu'ils jouissent de leur compétence propre selon leur rôle particulier.
Les directives pratiques exposées ci-après se rapportent aux deux genres d'exigences dans le champ de l'action: celles qui concernent la pastorale et celles qui concernent la vie religieuse.
36 - Le Concile affirme que les Religieux «appartiennent eux aussi à un titre particulier à la famille diocésaine, et apportent une aide précieuse à la Hiérarchie, de jour en jour, ils peuvent et ils doivent apporter toujours davantage cette aide à mesure que s'accroissent les besoins de l'apostolat» (CD 34) .
Dans les territoires où existent plusieurs rites, les religieux consacrant leur activité aux fidèles d'un rite différent du leur respecteront les normes prévues dans les rapports avec les Evêques d'un autre rite (cf. Eccl. Sanctae I, 23).
La nécessité d'appliquer effectivement ces critères est indispensable, non seulement dans la phase conclusive, mais aussi dans la détermination et l'élaboration du programme d'action, restant sauf toutefois le rôle propre de l'Evêque de décider.
En raison de l'unité même du Sacerdoce (cf. LG 28 CD 28 CD 11) , et en tant qu'ils participent au soin des âmes, les Religieux prêtres se considéreront «comme appartenant, à un certain titre véridique au clergé du Diocèse» (CD 34); en conséquence, ils peuvent et doivent servir à mieux unir réciproquement et à faciliter la coordination entre les religieux, le clergé et les Evêques locaux dans le champ de l'action.
37 - Entre le clergé diocésain et les communautés religieuses, on cherchera à susciter des liens rénovés de fraternité et de collaboration (cf. CD 35,5) . On donnera donc une grande importance à tous les moyens, même simples et non formels, qui contribuent à accroître la confiance mutuelle, la solidarité apostolique et la «concorde fraternelle» (cf. ES, I, 28). Cela servira vraiment, non seulement à accroître une conscience vraie de l'Eglise particulière, mais encore à stimuler chacun à accepter joyeusement la demande et l'offre de services, à alimenter le désir de coopération, ainsi qu'à aimer la communauté humaine et ecclésiale dans laquelle il est inséré, comme la patrie de sa vocation.
38 - Les Supérieurs majeurs chercheront avec sollicitude à connaître non seulement les dons et les possibilités de leurs confrères, mais aussi les nécessités apostoliques des diocèses dans lesquels leur Institut est appelé à coopérer. Il est donc souhaitable que se réalise entre l'Evêque et les Supérieurs des Instituts présents dans le diocèse, un dialogue concret et global, de telle sorte que, surtout compte tenu de certaines situations précaires et de la crise persistante des vocations, le personnel religieux puisse être distribué d'une manière plus juste et plus profitable.
39 - L'engagement pastoral pour promouvoir les vocations (cf. PO 11 PC 24 OT 2) , doit être considéré comme un champ privilégié de collaboration entre les Evêques et les Religieux. Cette tâche pastorale consiste en une action unanime de la communauté chrétienne pour toutes les vocations, de telle sorte que l'Eglise s'édifie selon la plénitude du Christ et la variété des charismes de son Esprit.
Ce qui doit être considéré par dessus tout, quand il s'agit de vocation, c'est que le Saint Esprit «qui souffle où il veut» (Jn 3,8) , appelle les fidèles à divers ministères et à divers états de vie pour le plus grand bien de l'Eglise. Il est clair que nul obstacle ne doit s'opposer à l'action divine; il faut veiller au contraire à ce que chacun réponde à sa vocation propre en pleine liberté. L'histoire elle-même d'ailleurs peut témoigner abondamment que la diversité des vocations, et surtout la coexistence et la collaboration des clergés diocésain et religieux ne nuisent pas aux diocèses mais qu'elles les enrichissent plutôt de nouveaux trésors spirituels et en accroissent notablement la vitalité apostolique.
C'est pourquoi, il sera opportun de coordonner sagement sous la direction des Evêques les multiples initiatives: selon les devoirs des parents et des éducateurs, des prêtres, des religieux et de tous ceux qui opèrent dans le champ pastoral. Cet engagement devra être assuré en commun, en communion et avec la pleine collaboration de chacun; l'Evêque guidant les efforts de tous dans leur convergence vers le même but, se rappelant toujours que ces efforts sont enracinés dans l'impulsion de l'Esprit. C'est pourquoi il est urgent de promouvoir à cette fin de fréquentes initiatives de prière.
40 - Dans le renouveau de la pratique pastorale et de l'adaptation des oeuvres d'apostolat, il faut tenir compte des transformations profondes du monde contemporain (cf. GS 43,44) qui montrent la nécessité d'affronter parfois des situations difficiles, surtout «en raison des besoins des âmes et de la pénurie du clergé» (Eccl. Sanc. I, 36).
En dialogue avec les Supérieurs religieux, et avec tous ceux qui travaillent dans la pastorale du diocèse, les Evêques chercheront à discerner les exigences de l`Esprit et étudieront les moyens d'aménager de nouvelles présences apostoliques pour faire face aux difficultés surgies dans le diocèse même. La recherche d'un renouveau de la présence apostolique ne doit pas cependant empêcher le moins du monde de tenir compte de la validité toujours actuelle d'autres formes d'apostolat. appartenant à la tradition, comme celle de l'Ecole (cf. S. Congr. pour l'Education Catholique, «L'Ecole Catholique», 19.III.1977), des missions, de la présence active dans les hôpitaux, des services sociaux, etc.; toutes ces formes traditionnelles devront d'ailleurs sans retard être opportunément et diligemment adaptées selon les normes du Concile et les nécessités des temps.
41 - Les innovations apostoliques qui seront créées devront être préparées par une étude sérieuse. D'une part, c'est le devoir des Evêques «de ne pas éteindre l'Esprit, mais de tout éprouver pour retenir ce qui est bon» (cf. 1Th 5,12 1Th 5,19-21 LG 12) , «de façon toutefois que soit sauvegardée et encouragée la spontanéité de ceux qui ont une part dans cette oeuvre» (AGD 30); d'autre part, les Supérieurs religieux coopéreront de façon vitale et en dialogue avec les Evêques pour la recherche de solutions, la préparation des programmes relatifs aux choix effectués, la mise en route des expériences, même entièrement nouvelles, agissant toujours néanmoins d'après les nécessités les plus urgentes de l'Eglise, en conformité avec les normes et les orientations du Magistère et selon le caractère propre de l' Institut.
42 - Afin d'éviter non seulement des évasions et des frustrations, mais encore les périls de crises et de déviations, on ne négligera jamais le devoir de l'échange et de l'aide mutuels entre les Evêques et les Supérieurs pour évaluer objectivement et juger équitablement les expériences réalisées.
On fera donc, à des périodes déterminées, la révision de ces initiatives, et si l'essai n'a pas atteint un résultat heureux (cf. Evang. nunt. 58), on s'emploiera humblement, mais avec la fermeté nécessaire, à corriger, suspendre, ou orienter plus convenablement l'expérience examinée.
43 - La tolérance prolongée de certaines initiatives aberrantes ou de certains faits ambigus est grandement dommageable aux fidèles. C'est pourquoi, les Evêques et les Supérieurs, animés d'un sentiment de confiance réciproque dans l'accomplissement de leur tâche, selon leur responsabilité propre, s'emploieront avec sollicitude à exprimer, dans la charité, mais aussi avec la fermeté nécessaire, des décisions et des dispositions claires afin de prévenir et corriger de telles erreurs.
C'est surtout dans le champ liturgique qu'il est urgent de remédier à plusieurs abus introduits pour des raisons opposées. Les Evêques, comme responsables authentiques de la liturgie dans l'Eglise locale (cf. SC 22,41 LG 26 cf. Partie, chap. II) et les Supérieurs religieux pour ce qui regarde leurs confrères, seront vigilants pour que se réalise une rénovation appropriée du culte, intervenant opportunément pour corriger les déviations et les abus dans ce secteur si central et si important (cf. SC 10) . Les religieux aussi se rappelleront qu'il est de leur devoir de s'en tenir aux lois et aux directives du Saint-Siège, ainsi qu'aux décrets de l'Evêque local dans l'exercice du culte public (cf. Eccl Sanctae I, 26; 27; 38).
44 - En ce qui concerne la pratique pastorale des Religieux, le Concile déclare expressément: «Tous les Religieux, exempts et non exempts, sont soumis au pouvoir des Ordinaires des lieux, pour ce qui concerne l'exercice public du culte divin (dans le respect toutefois de la diversité des rites), le soin des âmes, la sainte prédication à faire au peuple, l'éducation religieuse et morale, l'enseignement catéchétique et la formation liturgique des fidèles, surtout des enfants, la bonne tenue du clergé. Il en va de même pour les oeuvres diverses en ce qui regarde l'exercice de l'apostolat. Les écoles catholiques des religieux sont aussi soumises aux Ordinaires des lieux, pour ce qui est de leur organisation générale et de leur surveillance, sans préjudice du droit des religieux à les gouverner. De même les religieux sont tenus d'observer tout ce dont les Conciles ou les Conférences d'Evêques auront légitimement prescrit l'observation par tous» (CD 25,4 cf. CD 35,5 Eccl. Sanc. 1, 39).
45 - Pour porter chaque jour des fruits plus riches, les relations entre les Evêques et les Supérieurs devront toujours se réaliser dans le respect bienveillant des personnes et des Instituts, dans la conviction que les Religieux doivent donner le témoignage de docilité envers le Magistère et d'obéissance à leurs supérieurs, ainsi que dans la volonté réciproque que chacun respecte les limites de la compétence des autres.
46 - Pour ce qui regarde les Religieux accomplissant leur activité apostolique en dehors des oeuvres de leur Institut, il convient de veiller à sauvegarder leur participation substantielle à la vie de la communauté et leur fidélité à leurs Règles ou Constitutions: «les Evêques eux-mêmes ne manqueront pas de recommander cette obligation» (CD 35,2) . Aucun engagement apostolique ne doit détourner de la vocation propre.
La situation de certains Religieux, désireux de se soustraire à l'autorité de leur Supérieur et de recourir à celle de l'Evêque sera étudiée dans chaque cas; toutefois, après un échange convenable d'avis et une sincère recherche de solution, il est nécessaire que l'Evêque appuie la décision du Supérieur compétent, à moins qu'il n'ait la preuve qu'elle comporte quelque injustice.
47 - Les Evêques et leurs collaborateurs immédiats chercheront non seulement à avoir une connaissance exacte du caractère propre des Instituts, mais aussi à s`informer sur leur situation actuelle et leurs critères de rénovation. De leur côté, les Supérieurs religieux, dans une vision doctrinale actualisée de l'Eglise particulière, chercheront à se tenir concrètement informés de l'état actuel de l'action pastorale et du programme apostolique établi par le diocèse dans lequel ils doivent travailler.
Quand un Institut se trouve dans la situation de ne plus pouvoir soutenir la gestion d'une oeuvre, les Supérieurs manifesteront en temps opportun et avec confiance les obstacles à la poursuite de l'oeuvre, au moins dans sa forme actuelle, surtout quand il s'agit de l'insuffisance du personnel. L'Ordinaire du lieu considérera avec bienveillance la demande de suppression de l`oeuvre (cf. Eccl. Sanc. I, 34, 3) et d'un commun accord, cherchera avec les Supérieurs la solution convenable.
48 - Une nécessité profondément ressentie et riche d'espérance pour la vie active et le dynamisme apostolique de l'Eglise locale, est celle de promouvoir avec empressement, entre les divers Instituts travaillant dans le diocèse, des échanges réciproques d'informations et d'accords plus importants. Les Supérieurs s'emploieront donc afin que ce dialogue se réalise selon des modes et des rythmes convenables. Sans aucun doute, ces contacts accroîtront la confiance, l'estime, l'échange réciproque d'aide, l'approfondissement des problèmes et la communication des expériences où pourra s'exprimer avec une évidence accrue la profession commune des conseils évangéliques.
49 - Dans le vaste champ pastoral de l'Eglise, une place nouvelle et très importante est réservée aux femmes. Autrefois précieuses auxiliaires des Apôtres (cf. Ac 18,26 Rm 16,1 ss.), les femmes devront aujourd'hui insérer leur activité apostolique dans la communauté ecclésiale, réalisant fidèlement le mystère de leur identité créée et révélée (cf. Gn 2 Ep 5 1Tm 3 etc.) et considérant attentivement l'accroissement de leur présence dans la société civile.
C'est pourquoi, dans la fidélité à leur vocation spécifique, et en harmonie avec leur caractère propre de femmes, les Religieuses, répondant aussi aux exigences concrètes de l'Eglise et du monde, chercheront et proposeront de nouvelles formes apostoliques de service.
A l'exemple de Marie qui, parmi les croyants, occupe dans l'Eglise le sommet de la charité, et animées de cet esprit «si parfaitement humain, de sensibilité et de sollicitude», qui constitue leur note caractéristique (cf. Paul VI, Discours au Congrès National du Centre féminin italien, Oss. Rm 6-7 XII.1976), à la lumière d'une longue histoire qui offre des témoignages insignes de leurs initiatives dans l'activité apostolique, les Religieuses pourront devenir toujours davantage un signe lumineux de l'Eglise fidèle, diligente et féconde dans l'annonce du Règne, et apparaître comme telles (cf. Déclaration «Inter insigniores», S. Congr. pour la Doctrine de la Foi: 15.X.1976).
50 - Les Evêques, unis à leurs collaborateurs dans le champ pastoral, et les Supérieurs religieux feront en sorte que le service apostolique des Religieuses soit mieux connu, approfondi et développé. C'est pourquoi, considérant non seulement le nombre des Religieuses (cf. Int. I), mais surtout leur importance dans la vie de l'Eglise, ils s'emploieront activement pour actualiser rapidement le principe de leur promotion ecclésiale, afin que le Peuple de Dieu ne soit pas privé de l'assistance spéciale que. seules elles peuvent lui assurer, en vertu des dons qu'elles ont reçus de Dieu comme femmes. Il faudra cependant prendre garde que les Religieusessoient tenues en grande estime et justement valorisées pour leur témoignage de personnes consacrées, avant même que pour leurs services si généreusement assurés.
51 - Dans certaines régions, on remarque quelque empressement pour fonder de nouveaux Instituts religieux. Ceux qui portent la responsabilité de discerner l'authenticité de chaque fondation, doivent apprécier avec humilité certes, mais aussi objectivement, avec constance, cherchant à approfondir les perspectives d'avenir et les signes d'une présence vraisemblable de l'Esprit-Saint, soit «pour en accueillir les charismes... avec reconnaissance et consolation» (LG 12) , soit pour éviter de «voir surgir imprudemment des sociétés inutiles ou dépourvues de la vigueur indispensable» (PC 19) . En effet, quand le jugement sur la naissance d'un Institut est formulé uniquement sur l'utilité ou la convenance de son action, ou sur la base de la manière d'agir de quelque personne expérimentant des phénomènes de dévotion ambigus, il est manifeste que le véritable concept de la vie religieuse dans l'Eglise est d'une certaine manière faussé (cf. Partie,Partie, chap. III).
Pour donner un jugement sur l'authenticité d'un charisme, les conditions suivantes doivent être remplies:
a) une inspiration particulière de l'Esprit-Saint, distincte des dons personnels, même si elle n'en est pas séparée, et qui se manifeste dans l'action et l'organisation;
b) un désir profond de l'âme de se conformer au Christ pour témoigner de quelque aspect de son mystère;
c) un amour constructif de l'Eglise, qui refuse absolument d'y provoquer quelque discorde.
En outre, la figure des fondateurs réclame qu'il s'agisse d'hommes et de femmes dont la vertu éprouvée (cf. LG 45) révèle une vraie docilité soit envers la Hiérarchie, soit dans la réponse à l'impulsion recue de l'Esprit.
Quand il s'agit donc de nouvelles fondations, il est nécessaire que tous ceux qui doivent porter un jugement s'expriment avec une prudence claire, une évaluation patiente et de justes exigences. Cette responsabilité doit être ressentie principalement par les Evêques, successeurs des Apôtres, «à l'autorité desquels l'Esprit lui-même soumet jusqu'aux bénéficiaires des charismes» (LG 7) et à qui revient, en communion avec le Pontife Romain, «de fixer la doctrine des conseils évangéliques, d'en régler la pratique et d'instituer des formes de vie stables sur la base de ces conseils» (LG 43) .
1978 Mutuae-relationes 19