1991 Vivre et célébrer la réconciliation
1. Dieu le Père a manifesté sa miséricorde en son Fils Jésus: en lui et par lui, il a voulu tout réconcilier en faisant la paix par le sang de sa croix (cf. 2Co 5,18 s; Col 1,20). Le Fils de Dieu, devenu homme a vécu parmi les hommes pour les délivrer de l'esclavage du péché (In 8, 34-36), et les appeler des ténèbres à la lumière (1P 2,9). C'est pourquoi il a commencé sa mission en proclamant la pénitence et en disant: " Convertissez-vous (faites pénitence) et croyez à la Bonne Nouvelle " (Mc 1,15).
Déjà les prophètes avaient fait retentir cette invitation à la pénitence tout au long de l'histoire d'Israël. Jérémie et Ézéchiel annonçaient une nouvelle Alliance ou Dieu prendrait l'initiative d'inscrire sa Loi au coeur même de l'homme. Jean-Baptiste préparant l'avènement du Règne de Dieu vint proclamer un baptême de pénitence pour le pardon des péchés (Mc 1, 4). Jésus ne s'est pas contenté d'exhorter les hommes à la pénitence pour qu'ils abandonnent le péché et se tournent vers Dieu de tout leur coeur (Lc 15); il a accueilli les pécheurs pour les réconcilier avec le Père. En outre, il a guéri les malades pour signifier son pouvoir de remettre les péchés (Lc 5 Lc 20,27-32 Mt 9,2-8). Enfin, il est mort lui-même pour nos péchés, et il est ressuscité pour nous rendre justes (Rm 4,25). C'est pourquoi, la nuit où il était livré commençant la Passion qui nous donne le salut, il a institué le sacrifice de la Nouvelle Alliance en son sang, pour la rémission des péchés (Mt 26,28). Après sa résurrection, Jésus a envoyé l'Esprit Saint sur les Apôtres pour qu'ils aient le pouvoir de remettre les péchés (Jn 20,19-23) et qu'ils reçoivent la charge de proclamer, en son nom, la pénitence et le pardon des péchés à toutes les nations (Lc 24,47).
Le Seigneur avait dit à Pierre: " Je te donnerai les clés du Royaume des cieux: tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux " (Mt 16,19). C'est donc en obéissant au commandement du Seigneur que, le jour de la Pentecôte, Pierre proclama le pardon des péchés par le baptême: " Faites pénitence... et que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus Christ, pour le pardon de vos péchés " (Ac 2,38 Ac 3,19 Ac 26 Ac 17,30). Jamais, dans la suite, l'Église n'a omis d'appeler les hommes à la conversion et de manifester, en célébrant la pénitence, la victoire du Christ sur le péché.
2. Cette victoire sur le péché éclate d'abord dans le baptême, où l'homme ancien est crucifié avec le Christ pour que soit détruit ce corps de péché et que nous ne soyons plus au service du péché mais que, ressuscitant avec le Christ, nous vivions désormais pour Dieu (Rm 6,4-10). C'est pourquoi l'Église confesse sa foi en " un seul baptême pour la rémission des péchés ".
Dans l'Eucharistie est rendue présente la passion du Christ qui nous sauve; Jésus nous donne de pouvoir offrir, avec lui, son corps livré pour nous et son sang répandu en rémission des péchés. L'Église a toujours affirmé que l'Eucharistie elle-même était sacrement du pardon et de la réconciliation en Jésus Christ: " Sacrifice qui nous réconcilie " , pour que " nous soyons rassemblés en un seul corps " par son Esprit Saint .
Mais en outre, notre Sauveur Jésus Christ, lorsqu'il a donné à ses Apôtres et à leurs successeurs le pouvoir de remettre les péchés, a institué dans son Église le sacrement de pénitence pour que les chrétiens qui tombent dans le péché après leur baptême soient réconciliés avec Dieu par une grâce renouvelée . Car selon l'expression de saint Ambroise, l'Église a " l'eau et les larmes; l'eau du baptême, les larmes de la pénitence " .
3. La Parole de Dieu révèle en même temps la dignité insoupçonnée de l'homme et la profondeur insoupçonnée du mal. Parole prophétique de l'Ancien testament, parole décisive en Jésus Christ (cf. Jn 8,31-55). Dans la vie, la mort et la résurrection du Christ, Dieu se révèle de façon plénière comme le Dieu vivant qui aime tous les hommes et les invite à aimer.
En prenant conscience de la relation de toute leur vie au Dieu vivant les hommes peuvent reconnaître comme " péché " leurs fautes morales. Ils s'efforcent de changer dans leur existence tout ce qui les détourne de Dieu et de leurs frères.
L'appel de la Bonne Nouvelle rejoint les hommes en ce qu'ils ont de meilleur. A chacun de se mettre en marche pour entrer dans cette espérance (cf. les rencontres de Jésus avec Zachée, Madeleine, Matthieu, etc.). Ainsi se réalise là parole du Christ: " Je suis venu pour qu'ils aient la vie et qu'ils l'aient en abondance. " (Jn 10,10).
4. Les évangiles rapportent abondamment les façons dont Jésus se comporte avec les pécheurs. C'est lui qui fait le premier pas et se rend proche de tous. Il aborde ceux qui sont rejetés par leur entourage (Lc 19,2 ss.); il mange avec eux (Lc 15,2). Ceux qui sont " mal-aimés " et " mal-aimant " découvrent ainsi qu'ils ont du prix aux yeux de Dieu. Alors, sachant qu'ils sont " bien-aimés " de Dieu (saint Jean) ils apprennent du Christ à s'aimer eux-mêmes et à s'aimer les uns les autres.
5. Chacun de ces mots peut, d'une certaine façon, être utilisé pour désigner la réalité en cause; mais il faut cependant noter qu'aucun, à lui seul, ne peut l'exprimer de façon adéquate.
Pénitence exprime l'ensemble des actes de l'homme par lesquels ce changement d'orientation s'opère et fructifie tout au long de la vie.
Réconciliation désigne surtout le but, et le résultat de tout le processus: l'amitié renouée entre Dieu et l'homme.
Parler seulement de conversion ou de pénitence risque de centrer l'attention uniquement sur les efforts de l'homme. A l'inverse, parler seulement de pardon risque de conduire à ne voir que le don de Dieu, en omettant ce qui relève de la démarche de l'homme.
Enfin, parler de réconciliation seulement, c'est affirmer trop vite comme une chose acquise ce qui ne se réalise qu'au terme du processus. Pour être réconciliés, il ne suffit pas que Dieu veuille pardonner le pécheur; il ne suffit pas que le pécheur regrette ce qu'il a fait; il faut que pardon et repentir se rejoignent.
6. Le Christ a aimé son Église et s'est livré pour elle afin de la rendre sainte (Ep 5,25-26); il l'a unie à lui comme son Épouse (Ap 19,7); il la comble de ses dons, elle qui est son Corps et sa plénitude (Ep 1,22-23); par elle, il offre à tous les richesses de sa grâce (Ep 3,10).
Cependant, tandis que le Christ, " saint, innocent, sans tache " (He 7,26) n'a pas connu le péché (2Co 5,21), l'Église, elle, est à la fois sainte et appelée à se purifier, elle poursuit constamment son effort de pénitence et de renouvellement . C'est ainsi qu'elle témoigne de la sainteté de Dieu à l'oeuvre au coeur du monde.
L'Église, en écoutant et proclamant la Parole de Dieu, reconnaît ce que le péché dégrade dans le monde; elle contribue ainsi à ouvrir les yeux des hommes sur les besoins de transformation personnels et collectifs, dans ce monde marqué par l'injustice. Elle reconnaît aussi, grâce à cette Parole, qu'elle a elle-même sans cesse à se convertir.
7. Le péché est une offense à Dieu, qui brise l'amitié avec lui; la pénitence " vise finalement à ce que nous aimions Dieu et mettions absolument notre confiance en lui " . Le pécheur qui, par la grâce de Dieu s'engage dans la voie de la pénitence, revient donc au Père qui nous a aimés le premier (1Jn 4,10), au Christ qui s'est livré pour nous (Ga 2,20; Ep 5,25) et à l'Esprit Saint qui a été répandu abondamment en nous (Tt 3,6).
" Par un mystérieux dessein de la bonté de Dieu, les hommes sont unis entre eux par un lien surnaturel, en vertu duquel le péché de l'un nuit également aux autres, de même que la sainteté de l'un profite également aux autres. " C'est ainsi que la pénitence comporte aussi la réconciliation avec les frères auxquels le péché nuit.
Les chrétiens sont pris, tout comme les autres hommes, dans des situations d'injustice; par leurs propres péchés, ils contribuent parfois à les aggraver. Mais, en prenant le chemin de la conversion, ils manifestent que le pardon de Dieu appelle à une démarche de réconciliation, de chacun avec lui-même et avec ses frères.
8. Le peuple de Dieu exerce et accomplit cette pénitence continuelle sous des modes nombreux et variés. En communiant par sa patience aux souffrances du Christ (1P 4,13), en accomplissant des oeuvres de miséricorde et de charité (1P 4,8), en se convertissant chaque jour davantage selon l'Évangile du Christ, il devient dans le monde le signe de la conversion à Dieu. Cela, l'Église l'exprime par sa vie et le célèbre dans sa liturgie, lorsque les chrétiens assemblés se reconnaissent pécheurs, implorent le pardon de Dieu et de leurs frères, comme on le fait dans les célébrations pénitentielles, dans la proclamation de la Parole de Dieu, dans la prière, dans les éléments pénitentiels de la célébration eucharistique .
Les chrétiens sont invités, personnellement et solidairement, à répondre aux appels de l'Évangile. Citons par exemple:
- le pardon mutuel dans les formes les plus diverses;
- le partage, avec les différentes formes d'entraide, ainsi que tout effort pour sortir de son égoïsme;
- le refus de l'injustice et la lutte pour une plus grande justice dans nos rapports interpersonnels et sociaux;
- l'engagement apostolique qui suppose l'esprit de service et de don de soi;
- la prière, signe d'espérance en l'avenir que Dieu nous ouvre, par-delà nos ruptures et nos affrontements.
Tous ces actes impliquent un engagement personnel des chrétiens. Mais la conversion et la réconciliation que l'Église est appelée à vivre sont plus que la somme des conversions individuelles. C'est l'Église, comme corps, qui est provoquée à changer de visage et de comportement, dans un certain nombre de situations où sont en cause les comportements collectifs des chrétiens. L'Église, en effet, n'échappe pas à la lourdeur qui marque les réactions des groupes sociaux humains: réactions de repli sur soi, réactions d'exclusion des faibles et des marginaux. Or l'appel de l'Évangile est contredit chaque fois que l'on se ferme aux pauvres, aux délaissés .
Ceux qui s'approchent du sacrement de pénitence reçoivent de la miséricorde de Dieu le pardon des offenses qu'ils lui ont faites; en même temps ils se réconcilient avec l'Église que leur péché a blessée et qui coopère à leur conversion par la charité, l'exemple et la prière .
9. Tout au long de son histoire l'Église a eu conscience d'avoir à recevoir et à célébrer dans les sacrements le don toujours renouvelé que Dieu lui fait du pardon et de la réconciliation.
Tous les sacrements sont, de quelques manières, signes de la rencontre de Dieu et de l'homme pécheur, en Jésus Christ. Ils manifestent l'initiative d'amour du Père, à laquelle répondent la foi et l'engagement de l'homme. Ils réalisent la communion à la vie même de Dieu, dans le dynamisme de l'Esprit qui procède du Père et du Fils.
Mais chaque sacrement met plus particulièrement en relief tel ou tel aspect de ce mystère qui dépasse tout signe et tout discours.
10. Dans l'Église, le premier signe du pardon du péché est le baptême. Nous l'affirmons dans le Credo: " Je reconnais un seul baptême pour le pardon des péchés. " Mais la vie de l'Église a conduit à reconnaître que, si tout était engagé au baptême, tout n'était pas gagné pour autant. Les baptisés peuvent encore pécher, ils ont besoin d'être réconciliés et c'est alors qu'intervient le sacrement de pénitence. Il ne fait pas double emploi avec le baptême; il en constitue comme un déploiement tout au long de notre existence encore marquée par des ruptures, ou des replis sur soi, mais appelée à de nouveaux départs.
11. L'Eucharistie est " action de grâce ", c'est-à-dire, non seulement remerciement, pour le don qui vient de Dieu; mais entrée dans cette réconciliation qui nous est proposée. Rendre grâce c'est reconnaître que tout vient de Dieu - tout est " grâce " - et, dans le même mouvement, " tourner vers Dieu " tout ce que nous sommes; c'est, à la suite du Christ, rendre à Dieu ce qui est à Dieu.
Pas de véritable eucharistie sans conversion pour que le don de Dieu porte ses fruits en nous. Si l'amour du Père prend les devants, en accordant le pardon, il importe que ceux qui accueillent ce don gratuit se reconnaissent pécheurs pardonnés et manifestent leur repentir. Cette reconnaissance de notre situation de pécheurs pardonnés, invités à la communion, est la condition pour accueillir en vérité le pardon de Dieu dans l'Eucharistie.
Cette démarche pénitentielle est présente dans l'Eucharistie. Cependant l'Église reconnaît la nécessité d'un signe sacramentel spécifique pour la réconciliation des pécheurs (cf. Mt 18, 18 ss.).
12. La conversion chrétienne ne se limite pas à un domaine restreint des activités humaines. L'existence entière du croyant est engagée dans la réponse à la Bonne nouvelle. C'est dans la vie quotidienne (voir, plus haut, n. 6, 7 et 8 ) que s'effectuent les conversions, les réconciliations, fruits de l'Évangile.
Au coeur des efforts de rectitude morale, d'engagement, de réconciliation humaine, le sacrement vient manifester que l'initiative de la conversion et de la réconciliation vient de Dieu et non pas de l'homme.
Le sacrement part de ce que nous vivons, pour nous révéler ce que Dieu nous propose. Il ne vient pas seulement signifier ce que Dieu a déjà fait, mais il crée réellement une situation nouvelle. En effet, lorsque le prêtre dit " Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, je vous pardonne tous vos péchés ", cette parole crée une relation nouvelle entre Dieu et celui qui reçoit ainsi le pardon. Relation nouvelle également avec ses frères.
13. La réconciliation entre Dieu et les hommes s'est réalisée dans la vie, la mort et la résurrection du Christ; elle porte ses fruits dans l'Église, appelée à en vivre et à en témoigner. Le sacrement invite à reconnaître qu'il ne s'agit pas seulement d'une réconciliation du pénitent avec Dieu, mais du rassemblement de tous dans l'unité, pour lequel le Christ est mort et ressuscité .
Le péché, parce qu'il est de quelque façon repli sur soi, refus de l'autre, contredit cette unité. Pour sortir en vérité de cette situation, tout homme en se reconnaissant pécheur, est invité à rejoindre ceux que le Seigneur rassemble dans son Église. L'assemblée liturgique en est le signe: y venir c'est accepter d'être rassemblés dans le Christ, dans l'Église. Le fait même d'aller à l'église-bâtiment pour célébrer le sacrement s'enracine dans cette conviction: c'est le lieu où les chrétiens se rassemblent au nom du Christ.
14. Le disciple du Christ, qui après avoir péché, recourt au sacrement sous la motion du Saint-Esprit doit, avant tout, se tourner vers Dieu de tout son coeur. Cette conversion intérieure, qui implique la contrition pour le péché et la résolution de mener une vie nouvelle, s'exprime par la confession faite à l'Église, la satisfaction requise et l'amendement de la vie. Et Dieu accorde la rémission des péchés par l'Église, qui est à l'oeuvre dans le ministère des prêtres .
15. Parmi les actes du pénitent, la première place revient à la contrition, qui est le regret du péché commis (animi dolor ac detestatio de peccato commisso, suivant l'expression du Concile de Trente) avec la résolution de ne plus pécher. En effet, nous ne pouvons accéder au Royaume du Christ que par la metanoia, c'est-à-dire le changement intérieur de l'homme tout entier selon lequel il se met à évaluer, à juger et à régler sa vie en étant touché par la sainteté et la charité de Dieu qui aux derniers temps se sont manifestées dans son Fils et nous ont été pleinement accordées (cf. He 1,2 Col 1,19 et passim; Ep 1,23 et passim ). C'est donc de cette contrition intérieure que dépend la vérité de la pénitence. Car la conversion de l'homme doit l'affecter intérieurement pour l'éclairer plus profondément chaque jour et le transformer de plus en plus à l'image du Christ.
La confession des fautes fait partie du sacrement de pénitence. Elle naît de la connaissance de soi-même devant Dieu et de la contrition des péchés. C'est dans la foi au Dieu qui pardonne que le croyant examine sa conscience et reconnaît sa faute. Par la confession, le pénitent " ouvre son coeur " au ministre; celui-ci exerce un " jugement spirituel " au nom du Christ (in persona Christi), en vertu du " pouvoir des clés " qui lui a été donné pour remettre ou retenir les péchés .
La vraie conversion s'accomplit par la " satisfaction pour les péchés ", le changement de vie et la réparation des dommages causés . Le genre et l'ampleur de la satisfaction seront adaptés à chaque pénitent. Elle doit, en effet, être pour lui remède pour sortir du péché et renouveler sa vie. C'est ainsi que le pénitent, " oubliant ce qui est derrière lui " (Ph 3, 13) s'insère à nouveau dans le mystère du salut et s'élance vers l'avenir.
Au pécheur qui manifeste sa conversion au ministre de l'Église, Dieu accorde son pardon par le signe de l'absolution: ainsi le sacrement de pénitence trouve son accomplissement. En effet, la bienveillance de Dieu notre Sauveur est apparue aux hommes de façon visible (Tt 3,4-5) et c'est par des signes que Dieu a scellé son Alliance et la renouvelle lorsqu'elle a été rompue. Par le sacrement de pénitence, le Père accueille son fils qui revient vers lui, le Christ prend sur ses épaules la brebis égarée, l'Esprit Saint sanctifie de nouveau son temple ou y habite plus pleinement; enfin tout cela se manifeste par une participation renouvelée ou plus fervente à la table du Seigneur, où, parce que le fils revient de loin, il y a grande joie au banquet de l'Église de Dieu (Lc 15,7 Lc 10,32).
16. Du point de vue des formes de la pratique pénitentielle on peut distinguer quatre éléments qui apparaissent tout au long de l'histoire comme constitutif de la démarche chrétienne de réconciliation:
- S'accueillir mutuellement, comme le Christ a accueilli les pécheurs.
- Écouter la Parole de Dieu qui annonce la réconciliation en même temps qu'elle invite à la conversion, à la pénitence. Par l'écoute de la Parole, naît et se développe la contrition dont dépend la vérité de la pénitence.
- " Confesser " l'amour de Dieu en même temps que notre péché. Cette confession ne saurait se réduire à la seule accusation des péchés. Selon la tradition la plus ancienne de l'Église, cet acte intègre dans une même démarche confession de foi, confession des péchés et action de grâce. Pénitent et ministre confessent ensemble l'amour de Dieu à l'oeuvre en ceux qui reviennent à lui.
- Accueillir le pardon de Dieu pour en être les témoins. Dans cet acte sont engagés le ministre qui donne l'absolution et le pénitent qui manifestera dans sa vie les fruits du pardon.
17. Les expressions pénitentielles dans la vie de l'Église dépendent à la fois de la situation personnelle de chaque chrétien et des différents types de rassemblement qui existent dans l'Église.
Chacune de ces formes a sa valeur propre. Elles sont des expressions complémentaires d'une même réalité qu'aucune forme, à elle seule, ne peut prétendre épuiser dans sa totalité. Elles peuvent permettre une mise en valeur des différents aspects de la pénitence et manifestent ainsi la diversité de la vie ecclésiale. Le sacrement en constitue le sommet et comme la clé de voûte.
Pour produire pleinement ses fruits de conversion, le sacrement doit pouvoir s'appuyer sur les différentes pratiques pénitentielles et se prolonger en elles. Il doit aussi, dans sa forme de célébration, être adapté à la diversité des situations.
18. Autant il y a de types de rassemblement des chrétiens (groupes de mouvements chrétiens, communautés religieuses, paroisses, rassemblement exceptionnels comme les pèlerinages, etc.) autant de lieux et de temps privilégiés pour ces rassemblements, autant de formes différentes pour exprimer la conversion: révision de vie, célébrations pénitentielles pendant l'Avent ou le Carême, pèlerinages, etc.
Il revient aux responsables des communautés de veiller à ce que la vie pénitentielle trouve à s'exprimer et à se célébrer. Il est souhaitable que, dans toute communauté, on établisse un certain rythme dans les propositions faites aux chrétiens. Par exemple, aux temps forts de l'année liturgique - Avent et Carême -, mais aussi pour les grandes fêtes.
19. Lorsque l'on a péché gravement, le recours au sacrement est nécessaire pour être réconcilié avec Dieu et avec l'Église. Aussi ceux qui se sont écartés de la communion à l'amour de Dieu sont rappelés par le sacrement de Pénitence à la vie qu'ils avaient perdue. C'est pourquoi le chrétien confessera au prêtre tous et chacun des péchés graves dont il a souvenir après avoir examiné sa conscience .
A certains moments importants de l'existence, où des décisions qui engagent toute la vie sont à prendre (mariage, engagement dans la vie religieuse, ordination, etc.), les chrétiens peuvent être également invités à trouver dans la célébration du sacrement les lumières et les forces nécessaires pour reconnaître les appels du Seigneur et y répondre.
Quant à ceux qui font l'expérience quotidienne de leur fragilité, ils renouvellent leurs forces en célébrant le sacrement, même pour des fautes légères. Le recours au sacrement, même pour les péchés véniels, est très utile. Ce n'est pas une pure répétition rituelle ni un exercice de psychologie, mais une recherche assidue pour que la grâce du baptême porte ses fruits. Participant aux souffrances du Christ, nous désirons en effet que sa vie soit manifestée de plus en plus en nous (cf. 2Co 4,10).
Dans les confessions de ce genre, les pénitents, en s'accusant de fautes vénielles, doivent se soucier avant tout de ressembler plus profondément au Christ et d'obéir plus attentivement aux appels de l'Esprit.
Mais, pour que ce sacrement développe réellement toute son efficacité, il est nécessaire qu'il s'enracine dans toute la vie des chrétiens et les entraîne à servir Dieu et leurs frères avec plus de ferveur.
La célébration de ce sacrement est donc toujours un acte par lequel l'Église proclame sa foi, rend grâce à Dieu pour la liberté en vue de laquelle le Christ nous a libéré (Ga 4,31) et offre sa vie comme un sacrifice spirituel pour louer la gloire de Dieu tandis qu'elle s'avance à la rencontre du Christ.
20. L'Église entière, en tant que peuple sacerdotal, agit de façon diversifiée en exerçant l'oeuvre de réconciliation (Mt 18,18 Jn 20,23) qui lui a été confiée par Dieu. Car non seulement elle invite à la pénitence par la proclamation de la parole de Dieu, mais encore elle intercède pour les pécheurs.
Invités à manifester et à vivre la communion que crée entre eux l'Esprit Saint les chrétiens sont conduits à la reconnaissance commune de ce qui les divise; ils sont appelés à une conversion à faire ensemble, ainsi qu'à une démarche de réconciliation entre eux.
Par les différentes formes d'accueil mutuel, aussi bien de la part des ministres que de l'ensemble des chrétiens, ils peuvent s'aider les uns les autres à rompre l'isolement et à se reconnaître appelés à la conversion. En écoutant la Parole qui proclame la miséricorde de Dieu, ils sont conduits à confronter leur vie à cette parole et à découvrir les appels de l'Évangile. Par la prière ils s'entraident à confesser l'amour de Dieu qui sauve du péché. Lorsque les ministres du sacrement pardonnent au nom de Dieu, ils exercent leur fonction au coeur même d'une action de l'Église dont ils sont les serviteurs.
21. a) L'Église exerce le ministère du sacrement de pénitence par l'évêque et les prêtres. En proclamant la Parole de Dieu, ils invitent les fidèles à la conversion et leur annoncent le pardon des péchés et ils réalisent ce pardon au nom du Christ et par la force du Saint-Esprit.
Dans l'accomplissement de ce ministère, les prêtres agissent en communion avec l'évêque, participent à son pouvoir et à sa fonction, en tant que responsable de la discipline pénitentielle .
b) Le ministre compétent du sacrement de pénitence est le prêtre ayant, conformément aux canons 967-975, la faculté d'absoudre. Cependant tous les prêtres, même ceux qui ne sont pas approuvés pour recevoir les confessions, absolvent validement et licitement tous les pénitents en danger de mort.
22. a) Le ministre du sacrement est serviteur du pardon de Dieu tel qu'il s'exerce par l'Église. Suivant la doctrine traditionnelle, que le Concile de Trente prend à son compte, son ministère s'apparente autant à celui d'un " médecin des âmes ", qu'à celui d'un " juge " . Pour accomplir fidèlement et correctement son rôle, il doit acquérir les connaissances et la prudence nécessaires par une étude continue. Il le fera aussi en demandant, par la prière, la grâce de discernements des esprits qui est un don du Saint-Esprit et un fruit de la charité (Ph 1,9-10).
b) Le confesseur doit toujours se montrer prêt à recevoir les pénitents, chaque fois que ceux-ci le demandent raisonnablement .
c) En les accueillant, et en les aidant à faire la lumière, il leur révèle l'amour du Père. En même temps, il est pour ses frères visage du Christ venu pour les pécheurs. Il se souviendra toujours que ce ministère lui a été confié par le Christ, qui est présent par sa puissance dans le sacrement .
d) C'est à titre de ministre du Christ qu'il connaît les secrets de conscience de ses frères. Il est donc tenu, de par sa fonction, à garder inviolablement le secret sacramentel.
23. Le rôle que le pénitent lui-même tient dans le sacrement est de la plus haute importance.
En effet, quand il accède avec les dispositions voulues à ce " remède de salut " institué par le Christ, et confesse ses péchés, il tient un rôle dans le sacrement proprement dit, qui trouve son achèvement dans les paroles prononcées par le ministre au nom du Christ.
Ainsi, le chrétien, lorsqu'il expérimente et proclame dans sa vie la miséricorde de Dieu, célèbre avec le prêtre la liturgie de l'Église qui se renouvelle continuellement.
24. On se reportera aux notes pastorales détaillées en marge de chaque rituel. Voir ci-dessous pages 30 et 48.
25. En ce qui concerne les vêtements liturgiques pour la célébration de la Pénitence, on observera les règles fixées par les Ordinaires des lieux.
26. La réconciliation individuelle permet, de manière irremplaçable, de manifester que le pardon rejoint chacun en ce qu'il a de plus personnel. Dans cette forme de célébration, la Parole de Dieu est présente, désormais comme dans les autres formes, mais elle peut être proposée de façon adaptée à chaque cas.
Par ailleurs, le dialogue entre le pénitent et le ministre permet de préciser les signes de conversion et de pénitence qui conviennent à la situation de ceux qui reçoivent ainsi le pardon de Dieu.
27. Le prêtre et le pénitent se prépareront à célébrer le sacrement avant tout par la prière. Le prêtre invoquera l'Esprit Saint pour recevoir de lui lumière amour; quant au pénitent, il confrontera sa vie avec l'exemple et les commandements du Christ, et il implorera Dieu pour la rémission de ses péchés.
28. Le prêtre accueillera le pénitent avec la charité d'un frère, s'il en est besoin, le saluera avec des paroles bienveillantes. Ensuite le pénitent fera le signe de la croix, que le prêtre peut faire avec lui. Puis le prêtre, par une brève formule, invitera le pénitent à la confiance en Dieu. Si le ministre ne connaît pas le pénitent, celui-ci lui donnera les renseignements utiles sur sa situation, lui indiquera l'époque de sa dernière confession, les difficultés qu'il éprouve à mener une vie chrétienne, et tout ce qui est utile pour que le prêtre puisse exercer son ministère.
29. Alors le prêtre, ou le pénitent lui-même, lit un texte adapté tiré de la Sainte Écriture, ce qui peut se faire aussi dans la préparation à la célébration proprement dite du sacrement. En effet, la parole de Dieu éclaire le croyant pour lui faire discerner ses péchés, l'invite à la conversion et à la confiance en la miséricorde divine.
30. Ensuite le pénitent confesse ses péchés, en commençant, là où c'est l'usage, par la formule de la confession générale: " je confesse à Dieu... "
Le prêtre, s'il en est besoin, aidera le pénitent à faire une confession complète, il l'exhortera en outre à regretter sincèrement ses offenses envers Dieu; enfin il lui donnera des conseils adaptés pour commencer une vie nouvelle et, si c'est nécessaire, il lui rappellera les exigences de la vie chrétienne.
Si le pénitent a causé du dommage ou du scandale, il l'amènera à la résolution de réparer comme il le doit.
Ensuite le prêtre donne au pénitent une satisfaction, qui ne doit pas être seulement une compensation pour le passé, mais encore une aide pour renouveler sa vie et un remède à sa faiblesse; c'est pourquoi elle doit correspondre, autant que possible, à la gravité et à la nature de ses péchés. Cette satisfaction peut s'exercer selon les cas par la prière, le renoncement à soi-même, mais surtout par le service du prochain et les oeuvres de miséricorde, ce qui met en lumière que le péché et sa rémission comportent un aspect social.
31. Après cela, le pénitent manifeste sa contrition et sa résolution de mener une vie nouvelle par une prière où il implore le pardon de Dieu notre Père. Il est bon d'employer une prière formée de paroles tirées de la Sainte Écriture.
Le prêtre, après la prière du pénitent, en étendant les mains, ou au moins la main droite, au-dessus de la tête du pénitent, prononce la formule d'absolution, et pendant qu'il en prononce les dernières paroles, il fait le signe de la croix sur le pénitent.
La formule d'absolution indique que la réconciliation du pénitent provient de la miséricorde de Dieu; elle montre le lien entre la réconciliation du pécheur et le mystère pascal du Christ, elle met en relief le rôle de l'Esprit Saint dans la rémission des péchés; elle met en lumière l'aspect ecclésial du sacrement, du fait que la réconciliation avec Dieu est demandée et accordée par le ministère de l'Église.
1991 Vivre et célébrer la réconciliation