1990 Directives sur la formation dans les instituts religieu 75

Quelques points d'insistance

75 Compte tenu de la spécificité de ces instituts et des moyens indiqués pour la tenir fidèlement, leur charte de formation retiendra quelques points d'insistance, à traiter graduellement aux étapes successives de la formation. Il faut noter au départ que le parcours de formation sera chez eux moins intensif et plus informel, vu la stabilité des membres et l'absence d'activités extérieures au monastère. Il faut ajouter enfin que, dans le contexte du monde actuel, on doit attendre des membres de ces instituts un niveau de culture humaine et religieuse correspondant aux exigences de notre temps.



La "lectio divina"

76 Plus que leurs frères et soeurs voués à l'apostolat, les membres des instituts intégralement ordonnés à la contemplation occupent une bonne partie de leur temps quotidien à l'étude de la Parole de Dieu et à la «lectio divina», sous ses quatre aspects de lecture, méditation, prière et contemplation. Quels que soient les mots employés selon les diverses traditions spirituelles et le sens précis qu'on leur donne, chacune de ces étapes conserve sa nécessité et son originalité. La «lectio divina» se nourrit de la Parole de Dieu, y trouve son point de départ et y ramène. Le sérieux d'une étude biblique garantit donc, pour une part, la richesse de la «lectio». Que cette dernière ait pour objet le texte même de la Bible, qu'il s'agisse d'un texte liturgique ou d'une grande page spirituelle de la tradition catholique, c'est un écho fidèle de la Parole de Dieu qu'il faut entendre et peut-être même, à la manière des anciens, murmurer. Cette initiation requiert un courageux exercice durant le temps de formation et sur elle s'appuient toutes les étapes ultérieures.


La liturgie

77 La liturgie, surtout la célébration de l'Eucharistie et de la Liturgie des Heures, occupe une place de choix dans ces instituts. Si les anciens comparaient volontiers la vie monastique à la vie angélique c'était, entre autres motifs, parce que les anges sont des «liturges»(168) de Dieu. La liturgie, où s'unissent la terre et le ciel et qui, de ce fait, donne comme un avant-goût de la liturgie céleste, est le sommet auquel tend toute l'Eglise et la source d'où découle toute sa force. Elle ne remplit pas toute l'activité de l'Eglise, mais elle est pour ceux qui «vaquent uniquement aux choses de Dieu» le lieu et le moyen privilégié de célébrer, au nom de l'Eglise, dans l'adoration, la joie et l'action de grâces l'oeuvre du salut accomplie par le Christ, dont le déroulement de l'année liturgique nous offre périodiquement le mémorial.(169) Elle sera donc non seulement célébrée avec soin selon les traditions et les rites propres aux différents instituts, mais aussi étudiée dans son histoire, la variété de ses formes et sa signification théologique.


78 Dans la tradition de certains de ces instituts, des religieux reçoivent le ministère presbytéral et célèbrent l'Eucharistie quotidienne, quoiqu'ils ne soient pas destinés à exercer un apostolat. Cette pratique trouve sa justification tant en ce qui concerne le ministère presbytéral qu'en ce qui regarde le sacrement de l'Eucharistie. D'une part, en effet, il existe une harmonie interne entre la consécration religieuse et la consécration au ministère et il est légitime que ces religieux soient ordonnés prêtres, même s'ils n'ont pas de ministère à exercer à l'intérieur ou à l'extérieur du monastère. «L'union dans une même personne de la consécration religieuse, qui en fait une offrande à Dieu, et du caractère sacerdotal, la configure de façon spéciale au Christ qui est en même temps Prêtre et Victime"(170).
D'autre part, l'Eucharistie, «même si les fidèles ne peuvent y être présents, est un acte du Christ et de l'Eglise»(171) et mérite de ce fait d'être célébrée en tant que telle car «les raisons que l'on peut avoir d'offrir le sacrifice ne sont pas à prendre uniquement du côté des fidèles auxquels il faut administrer les sacrements, mais principalement du coté de Dieu, auquel un sacrifice est offert dans la consécration de ce sacrement».(172) Enfin, il faut retenir l'affinité qui existe entre la vocation contemplative et le mystère de l'Eucharistie. En effet, «parmi les oeuvres de la vie contemplative, les principales consistent dans la célébration des mystères divins»(173).



Le travail

79 Le travail est une loi commune à laquelle religieuses et religieux se savent astreints et il conviendra, en période de formation, d'en faire ressortir le sens puisque, dans le cas qui nous occupe, il s'accomplit à l'intérieur du monastère. Le travail pour vivre n'est pas un obstacle à la Providence de Dieu qui se soucie des moindres détails de nos vies, mais il entre dans ses plans. Il peut être considéré comme un service de la communauté, un moyen d'y exercer une certaine responsabilité et de collaborer avec d'autres. Il permet de développer une certaine discipline personnelle et d'équilibrer les aspects plus intérieurs que comporte l'horaire quotidien. Dans les systèmes de prévoyance sociale qui entrent progressivement en vigueur dans différents pays, le travail permet aussi aux religieux de prendre leur part de la solidarité nationale à laquelle aucun citoyen n'a le droit de se soustraire. Plus généralement, il est un élément de solidarité avec tous les travailleurs du monde. Le travail répond ainsi, non seulement à une nécessité économique et sociale, mais à une exigence évangélique. Personne, en communauté, ne peut s'identifier avec un travail précis dont il risquerait de faire sa propriété, mais tous doivent se trouver disponibles pour tous travaux qui pourraient leur être demandés.
Pendant le temps de formation initiale, spécialement pendant le noviciat, le temps réservé au travail ne saurait empiéter sur celui qui est normalement réservé aux études ou autres activités en rapport direct avec la formation.


L'ascèse

80 Elle tient une place particulière dans les instituts exclusivement voués à la contemplation où religieuses et religieux auront surtout à bien comprendre comment, malgré les exigences de retrait du monde qui leur sont propres, leur consécration religieuse les rend présents aux hommes et au monde «d'une façon plus profonde dans le coeur de Christ».(174) «Est moine celui qui est séparé de tous et uni à tous»(175).
Uni à tous parce qu'uni au Christ. Uni à tous parce qu'il porte en son coeur l'adoration, l'action de grâces, la louange, les angoisses et la souffrance des hommes de ce temps. Uni à tous parce que Dieu l'appelle en un lieu où il révèle à l'homme ses secrets. Non seulement présents au monde, mais aussi au coeur de l'Eglise, tels sont les religieux intégralement voués a la contemplation. La liturgie qu'ils célèbrent accomplit une fonction essentielle de la communauté ecclésiale. La charité qui les anime et qu'ils s'efforcent à rendre parfaite vivifie en même temps tout le corps mystique du Christ. En cet amour, ils touchent la source première de tout ce qui existe «amor fontalis» et, de ce fait, se trouvent au coeur du monde et de l'Eglise. «Dans le coeur de l'Eglise, ma Mère, je serai l'amour»(176). Telle est leur vocation et leur mission.



La mise en oeuvre

81 La norme générale est que tout le cycle de formation initiale et permanente se déroule à l'intérieur du monastère. C'est, pour ces religieux, le lieu le plus convenable où puisse s'accomplir le chemin de conversion, de purification et d'ascèse en de conformer leur vie au Christ. Cette exigence a également l'avantage de favoriser l'harmonie de la communauté. C'est en effet toute la communauté et non seulement quelques personnes ou groupes plus initiés qui doit bénéficier des avantages d'une formation bien ordonnée.

82 Quand un monastère ne peut se suffire à lui-même, faute d'enseignants ou d'un nombre suffisant de candidats, des services d'enseignement (cours, session, etc.) communs à plusieurs monastères de la même fédération, du même Ordre, ou de vocation fondamentale commune, seront utilement organisés dans l'un des monastères, selon une périodicité convenant à la nature contemplative des monastères intéressés. Et pour tous les cas où les exigences de la formation auraient une incidence sur la discipline de la clôture, on s'en tiendra à la législation en vigueur(177). On peut aussi, pour la formation, faire appel à des intervenants extérieurs au monastère et même à l'Ordre, pourvu qu'ils entrent dans la perspective spécifique des religieux qu'ils auront à instruire.


83 L'association de monastères de moniales à des instituts masculins, selon le c. 614, peut également servir de façon avantageuse la formation des moniales. Elle garantit la fidélité au charisme, à l'esprit et aux traditions d'une même famille spirituelle.

84 Chaque monastère veillera à créer les conditions favorables à l'étude personnelle et à la lecture, à l'aide d'une bonne bibliothèque constamment tenue à jour et, éventuellement, de cours par correspondance.

85 Il est demandé aux ordres et congrégations monastiques masculins, aux fédérations de moniales et aux monastères non fédérés ou non associés, d'élaborer une charte de formation («ratio») qui entrera dans leur droit propre et qui comportera des normes concrètes d'application, conformément aux cc. CIC 650 1, CIC 659 à CIC 661.




CHAPITRE V

QUESTIONS ACTUELLES CONCERNANT LA FORMATION DES RELIGIEUX

Sont rassemblées ici des questions ou positions actuelles qui, pour certaines, résultent d'une analyse succincte et qui, par conséquent, méritent probablement discussion, nuances et compléments. Pour d'autres, des orientations et des principes sont énoncés, dont l'application concrète ne peut être faite qu'au niveau des Eglises particulières.


A) Les jeunes candidats a la vie religieuse et la pastorale

des vocations

86 Les jeunes sont «l'espérance de l'Eglise»,(178) elle a «tant de choses à dire aux jeunes et les jeunes ont tant de choses à dire à l'Eglise»(179). Bien qu'il existe des adultes candidats à la vie religieuse, les 18-25 ans en représentent aujourd'hui la majorité. Dans la mesure où ils sont touchés par ce qu'il est convenu d'appeler «la modernité», on peut dégager avec assez d'exactitude, semble-t-il, quelques traits communs. Le portrait se ressent du modèle nord-occidental, mais ce modèle tend à s'universaliser, dans ses valeurs et dans ses faiblesses, et chaque culture y apportera les retouches qu'exige son originalité propre.


87 «La sensibilité des jeunes perçoit profondément les valeurs de la justice, de la non-violence et de la paix. Leur coeur est ouvert à la fraternité, à l'amitié et à la solidarité. Ils se mobilisent au maximum en faveur des causes qui regardent la qualité de la vie et la conservation de la nature»(180). Ils ont également soif de liberté et d'authenticité. Ils aspirent généralement et parfois ardemment à un monde meilleur et il n'en manque pas qui se sont engagés dans des associations politiques, sociales, culturelles et caritatives pour contribuer à améliorer la situation de l'humanité. Ils sont pour la plupart, à moins d'avoir été dévoyés par des idéologies de type totalitaire quelles qu'elles soient, de chauds partisans le la libération de l'homme en fait de racisme, de sous-développement, de guerres, d'injustices. Cette attitude n'est pas toujours commandée et parfois elle est loin de l'être par des motifs d'ordre religieux, philosophique et politique, mais on ne peut en récuser la sincérité ni le poids de générosité. Parmi eux, l'on en trouve qui sont marqués d'un profond sentiment religieux, mais ce sentiment lui-même a besoin d'être évangélisé. Plusieurs enfin, et ce n'est pas nécessairement une minorité, ont mené une vie chrétienne assez exemplaire et se sont engagés courageusement dans l'apostolat, expérimentant déjà ce que peut signifier «suivre Jésus Christ de plus près».


88 Ceci étant, leurs références doctrinales et éthiques tendent à se relativiser, au point qu'ils ne savent pas toujours très bien s'il existe des points de repère solides pour connaître la vérité de l'homme, du monde et des choses. L'indigence de l'enseignement de la philosophie dans les programmes scolaires y est souvent pour quelque chose. Ils hésitent pour dire qui ils sont et ce qu'ils sont appelés à devenir. S'ils ont quelques convictions sur l'existence du bien et du mal, le sens de ces termes semble s'être déplacé par rapport à ce qu'il était pour les générations précédentes. Il y a souvent un décalage entre le niveau de leurs connaissances profanes, parfois très spécialisées, celui de leur croissance, psychologique et celui de leur vie chrétienne. Tous n'ont pas fait en famille une expérience heureuse, vu les crises que traverse l'institution familiale, soit là où la culture n'a pas été profondément imprégnée de christianisme, soit dans des cultures de type postchrétien où s'impose l'urgence d'une nouvelle évangélisation, soit dans des cultures depuis longtemps évangélisées. Ils apprennent beaucoup par l'image, et la pédagogie scolaire en vigueur favorise parfois ce moyen, mais ils lisent moins. Il arrive que leur culture se caractérise par une quasi absence de dimension historique, comme si notre monde commençait aujourd'hui. La société de consommation, avec les déceptions qu'elle engendre, ne les épargne pas. Parvenant, parfois avec peine, à trouver leur place dans le monde, certains se laissent séduire par la violence, la drogue et l'érotisme. Il est de moins en moins rare de trouver, parmi les candidats à la vie religieuse, des jeunes qui aient fait en ce dernier domaine des expériences malheureuses.

89 On pressent alors les problèmes que posent la richesse et la complexité de ce tissu humain à la pastorale des vocations, en même temps qu'à la formation. C'est le discernement des vocations qui est ici en cause. Surtout peut-être dans certains pays, des candidates et candidats à la vie religieuse se présenteront pour rechercher plus ou moins consciemment une promotion sociale et une assurance pour l'avenir; pour d'autres, la vie religieuse s'offrira comme le lieu idéal d'un engagement idéologique pour la justice. D'autres enfin, d'esprit plus conservateur, chercheront dans la vie religieuse un lieu de sauvegarde de leur foi, dans un monde considéré comme hostile et corrompu. Ces motivations représentent le revers d'un certain nombre de valeurs, mais demandent à être purifiées et redressées.
Dans les pays dits développés, c'est peut-être surtout l'équilibre humain et spirituel qu'il faudra promouvoir, à base de renoncement, de fidélité durable, de générosité paisible et soutenue, de joie authentique et d'amour. Voilà un programme exigeant mais nécessaire pour les religieuses et les religieux chargés de la pastorale des vocations et de la formation.




B) La formation des religieux et la culture

90 Le terme général de culture semble pouvoir résumer, comme le propose la Constitution pastorale Gaudium et spes, "cet ensemble de données personnelles et sociales qui marquent l'homme en lui permettant d'assumer et de maîtriser sa condition et sa destinées" (Gaudium et spes, GS 53 à 62)(181). C'est pourquoi l'on peut dire que la culture est «ce par quoi l'homme devient davantage homme» et «se situe toujours en relation essentielle et nécessaire avec ce qu'est l'homme»(182). D'autre part, «la profession des conseils évangéliques, tout en comportant le renoncement à des biens qui méritent sans doute une grande estime, ne s'oppose pas toutefois au véritable progrès de la personne humaine, mais de par sa nature elle lui est d'un très grand profit".(183) Il existe donc une affinité entre la vie religieuse et la culture.


91 Concrètement, cette affinité retient notre attention sur quelques points. Jésus Christ et son Evangile transcendent toute culture, même si la présence du Christ ressuscité et de son Esprit les pénètrent toutes de l'intérieur(184). D'autre part, toute culture doit être évangélisée, c'est-à-dire purifiée et guérie des blessures du péché. En même temps, la sagesse qu'elle porte en elle est dépassée, enrichie et accomplie par la sagesse de la Croix(185). Il conviendra donc, sous toutes les latitudes:
de veiller au niveau de culture générale des candidats, sans oublier que la culture ne se limite pas à la dimension intellectuelle de la personne;
- de vérifier comment les religieuses et les religieux parviennent à inculturer leur propre foi dans leur culture d'origine et de les y aider. Cela ne doit pas amener les maisons de formation à la vie religieuse à se transformer en des sortes de laboratoires d'inculturation. Mais les responsables de formation ne peuvent manquer d'y veiller dans l'accompagnement de leur foi et de son enracinement dans la vie de toute la personne, ils ne peuvent oublier que l'Evangile libère dans une culture la vérité dernière des valeurs qu'elle porte et que, d'autre part, la culture exprime l'Evangile de manière originale et en manifeste de nouveaux aspects;(186)
d'initier les religieuses et les religieux, vivant et travaillant dans une culture étrangère à leur culture d'origine, à la connaissance et à l'estime de cette culture, selon les recommandations du décret conciliaire Ad gentes, n. 22;
de promouvoir dans les jeunes Eglises, en communion avec l'ensemble de l'Eglise locale et sous la conduite de son Pasteur, une vie religieuse inculturée, conformément au décret Ad gentes, n. 18.



C) Vie religieuse et mouvements ecclésiaux

92 «Dans l'Eglise-Communion, les états de vie sont si unis entre eux qu'ils sont ordonnés l'un à l'autre. Leur sens profond est le même, il est unique pour tous: celui d'être une façon de vivre l'égale dignité chrétienne et la vocation universelle à la sainteté dans la perfection de l'amour. Les modalités sont tout à la fois diverses et complémentaires, de sorte que chacune d'elles a sa physionomie originale et qu'on ne saurait confondre et, en même temps, chacune se situe en relation avec les autres et à leur service»(187). Ce que confirment les nombreuses expériences actuelles de partage, non seulement du travail, mais aussi parfois de prière et de table, entre religieux, religieuses et laïcs. Notre propos n'est pas d'entamer ici une étude d'ensemble sur cette situation nouvelle mais de considérer uniquement les relations religieux-laïcs sous l'aspect des mouvements ecclésiaux, dûs pour la plupart à l'initiative de laïcs.
Depuis toujours, des mouvements ecclésiaux, inspirés par un désir de vivre plus intensément de l'Evangile et de l'annoncer aux hommes, se sont manifestés au sein du Peuple de Dieu. Certains d'entre eux étaient assez étroitement liés à des instituts religieux, dont ils partageaient la spiritualité spécifique. De nos jours, et spécialement depuis quelques décennies, de nouveaux mouvements sont apparus, plus indépendants que les premiers des structures et du style de la vie religieuse, et dont l'influence bénéfique pour l'Eglise a été fréquemment évoquée lors du synode des Evêques sur la vocation et la mission des laïcs (1987), pourvu qu'ils obéissent à un certain nombre de critères d'écclésialité.(188)


93 Pour maintenir une heureuse communion entre ces mouvements et les instituts religieux, et d'autant plus que des vocations religieuses sont issues de ces mouvements, il importe de réfléchir aux exigences suivantes et aux conséquences concrètes qu'elles entraînent pour les membres de ces instituts.
Un institut, tel que l'a voulu son Fondateur et tel que l'Eglise l'a approuvé, a une cohérence interne qu'il reçoit de sa nature, de son but, de son esprit, de son caractère et de ses traditions. Tout ce patrimoine constitue l'axe autour duquel se maintient à la fois l'identité et l'unité de l'institut lui-même(189) et l'unité de vie de chacun de ses membres. C'est un don de l'Esprit à l'Eglise qui ne peut souffrir aucune interférence, ni aucun mélange. Le dialogue et le partage au sein de l'Eglise supposent que chacun ait bien conscience de ce qu'il est.
Un candidat à la vie religieuse issu de l'un ou l'autre de ces mouvements ecclésiaux se place librement, quand il entre au noviciat, sous l'autorité des supérieurs et des formateurs légitimement mandatés pour le former. Il ne peut donc relever en même temps d'un responsable extérieur à l'institut auquel il appartient désormais, même si avant d'entrer il appartenait à ce mouvement. C'est l'unité de l'institut et l'unité de vie des novices qui est ici en cause.
Ces exigences demeurent au delà de la profession religieuse, afin d'écarter tout phénomène de pluri-appartenance, au plan de la vie spirituelle personnelle du religieux et au plan de sa mission. Si elles n'étaient pas respectées, la nécessaire communion entre religieux et laïcs risquerait de dégénérer en confusion, aux deux plans indiqués ci-dessus.



D) Le ministère épiscopal et la vie religieuse

94 Cette question est devenue plus actuelle depuis la publication du document Mutuae relationes et depuis que le Pape Jean Paul II a souligné en plusieurs circonstances l'impact de la charge pastorale des évêques sur la vie religieuse.
Le ministère de l'Évêque et celui d'un supérieur religieux ne sont pas en concurrence. Il existe certes un ordre interne des instituts qui possède son champ propre de compétence en vue du maintien et de la croissance de la vie religieuse. Cet ordre interne jouit d'une véritable autonomie, mais cette dernière s'exercera nécessairement dans le cadre d'une communion ecclésiale organique.(190)


95 En effet, «à chaque institut est reconnue la juste autonomie de vie, en particulier de gouvernement, par laquelle il possède dans l'Eglise sa propre discipline et peut garder intact (son) patrimoine (...). Il appartient aux Ordinaires des lieux de sauvegarder et de protéger cette autonomie»(191).
Dans le cadre de cette autonomie, «le droit propre (des instituts) doit définir le programme de (la) formation et sa durée, en tenant compte des besoins de l'Eglise, de la condition des hommes et des circonstances de temps, tels que l'exigent le caractère et le but de l'institut»(192).
«Quant au ministère d'enseignement, les supérieurs religieux ont la compétence et l'autorité de "maîtres spirituels", selon le projet évangélique de leur institut; dans cette sphère, ils doivent donner à leur congrégation et à chacune des communautés une véritable direction spirituelle, en accord avec le magistère authentique de la hiérarchie"(193).


96 D'autre part les évêques, en tant que «docteurs authentiques» et «témoins de la vérité divine et catholique»,(194) ont une «responsabilité concernant l'enseignement doctrinal de la foi, tant dans les centres qui en cultivent l'étude que dans l'utilisation des moyens pour la transmettre» (195).
«Il revient aux évêques, comme maîtres authentiques et guides de perfection pour tous les membres de leur diocèse (ChD 12. 15. 35-2;
LG 25,45) d'être aussi les gardiens de la fidélité à la vocation religieuse dans l'esprit de chaque institut»,(196) selon les normes du droit (cf. cc. CIC 386 CIC 387 CIC 591 CIC 593 CIC 678).


97 A cela ne s'oppose aucunement l'autonomie de vie, et particulièrement de gouvernement, reconnue aux instituts religieux. Si, dans l'exercice de sa juridiction, l'évêque est limité par le respect de cette autonomie, il n'est pas pour autant dispensé de veiller à la marche des religieux vers la sainteté. Il revient en effet à un successeur des apôtres, en tant que ministre de la Parole de Dieu, d'appeler en général les chrétiens à suivre le Christ et, par excellence, ceux qui reçoivent la grâce de le suivre «de plus près» (c.CIC 753,1). L'institut auquel ces derniers appartiennent représente déjà en lui-même et pour eux une école de perfection et une voie vers la sainteté, mais la vie religieuse est un bien de l'Eglise et, comme tel, relève de la responsabilité de l'évêque. Le rapport de l'évêque aux religieuses et aux religieux, généralement perçu au niveau de l'apostolat, s'enracine plus profondément dans sa charge de ministre de l'Evangile, au service de la sainteté de l'Eglise et de l'intégrité de sa foi.
Dans cet esprit, et sur la base de ces principes, il est convenable que les évêques des Eglises particulières soient au moins informés par les supérieurs majeurs des chartes de formation en vigueur dans les centres ou services de formation des religieux situés sur le territoire dont ils sont les Pasteurs. Toute difficulté relevant de la responsabilité épiscopale et concernant le fonctionnement de ces services ou centres sera examinée entre évêques et supérieurs majeurs, conformément au droit et aux orientations données par Mutuae relationes, nn. 24 à 35, et éventuellement à l'aide des organes de coordination indiqués par le même document aux nn. 52 à 67.



E) La collaboration inter-instituts au niveau de la formation

98 La première responsabilité de la formation des religieux revient de droit à chaque institut et ce sont les supérieurs majeurs des instituts, avec l'aide de leurs responsables qualifiés, qui ont l'importante mission d'y veiller. Chaque institut doit d'ailleurs, selon le droit, établir sa propre charte de formation («ratio»)(197).
Cependant, la nécessité a conduit certains instituts, dans tous les continents, à mettre en commun leurs moyens de formation (personnel et institutions) en vue de collaborer à cette oeuvre si importante, qu'il ne leur était plus possible d'accomplir tout seuls.


99 Cette collaboration s'effectue au moyen de centres permanents ou de services périodiques. On appelle centre inter-instituts un centre d'étude pour des religieux, placé sous la responsabilité collective des supérieurs majeurs d'instituts dont les membres participent à ce centre. Son but est d'assurer la formation doctrinale et pratique requise par la mission spécifique des instituts et conformément à leur nature. Il est distinct de la communauté de formation propre à chaque institut et au sein de laquelle le novice et le religieux s'initient à la vie communautaire, spirituelle et pastorale de l'institut. Quand un institut participe à un centre inter-instituts, une complémentarité doit être mise au point entre la communauté de formation et le centre, en vue d'une formation harmonieuse et intégrale.
Les centres de formation au sein d'une Fédération obéissent à des normes inscrites dans les statuts de la Fédération et ne sont pas ici concernés. Et il en est de même des centres ou services d'études placés sous la responsabilité d'un seul institut, mais qui accueillent à titre d'hôtes des religieuses ou des religieux d'autres instituts.

100 La collaboration inter-instituts pour la formation des jeunes professes et profès, la formation permanente et la formation des formateurs, peut s'effectuer dans le cadre d'un centre. La formation des novices, par contre, ne peut être donnée que sous forme de services périodiques, car la communauté proprement dite du noviciat ne peut être qu'une communauté homogène propre à chaque institut. Notre Dicastère publiera ultérieurement un document circonstancié et normatif concernant la mise en oeuvre de la collaboration inter-instituts dans le domaine de la formation.





CHAPITRE VI

LES RELIGIEUX CANDIDATS AUX MINISTÈRES

PRESBYTÉRAL ET DIACONAL


101 Les questions soulevées par ce type de religieux méritent d'être exposées à part, vu leur caractère particulier. Elles sont de trois ordres. Les unes regardent la formation aux ministères en tant que telle; d'autres, la spécificité religieuse des religieux prêtres et diacres; d'autres enfin l'insertion du religieux prêtre au sein du presbyterium diocésain.



La formation

102 Dans certains instituts, définis par leur droit propre comme cléricaux, on s'est parfois proposé de donner la même formation aux frères laïcs et aux candidats aux ministères ordonnés. Au niveau du noviciat, une formation commune aux uns et aux autres semble parfois même exigée par le charisme spécifique de l'institut. Il s'ensuit des conséquences bénéfiques quant à la qualité et à l'intégralité de la formation doctrinale des frères laïcs et quant à leur intégration dans la communauté. Mais dans tous les cas, les normes concernant la durée et le contenu des études préparatoires au ministère presbytéral devront être rigoureusement observées et suivies.

103 «La formation des membres qui se préparent à recevoir les Ordres sacrés est régie par le droit universel et par le programme des études propre à l'institut»(198). Ainsi, les religieux candidats au ministère presbytéral se conformeront aux normes de la Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis(199) et les candidats au diaconat permanent aux dispositions prévues à cet effet par le droit propre des instituts. On ne reprendra pas ici l'intégralité de cette Ratio dont les lignes maîtresses figurent dans le droit canonique(200). On se contentera de rappeler, pour qu'elles soient observées par le supérieurs majeurs, quelques étapes du «cursus» de formation.


104 Les études de philosophie et de théologie, menées successivement ou conjointement, comprendront au moins six années complètes, de sorte que deux années entières soient consacrées aux disciplines philosophiques et quatre années entières aux études théologiques. Les supérieurs majeurs veilleront à l'observance de ces dispositions spécialement quand ils confieront leurs jeunes religieux à des centres inter-instituts ou à des universités.

105 Bien que toute la formation des candidats au ministère presbytéral poursuive une fin pastorale, il y aura une formation pastorale proprement dite adaptée au but de l'institut. Le programme de cette formation s'inspirera du décret Optatam totius et, pour les religieux appelés à travailler dans des cultures étrangères à leur culture d'origine, du décret Ad gentes.(201)


106 Les religieux prêtres voués à la contemplation, moines ou autres, appelés par leurs supérieurs à se tenir à la disposition des hôtes pour le ministère de la réconciliation ou du conseil spirituel, seront pourvus d'une formation pastorale appropriée à ce ministère. Ils se conformeront également aux orientations pastorales de l'Eglise particulière dans laquelle ils se trouvent.

107 Toutes les conditions canoniques requises des ordinands et à leur sujet seront observées, compte tenu de la nature et des obligations propres à l'état religieux(202).



La spécificité religieuse des religieux prêtres et diacres

108 «Un prêtre religieux plongé dans la pastorale aux cotés des prêtres diocésains devrait montrer clairement par ses attitudes qu'il est religieux», (203). Pour qu'apparaisse toujours chez le religieux prêtre ou diacre «ce qui caractérise la vie religieuse et les religieux et leur donne un visage»(204) plusieurs conditions semblent devoir être remplies sur lesquelles il est utile que des religieux, candidats aux ministères presbytéral et diaconal, s'interrogent durant leur temps de formation initiale et en cours de formation permanente:
qu'ils aient une perception claire et des convictions bien établies sur la nature respective du ministère presbytéral et diaconal qui appartient à la structure de l'Eglise, et de la vie religieuse, qui appartient à sa sainteté et à sa vie,(205) mais tout en maintenant le principe que leur ministère pastoral fait partie de la nature de leur vie religieuse;(206)
qu'ils puisent, pour leur vie spirituelle, aux sources de l'institut dont ils sont membres et accueillent en eux le don que représente cet institut pour l'Eglise;
qu'ils témoignent d'une expérience spirituelle personnelle qu'inspirent le témoignage et l'enseignement du fondateur;
qu'ils mènent leur vie de façon conforme à la règle de vie qu'ils se sont engagés à observer;
qu'ils vivent en communauté selon le droit;
- qu'ils soient disponibles et mobiles pour le service de l'Eglise universelle, si les supérieurs de l'institut les y appellent.
Si ces conditions sont respectées, le religieux prêtre ou diacre parviendra à harmoniser heureusement ces deux dimensions de son unique vocation.





1990 Directives sur la formation dans les instituts religieu 75