1990 Redemptoris Missio 74
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Les responsables et les agents de la pastorale missionnaire doivent se sentir unis dans la communion qui caractérise le Corps mystique. Le Christ a prié à cette intention à la dernière Cène: " Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient en nous, afin que le monde croie que tu m'as envoyé " (Jn 17,21). C'est dans cette communion que réside le fondement de la fécondité de la mission.
Mais l'Eglise est également une communion visible et organique et c'est pourquoi la mission requiert une union extérieure et ordonnée entre les diverses responsabilités et les diverses fonctions, de façon que tous les membres " dépensent leurs forces d'un même coeur pour la construction de l'Eglise "(159).
159 CONC. CUM. VAT. II, Décret sur l'activité missionnaire de l'Eglise Ad gentes AGD 28
Il incombe au Dicastère missionnaire " de diriger et de coordonner dans le monde entier l'oeuvre même de l'évangélisation des peuples et la coopération missionnaire, étant sauve la compétence de la Congrégation pour les Eglises orientales "(160). C'est donc par ce Dicastère que " doivent être suscités, et répartis selon les besoins les plus urgents des régions, les missionnaires. C'est par lui que doit être établi un plan rationnel d'action; de lui que doivent provenir les normes directrices et les principes adoptés en vue de l'évangélisation; par lui que doivent être données les impulsions "(161). Je ne puis que confirmer ces sages dispositions: pour relancer la mission ad gentes, il faut le centre d'impulsion, de direction et de coordination qu'est la Congrégation pour l'Evangélisation. J'invite les Conférences épiscopales et leurs organismes, les supérieurs majeurs des Ordres, des Congrégations et des Instituts, les organismes de laïcs engagés dans l'activité missionnaire, à collaborer fidèlement avec cette Congrégation, qui a l'autorité nécessaire pour organiser et diriger l'activité et la coopération missionnaires au niveau universel.
160 Const. ap. sur la Curie romaine Pastor Bonus (28 juin 1988), : AAS 80 ( 1988), p 881; cf. CONC. CUM. VAT. II, Decret sur activité activité missionnaire de l'Eglise Ad gentes, AGD 29
161 CONC.CUM. VAT. II, Décret sur l'activité missionnaire de l'Eglise Ad gentes, AGD 29 cf. JEAN-PAUL II, Const. ap. Pastor Bonus, : l.c., p. 882.
Cette même Congrégation, qui a derrière elle une longue et glorieuse expérience, est appelée à jouer un rôle de première importance sur le plan de la réflexion et des programmes d'action dont l'Eglise a besoin pour se tourner de façon plus décisive vers la mission sous ses différentes formes. A cette fin, la Congrégation doit entretenir des rapports étroits avec les autres Dicastères du Saint-Siège, avec les Eglises particulières et avec les forces missionnaires. Selon une ecclésiologie de communion, toute l'Eglise est missionnaire, mais il se confirme aussi que des vocations et des institutions spécifiques pour le travail ad gentes sont toujours indispensables; c'est pourquoi le rôle de direction et de coordination de ce Dicastère missionnaire reste trés important afin que tous s'attaquent ensemble aux grandes questions d'intérêt commun, étant sauves les compétences propres de chaque autorité et de chaque structure.
76 Au niveau national et régional, les Conférences épiscopales et leurs divers regroupements revêtent une grande importance pour l'orientation et la coordination de l'activité missionnaire. Le Concile leur demande de " traiter en plein accord des questions les plus graves et des problèmes les plus urgents, sans négliger cependant les différences locales "(162), et de traiter aussi du problème de l'inculturation. Concrètement, il y a déjà une activité étendue et régulière dans ce domaine, et les fruits en sont visibles. Cette activité doit être intensifiée et mieux reliée à celle d'autres organismes des mêmes Conférences épiscopales, afin que la sollicitude missionnaire ne soit pas laissée à un secteur ou à un organisme donné mais qu'elle soit partagée par tous. Ces organismes et les institutions qui se livrent à l'activité missionnaire prendront soin de coordonner les efforts et les initiatives. Les Conférences des supérieurs majeurs le feront pour ce qui les concerne, en relation avec les Conférences épiscopales, conformément aux indications et aux normes établies(163), en recourant aussi à des commissions mixtes(164). Enfin, il est souhaitable qu'il y ait des rencontres et des formes de collaboration entre les diverses institutions missionnaires, tant pour la formation et les études(165) que pour l'action apostolique à conduire.
162 Décret sur l'activité missionnaire de l'Eglise Ad gentes, AGD 31
163 Cf. ibid, AGD 33
164 Cf. PAUL VI, Motu proprio Ecclesiae sanctae (6 août 1966), II, n. 43: AAS 58 (1966), p. 782.
165 Cf. CONC . CUM . VAT . II, Décret sur l'activité missionnaire de l'Eglise Ad gentes, AGD 34 PAUL Vl, Motu proprio Ecclesiae sanctae, III, n. 22: l.c., p. 787.
77 Membres de l'Eglise en vertu de leur baptême, tous les chrétiens sont coresponsables de l'activité missionnaire. La participation des communautés et des fidèles à ce droit et à ce devoir est appelée " coopération missionnaire ".
Cette coopération s'enracine et se vit avant tout dans l'union personnelle au Christ: c'est seulement si l'on est uni à lui comme les sarments à la vigne (cf. Jn 15,5) que l'on peut porter de bons fruits. La sainteté de la vie permet à tout chrétien d'être fécond dans la mission de l'Eglise: le Saint Concile invite " tous les chrétiens à une profonde rénovation intérieure, afin qu'ayant une conscience vive de leur propre responsabilité dans la diffusion de l'Evangile, ils assument leur part dans l'oeuvre missionnaire auprès des païens "(166).
166 CONC. CUM. VAT. II, Decret sur l'activité missionnaire de l'Eglise Ad gentes, AGD 35 cf. CIC 211 CIC 781
La participation à la mission universelle ne se réduit donc pas à quelques activités particulières mais elle est le signe de la maturité de la foi et d'une vie chrétienne qui porte du fruit. Ainsi, le croyant élargit les dimensions de sa charité, manifestant sa sollicitude pour ceux qui sont loin comme pour ceux qui sont près: il prie pour les missions et pour les vocations missionnaires, il aide les missionnaires, il suit avec intérêt leur activité et, quand ils reviennent, il les accueille avec la même joie que celle avec laquelle les premières communautés chrétiennes écoutaient les Apôtres décrire les merveilles que Dieu avait accomplies par leur prédication (cf. Ac 14,27).
78 Parmi les formes de participation, la première place revient à la coopération spirituelle: prière, sacrifice, témoignage de vie chrétienne. La prière doit accompagner les missionnaires dans leur marche afin que l'annonce de la Parole soit rendue efficace par la grâce divine. Saint Paul demande souvent dans ses Lettres que les fidèles prient pour lui afin qu'il lui soit accordé d'annoncer l'Evangile avec confiance et audace.
A la prière, il est nécessaire d'unir le sacrifice. La valeur salvifique de toute souffrance acceptée et offerte à Dieu avec amour découle du sacrifice du Christ, qui appelle les membres de son Corps mystique à s'associer à ses propres souffrances et à les compléter en leur chair (cf. Col 1,24). Le sacrifice du missionnaire doit être partagé et soutenu par celui des fidèles. C'est pourquoi je recommande à ceux qui exercent leur ministère pastoral parmi les malades de leur apprendre la valeur de la souffrance et de les encourager à l'offrir à Dieu pour les missionnaires. Par cette offrande, les malades deviennent missionnaires eux aussi, comme le soulignent certains mouvements nés parmi eux et pour eux. La solennité de la Pentecôte - jour ou commença la mission de l'Eglise - est célébrée dans certaines communautés comme la " journée de la souffrance pour les missions ".
(cf. Is 6,8)
79 La coopération s'exprime également par la promotion des vocations missionnaires. A cet égard, il faut reconnaître la valeur des différentes formes d'engagement missionnaire, mais il faut en même temps réaffirmer la priorité du don de soi total et perpétuel à l'oeuvre des missions, spécialement dans les Instituts et les Congrégations missionnaires d'hommes et de femmes. La promotion de ces vocations est au coeur de la coopération: l'annonce de l'Evangile requiert des annonciateurs, la moisson a besoin d'ouvriers, la mission se fait surtout avec des hommes et des femmes consacrés pour la vie à l'oeuvre de l'Evangile, disposés à aller dans le monde entier pour porter le salut.
Je désire donc rappeler et recommander cette sollicitude pour les vocations missionnaires. Conscients de la responsabilité universelle qu'ont les chrétiens de contribuer à l'oeuvre missionnaire et au développement des peuples pauvres, nous devons tous nous demander pourquoi, dans un certain nombre de pays, alors que s'accroissent les dons matériels, les vocations missionnaires risquent de disparaître, elles qui sont la vraie mesure du don de soi aux autres. Les vocations au sacerdoce et à la vie consacrée sont un signe certain de la vitalité d'une Eglise.
80 En pensant à ce grave problème, j'adresse mon appel avec une confiance et une affection particulières aux familles et aux jeunes. Que les familles, et surtout les parents, aient conscience qu'il leur faut apporter " une contribution particulière à la cause missionnaire de l'Eglise en cultivant les vocations missionnaires parmi leurs fils et leurs filles "(167).
167 Exhort. ap. Familiaris consortio, FC 54: I.c., p. 147.
Une vie de prière intense, un sens réel du service du prochain et une participation généreuse aux activités ecclésiales créent dans les familles les conditions favorables à la vocation des jeunes. Lorsque des parents sont prêts à laisser un de leurs enfants partir en mission, lorsqu'ils ont demandé cette grâce au Seigneur, il les récompensera dans la joie le jour ou un fils ou une fille entendra son appel.
Je demande aux jeunes eux-mêmes d'écouter la parole du Christ qui leur dit, de même qu'à Simon-Pierre et à André au bord du lac: " Venez à ma suite, et je vous ferai pêcheurs d'hommes " (Mt 4,19). Qu'ils osent répondre, comme autrefois Isaïe: " Me voici, Seigneur, je suis prêt. Envoie-moi " (cf. Is 6,8) ! Ils auront devant eux une vie fascinante; ils connaîtront le bonheur vrai d'annoncer la Bonne Nouvelle à des frères et soeurs qu'ils entraîneront sur la route du salut.
(Ac 20,35)
81 Les besoins matériels et économiques des missions sont nombreux, non seulement pour fonder l'Eglise avec un minimum de structures (chapelles, écoles de formation des catéchistes et des séminaristes, logements) mais aussi pour soutenir les oeuvres de charité, d'éducation et de promotion humaine, champ d'action immense, spécialement dans les pays pauvres. L'Eglise missionnaire donne ce qu'elle reçoit, elle distribue aux pauvres ce que ses fils mieux pourvus de biens matériels mettent généreusement à sa disposition. Je voudrais ici remercier tous ceux qui donnent, en se sacrifiant, pour l'oeuvre missionnaire: leurs privations et leur participation sont indispensables pour édifier l'Eglise et témoigner de la charité.
A propos de l'aide matérielle, il est important de voir avec quel esprit on donne. Et pour cela il faut réfléchir à son propre style de vie: les missions ne demandent pas seulement une aide mais aussi un partage pour l'annonce missionnaire et la charité envers les pauvres. Tout ce que nous avons reçu de Dieu - la vie comme les biens matériels - n'est pas à nous: cela est mis à notre disposition. La générosité avec laquelle on donne doit toujours être éclairée et inspirée par la foi; alors, vraiment, il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir.
La Journée mondiale des Missions, destinée à sensibiliser les fidèles au problème missionnaire mais aussi à recueillir des fonds, est un rendez-vous important dans la vie de l'Eglise car elle enseigne comment donner: dans la célébration eucharistique, c'est-à-dire comme offrande à Dieu, et pour toutes les missions du monde.
82 La coopération s'élargit aujourd'hui en prenant des formes nouvelles, qui comportent non seulement l'aide économique mais aussi la participation directe. Des situations nouvelles liées au phénomène de la mobilité exigent des chrétiens un authentique esprit missionnaire.
Le tourisme à caractère international est désormais un fait de masse. Il est positif si on le pratique dans une attitude respectueuse, en vue d'un mutuel enrichissement culturel, en évitant l'ostentation et le gaspillage, en cherchant les contacts humains. Mais aux chrétiens, il est demandé surtout d'avoir conscience qu'il leur faut toujours être témoins de la foi et de la charité du Christ. La connaissance directe de la vie missionnaire et des nouvelles communautés chrétiennes peut, elle aussi, enrichir et affermir la foi. Les visites que l'on rend aux missions sont une très bonne chose, surtout de la part des jeunes qui y vont pour servir et pour faire une forte expérience de vie chrétienne.
Les exigences du travail conduisent aujourd'hui de nombreux chrétiens de jeunes communautés dans des régions ou le christianisme est inconnu, et parfois banni ou persécuté. Il en est de même pour les fidèles des pays d'ancienne tradition chrétienne qui travaillent temporairement dans des pays non chrétiens. Ces circonstances donnent évidemment l'occasion de vivre sa foi et d'en témoigner. Dans les premiers siècles, le christianisme s'est répandu surtout parce que les chrétiens qui voyageaient ou allaient s'établir dans des régions ou le Christ n'avait pas été annoncé, y témoignaient de leur foi avec courage et y fondaient les premières communautés.
Plus nombreux encore sont les citoyens des pays de mission et les fidèles de religions non chrétiennes qui vont s'établir dans d'autres pays, pour des motifs d'études et de travail, ou bien contraints par la situation politique ou économique de leur lieu d'origine. La présence de ces frères dans les pays de chrétienté ancienne est pour les communautés ecclésiales un défi qui les incite à l'accueil, au dialogue, au service, au partage, au témoignage et à l'annonce directe. En pratique, même dans les pays chrétiens, se forment des groupes humains et culturels qui appellent la mission ad gentes, et les Eglises locales, avec au besoin l'aide de personnes provenant des pays des immigrés et de missionnaires rentrés chez eux, doivent se pencher avec générosité sur ces situations.
La coopération peut aussi engager les responsables de la politique, de l'économie, de la culture, du journalisme, sans oublier également les experts des diverses Organisations internationales. Dans le monde moderne, il est de plus en plus difficile de tracer des lignes de démarcation géographiques ou culturelles: il y a une interdépendance croissante entre les peuples, et cela constitue un stimulant pour le témoignage chrétien et l'évangélisation.
83 La formation missionnaire est l'oeuvre de l'Eglise locale avec l'aide des missionnaires et de leurs Instituts, ainsi que du personnel des jeunes Eglises. Cette tâche doit être considérée non pas comme marginale mais comme centrale dans la vie chrétienne. Même pour la nouvelle évangélisation des peuples chrétiens, le thème missionnaire peut aider grandement: le témoignage des missionnaires conserve en effet son attrait même auprès de ceux qui sont loin et auprès des non-croyants, et il transmet des valeurs chrétiennes. Que les Eglises locales utilisent donc l'animation missionnaire comme élément clé de leur pastorale courante dans les paroisses, les associations et les groupes, surtout de jeunes!
A cette fin servira avant tout l'information par la presse missionnaire et par les divers moyens audiovisuels. Leur rôle est d'une grande importance, car ils font connaître la vie de l'Eglise universelle ainsi que la voix et les expériences des missionnaires et des Eglises locales ou ils sont à l'oeuvre. Il importe que dans les Eglises plus jeunes, qui ne sont pas encore en mesure de se doter d'une presse ou d'autres instruments, les Instituts missionnaires consacrent le personnel et les moyens voulus à ces initiatives.
Sont appelés à donner cette formation les prêtres et leurs collaborateurs, les éducateurs et les enseignants, les théologiens, spécialement ceux qui enseignent dans les séminaires et dans les centres pour les laïcs. L'enseignement théologique ne peut ni ne doit ignorer la mission universelle de l'Eglise, l'oecuménisme, l'étude des grandes religions et de la missiologie. Je recommande que, surtout dans les séminaires et dans les maisons de formation pour religieux et religieuses, on se livre à une telle étude, en veillant aussi à ce que quelques prêtres ou quelques étudiants et étudiantes se spécialisent dans les divers secteurs des sciences missiologiques.
Les activités d'animation doivent toujours être orientées vers leurs fins spécifiques: informer et former le Peuple de Dieu en ce qui concerne la mission universelle de l'Eglise, faire naître des vocations ad gentes, susciter la coopération à l'évangélisation. Il ne faut pas donner une image réductrice de l'activité missionnaire, comme si elle consistait principalement à aider les pauvres, à contribuer à la libération des opprimés, à promouvoir le développement, à défendre les droits de l'homme. L'Eglise missionnaire est également engagée sur ces fronts, mais sa tâche principale est autre: les pauvres ont faim de Dieu, et pas seulement de pain et de liberté, et l'activité missionnaire doit avant tout témoigner du salut en Jésus Christ et annoncer ce salut, en fondant les Eglises locales qui sont ensuite des instruments de libération, dans tous les sens du terme.
;La responsabilité première des oeuvres pontificales missionnaires
84 Dans cette activité d'animation, la tâche première revient aux oeuvres pontificales missionnaires, comme je l'ai souvent affirmé dans les Messages pour la Journée mondiale des Missions. Les quatre oeuvres - Propagation de la foi, Saint-Pierre-Apôtre, Enfance missionnaire et Union missionnaire - ont un but commun: promouvoir l'esprit missionnaire universel au sein du Peuple de Dieu. L'Union missionnaire a comme fin immédiate et spécifique la sensibilisation et la formation missionnaires des prêtres, des religieux et des religieuses, qui doivent à leur tour assurer cette formation dans les communautés chrétiennes; en outre, elle vise à promouvoir les autres uvres, dont elle est l'âme(168). " Le mot d'ordre doit être celui-ci: Toutes les Eglises pour la conversion du monde entier "(169).
168 Cf. PAUL VI, Lettre ap. Graves et increscentes (5 septembre 1966): AAS 58 ( 1966) pp. 750-756.
169 p. MANNA, Le nostre "Chiese" e la propagazione del Vangelo, Trentola Ducenta, 1952, 2 p 35
Oeuvres du Pape et du Collège épiscopal, même au niveau des Eglises particulières, elles occupent " à bon droit (...) la première place, puisqu'elles sont des moyens pour pénétrer les catholiques, dès leur enfance, d'un esprit vraiment universel et missionnaire, et pour provoquer une collecte efficace de subsides au profit de toutes les missions selon les besoins de chacune "(170). Un autre but des oeuvres missionnaires est de susciter des vocations ad gentes, pour toute la vie, dans les Eglises anciennes comme dans les plus jeunes. Je recommande vivement d'orienter toujours davantage leur service d'animation vers cette fin.
170 CONC . CUM. VAT. II, Décret sur activité activité missionnaire de I'Eglise Ad gentes, AGD 38
Dans l'exercice de leur activité, ces oeuvres dépendent, au niveau universel, de la Congrégation pour l'Evangélisation et, au niveau local, de la Conférence épiscopale et des évêques des Eglises particulières, en collaboration avec les centres d'animation existants: elles apportent au monde catholique l'esprit d'universalité et de service de la mission sans lequel il n'y a pas de coopération authentique.
85 Coopérer à la mission veut dire non seulement donner, mais aussi savoir recevoir. Toutes les Eglises particulières, jeunes et anciennes, sont appelées à donner et à recevoir pour la mission universelle, et aucune ne doit se refermer sur elle-même. " En vertu de cette catholicité - dit le Concile -, chacune des parties apporte aux autres et à l'Eglise tout entière le bénéfice de ses propres dons, en sorte que le tout et chacune des parties s'accroissent par un échange mutuel universel et par un effort commun vers la plénitude dans l'unité. (...) De là, entre les diverses parties de l'Eglise, des liens de communion intime quant aux richesses spirituelles, aux ouvriers apostoliques et aux ressources matérielles "(171).
171 Const. dogm. sur l'Eglise Lumen gentium, LG 13
J'exhorte toutes les Eglises et les pasteurs, les prêtres, les religieux et les fidèles à s'ouvrir à l'universalité de l'Eglise, écartant toutes les formes de particularisme, d'exclusivisme ou de sentiment d'auto-suffisance. Les Eglises locales, tout en étant enracinées dans leur peuple et dans leur culture, doivent maintenir concrètement ce sens de l'universalité de la foi, en offrant aux autres Eglises et en recevant d'elles dons spirituels, expériences pastorales de première annonce et d'évangélisation, personnel apostolique et moyens matériels.
En effet, la tendance à se refermer peut être forte: les Eglises anciennes, engagées dans la nouvelle évangélisation, pensent qu'elles doivent maintenant mener la mission chez elles, et elles risquent d'affaiblir l'élan vers le monde non chrétien, admettant de mauvaise grâce les vocations en faveur des Instituts missionnaires, des Congrégations religieuses ou des autres Eglises. C'est au contraire en donnant généreusement de notre bien que nous recevrons; déjà aujourd'hui les jeunes Eglises, dont bon nombre connaissent une prodigieuse floraison de vocations, sont en mesure d'envoyer des prêtres, des religieux et des religieuses aux plus anciennes. D'autre part, les jeunes Eglises ressentent le problème de leur identité, de l'inculturation, de la liberté de croître en dehors de toute influence extérieure, avec comme conséquence possible de fermer la porte aux missionnaires. A ces Eglises, je dis: loin de vous isoler, accueillez volontiers les missionnaires et l'aide des autres Eglises, et envoyez-en vous-mêmes dans le monde! C'est précisément en raison des problèmes qui vous préoccupent que vous avez besoin de rester en relations constantes avec vos frères et soeurs dans la foi. Par tout moyen légitime, faites valoir les libertés auxquelles vous avez droit, en vous souvenant que les disciples du Christ ont le devoir d'" obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes " (Ac 5,29).
86 Si l'on regarde superficiellement notre monde, on est frappé par bien des faits négatifs qui peuvent porter au pessimisme. Mais c'est là un sentiment injustifié: nous avons foi en Dieu, Père et Seigneur, en sa bonté et en sa miséricorde. Alors que nous sommes proches du troisième millénaire de la Rédemption, Dieu est en train de préparer pour le christianisme un grand printemps que l'on voit déjà poindre. En effet, que ce soit dans le monde non chrétien ou dans le monde de chrétienté ancienne, les peuples ont tendance à se rapprocher progressivement des idéaux et des valeurs évangéliques, tendance que l'Eglise s'efforce de favoriser. Aujourd'hui se manifeste parmi les peuples une nouvelle convergence à l'égard de ces valeurs: le refus de la violence et de la guerre, le respect de la personne humaine et de ses droits, la soif de liberté, de justice et de fraternité, la tendance à surmonter les racismes et les nationalismes, l'affirmation de la dignité de la femme et sa valorisation.
L'espérance chrétienne nous soutient pour nous engager à fond dans la nouvelle évangélisation et dans la rnission universelle, et nous pousse à prier comme Jésus nous l'a enseigné: " Que ton Règne vienne, que ta Volonté soit faite sur la terre comme au ciel " (Mt 6,10).
Les hommes qui attendent le Christ sont encore en nombre incalculable: les espaces humains et culturels non encore atteints par l'annonce de l'Evangile ou dans lesquels l'Eglise est peu présente sont extrêmement vastes, au point d'exiger l'unité de toutes ses forces. En se préparant à célébrer le jubilé de l'an deux mille, toute l'Eglise est encore plus engagée dans un nouvel Avent missionnaire. Nous devons entretenir en nous la passion apostolique de transmettre à d'autres la lumière et la joie de la foi, et nous devons former à cet idéal tout le Peuple de Dieu.
Nous ne pouvons pas avoir l'esprit tranquille en pensant aux millions de nos frères et soeurs, rachetés eux aussi par le sang du Christ, qui vivent dans l'ignorance de l'amour de Dieu. Pour le chrétien individuel comme pour l'Eglise entière, la cause missionnaire doit avoir la première place, car elle concerne le destin éternel des hommes et répond au dessein mystérieux et miséricordieux de Dieu.
87 L'activité missionnaire exige une spiritualité spécifique qui concerne en particulier ceux que Dieu a appelés à être missionnaires.
Cette spiritualité s'exprime avant tout par le fait de vivre en pleine docilité à l'Esprit, docilité qui engage à se laisser former intérieurement par lui afin de devenir toujours plus conforme au Christ. On ne peut témoigner du Christ sans refléter son image, qui est rendue vivante en nous par la grâce et par l'action de l'Esprit. La docilité à l'Esprit engage par ailleurs à accueillir ses dons de courage et de discernement, qui sont des traits essentiels de la spiritualité missionnaire.
Le cas des Apôtres est exemplaire, eux qui durant la vie publique du Maître, malgré leur amour pour lui et la générosité de leur réponse à son appel, se montrent incapables de comprendre ses paroles et réticents à le suivre sur la voie de la souffrance et de l'humiliation. L'Esprit les transformera en témoins courageux du Christ et en annonciateurs éclairés de sa Parole. C'est l'Esprit qui les conduira sur les chemins ardus et nouveaux de la mission.
Aujourd'hui comme hier, la mission reste difficile et complexe; aujourd'hui comme hier, elle requiert le courage et la lumière de l'Esprit. Nous vivons souvent le drame de la première communauté chrétienne, qui voyait des foules incrédules et hostiles " se rassembler de concert contre le Seigneur et contre son Oint " (Ac 4,26). Comme hier, il faut prier pour que Dieu nous donne l'audace de proclamer l'Evangile; il faut scruter les voies mystérieuses de l'Esprit, et se laisser conduire par lui à toute la vérité (cf. Jn 16,13).
88 La communion intime avec le Christ est un élément essentiel de la spiritualité missionnaire: on ne peut comprendre ni vivre la mission qu'en se référant au Christ comme à celui qui a été envoyé pour évangéliser. Paul en décrit les comportements: " Ayez entre vous les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus: Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu. Mais il s'anéantit lui-même, prenant condition d'esclave, et devenant semblable aux hommes. S'étant comporté comme un homme, il s'humilia plus encore, obéissant jusqu'à la mort, et à la mort sur une croix " (Ph 2,5-8).
Ici se trouve décrit le mystère de l'Incarnation et de la Rédemption comme dépouillement total de soi qui amène le Christ à vivre pleinement la condition humaine et à adhérer jusqu'au bout au dessein du Père. Il s'agit d'un anéantissement qui est toutefois empreint d'amour et qui exprime l'amour. La mission parcourt ce même chemin et a son aboutissement au pied de la Croix.
Il est demandé au missionnaire de " renoncer à lui-même et à tout ce qu'il a possédé jusque-là, et de se faire tout à tous "(172), dans la pauvreté qui le rend libre pour l'Evangile, dans le détachement des personnes et des biens de son milieu pour se faire le frère de ceux à qui il est envoyé et leur apporter le Christ sauveur. C'est à cela que tend la spiritualité du missionnaire: " Je me suis fait faible avec les faibles... Je me suis fait tout à tous, afin d'en sauver à tout prix quelques-uns. Et tout cela, je le fais à cause de l'Evangile..." (1Co 9,22-23).
172 CONC. CUM. VAT. II, Décret sur l'activité missionnaire de I'Eglise Ad gentes, AGD 24
Précisément parce qu'il est " envoyé ", le missionnaire expérimente la présence réconfortante du Christ qui l'accompagne à tout instant de sa vie: " N'aie pas peur... car je suis avec toi " (Ac 18,9-10), et il l'attend au coeur de tout homme et de tout peuple.
89 La spiritualité missionnaire est caractérisée également par la charité apostolique, celle du Christ venu " afin de rassembler dans l'unité les enfants de Dieu dispersés " (Jn 11,52), du Bon Pasteur qui connaît ses brebis, qui les cherche et qui offre sa vie pour elles (Jn 10). Celui qui a l'esprit missionnaire éprouve le même amour que le Christ pour les âmes et aime l'Eglise comme le Christ.
Le missionnaire est poussé par le " zèle pour les âmes ", qui s'inspire de la charité même du Christ, faite d'attention, de tendresse, de compassion, d'accueil, de disponibilité, d'intérêt pour les problèmes d'autrui. L'amour de Jésus pénètre en profondeur: lui qui " connaissait ce qu'il y avait dans l'homme " (Jn 2,25), aimait tous les hommes en leur offrant la rédemption et souffrait quand on refusait le salut.
Le missionnaire est l'homme de la charité: pour pouvoir annoncer à chacun de ses frères qu'il est aimé de Dieu et qu'il peut lui-même aimer, il doit faire preuve de charité envers tous, dépensant sa vie pour son prochain. Le missionnaire est le " frère universel ", il porte en lui l'esprit de l'Eglise, son ouverture et son intérêt envers tous les peuples et tous les hommes, spécialement les plus petits et les plus pauvres. Comme tel, il dépasse les frontières et les divisions de race, de caste ou d'idéologie: il est signe de l'amour de Dieu dans le monde, c'est-à-dire de l'amour sans aucune exclusion ni préférence.
Enfin, comme le Christ, il doit aimer l'Eglise: " Le Christ a aimé l'Eglise: il s'est livré pour elle " (Ep 5,25). Cet amour, qui va jusqu'au don de la vie, est pour lui un point de repère. Seul un profond amour pour l'Eglise peut soutenir le zèle du missionnaire; son obsession quotidienne est - comme le dit saint Paul - " le souci de toutes les Eglises " (2Co 11,28). Pour tout missionnaire, " la fidélité au Christ est inséparable de la fidélité à son Eglise "(173).
173 CONC. CUM. VAT. II, Décret sur le ministère et la vie des prêtres Presbyterorum ordinis, PO 14
90 L'appel à la mission découle par nature de l'appel à la sainteté. Tout missionnaire n'est authentiquement missionnaire que s'il s'engage sur la voie de la sainteté: " La sainteté est un fondement essentiel et une condition absolument irremplaçable pour l'accomplissement de la mission de salut de l'Eglise "(174).
174 Exhort. ap. post-synodale Christifideles laica; CL 17: I.c., p. 419.
La vocation universelle à la sainteté est étroitement liée à la vocation universelle à la mission: tout fidèle est appelé à la sainteté et à la mission. Ainsi, le Concile souhaitait ardemment, " en annonçant à toutes les créatures la bonne nouvelle de l'Evangile, répandre sur tous les hommes la clarté du Christ qui resplendit sur le visage de l'Eglise "(175). La spiritualité missionnaire de l'Eglise est un chemin vers la sainteté.
L'élan renouvelé vers la mission ad gentes demande de saints missionnaires. Il ne suffit pas de renouveler les méthodes pastorales, ni de mieux organiser et de mieux coordonner les forces de l'Eglise, ni d'explorer avec plus d'acuité les fondements bibliques et théologiques de la foi: il faut susciter un nouvel " élan de sainteté " chez les missionnaires et dans toute la communauté chrétienne, en particulier chez ceux qui sont les plus proches collaborateurs des missionnaires(176).
175 Const. dogm. sur l'Eglise Lumen gentium, LG 1
176 Cf. Discours à l'Assemblée du CELAM à Port-au-Prince, 9 mars 1983: AAS 75 (1983), pp. 771-779; Homélie pour l'ouverture de la "neuvaine d'années" promue par le CELAM à Saint-Domingue, 12 octobre 1984: Insegnamenti VII/2 (1984), pp. 885-897.
Rappelons-nous, chers Frères et Soeurs, l'élan missionnaire des premières communautés chrétiennes. Malgré la pauvreté des moyens de transport et de communication d'alors, l'annonce de l'Evangile a atteint en peu de temps les limites du monde. Et il s'agissait de la religion d'un Homme mort en croix, " scandale pour les Juifs et folie pour les païens " ( 1Co 1,23)! A la base de ce dynamisme missionnaire, il y avait la sainteté des premiers chrétiens et des premières communautés.
91 C'est pourquoi je m'adresse aux baptisés des jeunes communautés et des jeunes Eglises. C'est vous qui êtes, aujourd'hui, l'espérance de notre Eglise, qui a deux mille ans: étant jeunes dans la foi, vous devez être comme les premiers chrétiens et rayonner l'enthousiasme et le courage, en vous donnant généreusement à Dieu et au prochain; en un mot, vous devez vous mettre sur la voie de la sainteté. Ce n'est qu'ainsi que vous pouvez être des signes de Dieu dans le monde, et revivre dans vos pays l'épopée missionnaire de l'Eglise primitive. Vous serez aussi des ferments d'esprit missionnaire pour les Eglises plus anciennes.
Que les missionnaires, de leur côté, réfléchissent sur le devoir de la sainteté que le don de la vocation leur demande, en se renouvelant de jour en jour par une transformation spirituelle et en mettant à jour continuellement leur formation doctrinale et pastorale. Le missionnaire doit être " un contemplatif en action ". La réponse aux problèmes, il la trouve à la lumière de la parole divine et dans la prière personnelle et communautaire. Le contact avec les représentants des traditions spirituelles non chrétiennes, en particulier celles de l'Asie, m'a confirmé que l'avenir de la mission dépend en grande partie de la contemplation. Le missionnaire, s'il n'est pas un contemplatif, ne peut annoncer le Christ d'une manière crédible; il est témoin de l'expérience de Dieu et doit pouvoir dire comme les Apôtres: " Ce que nous avons contemplé..., le Verbe de vie..., nous vous l'annonçons " ( 1Jn 1,1-3).
Le missionnaire est l'homme des Béatitudes. Avant de les envoyer évangéliser, Jésus instruit les Douze en leur montrant les voies de la mission: pauvreté, douceur, acceptation des souffrances et des persécutions , désir de justice et de paix, charité, c'est-à-dire précisément les Béatitudes, réalisées dans la vie apostolique (cf. Mt 5,1-12). En vivant les Béatitudes, le missionnaire expérimente et montre concrètement que le Règne de Dieu est déjà venu et qu'il l'a déjà accueilli. La caractéristique de toute vie missionnaire authentique est la joie intérieure qui vient de la foi. Dans un monde angoissé et oppressé par tant de problèmes, qui est porté au pessimisme, celui qui annonce la Bonne Nouvelle doit être un homme qui a trouvé dans le Christ la véritable espérance.
1990 Redemptoris Missio 74