1990 Directives sur la formation dans les instituts religieu 46
46 «Les novices seront amenés à cultiver les vertus humaines et chrétiennes; par la prière et le renoncement à eux-mêmes ils seront introduits dans une voie de plus grande perfection; ils seront formés à contempler le mystère du salut, à lire et à méditer la Sainte Ecriture; ils seront préparés à célébrer le culte de Dieu dans la sainte liturgie; ils apprendront la manière de mener une vie consacrée à Dieu et aux hommes dans le Christ par les conseils évangéliques; ils seront instruits du caractère et de l'esprit de l'institut, de son but et de sa discipline, de son histoire et de sa vie; ils seront pénétrés d'amour pour l'Eglise et ses Pasteurs sacrés»(122).
Comme il ressort de cette loi générale, l'initiation intégrale qui caractérise le noviciat va bien au delà d'un simple enseignement. Elle est:
initiation à la connaissance profonde et vivante du Christ et de son Père. Ce qui suppose une étude méditée de l'Ecriture, la célébration de la liturgie selon l'esprit et le caractère de l'institut, une initiation à l'oraison personnelle et à sa pratique ainsi que l'habitude et le goût d'aborder les grands auteurs de la tradition spirituelle de l'Eglise, sans se borner à des lectures spirituelles au goût du jour; initiation à entrer dans le mystère pascal du Christ par le détachement de soi, notamment dans la pratique des conseils évangéliques selon l'esprit de l'institut, une ascèse évangélique joyeusement consentie et une acceptation courageuse du mystère de la croix; initiation à la vie fraternelle évangélique. C'est en effet en communauté que la foi s'approfondit et devient communion et que la charité trouve ses multiples manifestations dans le concret de la vie quotidienne; initiation à l'histoire, à la mission propre et à la spiritualité de l'institut. Ici intervient, entre autres éléments et pour les instituts voués à l'apostolat, le fait que: «afin de parfaire la formation des novices, les constitutions, outre le temps dont il s'agit au 1 (c.à.d. les douze mois à passer dans la communauté même du noviciat), peuvent établir une ou plusieurs périodes d'activités apostoliques passées hors de la communauté du noviciat»(123). Ces périodes ont pour objectif d'apprendre aux novices «à réaliser progressivement en leur vie les conditions de cette harmonieuse unité qui doit exister entre la contemplation et l'action apostolique, unité qui est une des valeurs fondamentales de ces instituts(124). L'ordonnance de ces périodes doit tenir compte des douze mois à passés dans la communauté même du noviciat, pendant lesquels les novices ne seront pas occupés à des études et des emplois qui ne contribuent pas directement à (leur) formation»(125). Le programme de formation du noviciat doit être défini par le droit propre(126).
Il est déconseillé que le noviciat se déroule en un milieu étranger à la culture et à la langue d'origine des novices. Mieux vaut en effet de petits noviciats, pourvu qu'ils soient enracinés dans cette culture. La raison essentielle en est de ne pas multiplier les problèmes, au cours d'une étape de formation où les équilibres fondamentaux de la personne doivent se mettre en place, où les relations entre les novices et le maître des novices doivent être faciles et leur permettre de s'expliquer mutuellement avec toutes les nuances requises par un cheminement spirituel initial et intensif. De plus, le transfert dans une autre culture à ce moment-là comporte le risque d'accueillir de fausses vocations et de ne pas percevoir d'éventuelles fausses motivations.
48 Il importe de mentionner ici la question du travail professionnel en cours de noviciat. Dans plusieurs pays industrialisés, pour des motifs que justifie parfois une intention apostolique et qui peuvent tenir aussi à la législation sociale de ces pays, des candidats titulaires d'un emploi salarié ne sollicitent de leur employeur, au moment de l'entrée au noviciat, qu'un congé d'un an «pour convenance personnelle». Ce qui leur permet de ne pas perdre leur emploi s'ils retournent dans le monde et de ne pas courir ainsi le risque du chômage. Ce qui amène aussi parfois à reprendre le travail professionnel en seconde année de noviciat, sous couvert de stage d'activités apostoliques.
Nous croyons à ce propos devoir énoncer le principe suivant. Dans les instituts ayant deux ans de noviciat, les novices ne pourront exercer le travail professionnel à plein temps qu'aux conditions suivantes:
que ce travail corresponde effectivement à la finalité apostolique de l'institut; qu'il soit assumé en seconde année de noviciat; qu'il corresponde aux exigences du c. 648 5 2, c'est-à-dire qu'il contribue à parfaire la formation des novices à vivre dans l'institut et qu'il constitue vraiment une activité apostolique.
49 Pour l'admission, les conditions canoniques de licéité et de validité requises soit des candidats, soit de l'autorité compétente pour admettre, seront rigoureusement observées. S'y conformer permet déjà d'éviter à l'avenir bien des désagréments(127). A l'égard des candidats aux ministères diaconal et presbytéral, on s'assurera en particulier dès ce moment qu'aucune irrégularité n'affectera plus tard la réception des Ordres sacrés, étant entendu que les supérieurs majeurs d'instituts cléricaux de droit pontifical peuvent dispenser des irrégularités non-réservées au Saint-Siège (128). On retiendra aussi qu'avant d'admettre au noviciat un clerc séculier, les Supérieurs doivent consulter son Ordinaire propre et solliciter de sa part un témoignage (cf. cc. CIC 644 et CIC 645,2).
50 Les circonstances de temps et de lieux nécessaires pour le déroulement du noviciat sont énoncées par le droit. On en retiendra la souplesse, se souvenant toutefois que la prudence peut conseiller ce que le droit n'impose pas(129). Les supérieurs majeurs et les responsables de formation savent que les circonstances présentes réclament sans doute plus qu'autrefois pour les novices des conditions suffisantes de stabilité permettant à la croissance spirituelle en cours de se dérouler de façon profonde et paisible. Et ceci vaut d'autant plus que de nombreux candidats ont déjà fait une expérience de vie dans le monde. Les novices ont en effet besoin de s'exercer à la pratique de l'oraison prolongée, de la solitude et du silence. Pour tout cela, le facteur temps joue un rôle déterminant. Ils peuvent éprouver un plus grand besoin de «revenir» du monde que "d'aller" au monde, et ce besoin n'est pas uniquement subjectif. C'est pourquoi le temps et le lieu du noviciat seront organisés de telle sorte que les novices puissent y trouver un climat propice à un enracinement en profondeur dans la vie avec le Christ. Ce qui ne s'obtient qu'à partir d'un détachement de soi, de tout ce qui dans le monde résiste à Dieu et même de ces valeurs du monde «qui méritent indiscutablement l'estime»(130). En conséquence, il est tout à fait déconseillé d'accomplir le temps de noviciat en communautés insérées. Comme il a été dit (n. 28), les exigences de la formation doivent prévaloir sur certains avantages apostoliques de l'insertion en milieu pauvre.
51 Les novices n'entrent pas tous au noviciat au même niveau de culture humaine et chrétienne. Il faudra donc prêter une attention toute particulière à chaque personne pour marcher à son pas et lui adapter le contenu et la pédagogie de formation qu'on lui propose.
52 Le gouvernement des novices est réservé au seul maître des novices sous l'autorité des supérieurs majeurs. Il devra être libéré de toutes autres obligations qui l'empêcheraient de remplir pleinement sa charge d'éducateur. S'il a des collaborateurs, ils dépendent de lui pour ce qui concerne le programme de formation et la conduite du noviciat. Ils ont avec lui une part importante dans le discernement et la décision(131).
Dans les noviciats où interviennent, soit pour l'enseignement, soit pour le sacrement de réconciliation, des prêtres séculiers ou d'autres religieux extérieurs, et même des laïcs, ils travailleront, toute discrétion gardée de part et d'autre, en étroite collaboration avec le maître des novices. Le maître des novices est l'accompagnateur spirituel mandaté à cet effet pour tous et chacun des novices. Le noviciat est le lieu de son ministère, et par conséquent celui d'une permanente disponibilité auprès de ceux qui lui sont confiés. Il ne pourra s'acquitter aisément de sa tâche que si les novices font preuve à son égard d'une ouverture libre et entière. Cependant, ni lui ni son adjoint, dans les instituts cléricaux, ne peuvent entendre les confessions sacramentelles des novices, à moins que dans des cas particuliers ceux-ci ne le demandent spontanément(132).
Maîtres et maîtresses des novices se rappelleront enfin que les seuls moyens psycho-pédagogiques ne sauraient se substituer à un authentique accompagnement spirituel.
53 «Les novices, conscients de leur propre responsabilité, collaboreront activement avec leur maître des novices pour répondre fidèlement à la grâce de la vocation reçue de Dieu»(133). Et, «les membres de l'institut auront à coeur de participer à leur manière à la formation des novices, par l'exemple de leur vie et par leur prière»(134).
54 Au cours d'une célébration liturgique, l'Eglise reçoit, par les supérieurs mandatés, les voeux de ceux qui émettent leur profession, et associe leur offrande au sacrifice eucharistique(135). L'Ordo professionis(136) donne le schéma de la célébration, tout en faisant droit aux légitimes traditions des instituts. Cette action liturgique manifeste l'enracinement ecclésial de la profession. A partir du mystère ainsi célébré, pourra se développer une compréhension plus vitale et plus profonde de la consécration.
55 Pendant le noviciat, on fera ressortir à la fois l'excellence et la possibilité d'un engagement perpétuel au service du Seigneur. «La qualité d'une personne, comme dit le Pape Jean Paul II, peut se juger à la nature de ses liens. Pour cela on peut dire avec joie que votre liberté s'est attachée librement à Dieu par un service volontaire, en amoureuse servitude. Et, en le faisant, votre humanité a atteint la maturité. "Humanité épanouie", ai-je écrit dans l'encyclique Redemptor hominis, signifie le plein usage du don de la liberté que nous avons obtenu du Créateur lorsqu'il a appelé à l'existence l'homme fait à son image et à sa ressemblance. Ce don trouve sa pleine réalisation dans la donation sans réserve de la personne humaine tout entière, dans un esprit d'amour nuptial envers le Christ et, avec le Christ, envers tous ceux auxquels il envoie les hommes et les femmes qui lui sont totalement consacrés selon les conseils évangéliques»(137). On ne donne pas sa vie au Christ «à l'essai». C'est d'ailleurs Lui qui prend l'initiative de nous la demander. Les religieux témoignent que cela est possible, grâce d'abord à la fidélité de Dieu, et que cela rend libre et heureux, si le don se renouvelle chaque jour.
56 La profession perpétuelle suppose une préparation prolongée et un apprentissage persévérant. Cela justifie que l'Eglise la fasse précéder d'une période de profession temporaire. «Tout en retenant le caractère d'une probation par le fait qu'elle est temporaire, l'émission des premiers voeux engage le candidat dans la consécration propre à l'état religieux»(138). Ce temps de profession temporaire a donc pour but d'affermir la fidélité des jeunes professes et profès, quoiqu'il en soit des satisfactions dont la vie quotidienne «à la suite du Christ» peut les gratifier ou non. La célébration liturgique distinguera avec soin la profession perpétuelle de la profession temporaire qui doit être célébrée "sans aucune solennité particulière»(139) tandis que la profession perpétuelle se déroulera «avec la solennité voulue et le concours des religieux et du peuple»(140) car «elle est le signe de l'union indissoluble du Christ avec l'Eglise son épouse (cf. LG 44)»(141).
57 On observera avec soin toutes les dispositions du droit concernant les conditions de validité et les échéances de la profession temporaire et perpétuelle(142).
58 S'agissant de la formation des profès temporaires, l'Eglise prescrit que «dans chaque institut, après la première profession, la formation de tous les membres sera complétée pour qu'ils mènent plus pleinement la vie propre de l'institut et réalisent d'une manière plus adaptée sa mission. C'est pourquoi le droit propre doit définir le programme de cette formation et sa durée, en tenant compte des besoins de l'Eglise, de la condition des hommes et des circonstances de temps, tels que l'exigent le but et le caractère de l'institut»(143).
«La formation sera systématique, adaptée à la capacité des membres, spirituelle et apostolique, doctrinale en même temps que pratique, comportant même, s'il est opportun, l'obtention de titres appropriés tant ecclésiastique que civils. Durant ce temps de formation, aucun office ni travail qui empêche cette formation ne sera confié aux membres»(144).
59 La première profession inaugure une nouvelle phase de la formation qui bénéficie du dynamisme et de la stabilité issus de la profession. Il s'agit, pour le religieux, de recueillir les fruits des étapes précédentes et de poursuivre sa propre croissance humaine et spirituelle par la pratique courageuse de ce à quoi il s'est engagé. Le maintien de l'élan spirituel donné par l'étape précédente est d'autant plus nécessaire que, dans les instituts voués à l'apostolat, le passage à un style de vie plus ouvert et à des activités très accaparantes comporte souvent des risques de désorientation et d'aridité. Dans les instituts voués à la contemplation, ils seraient plutôt de routine, de lassitude et de paresse spirituelle. Jésus a éduqué ses disciples à travers les crises qu'ils ont subies. Par des annonces successives de la Passion il les a préparés à devenir des disciples plus authentiques(145). La pédagogie de cette étape visera donc à permettre au jeune religieux de cheminer vraiment, à travers toute son expérience, selon une unité de perspective et de vie, celle de sa vocation propre à ce moment de son existence, en vue de la profession perpétuelle.
60 L'institut a la grave responsabilité de prévoir l'organisation et la durée de cette phase de la formation et de fournir au jeune religieux les conditions favorables à une réelle croissance dans la donation au Seigneur. Il lui offrira d'abord une vigoureuse communauté formatrice et la présence d'éducateurs compétents. A ce niveau de la formation, en effet, et contrairement à ce qui a été dit à propos du noviciat (cf. n. 47), mieux vaut une communauté plus nombreuse, bien pourvue en moyens de formation et bien accompagnée, qu'une petite communauté qui risque d'être dépourvue de vrais formateurs. Comme tout au long de la vie religieuse, le religieux doit s'efforcer à mieux comprendre pratiquement l'importance de la vie communautaire selon la vocation propre de son institut, à accepter le réalisme de cette vie et à en assumer les conditions de progrès, à respecter les autres dans leur différence et à se sentir responsable au sein de ladite communauté. Un responsable de la formation des profès temporaires, prolongeant à ce niveau et de façon spécifique la mission du maître des novices, sera spécialement désigné par les supérieurs. Cette formation durera au moins trois ans.
61 Les propositions de programmes qui suivent ont valeur indicative et n'hésitent pas à viser haut, vu la nécessité de former des religieuses et des religieux à la hauteur des attentes et des besoins du monde contemporain. Il reviendra aux instituts et aux formateurs et formatrices de procéder aux adaptations qu'imposent les personnes, les temps et les lieux.
Dans le programme des études doivent figurer en bonne place la théologie biblique, dogmatique, spirituelle et pastorale et, en particulier, l'approfondissement doctrinal de la vie consacrée et du charisme de l'institut. L'établissement de ce programme et sa mise en oeuvre devront respecter l'unité interne de l'enseignement et l'harmonisation des diverses disciplines. Ce n'est pas plusieurs sciences mais une seule que les religieux doivent avoir conscience d'apprendre: la science de la foi et de l'Evangile. A cet égard, on évitera une diversité cumulée de disciplines et de cours. De plus, par souci de respect des personnes, on n'introduira pas prématurément les religieux dans une problématique exagérément critique, s'ils n'ont pas encore parcouru le chemin nécessaire pour l'aborder sereinement.
On veillera à donner, d'une manière adaptée, une formation philosophique de base qui permette d'acquérir une connaissance de Dieu et une vision chrétienne du monde en connexion étroite avec les questions agitées en notre temps, qui fasse ressortir l'harmonie qui existe entre le savoir de la raison et celui de la foi en vue de la recherche de l'unique vérité. Dans ces conditions, les religieux seront gardés des tentations toujours menaçantes d'un rationalisme critique d'un côté, du piétisme et du fondamentalisme, de l'autre.
Le programme des études théologiques sera judicieusement conçu et les différentes parties seront bien articulées pour que ressorte la «hiérarchie» des vérités de la doctrine catholique en raison de leur rapport différent avec les fondements de la foi chrétienne(146). L'établissement de ce programme pourra s'inspirer, en les adaptant, des indications fournies par la Congrégation pour l'Education Catholique pour la formation des candidats au ministère presbytéral(147) tout en prenant soin de ne rien omettre qui puisse aider à une bonne intelligence de la foi et de la vie chrétienne, en Eglise: histoire, liturgie, droit canon, etc.
62 Enfin la maturation du religieux requiert, à cette étape, un engagement apostolique et une participation progressive à des expériences ecclésiales et sociales, dans la ligne du charisme de son institut et compte tenu de ses aptitudes et aspirations personnelles. S'agissant de ces expériences, religieuses et religieux se souviendront qu'ils ne sont pas d'abord des agents pastoraux, pas plus en période de formation initiale qu'au-delà, et que leur engagement dans un service ecclésial et surtout social obéit nécessairement à des critères de discernement (cf. n. 18).
63 Bien que les supérieurs soient désignés à juste titre comme «maîtres spirituels, selon le projet évangélique de leur institut»(148) les religieux doivent avoir à leur disposition pour le for interne, même non sacramentel, ce qu'il est convenu d'appeler un directeur ou conseiller spirituel. «Suivant la tradition des premiers pères du désert et de tous les grands fondateurs, les instituts religieux ont chacun des membres particulièrement qualifiés et désignés pour aider leurs frères en ce domaine. Leur rôle varie selon l'étape atteinte par les religieux, mais leur responsabilité essentielle consiste dans le discernement de l'action de Dieu, la conduite du religieux dans les voies divines, et l'alimentation de la vie par une doctrine solide et la pratique de la prière. Spécialement dans les premières étapes, il sera nécessaire d'évaluer le chemin déjà parcouru"(149). Cette direction spirituelle, qui «ne pourra être remplacée par des moyens psycho-pédagogiques»,(150) et pour laquelle le Concile réclame une «juste liberté»,(151) devra donc être «favorisée par la disponibilité de personnes compétentes et qualifiées» (152).
Ces dispositions, particulièrement indiquées pour cette étape de la formation des religieux, le demeurent pour tout le reste de leur vie. Dans les communautés religieuses, surtout celles qui rassemblent un plus grand nombre de membres et spécialement là où demeurent des profès temporaires, il est nécessaire qu'au moins un religieux soit officiellement désigné pour l'accompagnement ou conseil spirituel de ses frères.
64 Plusieurs instituts prévoient, avant la profession perpétuelle, une période de préparation plus intense dans le retrait des occupations habituelles. Cette coutume mérite d'être encouragée et étendue.
65 Si, comme le prévoit le droit, de jeunes profès sont envoyés à des études par leur supérieur,(153) «ces études seront entreprises non en vue d'une réalisation personnelle mal comprise pour des finalités individuelles, mais afin que les religieux puissent répondre aux exigences des projets apostoliques de leur famille religieuse, en harmonie avec les besoins de l'Eglise»(154). Le déroulement de ces études et la préparation des diplômes seront, au jugement des supérieurs majeurs et responsables de formation, convenablement harmonisés avec le reste du programme prévu pour cette étape de la formation.
66 «Tout au long de leur vie, les religieux poursuivront avec soin leur formation spirituelle, doctrinale et pratique, et les supérieurs leur en fourniront les moyens et le temps nécessaires».(155) «Chaque institut religieux a donc la tâche le projeter et de réaliser un programme de formation permanente adéquat pour tous ses membres. Un programme qui tende non seulement à la formation de l'intelligence, mais aussi de toute la personne, principalement dans sa mission spirituelle, pour que tout religieux puisse vivre en toute sa plénitude sa propre consécration à Dieu, dans la mission spécifique que l'Eglise lui a confiée»(156).
67 La formation continue est motivée d'abord par l'initiative de Dieu qui appelle chacun des siens à tous moments et dans des circonstances nouvelles. Le charisme de la vie religieuse dans un institut déterminé est une grâce vivante qui demande à être reçue et vécue dans des conditions d'existence souvent inédites. «Le charisme des fondateurs (ET 1l) se révèle comme une expérience de l'Esprit transmise à leurs disciples, pour être vécue par ceux-ci, gardée, approfondie, développée constamment en harmonie avec le Corps du Christ en croissance perpétuelle (...). Le caractère charismatique propre de tout institut exige, du fondateur comme des disciples, une vérification continuelle de la fidélité au Seigneur, de la docilité à son Esprit, de l'attention intelligente aux circonstances et aux signes des temps, de la volonté d'insertion dans l'Eglise, de la disposition de subordination à la hiérarchie, de l'audace dans les initiatives, de la constance dans le don, de l'humilité pour supporter les contretemps (...). Notre temps exige des religieux d'une façon spéciale cette authenticité charismatique, vive et ingénieuse dans ses inventions, qui exceller nettement dans les fondateurs ...»(157). La formation permanente exige que l'on prête une attention particulière aux signes de l'Esprit en notre temps et que l'on s'y laisse sensibiliser, pour pouvoir leur donner une réponse appropriée.
De plus la formation continue est une donnée sociologique qui, de nos jours, affecte toutes les branches d'activités professionnelles. Elle y conditionne le plus souvent la permanence dans une profession ou le passage obligé d'une profession à une autre.
Tandis que la formation initiale était ordonnée à l'acquisition par la personne d'une suffisante autonomie pour vivre en fidélité à ses engagements religieux, la formation continue aide le religieux à intégrer la créativité dans la fidélité. Car la vocation chrétienne et religieuse appelle une croissance dynamique et une fidélité dans les circonstances concrètes de l'existence. Ce qui exige une formation spirituelle intérieurement unifiante, mais souple et attentive aux événements quotidiens de la vie personnelle et de la vie du monde. «Suivre le Christ» signifie que l'on se met toujours en marche, que l'on se garde de la sclérose et de l'ankylose, pour être capable de rendre un témoignage vivant et vrai du Règne de Dieu en ce monde.
On peut retenir en d'autres termes trois raisons fondamentales qui motivent la formation permanente:
la première ressort de la fonction même de la vie religieuse au sein de l'Eglise. Elle y joue un rôle charismatique et eschatologique très significatif qui suppose chez les religieuses et les religieux une attention spéciale à la vie de l'Esprit, aussi bien dans l'histoire personnelle de chacun et de chacune que dans l'espérance et l'angoisse des peuples;
la seconde lui vient des défis que représente l'avenir de la foi chrétienne dans un monde qui change à une vitesse accélérée;(158)
la troisième concerne le vie même des instituts religieux et surtout leur avenir, qui dépendent pour une part de la formation permanente de leurs membres.
68 La formation continue est un processus global de renouveau qui s'étend à tous les aspects de la personne du religieux et à l'ensemble de l'institut lui-même. Elle est à conduire en tenant compte du fait que ses divers aspects son inséparables et s'influencent mutuellement dans la vie de chaque religieux et de chaque communauté. Les aspects suivants peuvent être retenus:
la vie selon l'Esprit ou spiritualité: elle doit avoir la primauté car elle inclut un approfondissement de la foi et du sens de la profession religieuse. Les exercices spirituels annuels et des temps de reprise spirituelle sous diverses formes sont donc à privilégier;
la participation à la vie de l'Eglise selon la charisme de l'institut et notamment la mise à jour des méthodes et des contenus des activités pastorales, en collaboration avec les autres agents de la pastorale locale;
le recyclage doctrinal et professionnel qui comprend l'approfondissement biblique et théologique, l'étude des documents du magistère universel et particulier, une meilleure connaissance des cultures des lieux où l'on vit et agit, la requalification professionnelle et technique, s'il y a lieu;
la fidélité au charisme propre, par une connaissance toujours meilleure du fondateur, de l'histoire de l'institut, de son esprit, de sa mission, et un effort corrélatif pour en vivre, personnellement et en communauté.
69 Il arrive qu'une bonne part de la formation permanente des religieux se déroule dans le cadre de services de formation inter-instituts. Dans ces cas, il faut rappeler qu'un institut ne peut pas déléguer à des organisations externes toute la tâche de formation continue de ses membres, trop liée, en beaucoup de ses aspects, aux valeurs propres de son charisme. Chacun d'eux, selon les nécessités et les possibilités, doit donc susciter et organiser diverses initiatives et structures.
70 Ces étapes sont à comprendre de façon très souple. Il convient de les combiner concrètement avec celles que peut susciter l'initiative imprévisible de l'Esprit Saint. Retenons en particulier comme étapes significatives:
le passage de la formation initiale à la première expérience de vie plus autonome, où le religieux doit découvrir un nouvelle manière d'être fidèle à Dieu;
au terme de dix ans environ de profession perpétuelle, où se présente le risque d'une vie «habituée» et la perte de tout élan. A ce moment-là, une période prolongée où l'on prend ses distances par rapport à la vie ordinaire, pour la «relire» à la lumière de l'Evangile et de la pensée du fondateur, semble s'imposer. C'est ce temps d'approfondissement que certains instituts offrent à leurs membres dans le «troisième an», appelé aussi parfois «second noviciat» ou «seconde probation», etc. Il est souhaitable que ce temps se passe dans une communauté de l'institut;
la pleine maturité comporte souvent le danger d'un développement de l'individualisme, surtout chez les tempéraments vigoureux et efficaces;
au moment de fortes crises, qui peuvent survenir à tout âge sous le coup de facteurs externes (changement de poste ou de travail, échec, incompréhension, sentiment de marginalisation, etc.) ou de facteurs plus directement personnels (maladie physique ou psychique, aridités spirituelles, fortes tentations, crise de la foi ou sentimentale, ou les deux en même temps, etc.). Dans ces circonstances, le religieux doit être aidé à un dépassement positif de la crise, dans la foi;
au moment du retrait progressif de l'action, religieuses et religieux ressentent plus profondément dans leur être l'expérience que Paul décrit dans un contexte de marche vers la résurrection: «Nous ne perdons pas courage et même si, en nous, l'homme extérieur va vers sa ruine, l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour»(159). Pierre lui-même, après avoir reçu la tache immense de paître le troupeau du Seigneur, s'est entendu dire: «Lorsque tu seras devenu vieux, tu étendras les mains et c'est un autre qui nouera ta ceinture et qui te conduira là où tu ne voudrais pas»(160). Le religieux peut vivre ces moments comme une chance unique de se laisser pénétrer par l'expérience pascale du Seigneur Jésus jusqu'au désir de mourir pour «être avec le Christ», en cohérence avec son option de départ: «connaître le Christ, la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, devenir semblable à Lui dans sa mort afin de parvenir, si possible, à la résurrection d'entre les morts»(161). La vie religieuse ne suit pas un autre mouvement.
71 Une personne responsable de la formation permanente dans l'institut sera désignée par les supérieurs. Mais on veillera aussi à ce que religieuses et religieux, tout au long de leur vie, puissent disposer d'accompagnateurs ou conseillers spirituels, selon les pédagogies déjà mises en oeuvre en cours de formation initiale et selon des modalités adaptées à la maturité acquise et aux circonstances qu'ils traversent.
(PC 7)
72 Ce qui a été dit dans les chapitres précédents s'applique aux instituts ici concernés, dans le respect de leur charisme et de leur tradition et législation propre.
73 «Les instituts intégralement ordonnés à la contemplation, en sorte que leurs membres vaquent uniquement aux choses de Dieu dans la solitude et le silence, dans la prière assidue et une joyeuse pénitence, conservent toujours, si urgente que soit la nécessité d'un apostolat actif, une place de choix dans le Corps mystique du Christ dont "les membres n'ont pas tous la même fonction" ( Rm 12,4) . Ils offrent en effet à Dieu un sacrifice éminent de louange. Ils illustrent le peuple de Dieu par des fruits abondants de sainteté. Ils l'entraînent par leur exemple et procurent son accroissement par une secrète fécondité apostolique. Ils sont ainsi l'honneur de l'Eglise et une source de grâces célestes»(162).
Au sein d'une Eglise particulière, «leur vie contemplative est leur premier et fondamental apostolat, parce que, selon un dessein spécial de Dieu, c'est leur mode typique et caractéristique d'être Eglise, de vivre dans l'Eglise, de réaliser la communion avec l'Eglise, d'accomplir une mission dans l'Eglise»(163).
Du point de vue de la formation de leurs membres, et pour les raisons qui viennent d'être données, ces instituts réclament une attention toute particulière, soit dans la formation initiale, soit dans la formation permanente.
74 L'étude de la Parole de Dieu, de la Tradition des Pères, des documents du Magistère de l'Eglise et une réflexion théologique systématique ne sauraient être tenus en moindre estime en des lieux où des personnes ont choisi d'ordonner l'ensemble de leur vie en vue de la recherche prioritaire, sinon exclusive, de Dieu. Ces religieuses et religieux intégralement ordonnés à la contemplation apprennent dans l'Ecriture comment Dieu ne se lasse pas de rechercher sa créature pour faire alliance avec elle et comment, en retour, toute la vie de l'homme ne peut être qu'une recherche incessante de Dieu. Et ils s'engagent eux-mêmes patiemment dans cette recherche. La créature, sous l'épaisseur de ses limites y tâtonne mais, en même temps, Dieu la rend capable de s'y passionner. Il s'agit donc d'aider ces religieux à approcher le mystère de Dieu, non sans être attentifs aux exigences critiques de la raison humaine. Il faut aussi dégager les certitudes qu'offre la Révélation sur le mystère de Dieu Père, Fils et Saint Esprit, tout en restant modeste sur l'issue d'une recherche qui ne s'achèvera que dans le face à face lorsque nous verrons Dieu tel qu'il est. La première préoccupation de ces contemplatifs n'est pas et ne peut être d'acquérir une science étendue ni de conquérir des grades académiques. Elle est et doit être de fortifier la foi "garante des biens que l'on espère et preuve des réalités qu'on ne voit pas"(164). Dans la foi se trouvent le fondement et les prémices d'une contemplation authentique. Elle engage certes sur des routes inconnues: «Abraham partit ne sachant où il allait»,(165) mais elle permet de tenir ferme dans l'épreuve comme si l'on voyait l'invisible(166). Elle-guérit, approfondit et élargit l'effort de l'intelligence qui cherche et qui contemple ce qu'elle n'atteint à présent que «dans un miroir et en énigme»(167).
1990 Directives sur la formation dans les instituts religieu 46